Interview de M. Jacques Delors, président de la Commission des communautés européennes, dans "Les Échos" le 6 décembre 1994, sur son bilan à la présidence de la Commission depuis 1985, le fédéralisme comme principe organisateur de l'Union européenne élargie et les grandes orientations du prochain Conseil européen à Essen.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil européen à Essen les 9 et 10 décembre 1994

Média : Les Echos

Texte intégral

Les Échos : Qu'est-ce qui marche et qu'est-ce qui ne va pas dans l'Europe ?

J. Delors : Le fait radicalement nouveau est que l'Europe existe aux yeux de tous, avec ses forces et ses faiblesses. Elle affecte la vie des gens et les politiques nationales. Si vous vous reportez au début des années 80, c'était morne plaine, l'Europe vivotait. Ce n'est pas ma pensée propre. Beaucoup d'interlocuteurs me le disent.

Ensuite, on peut entrer dans les détails voire les forces et les faiblesses. Qu'a-t-on construit de la maison ? Que reste-t-il à construire ?

Les Échos : Comment expliquez-vous cette émergence ?

J. Delors : Tout d'abord, il y a la méthode. Avant même mon entrée en fonction, en 1985, j'ai pris des contacts préliminaires, pour scruter les positions des dix pays. Il n'y avait pas encore l'Espagne et le Portugal. Je voulais voir ce qui intéressait les Dix dans la construction européenne, ce qui leur paraissait indispensable. Car sur les grandes décisions, il faut un consensus général. À partir de là, j'ai bâti une stratégie répondant à ce qui paraissait le plus utile, c'est-à-dire la réalisation complète d'un grand marché sans frontières intérieures. Ce n'était pas une idée très originale. Elle était incluse dans le traité de Rome, mais jusqu'à présent on ne l'avait pas fait. Pourquoi ? Il manquait une volonté politique, un déclic. Je l'ai déclenché en proposant un objectif et des moyens. Nous sommes ainsi passés de l'acceptation de l'objectif 92 – cette date, 1992, a fait fortune en termes de communication – aux modalités concrètes de réalisation.

Et il n'y avait que deux solutions : soit pour la mise en œuvre des articles les plus importants du traité, le pays qui n'était pas d'accord s'abstenait, soit on étendait le vote à la majorité qualifiée. Les Dix ont choisi la deuxième solution et cela a conduit à la réalisation de l'Acte unique qui est aujourd'hui trop oublié, car c'est un traité très bien fait. II a permis de poser les fondements de la construction européenne, tels qu'on pouvait l'espérer à l'époque, c'est-à-dire un grand marché accompagné de politiques communes, une sorte de bon équilibre entre compétition, coopération et solidarité. Nous vivons sur les bases de l'Acte unique. À chaque Conseil européen, je présente un état de l'Union qui part des différentes avancées que permet ce traité.

Les Échos : Qu'est-ce qui est séduisant dans l'Europe, mis à part l'Acte unique ?

J. Delors : Nous avons maintenant les fondations pour construire la maison Europe. Le degré d'interdépendance entre nos économies s'est considérablement accru et aujourd'hui, d'ailleurs, les conjoncturistes raisonnent au plan européen.

Oui, il y a eu un effet multiplicateur. Mais le monde a changé plus vite que nous. L'interdépendance que nous avons voulue existe aussi au niveau mondial, niais pour des raisons différentes. Lorsque je me suis aperçu de cette globalisation des problèmes, j'ai démontré aux chefs d'État et de gouvernement, au sommet de Copenhague en juin 1993, que si l'Europe ne changeait pas de vitesse, nous étions condamnés au déclin. D'où le « Livre blanc ». C'est un cadre pour la réflexion et l'action tant au niveau national qu'au niveau communautaire. À tous les esprits chagrins qui n'aiment pas l'Europe intuitivement, je voudrais rappeler que, dans ce « Livre blanc », je ne demande pas des pouvoirs supplémentaires pour l'action européenne. Je propose une analyse des raisons qui font que nous n'avons pas encore gagné la bataille de la compétitivité et de l'emploi. Et aussi les voies et moyens pour gagner cette bataille. En particulier, nous devons compléter cette action par un réseau sanguin de transport et d'énergie qui permette de circuler plus vite et moins cher. C'est ainsi que nous abaisserons les coûts de production et améliorerons notre compétitivité globale.

Les Échos : L'instauration de ce réseau sanguin va être l'un des points clés du sommet d'Essen. N'avez-vous pas, malgré tout, l'impression que votre projet s'étiole ?

J. Delors : Non, pas du tout. Nous avons tenu quarante tables rondes avec les responsables politiques, administratifs et les entreprises intéressées. Pour tous les projets jugés prioritaires par le Conseil européen, la Commission a analysé les obstacles de tous ordres, administratifs, financiers et techniques, qu'il fallait surmonter avant de les mettre en œuvre. Par ce travail discret, nous avons beaucoup progressé ces six derniers mois, et je serai en mesure de confirmer au Conseil européen d'Essen que quatorze projets peuvent être lancés avant la fin de 1996 si l'impulsion nécessaire pour lever les derniers obstacles est maintenue.

La Commission a abattu un travail formidable, d'ailleurs soutenu par l'enthousiasme de beaucoup des responsables des programmes. Ces projets ne sont pas simples. Prenez le tunnel du Brenner, le complexe du TGV dans le nord de l'Europe… Il faut du temps. Mais j'aurais eu au moins le mérite de lancer ce grand chantier. À un moment donné, pour certains projets, il y aura un problème de financement. Je l'ai annoncé à Bruxelles. Et c'est devenu la pomme de discorde. C'est pour cette raison que la Commission a procédé à une approche à la base, projet par projet, de façon à sortir du débat idéologique et à montrer que ces projets pouvaient être réalisés. Nous utiliserons à cette fin des dispositions du traité qui autorisent un coup de pouce par des crédits, soit sous la forme du financement des études préparatoires, soit sous la forme d'une bonification ou de garanties d'emprunts.

Les Échos : Parmi les documents remis avant Essen, il y a l'amélioration des systèmes d'emploi. Qu'est-ce que cela veut dire ?

J. Delors : Cela signifie l'ensemble constitué par le fonctionnement du marché du travail, l'organisation du travail dans les entreprises, les politiques d'éducation et de formation, les systèmes d'indemnisation ou d'incitation. Pour la première fois, nous allons donc proposer des orientations globales valables pour tous les pays ; en dépit de la diversité des situations. Les ministres des Affaires sociales et les ministres des Finances seront chargés chaque année d'examiner la situation. C'est dire l'importance que nous attachons, au-delà de la reprise conjoncturelle de l'activité, à une lutte énergique contre le chômage, sous toutes ses formes. J'ai ajouté un document d'une autre nature, passionnant, et qui montre comment on a, à l'échelon local, créé des dizaines de milliers d'emplois pour faire face à des besoins réels tenant compte de l'évolution à la fois du niveau et des conditions de vie. Si les innovations étaient répétées partout, le contenu en emplois de la croissance serait amélioré. On est déjà dans une perspective d'un autre développement, prenant en compte l'environnement, les nouveaux besoins des gens, et notamment la gestion de leur temps, l'importance de l'information comme matière première de la vie économique. Tel est le tournant qu'il faut prendre.

Les Échos : Est-ce un nouveau modèle de développement ?

J. Delors : Oui. À mon avis, on va vers un nouveau modèle de développement. Le modèle classique de croissance était fondé sur l'utilisation des ressources naturelles, combinée avec l'investissement matériel et le travail des hommes. Cela reste vrai, mais, maintenant, il faut intégrer d'autres dimensions pour avoir un développement économique et social satisfaisant et durable. Et ces paramètres sont, pour résumer, l'environnement, le temps, l'information.

Les Échos : Vous n'avez pas parlé du coût du travail…

J. Delors : Je pense que, notamment pour ce qui est du travail le moins bien rémunéré, les charges sociales sont trop lourdes. C'est d'ailleurs un constat qui est partagé par de nombreux responsables en France. Nous proposons que le coût indirect du travail soit diminué très sensiblement et que le financement soit assuré par les facteurs polluants. C'est ce que l'on appelle la taxe sur le CO2. Elle vise à remédier à une aberration aussi bien économique que sociale. Car, actuellement, on néglige par l'impôt la ressource la plus abondante – le travail – alors que la fiscalité sur les facteurs « qui empoisonnent notre vie » est très faible.

Les Échos : Et vous pensez qu'une telle réforme fiscale est praticable dans les différents pays de l'Europe et en France en particulier ?

J. Delors : La pertinence de cette mesure est telle que je n'écarte pas l'éventualité que certains pays, lassés de passer de compromis en compromis, le fassent sans attendre un consensus général. C'est la mesure la plus justifiée. On n'arrête pas de bêler sur l'environnement, tout le monde est d'accord que les émissions de gaz carbonique sont trop importantes. C'est donc la mesure à prendre. Techniquement elle est au point puisque nous avons fait tous les aménagements nécessaires de façon à ne pas alourdir la compétitivité de nos entreprises.

Les Échos : Pensez-vous que le traitement du chômage et de l'exclusion peut se faire dans ce sens-là, sans augmentation des impôts ?

J. Delors : Bien sûr. Sans diminution non plus. Mais c'est une autre affaire. Voilà une des mesures parmi dix que nous avons proposées pour lutter contre le chômage. Mais elle est très importante parce que toutes les expériences montrent que si le coût du travail peu rémunéré diminue, il y aura alors beaucoup plus de possibilités d'emplois à créer.

Les Échos : Vous avez parlé de dix mesures. Y en a-t-il d'autres que vous pourriez évoquer…

J. Delors : Il faut tout d'abord indiquer que, même avec un taux de croissance de 3 % jusqu'à la fin du siècle, nous n'arriverions, toutes choses étant égales par ailleurs, à ne réduire que de quelque 40 % le taux de chômage. Il faut donc d'autres mesures. Par exemple l'éducation tout au long de la vie pour s'adapter aux conditions changeantes de la vie professionnelle, l'augmentation des dépenses actives par rapport aux dépenses passives en matière de politique de l'emploi. En France par exemple, ces dépenses se chiffrent à 270 milliards de francs : imaginez que si au lieu d'avoir 10 % de dépenses actives, on en ait 40 %, ces ressources pourraient être affectées à la création d'emplois de proximité ou d'emplois d'utilité collective. Il y a aussi l'aménagement du temps de travail, sous des formes souples et décentralisées. On s'aperçoit que de plus en plus de gens veulent travailler à temps partiel. La Commission démontrera à Essen qu'il y a un lien entre l'augmentation du travail à temps partiel et l'augmentation du taux de croissance. Voilà quelques mesures très importantes parmi d'autres.

Les Échos : Pour la diminution du temps de travail, il y aurait une compensation salariale ?

J. Delors : Dans le « Livre blanc », en raison de la diversité des situations des pays membre, la Commission a écarté toute mesure générale. Tout ceci doit se discuter et se négocier au niveau de l'entreprise, voire des branches d'activité. Mais si une impulsion est donnée dans ce sens, alors je crois que c'est une orientation valable pour la création d'emplois.

Les Échos : À salaire constant ou pas ?

J. Delors : Cela dépend des entreprises.

Les Échos : Comment organiser le partage du gâteau et la répartition de la plus-value dégagée chaque année ?

J. Delors : Contrairement à ce que nous avons fait depuis quinze ans, il faut consacrer une part importante au partage du gâteau en pensant aux chômeurs, donc à la création d'emplois ? C'est dans cet esprit que peuvent être discutées les différentes formes d'aménagement et de réduction du temps de travail ou bien encore l'affectation des fonds publics à la politique de l'emploi.

Les Échos : Comment peut s'organiser au plan social ce nouveau partage ?

J. Delors : Cela se fait dans certains pays. L'augmentation de travail à temps partiel est spectaculaire aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne notamment sans que pour cela les grands équilibres soient rompus et sans qu'il y ait eu de la révolte sociale. C'est donc possible. Il faut simplement que le climat général de la société le permette et qu'il n'y ait pas des gens qui promettent en même temps le beurre et l'argent du beurre.

Les Échos : Il faut donc des impulsions politiques.

J. Delors : Oui. Et cela se produit dans plusieurs pays, en Belgique récemment ? On discute et on fixe le cadre général qui inspire les négociations décentralisées.

Les Échos : Comme voyez-vous l'organisation future de l'Union ?

J. Delors : Nous sommes actuellement devant une contradiction qui est d'ailleurs saine, mais qu'il faut absolument surmonter. Nous avons nous les Européens, des devoirs. Le premier est d'étendre nos valeurs de paix et de reconnaissance mutuelle à tous les pays de l'Europe. Et ce devoir est devenu impératif depuis la chute du communisme. D'où la perspective d'un ensemble qui pourrait comprendre vingt-sept pays, les quinze actuels, plus les douze qui frappent déjà à notre porte. Et il ne faut pas écarter l'hypothèse que la Suisse veuille venir, que la Norvège puisse changer d'avis, et qu'une fois la paix revenue dans les Balkans, viennent se présenter aussi trois ou quatre pays de l'ex-Yougoslavie. Si j'étais resté président de la Commission européenne, et pour montrer que ce n'est pas moi qui envenime le débat, j'aurais dit à mes collègues, essayons de voir comment peut fonctionner cette Europe à environ trente membres.

Les Échos : Peut-elle fonctionner avec les institutions actuelles ?

J. Delors : Il faudra revoir le champ des compétences qui ne peut pas être aussi étendu que dans une Europe à six, les conditions financières, en les reliant aux politiques communes que l'on peut réaliser ou pas à trente. Enfin, il conviendra d'adapter le schéma institutionnel. J'aurais commencé par cet exercice sur la grande Europe. Autrement dit, je récuse tous ceux qui disent que j'approuve à 100 % la démarche du document de la CDU. Pas du tout.

À partir de là, je dois aussi prendre mes responsabilités. Nous arriverons à faire fonctionner un ensemble à trente, mais avec un degré d'ambition qui ne correspond pas au défi que l'histoire lance à nos vieilles nations européennes. Certaines d'entre elles voudront aller plus loin. C'est pour cela que j'ai parlé d'une fédération des États européens. Pour ceux-là, pour ceux qui pensent que sans monnaie unique et sans défense commune, nous n'arriverons pas à garantir notre indépendance, préserver notre niveau de vie et retrouver notre influence dans le monde. Pourquoi dis-je fédération des pays européens ? Parce que, avec un brin de provocation, je veux clarifier les choses, l'approche fédérale, c'est celle qui garantit la moins grande centralisation des pouvoirs, et le plus grand contrôle démocratique.

Les Échos : Les Français ne comprennent pas le mot dans ce sens.

J. Delors : Ils ne comprennent pas le mot parce qu'ils opposent fédération à abandon de souveraineté. La souveraineté aujourd'hui se mesure en termes formels et en termes réalistes. En termes formels, je n'ai jamais été de ceux qui pensaient que l'avenir de l'Europe était dans le dépassement de l'idée nationale. D'ailleurs dans mon livre « L'Unité d'un homme », je l'explique clairement. Je défie quiconque de trouver un texte où j'aurais dit le contraire depuis vingt ans. Les nations existent. Elles sont le fruit d'une histoire commune, d'un contrat et elles sont aujourd'hui l'élément vital de l'identité collective et du lien social. Mais ces nations peuvent considérer qu'aujourd'hui, dans le monde tel qu'il est, face non seulement aux États-Unis et au Japon, mais aux géants de demain, la Chine, l'Inde, compte tenu de la nature des problèmes posés, elles seront plus efficaces si elles agissent ensemble dans certains domaines. Ces partages de souveraineté devront être précisés dans un traité, d'une manière claire, les décisions pouvant être prises selon les cas, soit à l'unanimité, soit à la majorité qualifiée.

Les Échos : Ce qui suppose un nouveau traité ?

J. Delors : Bien sûr. Mais tout cela sera inévitablement le produit du rendez-vous de 1996. Ou bien on ne fera qu'un sera ensemble et ce sera l'Europe Espace, sans liens politiques forts, et nous ne serons pas capables de tenir notre rang dans le monde ou bien, pour les pays qui veulent aller plus loin, il y aura une autre organisation – la fédération des États européens – plus restreinte, mais qui aura maintenu intacte l'ambition de l'Europe dans le monde.

Les Échos : Ce qui suppose une monnaie unique et une défense commune ?

J. Delors : Voilà.

Les Échos : Et comment voyez-vous cet ensemble notamment par rapport à l'Allemagne ?

J. Delors : Je pense que l'Allemagne fédérale serait d'accord sur ce schéma. En d'autres termes la Fédération des États européens sera ouverte à tous ceux qui accepteront de remplir tous les devoirs et toutes les obligations de ce traité.

Les Échos : Actuellement, considérez-vous que la France sur ce plan européen tient efficacement son rôle ?

J. Delors : J'ai des points de désaccord avec les responsables français depuis juin 1991. Depuis la préparation du traité de Maastricht. Je vous renvoie une fois de plus à mon livre « L'Unité d'un homme ».

Les Échos : Croyez-vous que la présidence française de l'Union européenne puisse malgré tout prendre des initiatives ?

J. Delors : C'est au pied du mur qu'on jugera le maçon.

Les Échos : Pensez-vous que le gouvernement doit davantage engager sa responsabilité sur l'Europe en général ?

J. Delors : Mais bien sûr, comme il doit le faire dans tous les domaines d'intérêt vital pour notre pays. Il s'agit là d'un choix historique, Changer le franc français contre une monnaie unique, fondre une partie de nos forces dans une défense commune : ce sont des décisions de portée historique.

Les Échos : Mais alors ne regrettez-vous pas qu'à l'occasion d'un grand rendez-vous, les Français ne soient pas directement impliqués dans ces choix ?

J. Delors : L'option européenne n'est pas le seul sujet d'avenir pour la France. Il y en a d'autres. Je pense qu'il convient de réfléchir sur comment redonner de la vitalité à notre démocratie, dont on voit bien qu'elle s'affaiblit, à la fois en raison du déséquilibre des pouvoirs et d'un mauvais positionnement de système judiciaire ? Il y a aussi toutes les menaces qui pèsent sur la cohésion sociale de la nation, à cause du chômage et de l'exclusion. C'est un grand chantier.

Quelle Europe voulons-nous, quelle démocratie de participation voulons-nous mettre en place, comment restaurer la cohésion de la société et rejeter à jamais la société des deux tiers ? Voilà les vrais défis.

Les Échos : Quelle place a dans ce dispositif l'enjeu européen ?

J. Delors : Si, par malheur, la France cessait de jouer le rôle d'impulsion qui a été le sien, il ne manquerait pas en France d'hommes politiques importants pour, au-delà de leurs divergences partisanes, s'entendre pour attirer solennellement l'attention de nos gouvernements et des Français sur l'importance de cet enjeu. Lorsque les élections présidentielles seront passées, nous nous mettrons ensemble pour défendre une conception de l'Europe. Car il y va de l'avenir et de I intérêt de notre pays.

Les Échos : Faut-il alors attendre que l'enjeu présidentiel soit passé ?

J. Delors : Telle que la campagne présidentielle s'engage, c'est la prudence et la langue de bois qui dominent, alors que chez certains anti-européens, la démagogie bat son plein. Mais cela peut encore changer, car les Français méritent de participer à un débat clair et bien informé sur les grands enjeux de leur avenir.