Texte intégral
Il y a quinze mois que la gauche gouverne notre pays. Au lendemain de la présentation du projet de loi de finances pour le 1999, il convient de faire le bilan de la gestion socialiste.
Trois constats s'imposent.
La croissance retrouvée offrait l'opportunité d'engager des réformes essentielles et de réduire significativement les prélèvements obligatoires, les déficits et la dette publique de la France. Cette occasion a été manquée.
Dans un contexte pourtant favorable, les résultats obtenus en termes de chômage, de finances publiques et de comptes sociaux sont décevants au regard des performances réalisées par nos principaux partenaires.
Surtout, les orientations retenues par le gouvernement socialiste sont dangereuses. Elles conduisent à accroître le poids de l'État dans l'économie et introduisent davantage de rigidité dans le fonctionnement de notre société. Elles pénalisent particulièrement les classes moyennes et les familles.
1. L'occasion manquée
La France bénéficie actuellement de sa plus forte croissance depuis dix ans. Ce cycle est en lui-même une donnée exogène, et correspond au regain d'activité de l'ensemble de l'Europe continentale.
Comme il y a dix ans, lorsque Lionel Jospin était ministre de l'Education nationale, les socialistes utilisent les fruits de la croissance en dépensant plus, les préoccupations électoralistes primant sur la discipline budgétaire ou encore la nécessaire réduction des prélèvements obligatoires.
Le projet de loi de finances pour 1999 ne traduit qu'une seule ambition, satisfaire chaque composante de la majorité « plurielle » : à l'un la progression de la fiscalité sur le patrimoine, à l'autre l'alourdissement de la taxation du gazole.
Or cette croissance économique soutenue, qui apportera 65 milliards de recettes supplémentaires à l'État en 1999, était une chance pour entreprendre dans les meilleures conditions des réformes indispensables.
C'est le cas du financement futur des retraites, et particulièrement des régimes spéciaux. Il en va, à terme, de la solvabilité de l'État français et de la survie du mécanisme de répartition.
C'est aussi vrai de l'assurance-maladie, dont la pérennité financière nécessite les efforts dessinés dans le plan Juppé tant décrié par les socialistes. A présent, ceux-ci peinent à satisfaire leur objectif d'un déficit du régime général annoncé à 13 milliards pour la fin de l'année, devant recourir à des ponctions financières d'urgence, brutales pour les professions de santé concernées et qui ne corrigent aucune faiblesse structurelle.
Les budgets 1998 et 1999 devaient enfin permettre un allégement fiscal conséquent. Au lieu de cela, en deux ans, le gouvernement aura augmenté les impôts de près de 70 milliards. Pour l'année prochaine, aucune réforme significative n'est envisagée, la plupart des mesures du projet de loi de finances se résumant à des transferts de charges pour donner l'illusion d'allégements qui n'existent pas.
2. Des résultats décevants
Une croissance soutenue permet naturellement l'évolution favorable de certains indicateurs économiques et sociaux. Cela s'observe toujours et partout. Mais il n'est possible de s'en satisfaire que si les performances obtenues ne se réduisent pas à une composante conjoncturelle. C'est à cette seule condition qu'il s'agira de résultats concrets et durables, pas seulement d'apparences.
Au regard des comparaisons internationales et de ce qui pouvait être espéré du cycle économique actuel, le bilan de l'action gouvernementale est décevant.
L'assainissement des finances publiques entrepris de 1993 à 1997 est interrompu. La France sera ainsi le plus mauvais élève de l'Union européenne pour son déficit public, avec un besoin de financement égal à 2,3 % de son PIB en 1999.
Ce relâchement se traduit par une aggravation du déficit structurel en 1998 et en 1999, après quatre années de redressement. Cela signifie qu'avec une croissance correspondant à sa tendance de long terme, le déficit public réel de la France ce serait détérioré ces deux années. Si l'économie française retrouve son sentier naturel de croissance, et a fortiori si celle-ci s'avérait plus faible encore, une dérive des finances publiques serait inéluctable, comme ce fut le cas au début des années 90.
De même, la dette publique de la France progressera plus vite que la richesse nationale en 1998 et en 1999. Elle approchera ainsi le seuil de 60 % du PIB l'année prochaine. Là encore, cette tendance est sans équivalent chez nos partenaires européens.
Enfin, s'agissant de l'enjeu prioritaire qu'est l'emploi, les résultats obtenus en 1998 sont médiocres. Le chômage recule peu, moins vite que dans les économies qui nous sont comparables, comme en témoigne l'exemple allemand.
Encore faut-il ajouter que la situation présente nous apparaît très fragile. Jamais le recours à l'intérim n'a été aussi important qu'aujourd'hui, tandis que la durée moyenne du chômage ne cesse de s'allonger. Surtout, en dépit de la croissance, le chômage serait étale en 1998 sans les créations « d'emplois jeunes ». Les chiffres illustrant une décrue de ce fléau ne reposent ainsi que sur un artifice, le symbole d'une politique des mauvais choix et des calculs de court terme.
3. Des orientations dangereuses
S'il n'est pas tiré profit de la croissance, c'est que le gouvernement ne fait pas preuve de responsabilité dans sa politique économique. Ainsi, les dépenses publiques progresseront sensiblement plus vite que les prix en 1999 (+ 2,3 % en valeur, + 1 % en volume). Cette orientation résulte notamment d'une revalorisation conséquente des traitements de la fonction publique, du programme des emplois jeunes et d'autres dispositifs très coûteux initiés par le gouvernement. Lorsque toutes ces mesures seront dans leur pleine application, elles apparaîtront financièrement insoutenables.
Il faut également souligner que dans la masse globale des dépenses publiques, la part de celles qui sont automatiquement récurrentes croît sensiblement.
Parallèlement, les recettes progressent de 96 milliards (+ 7,2 %), dont une part est liée à des opérations de rebudgétisations. En se plaçant à structure comparable avec l'exercice 1998, cette augmentation avoisine les 65 milliards.
Les recettes fiscales nettes ont une croissance de + 5,9 %, supérieure à celle de la richesse nationale, ce qui accroît d'environ 12 milliards la pression de la fiscalité de l'État, soit 17,3 % du PIB au lieu de 17,1 % en 1998. C'est pourquoi il ne peut être légitime d'évoquer une baisse des impôts en termes réels au sujet du projet de loi de finances pour le 1999.
En renforçant la pression de l'État sur l'économie, le gouvernement ne crée pas un environnement susceptible de tirer profit de la conjoncture actuelle. Le projet de réduction du temps de travail représente à cet égard un facteur d'instabilité juridique et de rigidité économique, provoquant le mécontentement des entreprises et l'inquiétude des salariés.
Les nouvelles dispositions fiscales sont également pénalisantes : la taxe professionnelle est réformée pour favoriser l'emploi, mais son impact sur le coût du travail est très faible, inférieur à 2 %, tandis que les dispositifs d'allégements des charges sur les bas salaires avaient été réduit l'an dernier ; près de 700 000 familles seront lourdement taxées par l'abaissement du plafond du quotient familial ; et les 11 millions de souscripteurs de contrats d'assurance-vie vont faire face à une mesure rétroactive qui entraînera de surcroît une inégalité devant l'imposition de l'épargne.