Article de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, dans "Les Echos" le 23 septembre 1998 intitulé "Harmoniser vers le haut", le "modèle allemand" de "modernisation coopérative" pour le syndicalisme et l'harmonisation des relations du travail au niveau européen.

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Régulièrement des interrogations se font jour, surtout en France, quant à la pertinence et aux chances de survie du système allemand, en particulier en ce qui concerne le fonctionnement des relations professionnelles. Ces questions s’appuient sur le fait que ce « modèle » dans le paysage européen n’a pas joué le rôle de bouclier à la progression du chômage.

Encore qu’une analyse plus fine soit d’emblée nécessaire pour apprécier justement ce phénomène. Si le chômage s’est envolé en Allemagne, on ne peut oublier que la RFA, son économie et son système social ne sont pas encore entièrement sortis du défi de l’unification, qui a coïncidé avec un engagement sans faille dans la construction de la monnaie unique. Ce défi concerne 20 % de la population, 35 % de son territoire, avec des problèmes à résoudre quasiment de même nature que ceux posés aux pays d’Europe centrale et orientale.

Ce qui frappe de l’extérieur, c’est l’attachement très fort que manifestent tous les acteurs concernés – syndicaux, patronaux, gouvernementaux – au maintien de leur système de relations professionnelles. Un bilan du système de codétermination dans l’entreprise (rendu public fin mai) l’illustre remarquablement. Il place en tout cas au second plan la portée des critiques qui se font régulièrement jour sur l’insuffisante flexibilité des entreprises ou la trop grande rigidité des règlements et droits syndicaux qu’elles connaissent. Ce qui compte d’abord, c’est la confiance dans ce système à préparer l’avenir de l’économie allemande face aux adaptations que requiert sa confrontation à la mondialisation. C’est cette confiance partagée qui a permis que se dessine un processus de « modernisation coopérative » qui concerne non seulement la structure et la stratégie des entreprises, mais aussi le fonctionnement des relations sociales. Ce processus est bien le résultat d’une volonté et d’une mise en mouvement communes de tous les acteurs. Il révèle en même temps l’enracinement profond d’une culture qui interdit une modernisation sans participation des représentants élus des salariés et qui rend difficile une stratégie où seuls les salariés seraient concernés par les efforts à accomplir.

Plus qu’un système bloqué, ou en fin de course, le système allemand montre qu’il sait faire preuve de créativité et de souplesse dans la confrontation à des défis qui sont communs à tous les pays européens. Il en est ainsi, par exemple, du passage d’une économie dominée par l’industrie à une société où les services prennent une part croissante. C’est aussi la nécessité de l’ajustement des systèmes de protection sociale, ou des relations sociales pour intégrer les PME.

Comme dans les autres pays européens, le modèle allemand ne sortira pas inchangé de la confrontation à ces défis. Mais celle-ci, concomitante à la mise en place de l’euro, est un puissant moteur pour que les ajustements se fassent dans la recherche de plus de cohérence et de convergence au niveau européen.

Et en cela, même si le système allemand n’est pas exportable, arrimé qu’il est à ses racines et à son identité spécifiques, il est appelé à jouer un rôle important dans la construction d’une harmonisation vers le haut, en Europe, des principales composantes des relations professionnelles, au premier rang desquelles l’information, la consultation et la participation.