Texte intégral
M. Denoyan : Bonsoir.
La bataille des Présidentielles est bien partie, il suffit d'entendre les échanges de mots doux qui commencent à s'échanger de part et d'autre pour s'en persuader. La bataille est lancée, mais sans qu'on sache bien quels en seront les chefs d'état-major. La Droite est menacée d'overdose de candidatures ; le Parti Socialiste cherche, lui, avec inquiétude la personnalité qui cherchera ses couleurs.
En attendant, les problèmes de fond de la société française demeurent et le débat sur l'exclusion, le droit au logement par exemple, est traité avec force et détermination non par les politiques, mais par l'Abbé Pierre.
Qui aujourd'hui peut parler et proposer au nom de ces millions de Français exclus ou marginalisés ?
Invité d'Objections ce soir : monsieur Robert Hue, secrétaire Général du Parti Communiste Français et candidat aux élections présidentielles.
Robert Hue, bonsoir.
M. Hue : Bonsoir.
M. Denoyan : Nous allons vous interroger avec Annette Ardisson et Pierre Le Marc de France-Inter, Fabien Roland-Lévy et Jean-Michel Apathie du Parisien-Aujourd'hui, sur votre campagne présidentielle bien sûr, vous avez déjà démarré énormément de meetings, mais aussi sur l'actualité qui, depuis dimanche, est largement dominée par le coup d'éclat de l'Abbé Pierre en faveur des gens sans logement.
Est-ce que les politiques sont à ce point inertes qu'aujourd'hui il faille qu'un vieil homme comme l'Abbé Pierre, plus de 80 ans, se mette en colère pour que les choses bougent ?
M. Hue : Je crois qu'une fois de plus l'Abbé Pierre a joué un rôle important dans la prise de conscience de ce qu'est l'exclusion dans ce pays et sa réalité. À ce propos, je pense que l'exclusion est un acte d'accusation terrible, implacable, contre une société où l'argent roi et l'argent pour l'argent coulent à flots. Je crois qu'il faut voir l'état de cette société.
J'aurai occasion de donner quelques exemples personnels puisque je suis maire d'une commune et que je vis ces phénomènes dans ma localité comme partout, mais il faut voir en masse ce que cela représente : 5 millions de pauvres, 8 à 9 millions de personnes qui peuvent basculer à tout moment.
Cela fait des années d‘ailleurs que l'Abbé Pierre et d'autres…, mais nous les Communistes, nous appelons l'attention des gens sur la gravité de la situation. Souvenez-vous d'ailleurs : on a même parfois parlé, lorsqu'on évoquait ces questions il y a quelques années de "misérabilisme des Communistes", en disant : "Vous en rajoutez", en quelque sorte. Je crois qu'aujourd'hui on voit bien que c'est une réalité criante.
Ce que je voudrais dire, ce qui me choque beaucoup et je veux d'emblée le dire à l'occasion de cette émission, c'est le comportement des hommes politiques de Droite, et notamment de Jacques Chirac, mais aussi de monsieur Balladur : ils font monter les enchères sur le social. Je crois qu'il y a quelque chose d'indécent dans cette démarche. Je dis vraiment : "Assez de démagogie". Et je veux dire à ce propos, avec une certaine révolte, que la Droite n'a jamais été sociale, et ne sera jamais sociale.
M. Denoyan : On va essayer de décortiquer tout cela…
M. Hue : Je peux en faire la démonstration si vous m'interrogez.
M. Denoyan : On va vous interroger.
M. Le Marc : Est-ce que c'est de la démagogie que de proposer la réquisition, alors que vous, vous la proposez dans un texte de loi présenté à l'Assemblée ?
M. Hue : Absolument. Mais ce n'est pas de demander la réquisition qui est démagogique ; Jacques Chirac se réveille : cela fait des années qu'on lui demande d'utiliser ce texte qui pourrait permettre effectivement la réquisition. J'ajoute qu'il y a un certain nombre d'élus communistes aujourd'hui qui sont précisément inquiétés pour des mesures qu'ils ont prises.
Par exemple, j'ai mon ami Marc Bellet, qui est Conseiller régional de Haute-Normandie, qui est aujourd'hui menacé de correctionnelle parce qu'il s'est opposé à une expulsion. En ce qui concerne le député-maire de Vitry, qui a pratiqué précisément une réquisition cet été, le préfet, le préfet de monsieur Balladur, le traîne devant les tribunaux administratifs. Donc la réquisition, cela fait un moment effectivement qu'on l'imagine comme mesure.
Ce que je trouve complètement démagogique, c'est que la Droite parle du social au moment des élections. Cela fait penser un peu d'ailleurs à la chanson de Charles Trenet sur le soleil et la lune, et le rendez-vous qu'ils n'ont jamais : la Droite prend rendez-vous avec le social aux élections et l'oublie tout de suite après les élections. Là il y a donc quelque chose de tout à fait indécent.
Monsieur Chirac parie effectivement de réquisition, mais depuis des années il a vidé Paris, le Paris populaire, pour le remplacer par les beaux quartiers. Et il nous dit maintenant : "Il faut s'en prendre aux beaux quartiers"… C'est invraisemblable. Je vois ses amis de la COGEDIM cette nuit… Quant à ces appartements précisément qu'il veut réquisitionner, ses hommes d'affaires qui regardent les textes de près ont découvert que si l'appartement n'était pas en état d'être habité, il ne pouvait pas être réquisitionné. Qu'est-ce qu'ils ont fait cette nuit ? Ils ont cassé ces appartements dans toute une série d'immeubles qu'ils détenaient. C'est tout à fait invraisemblable… Et ils vont nous parler de social après cela…
M. Apathie : Vous, monsieur Hue, vous disiez dans votre propos introductif que cela fait des années que vous parlez du social, et cela fait des années que les Français, plutôt que de vous suivre, se détournent de vous. Pourquoi est-ce que votre message sur ce thème est si peu entendu ?
M. Hue : Nous parlons du social, monsieur Aphatie, mais nous ne nous contentons pas d'en parler ; nous agissons concrètement.
M. Apathie : Vous, faites des propositions aux Français lors des élections, mais ils ne votent pas pour vous.
M. Hue : Non, non, on se connaît assez pour… Vous savez que je gère une commune et puisque je porte des jugements sur le Maire de Paris, sur le conseiller de Paris, monsieur Balladur, et je pourrais donner quelques éléments aussi sur le XVe arrondissement si on le souhaite… Je vais vous dire ce que je fais dans ma commune, en matière de logement social, et tout cela est vérifiable. En 5 ans, sur les 300 logements qui ont été réalisés dans ma commune, il y en a 60 % qui sont des logements aidés.
Je ne voudrais pas en rester là. C'est terriblement difficile pour les maires qui veulent construire du logement social aujourd'hui, de réaliser ce logement social.
M. Apathie : Ce soir, ce n'est pas le maire de Montigny que nous interrogeons.
M. Hue : Non, ce n'est pas le maire de Montigny, mais…
M. Apathie : C'est le Secrétaire national du Parti Communiste Français.
M. Hue : Mais vous savez, les politiques au sommet qui se font hors de la réalité du terrain, les gens en ont "ras le bol". Je veux parler du concret, du terrain précisément. C'est cela la vie politique et c'est comme cela d'ailleurs qu'on renouera avec la politique et les Français.
M. Denoyan : Tout de même, monsieur Hue, la question de Jean-Michel Aphatie – bien sûr, vous allez pouvoir répondre – est à mon sens aussi tout à fait fondée : c'est vrai que le Parti Communiste voit quand même ses électeurs progressivement le quitter. Comment expliquez-vous que ce discours social que vous tenez ne séduise pas les Français ?
M. Hue : Que le Parti Communiste ait reculé ces dernières années, c'est un constat que tout le monde a fait, je ne vais pas le nier. Mais je dis d'abord qu‘au plan local, la ou les Communistes peuvent mettre en œuvre une politique sociale, ils réalisent un certain nombre de choses, et c'est important. En même temps, je révèle là les contradictions de la politique actuelle et les difficultés auxquelles on est confronté pour être compris dans ce domaine.
Je voudrais quand même terminer ma démonstration, si vous le permettez. Quand je dis que l'État n'aide pas du tout les collectivités, n'aide pas du tout à la construction de logements sociaux, j'ai regardé précisément l'exemple que je donnais tout à l'heure de ma commune. Actuellement, les logements sociaux sont financés, tenez-vous bien, en moyenne à 12,7 % par l'État. Or l'État prélève 18,6 % de TVA sur la construction des logements. Cela veut dire qu'en fait ce sont les contribuables qui financent la politique de logement social, et je dis que c'est tout à fait inacceptable.
Je pense que les Français aujourd'hui sont à même de mieux comprendre ce que disent les Communistes en la matière. C'est vrai que peut-être, de ce point de vue, il y a encore à travailler, à expliquer, à les appeler à la réflexion, mais il est évident que je pense qu'ils peuvent comprendre.
Je voudrais en revenir à ce qui se passe depuis 48 heures…
M. Denoyan : On va vous aider à le faire, monsieur Hue, si vous voulez bien, à travers le jeu des questions.
Mme Ardisson : Puisque les parlementaires communistes proposent la réquisition des appartements vides à l'ordre du jour de l'Assemblée, qu'est-ce qu'il faut mettre dans ce texte pour qu'il ne fasse pas d'effet boomerang, c'est-à-dire pour qu'il n'assèche pas le marché locatif de la part des institutionnels, des compagnies d'assurances, des promoteurs, etc…, quand on sait que les Français n'investissent plus dans la pierre ?
M. Hue : Je pense qu'aujourd'hui les mesures de réquisition sont des mesures d'urgence. Ce n'est pas dans la mesure de réquisition qu'on conduit une politique sociale du logement, je crois qu'il faut être clair là-dessus. Il y a des mesures à prendre parce qu'il y a urgence, et c'est bien de l‘imaginer, le texte proposé par les Communistes le propose, mais ce n'est pas cela qui est de nature à tarir effectivement la possibilité d'investissements en matière de logements.
Mme Ardisson : Si, parce que si on manie le bâton, les gens iront voir ailleurs…
M. Hue : D'accord, mais il n'y aura aucun danger si dans le même temps il y a une politique forte de construction de logements sociaux dans le pays, pour les besoins du pays. Il faut être clair : il faudrait construire actuellement…
M. Denoyan : Financés de quelle manière, monsieur Hue ?
M. Hue : L'État doit aider, naturellement…
M. Denoyan : Mais l'État c'est nous, donc…
M. Hue : C'est vous, mais justement une partie des moyens financiers de l'État aujourd'hui vont ailleurs. Le Journal Les Échos disait en début de semaine que 289 milliards avaient été versés aux entreprises pour l'emploi. Ils n'ont pas été à l'emploi, ces milliards. Je pense qu'on peut prendre une partie effectivement des moyens pour faire une politique de logement.
Mais cela ne suffit pas. Il y a des mesures urgentes à prendre et je donne, moi, une solution au niveau de l'État. Je dis qu'actuellement l'État aurait le moyen de lancer une politique forte d'aide aux exclus, d'aide aux sans logement, en multipliant par 4 l'impôt sur les grandes fortunes. L'impôt sur les grandes fortunes, si on le multiplie par 4, j'ai regardé, c'est 30 milliards ; c'est important. Ces 30 milliards, cela représente quoi ? Cela représenterait 4 %…
M. Denoyan : On retrouve un peu les formules de feu l'Union de la Gauche, Programme Commun…
M. Hue : L'argent existe, il est là.
M. Denoyan : Mais enfin, libre circulation des capitaux, monsieur Hue : si les gens emmènent leur argent ailleurs, vous ne l'aurez pas, et il ne sert qu'une fois…
M. Hue : Monsieur Denoyan, vous me demandez où je me propose de prendre l'argent…
M. Denoyan : Je vous écoute…
M. Hue : Il est clair que je le prendrai là où il est : je prends l'argent à ceux qui spéculent avec l'argent. Les grandes fortunes, aujourd'hui, ont les moyens de payer cette politique. Je disais que les 30 milliards représenteraient 4 % des grandes fortunes. Cela ne va pas entraîner ces gens-là aux Restaurants du Cœur, c'est clair… Donc je pense effectivement…
Mme Ardisson : Une précision : vous multipliez par 4 la taxation des grandes fortunes actuelles ou vous élargissez l'assiette ?
M. Hue : On peut aussi élargir l'assiette. Là, je propose sur la base de l'impôt sur les grandes fortunes…
M. Denoyan : Votre politique, c'est de prendre aux riches pour créer des logements.
M. Hue : Prendre aux riches pour effectivement donner aux exclus, je crois que c'est une bonne formule. Et aujourd'hui, il y a des riches, il y a des riches dans le pays, il y a des milliards de profits.
M. Le Marc : Un sondage de la SOFRES dans Le Monde ce soir identifie bien la fracture sociale que ressentent les Français, et les chiffres sont assez impressionnants. Ce sondage donne aussi la liste des personnalités capables de rétablir la cohésion sociale : Jacques Delors 39 %, Édouard Balladur 24 % et vous, vous êtes le dernier avec 1 %. Comment expliquez-vous cette fracture entre la société française et le Parti Communiste, et l'idéologie communiste ?
M. Hue : Je pense que pour rétablir la confiance au niveau des gens, il faut effectivement une politique qui soit perçue par les gens. Je pense que le Parti Communiste a une politique et qu'on la connaît mal. Je pense vraiment qu'il faudrait qu'il ait davantage – et je vous remercie de pouvoir le faire ce soir – les moyens d'exprimer sa politique. Dans ces conditions, il y a des choses que l'on ne sait pas, il y a des idées reçues.
Il apparaît par exemple qu'un certain nombre de propositions faites par les Communistes pourraient être démagogiques. J'essaie de démontrer, et ce soir je pourrai le faire par rapport à toute une série de mesures sociales, que ce n'est pas la réalité. À chaque fois que nous proposons des mesures concrètes, sociales, pour changer les choses dans ce pays, nous disons qu'il y a les moyens de le faire.
Par exemple, tout a l'heure, j'évoquais le problème du plan d'urgence nécessaire aux exclus et je vous ai fait la démonstration que les moyens financiers existaient. Vous le savez par exemple, au plan social, je fais toute une série de propositions sociales. Toute ma campagne, c'est l'ancrage de la Gauche sur le social, c'est clair…
M. Denoyan : D'accord, Monsieur Hue, mais répondez quand même à la question posée par Pierre Le Marc : 1 % des gens voient en vous un leader politique capable de ressouder le tissu social français. C'est quand même peu pour celui qui veut incarner le leadership de cette politique.
M. Hue : C'est incontestablement peu. Je pense que si nous pouvons développer cette politique… et plus je pourrais le faire, mieux je serais en mesure de faire comprendre notre politique en la matière.
M. Le Marc : N'est-ce pas parce que vos propositions ne paraissent pas crédibles même aux gens qui souffrent de cette exclusion et de cette fracture ?
M. Hue : Monsieur Le Marc, vous avez raison. C'est ce que je viens de dire. Je viens de dire : "il y a un certain nombre de propositions qui sont mal comprises aujourd'hui, qu'il faut mieux expliquer, qu'il faut mieux faire comprendre". Pendant toute une période quand on disait : "Nous, les communistes, de l'argent il y en a, et l'on peut faire une autre politique". On nous disait : "C'est démagogique. L'argent, s'il y en avait, on le saurait". Aujourd'hui, cette idée commence, à mon avis, à progresser dans la Société. Donc, nos idées sont en mesure aujourd'hui de progresser dans la Société.
Quand je dis : "Il faut donner 1 000 frs de plus par mois aux salariés de moins de 15 000 frs par exemple". En faisant cette proposition, je sais que ça coûte, parce que sinon c'est démagogique. Ça coûte 200 milliards. Je le mets sur la table. Je vais faire la démonstration précisément de la crédibilité de ma proposition. Ce sont 200 milliards. Mais 200 milliards au regard de quoi ? Au regard de ce qui vient de se passer cette année : 1 270 milliards de profits dans la société française, pour l'essentiel ils ont été à la spéculation.
M. Denoyan : La Bourse, ça ne marche pas très fort depuis quelque temps…
M. Hue : … en tous les cas, ça marche pour certains puisque 600 milliards…
M. Denoyan : … La Bourse est à peu près au même niveau qu'à Noël l'année dernière 600 milliards des profits réalisés sont allés à la spéculation, donc c'est que ça fonctionne ! Aujourd'hui tout le monde sait qu'un certain nombre de patrons, de grandes fortunes souhaitent davantage spéculer que d'investir dans la production. Donc, je dis que les moyens existent. Et je ne désespère pas du tout, je suis même très confiant que les idées que nous préconisons, en montrant les moyens que nous avons de les mettre évidence, pourront être mieux comprises.
M. Denoyan : Si je vous comprends bien, Monsieur Hue, contrairement aux Socialistes qui acceptent tout à fait maintenant l'économie de marché, la concurrence internationale, vous, vous restez quand même dans une réflexion de lutte de classes, tel que vous êtes en train de vous exprimer ?
M. Hue : Il y a des moyens qui existent, importants dans la Société, et je crois qu'il faut, effectivement, qu'ils soient partages différemment. Il faut qu'ils soient partagés différemment. Je ne crois pas faire la preuve d'autre chose que de montrer…
M. Denoyan : … c'est une question.
M. Hue : C'est une question…
M. Denoyan : On va vous en poser d'autres. Ne vous inquiétez pas.
Mme Ardisson : Vous prenez la défense des exclus, mais vous dites en même temps qu'il faut augmenter les salariés, les plus bas salaires, certes, mais, enfin, quand même les salariés. N'est-ce pas un peu antinomique ? Et à défaut d'être démagogique, n'y-a-t-il pas un arbitrage à faire entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas ? Le langage social ne consiste-t-il pas aujourd'hui à lutter contre les égoïsmes ?
M. Hue : Je ne crois pas. Je rejette cette conception. C'est une question très importante : je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il y a d'un côté les exclus et les deux tiers de la Société qui seraient avec une situation à l'emploi, une situation sociale qui permettrait qu'ils soient dans le camp des égoïstes. Non. Parce que, précisément, dans ces deux tiers des Français qui ne sont pas exclus, je ne mets pas dans le même "sac", Monsieur Suard, patron de ALSTHOM-ALCATEL, qui gagne 1 MF par mois – son seul problème est de savoir comment il dépensera chaque jour 5 à 6 fois le SMIC – et ses salariés qui ont 6 000 frs par mois et qui demandent 1 500 frs. Je ne crois pas à cette dichotomie que vous évoquez.
Par contre, je crois que, dans la Société aujourd'hui, il y a les moyens de partager les choses, de faire autrement et de mener conjointement l'action, les propositions sur l'emploi et sur le relèvement des salaires.
M. Roland-Lévy : Monsieur Hue, la Droite vous concurrence sérieusement sur un créneau qui devrait être le vôtre, qui est naturellement le vôtre : le social et l'exclusion.
Sur ce créneau, il y avait un autre homme politique qui s'appelle Bernard Tapie et qui, semble-t-il, ne devrait plus vous faire de concurrence, du moins pour l'élection présidentielle…
M. Denoyan : Pas de manière directe en tous cas…
M. Roland-Lévy : … pas de manière directe. Alors, justement, puisqu'il ne sera vraisemblablement pas candidat, ses électeurs étant disponibles, avez-vous un messager à leur transmettre, que leur dites-vous pour les convaincre d'augmenter un peu les intentions de vote ?
M. Hue : Je ne vais pas récupérer l'électorat comme cela…
M. Roland-Lévy : Vous pouvez leur parler…
M. Hue : Je voudrais, Monsieur Roland-Lévy, vous répondre : je reconnais effectivement que, dans l'électorat de Bernard Tapie, il y a un certain nombre d'hommes, de femmes, de jeunes qui sont révoltés par la Société telle qu'elle est, qui n'acceptent pas cette Société, et qui en ont marre… y compris de la façon dont se fait la politique dans certains domaines… Pour tous ces gens-là, oui, je souhaite pouvoir être porteur de leur révolte, de leur exaspération dans cette campagne électorale. C'est l'un des piliers de ma démarche électorale.
Ma démarche électorale a trois piliers essentiels : celui-là, effectivement, d'être porteur, de l'exaspération, et, donc, je pense qu'un certain nombre d'électeurs de Bernard Tapie peuvent se reconnaître dans ma démarche.
Le deuxième, c'est être porteur de propositions sociales. Je l'ai dit tout à l'heure : la Droite n'a jamais été sociale et ne le sera jamais. Et toute ma campagne, c'est l'ancrage de la Gauche sur le social, et pas dans une vision étroite du social, pas dans une vision de la Gauche telle qu'elle a conduit les affaires du pays, en tournant le dos a une politique de Gauche et en faisant une politique qui s'inscrivait davantage à Droite. Non. Une véritable politique sociale, et c'est l'un des objectifs du Parti Communiste.
Si le Parti Communiste est plus fort à l'occasion de ces élections, il aura les moyens de bien ancrer, effectivement, la Gauche au social et sur le social. C'est l'objectif de ma candidature. Si des électeurs de Bernard Tapie se retrouvent dans cette démarche, ils pourront compter sur cette candidature qui est la mienne. D'ailleurs, je ne les assimilerai pas pour autant à une démarche communiste, mais il est clair que ma candidature est à la disposition de tous ceux qui ne supportent pas cette Société de l'argent pour l'argent, de l'argent roi qui coule à flot. Il faut une autre Société. Il faut changer la Société.
Objection
M. Denoyan : Objection de Monsieur Guy Sorman, écrivain, billettiste et rédacteur en chef de "L'esprit libre". Bonsoir, Guy Sorman.
M. Sorman : Bonsoir.
M. Denoyan : Vous écoutez, je l'espère, avec beaucoup d'attention Monsieur Robert Hue. Première réflexion ?
M. Sorman : Monsieur Robert Hue, est-il marxiste ? Je me pose vraiment la question parce que, moi, j'ai lu Marx, et, dans Marx, il n'y a pas de distinction entre l'économique et le social. Quand Robert Hue me dit : "il faut lutter contre l''exclusion en faisant du social", en bon communiste il devrait nous dire : "Je ne suis pas le Parti des exclus, mais je suis le Parti des travailleurs", à aucun moment il ne nous a dit que le Parti Communiste était le Parti des travailleurs. Et il me semble que, en étant cohérent avec la doctrine communiste, on devrait dire que la seule réponse à l'exclusion, c'est le travail, et constater que, pour créer du travail, il faut favoriser le développement des entreprises et non pas les tuer.
C'est une simple leçon de marxisme élémentaire, en tous cas de celle que j'ai retenue. Le Parti Communiste est-il le Parti des exclus ou est-il le Parti des travailleurs ? S'il est le Parti des travailleurs, il devrait normalement être du côté de l'économique et non pas du social, du côté des créateurs d'emploi et non pas du côté de ceux qui veulent augmenter les impôts sur l'emploi.
M. Denoyan : Je pense Guy Sorman que Robert Hue va vous répondre et qu'il n'a pas tout à fait la même lecture de Marx que vous. Mais ça, vous vous en doutez !
M. Hue : Monsieur Sorman, marxiste ? C'est un scoop…
M. Sorman : Marxien…
M. Hue : … oui, plutôt !
Ce que je veux dire, Monsieur Sorman, c'est que, dans mon esprit, les exclus sont des gens qui n'ont pas de travail. J'inscris les exclus complètement dans la catégorie des gens qui pourraient travailler si on leur offrait la possibilité de travailler. Donc, pour moi, il y a vraiment une assimilation forte et nette entre la situation d'exclusion de ces hommes, de ces femmes et les travailleurs.
L'une des réponses essentielles, sociale et économique, au problème de l'exclusion aujourd'hui, c'est l'emploi. Et, d'ailleurs, je fais une série de propositions importantes pour l'emploi. Je suis convaincu, effectivement, que, aujourd'hui, une relance de la consommation par une augmentation des salaires, tel que je le préconise avec les 1 000 frs, serait de nature à relancer à la machine économique et créateur d'emplois. Donc, pour moi, les deux vont de pair.
Je pense aux petites et moyennes entreprises : on pourrait me parler des PME-PMI : peuvent-elles payer ces 1 000 frs par salarié que je préconise ? Non. Aujourd'hui, c'est difficile. Ces PME-PMI – je vais peut-être surprendre encore Monsieur Sorman – sont étranglées, asphyxiées. Il faut donc aider aussi ces PME-PMI, ainsi que le commerce et l'artisanat, dans la situation présente.
M. Sorman : Dites-le plus fort pour être entendu à Droite ?
M. Hue : Je le dis nettement : non. Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Aujourd'hui, ces PME-PMI sont victimes, sont écrasées par les taxes, sont écrasées par les taux d'emprunt. Il faut les aider, à condition que ça se traduise par des augmentations de salaires, par des créations d'emplois.
Par exemple, les communes aujourd'hui pourraient très bien avoir une taxe professionnelle complètement en fonction de l'incitation à l'emploi. On pourrait augmenter sensiblement les emplois dans les PME-PMI simplement en baissant les impôts qu'elles subissent dans les collectivités et en faisant payer ceux qui jouent la spéculation.
Dans ma commune, il y a des petites entreprises qui vivent mal. Et puis il y a des grands centres de distribution, de grands commerces qui pourraient être vraiment frappés davantage par l'impôt et qui, là, aujourd'hui, ne le sont pas suffisamment, alors que les petites sont étranglées.
M. Denoyan : Bizarrement, vous êtes presque d'accord avec Monsieur Robert Hue, Guy Sorman ?
M. Sorman : Justement, il faudrait que l'on soit bien d'accord sur le vocabulaire. Parce qu'il y a une espèce de surenchère actuellement sur l'exclusion. Au début de l'année il y avait 1 million d'exclus. Chirac, la semaine dernière, nous dit 5 millions. Monsieur Robert Hue nous dit entre 5 et 9 millions. Est-ce que la France est le Tiers-Monde ? Il faut arrêter de se bercer de mots et de se lancer dans une espèce de surenchère en disant que nous vivons dans le Tiers-Monde.
Je crois qu'il faut arrêter de dire : "Le social… le social… le social…", je serais d'accord avec Robert Hue, si nous sommes d'accord pour dire : "Faisons une bonne économie et nous aurons du bon social de surcroît !".
M. Hue : Monsieur Sorman, le progrès social est facteur de développement économique, c'est cela la question.
M. Denoyan : Merci, Guy Sorman d'avoir été avec nous quelques instants. Jean-Michel Aphatie.
M. Aphatie : Monsieur Hue, vous êtes communiste, mais vous êtes de Gauche aussi ? Vous êtes membre d'une grande famille plus large que le Parti Communiste…
M. Hue : … d'une des grandes familles de la Gauche, oui…
M. Aphatie : … la Gauche risque fort de ne pas être au deuxième tour de l'élection présidentielle après le retrait de Jacques Delors. Déplorez-vous, pour cette raison-là, le retrait de Jacques Delors ?
M. Hue : Pour le moment, les sondages ne m'indiquent pas que la Gauche ne serait pas présente au deuxième tour.
M. Aphatie : Quel candidat socialiste imaginez-vous au deuxième tour contre un candidat de l'actuelle majorité ?
M. Hue : Je me refuse à spéculer sur ce que va être l'élection, le premier tour de la Présidentielle dans 4 mois, alors que tous les jeux sont ouverts… On ne sait pas encore bien où l'on va…
M. Denoyan : On ne sait pas qui sera le candidat du Parti socialiste…
M. Hue : … Et à Droite, et à Gauche. Quel est le seul candidat à Gauche, là, en ce moment, – j'entends bien, il y a Madame Laguiller – en situation de faire un score important ? Le Parti communiste.
M. Roland-Lévy : Le Parti communiste fait un point de plus, lors des derniers sondages.
M. Hue : Je crois que là-dessus les problèmes ne se posent pas comme ça. Je dis : "La Gauche peut être présente effectivement au deuxième tour".
M. Denoyan : À quelles conditions. On ne va pas refaire l'Histoire, Delors a dit "non"…
M. Hue : … En ce qui me concerne, je pense que la Gauche est forte. Elle – est forte quand elle est à Gauche et à condition qu'elle tire les enseignements du passé. Ce que ne fait pas actuellement le Parti socialiste.
M. Denoyan : Donc, c'est mal parti.
M. Hue : Nous ne sommes pas à l'élection. Ce que ne fait pas le Parti socialiste. Je pense qu'il faut tirer les enseignements du passé. La Gauche a été majoritaire en 81 avec deux conditions : d'une part, la Gauche était pluraliste dès le premier tour. Il y avait François Mitterrand, il y avait Georges Marchais. Et, d'autre part, elle proposait une politique de Gauche.
J'ajoute d'ailleurs que, dans cette dynamique, à l'époque, François Mitterrand a été élu. Il a été élu avec un Parti communiste qui était plus influent qu'il n'est aujourd'hui dans la Société française…
M. Denoyan : … Monsieur Hue, on se souvient très bien des conditions.
M. Hue : Non, mais je voudrais le dire : "En 81, il y a eu 16 % de voix qui se sont portés sur Georges Marchais et qui ont permis à la Gauche de gagner au deuxième tour". Donc, quand la Gauche est bien à Gauche, elle gagne. Quand elle quitte la Gauche – ce fut le cas à partir de 83, c'est pour cela qu'ensuite d'ailleurs les ministres communistes ont quitté le Gouvernement – elle perd et on voit qu'elle est conduite à l'échec.
Mme Ardisson : Si on fait référence aux mêmes élections que vous, le Parti communiste, d'une part, le Parti socialiste, de l'autre, n'étaient pas dans le même état qu'ils sont actuellement. Puisque vous parlez d'Histoire, si on prend les 30 dernières années, nous sommes à quel stade sur l'échelle ? Nous sommes avant 65 ? Avant 71 ?
M. Hue : Annette Ardisson, il y a, dans ce pays, des millions d'hommes et de femmes qui s'inscrivent dans une démarche de gauche, qui se sentent de gauche, qui sont progressistes, qui, pour le moment, ne sont pas mobilisés. C'est incontestable.
Mme Ardisson : Non, parce qu'il n'y a personne pour jouer le catalyseur.
M. Hue : Il est nécessaire qu'il y ait une alternative progressiste dans ce pays, une union nouvelle qui permette effectivement d'aller vers ce rassemblement. On n'en est pas là aujourd'hui, je ne le conteste pas. Ma candidature est justement porteuse de cette union nouvelle pour qu'on en arrive là. Je ne dis pas : "Les communistes seuls. Je n'ai pas de ce point de vue une volonté hégémonique. Il y a la possibilité". Ce que je dis simplement : "ce n'est pas en allant à Droite chercher".
J'entends Monsieur Mauroy dire qu'il lance le béret au centre. "Il faut aller chercher le béret au centre" comme il dit. Eh bien, moi, je dis : "s'il va chercher le béret au centre, il va revenir avec une veste". Il est clair, aujourd'hui, qu'on ne peut pas imaginer que la Gauche sera la Gauche majoritaire si elle regarde vers le Centre. Il faut donc qu'elle soit bien à Gauche et c'est pour cela que je me bats.
M. Le Marc : Vous avez proposé le Pacte Unitaire pour le Progrès, le PUP, comment se fait-il que le Parti communiste se bat tout seul, de son côté, dans son coin, pour la Présidentielle ? Pourquoi, par exemple, ne pas avoir accepté l'idée d'une candidature unique, au moins de la Gauche critique, qui était proposée à l'extérieur de votre Parti mais aussi au sein de votre Parti par les refondateurs ?
M. Hue : Il y a deux possibilités : Ou une Gauche unie au premier tour sur une candidature. Cela a été le cas en 65, en 74 cela a échoué. Ou une Gauche unie simplement hors du Parti socialiste, ce n'est pas la Gauche, il faut le Parti socialiste, c'est une grande famille de Gauche incontestablement. Je pense donc que, aujourd'hui, il faut respecter ce pluralisme à Gauche. C'est le pluralisme qui fait gagner. À chaque fois que la Gauche a été pluriel à ces élections présidentielles, c'est là où elle a gagné. Donc, je dis aujourd'hui : "Voilà".
Et puis il faut qu'on joue sincère dans cette affaire. Il ne faut pas se raconter d'histoires, ce fut le cas dans le passé. Dans le passé, quand il y a eu les accords au sommet, le Programme commun, etc. on a arrondi les angles, on n'a pas dit les divergences qui existaient parfois…
M. Le Marc : … Pour les municipales, vous ne jouez pas sincère ?
M. Hue : Ce n'est pas la même chose. Si vous le permettez, Monsieur Le Marc, c'est une question importante, j'y reviendrai. Mais je veux dire, concernant les grandes questions, la Présidentielle notamment, la question que vous m'avez posée sur la Présidentielle et la candidature unique. Je dis aujourd'hui : "L'essentiel est de rassembler sur une base de Gauche"
Sur le premier tour, comment voulez-vous qu'on puisse dire qu'il peut y avoir une candidature unique entre Untel et Untel sur des questions comme l'Europe, par exemple ? Chacun sait que le Parti communiste n'est pas d'accord avec l'Europe de Maastricht et les conséquences qu'elle entraîne en France aujourd'hui.
M. Le Marc : Chevènement, non plus. Si vous proposez la candidature unique.
M. Hue : Le Parti socialiste, lui, est pour Maastricht. J'ai rencontré Emmanuelli, on n'est pas d'accord sur l'analyse de la période passée, là, au Gouvernement par les socialistes. Nous sommes critiques. Nous essayons de voir la responsabilité de chacun en la matière. On n'est pas d'accord.
Va-t-on dire qu'on est d'accord, là ? Et on va faire une candidature unique. Ce n'est pas sérieux vis-à-vis des Français. Les Français vont avoir à débattre, à discuter de projets importants. Il y aura les propositions fortes, sociales de la famille communiste. Il y aura les propositions du Parti socialiste quand il aura un candidat et puis on verra ! Laissons les citoyens trancher dans cette affaire et je crois que ce sera dynamique pour la Gauche.
M. Roland-Lévy : Juste un mot à propos du PS avec lequel vous voulez faire cette union nouvelle à Gauche.
Actuellement, il y a des débats profonds, des sensibilités très diverses qui s'expriment au PS. Je voudrais savoir si vous vous sentez plutôt plus proche d'un Henri Emmanuelli ou d'une Martine Aubry ?
M. Hue : Je n'ai pas moi à dire : Je suis près de telle ou telle personne…
M. Roland-Lévy : … Je ne parle pas seulement des personnalités mais de leur orientation politique, de leur idéologie.
M. Hue : Je comprends bien, Monsieur Roland-Lévy. Je suis, moi, pour aller à des rencontres, un dialogue, avec les gens qui sont à Gauche et qui le demeurent, qui sont bien à Gauche.
M. Roland-Lévy : Tout le monde.
M. Hue : Non, tout le monde n'est pas dans cette situation. Il y a eu une politique conduite par les gouvernements socialistes qui a conduit à plus d'inégalités, plus de difficultés. On ne va pas faire l'économie de dire pourquoi ça s'est passé comme ça avec des socialistes. Les Français ont remercié les socialistes en 1993. Après 1993, il y a eu l'opération de Jacques Delors de tenter une alliance à Droite, ça ne fonctionne pas. Si on veut vraiment qu'il y ait une construction à Gauche qui fonctionne bien, il faut qu'elle soit bien ancrée à Gauche, sur des bases de Gauche et qu'elle fasse l'analyse critique de ce qui s'est passé, de ce qui n'a pas marché.
C'est quand les gouvernements socialistes ont tourné le dos à la politique de changer la vie, que les Français se sont détournés, les Français de Gauche se sont détournés d'eux. Donc, il faut en faire l'analyse. Cette démarche est très constructive. Voyons ce qui n'a pas marché pour ne pas recommencer les erreurs.
M. Denoyan : Il y a pas mal de choses qui n'ont pas marché. Vous avez été associé au premier septennat de François Mitterrand. Vous avez parlé de l'apport des 16 % de voix de votre candidat en 1981. Vous avez été membre du Gouvernement pendant 4 ans. La Droite est revenue aux affaires en 1986-1988. Vous avez soutenu l'action des gouvernements de Gauche de 1988 à 1993 même si, de temps en temps, vous avez manifesté de l'hostilité, de la critique. N'est-ce pas un peu difficile aujourd'hui à faire croire aux Français que, finalement, ayant été associé totalement ou partiellement au Pouvoir, pendant 10 ans, de Gauche, pendant une dizaine d'années, sur ces deux septennats de François Mitterrand, cela va revenir comme avant au niveau des promesses ? "Nous allons revenir, les exclusions vont s'en aller. On va prendre aux riches, on va donner un peu plus aux pauvres". Vous croyez que cela n'explique pas finalement le sondage de la SOFRES dans Le Monde d'aujourd'hui où votre propos n'est pas très audible.
M. Hue : Sur la période des dix années, nous avons porté un jugement critique qui nous a conduits à quitter le Gouvernement socialiste dès 84. Ensuite, vous évoquiez la période 88-93 mais nous n'avons pas soutenu le Gouvernement durant cette période. Nous avons dit : "C'est sur la base de ce qui est proposé que, éventuellement, à l'Assemblée nationale, nos députés voteront". Ils ont voté tout ce qui leur semblait aller dans le bon sens et ils ont voté contre ce qui leur semblait tout à fait négatif. C'est dans ces conditions qu'ils ont refusé toute une série de lois.
Ne se rappelle-t-on que les communistes, par exemple, ont refusé de voter la loi d'amnistie, par exemple ? Non, non, nous avons eu une politique très critique par rapport au Parti socialiste alors qu'il tournait le dos à la politique de Gauche. Par contre, lorsqu'il y avait des choses qui nous semblaient justes, nous les soutenions.
Mme Ardisson : Dissociez-vous les alliances pour les Municipales de celles pour la Présidentielle. En d'autres termes, si le candidat socialiste, qu'on ne connaît pas encore, allait, selon l'expression de Pierre Mauroy, chercher le béret au centre, pourriez-vous ne pas vous allier avec lui, même rejeter cette démarche à la Présidentielle et, en même temps, marcher avec les socialistes ?
M. Denoyan : Embrassons-nous pour les Municipales.
M. Hue : Ce n'est pas comme ça que ça passe. Les Municipales, nous avons un accord avec le Parti socialiste qui est le suivant : Nous allons, dans toutes les communes de France, présenter des listes d'Union des Forces de Gauche et de Progrès sur la base d'une expérience.
Si j'ai un tout petit instant, je voudrais dire l'expérience municipale. Cet accord, en gros, dit ce que je viens de dire à l'instant : "Dans les villes où il y a des maires sortants, qu'ils soient communistes, socialistes, radicaux, ils reconduiront les listes et ce seront les citoyens qui trancheront". Mais, précisément, il y a une bonne expérience de la gestion locale entre communistes et socialistes…
M. Aphatie : … Une mauvaise expérience nationale, une bonne expérience locale.
M. Hue : Je vais vous dire pourquoi.
M. Aphatie : Il y a une difficulté à comprendre, là.
M. Hue : Nous touchons au fond. Pourquoi est-ce que cela fonctionne mieux au niveau local quand il y a ces accords effectivement ? C'est que, précisément, ces accords se font sur des programmes élaborés avec les gens…
M. Aphatie : … C'est très artificiel, les gens, ce sont les appareils politiques…
M. Hue : … Non, ce n'est pas vrai.
M. Aphatie : Vous n'avez pas demandé aux gens, dans quelle que ville que ce soit, s'ils étaient d'accord ou pas pour reconduire les listes. Les gens ne sont pas plus associés chez vous qu'ailleurs…
M. Hue : … Ce n'est pas vrai.
M. Aphatie : … Ce sont les partis politiques qui décident.
M. Hue : Les programmes ont été élaborés avec les gens, avec les citoyens. Vous seriez maire, Monsieur Aphatie, vous sauriez qu'on ne peut pas faire des promesses sans les tenir parce que le ministre est peut-être loin du pouvoir de décisions, le maire, lui, est tous les jours dans sa commune. S'il ne tient pas des engagements, il a des comptes à rendre. Et précisément c'est parce que la Gauche a pu rendre des comptes dans les communes sur la base de son programme social, de sa gestion sociale et humaine qu'aujourd'hui on peut effectivement… c'est un bon exemple, au contraire.
M. Denoyan : Monsieur Hue, vous serez d'accord pour dire qu'on aura l'occasion de revenir sur les élections municipales.
Deux petites dernières questions, Annette Ardisson et Jean-Michel Aphatie.
Mme Ardisson : Vous demandez un nouveau référendum sur l'Europe avant la fin 95, avant la grande Conférence de 96. Quelle est la question ?
M. Hue : En 96, la Conférence intergouvernementale qui est prévue vise des questions essentielles touchant à la souveraineté de la France : les institutions au niveau européen, au plan militaire, dans toute une série de domaines essentiels qui peuvent mettre en cause notre souveraineté.
Nous pensons, contrairement à Jacques Chirac, qu'il ne convient pas d'attendre que cette Conférence intergouvernementale soit passée pour consulter les Français par voie de référendum, c'est ce qu'il a proposé. Nous, nous proposons une consultation avant parce que la question, ce qu'on nous prépare, c'est un super-Maastricht.
Par "oui" ou par "non", est-ce que les Français veulent effectivement de cette politique d'intégration européenne où l'on risque de mettre la France a la remorque de l'Allemagne de Kohl ? Et, ça, je ne le souhaite pas.
M. Roland-Lévy : Ils ont déjà dit "oui".
M. Hue : Ils ont dit "oui" mais si on les consultait, puisque vous parliez de sondages tout à l'heure, aujourd'hui, ils diraient "non".
M. Denoyan : On ne va pas faire des sondages, ni des referendums sur des référendums.
M. Aphatie : Pour la première fois, un sénateur communiste est poursuivi par la Justice et une demande de levée immunitaire existe au Sénat. Je voudrais savoir si vous attendez que la Justice passe ou si, déjà, vous avez un discours sur ce parlementaire communiste mis en cause ?
M. Hue : J'avoue avoir du mal à croire qu'un élu communiste puisse être impliqué dans des malversations ou des affaires d'enrichissement personnel. Si tel était le cas, je le condamnerais avec la plus grande vigueur. Je le dis très nettement et c'est pour cette raison que le Groupe communiste, au Sénat, a voté sans aucune hésitation la levée de l'immunité parlementaire. Cela dit, en ce qui concerne le sénateur concerné qui s'est expliqué cet après-midi…
M. Denoyan : … Il faut terminer, Monsieur Hue.
M. Hue : C'est une question très grave…
M. Denoyan : … On vous avait compris.
M. Hue : Il faut que la justice passe. Il n'y a pas de problème.
M. Denoyan : Merci, Robert Hue d'avoir été notre invité d'Objections ce soir.