Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
A l'issue d'une période de formation de onze mois qui vous a familiarisés avec les principales missions du métier de gardien de la paix, vous allez rejoindre votre première affectation dans les services actifs. Ce moment est donc particulièrement important. Il est de ceux que l'on n'oublie jamais. C'est pourquoi, j'ai voulu le passer parmi vous.
L’Ecole Nationale de Police de Paris, dont je salue ici le personnel et la Direction, a été mise à l'honneur tout particulièrement il y a quelques jours, lors du défilé du 14 juillet : le carré des gardiens de la paix qui défilait avec les commissaires, avec les officiers et les adjoints de sécurité était issu d'une des promotions ici présentes.
Mais — au delà du chiffre symbolique de la 150e promotion qui quitte aujourd'hui votre établissement- nous fêtons aujourd'hui un anniversaire important : il y aura dans quelques jours, le 10 août, 50 années que la première promotion de gardiens de la paix sortait d'une école de formation de la police.
I) Vous avez choisi un métier difficile. Vous aurez à faire face en permanence aux difficultés, à la violence et aux dysfonctionnements de notre société.
Dans la population, la police, c'est vous. De la police en effet, la population ne connaît généralement que l'image rassurante du gardien de la paix. Je dis « de la police », mais je pourrais aussi bien dire de la fonction publique, car c'est bien souvent la police nationale qui incarne la présence de la puissance publique quand les autres institutions font défaut. La population est attachée à ses gardiens de la paix.
Cette confiance de nos concitoyens est déterminante pour la réussite de votre action. Vous devez la faire fructifier là même où elle existe, la créer là où elle fait défaut. La population attend du policier qu'il soit attentif à ses préoccupations, à ses interrogations ou à ses inquiétudes. Ceci exige un comportement personnel et professionnel exemplaire, malgré les situations délicates, la violence, la délinquance, ou parfois même la provocation. Sachez conserver dans vos missions le sang froid qui caractérise un vrai professionnel. Gardez présent à l'esprit le nécessaire respect des règles de déontologie qui est la marque d'une police républicaine. Ayez le respect absolu des personnes, quelles qu'en soient la nationalité, l'origine, la condition sociale ou les convictions politiques, religieuses ou philosophiques. Je sais qu'il est difficile de garder distance, objectivité, courtoisie, voir humour dans certaines situations où vous devez montrer en même temps présence d'esprit, détermination, courage. Mais là est la grandeur du métier de policier.
Vous représenterez, sous la responsabilité de vos chefs, la force publique, celle que la République a instituée pour que notre démocratie soit gouvernée par des lois égales pour tous, et non par la puissance des privilèges, la loi des plus forts, celle de l'argent. La force publique que vous constituerez a pour fonction de garantir les libertés publiques, et l'égalité des citoyens dans leur exercice. Vous aurez à veiller à ce que les plus faibles, les plus démunis ne soient pas à la merci des plus puissants ou des plus fortunés. Vous aurez à veiller à ce que tous respectent la loi commune. Cela exige beaucoup de rigueur et quelquefois de l'abnégation. Soyez l'incarnation de ces vertus, et par votre comportement, rappelez le sens des valeurs républicaines, l'égalité, qui garantit à tous les citoyens mêmes droits et mêmes devoirs, la laïcité, qui respecte toutes les confessions et n'en favorise aucune, la fraternité, qui est le vrai ciment d'une France qui est de plus en plus diverse, mais qui reste mue par un profond sentiment d'appartenance à la république, c'est à dire à une communauté de destin fondée sur la citoyenneté et sur l'égalité de tous, quelle que soit son origine ou sa religion, parce qu'il y a en tout homme d'immenses capacités qui demandent à s'épanouir et qu'il faut mobiliser. C'est cela la République, une conception lumineuse de la nation, qui donne à chacun sa chance, à BARTHEZ comme à ZIDANE.
II) Vous entrez dans la police nationale à un moment où de grands changements vont se produire : plus de 25 000 anciens vont partir en retraite, le cinquième de l'effectif global. Des recrutements nombreux vont être opérés, auxquels s'ajouteront 20 000 adjoints de sécurité recrutés d'ici l'an 2000.
Il faudra augmenter la capacité de fonctionnement des écoles de police -tout comme leur nombre - pour accueillir ces nouveaux agents. J'entends donner une impulsion nouvelle à la formation initiale, afin qu'elle assure dans de bonnes conditions la prise de fonctions de ceux qui vont vous rejoindre. II faut surtout développer la formation continue, pour étendre par exemple la qualité d'officier de police judiciaire - à 8 000 d'entre vous d'ici 10 ans - ou encore mieux, lutter contre la délinquance des mineurs, par des modules spécifiques que 17 500 gardiens de la paix suivront dans l'année qui vient.
Des infléchissements sensibles ont été apportés depuis un an à la formation des gardiens de la paix : l'enseignement qui vous a été dispensé jusqu'ici, cette formation en alternance, a été enrichi, à ma demande d'un apprentissage « citoyen ». Pour réussir dans vos tâches, vous devez bien connaître les évolutions et les phénomènes qui se produisent aujourd'hui dans notre société. Et surtout, vous devez avoir les moyens et les outils pour comprendre le monde dans lequel vous allez agir, en citoyens, responsables de vous-mêmes et responsables de votre action.
Vous êtes, par ailleurs, la première promotion à pouvoir obtenir le baccalauréat professionnel, « métiers de la sécurité, option police nationale ». C'est une innovation importante, même si plus de 75 % d'entre vous sont déjà titulaires d'un baccalauréat classique ou d'un diplôme d'enseignement supérieur. Ce baccalauréat professionnel est la reconnaissance par le ministère de l’Éducation Nationale de la qualité de votre formation. Il permettra à ceux qui ne le peuvent pas encore, d'intégrer l'université, s'ils le veulent, et contribuera à renforcer la culture professionnelle de votre corps.
Ne considérez pas cependant que votre formation s'achève aujourd'hui. Les compétences juridiques et techniques que vous avez acquises font, certes, de vous, des professionnels de la sécurité. Je vous encourage néanmoins fermement à continuer tout au long de votre cursus professionnel l'effort permanent de remise à niveau de vos connaissances. La formation doit être un élément permanent de votre épanouissement dans la carrière que vous avez choisie.
J'ai décidé pour faciliter ce développement de la formation (et notamment de la formation continue) de créer au sein de la police nationale une direction de la formation qui devra être opérationnelle au début de l'année prochaine. Elle aura notamment une fonction d'étude et de recherche, une fonction de conception des programmes pédagogiques ainsi qu'une fonction d'évaluation des formateurs, des programmes et de suivi des enquêtes de satisfaction.
Des assises nationales de la formation et de la recherche seront organisées d'ici six mois pour approfondir les orientations de notre politique en la matière.
Je tiens à ce que le premier effort significatif soit réalisé pour préparer les gardiens de la paix et les brigadiers à l'obtention de la qualification d'officier de police judiciaire. Il faut traiter en effet avec efficacité, mais aussi et surtout avec tout le discernement nécessaire, les problèmes délicats de la délinquance des jeunes ou de la violence urbaine.
III) L'ambition du Gouvernement est en effet d'orienter les actions de la police nationale vers une police de proximité, attentive aux besoins de la population et contribuant à faire reculer le sentiment d'insécurité. Vous en serez les acteurs essentiels.
L'objectif de cette nouvelle politique de sécurité est d'assurer un droit égal pour tous à la sûreté, de réduire massivement la petite délinquance, de restaurer la présence de l’État là où c'est nécessaire et d'apporter à nos concitoyens la protection de la loi républicaine. C'est là, l'esprit de la politique que nous conduisons depuis un an avec l'élaboration des contrats locaux de sécurité en partenariat avec les élus et tous les acteurs de la sécurité.
La police nationale doit donc prendre en compte de plus en plus dans son action quotidienne, les liens entre crise urbaine, violences et incivilités. II en va de la solidité du lien social et de la qualité de la relation entre les citoyens et leurs institutions.
Dans votre travail quotidien au service de la population, vous serez amenés à encadrer les adjoints de sécurité, qui, s'ils n'ont pas la même formation et le même statut que vous, contribueront également à la réussite de la politique de police de proximité. Leur rôle est complémentaire du vôtre. Ils méritent toute votre attention. En travaillant étroitement ensemble, vous répondrez à l'attente de nos concitoyens.
Votre jeunesse sera un atout pour réussir dans vos nouvelles missions, que ce soit en sécurité publique ou dans les compagnies républicaines de sécurité. Votre sens du dialogue vous permettra d'apprécier avec discernement ce qui peut être toléré et ce qui doit être réprimé, conformément aux règles de l’État de Droit, et d'entretenir une relation harmonieuse, dans un respect mutuel, avec toutes les composantes de notre société.
Vous avez choisi comme éponyme de votre promotion, le Capitaine de police Michel BOULAND. C'est un exemple exigeant, qui doit vous rappeler combien ce métier complexe et passionnant peut demander d'efforts et d'abnégation.
Le capitaine Michel BOULAND était un professionnel expérimenté du secours en montagne. Il possédait les qualités humaines qui faisaient de lui une personne solide et réputée.
C'est dans le massif des Ecrins, pour porter secours et aller rechercher, à 3 800 mètres, par une voie très difficile, deux alpinistes immobilisés sur la paroi, que Michel BOULAND, Brigadier de la CRS 47 de Grenoble, a participé, le 16 avril 1997, à une délicate opération de sauvetage, rendue plus encore périlleuse par un vent violent.
Michel BOULAND, chef de caravane de secours - la plus haute qualification dans les équipes de secours en montagne de la police - fit une chute mortelle alors qu'il préparait le terrain pour pouvoir rejoindre la cordée en difficulté.
Capitaine de police, policier dynamique, courageux, d'une haute conscience professionnelle et d'un dévouement exemplaire, cité à l'ordre de la Nation, Michel BOULAND a été fait chevalier de la Légion d'Honneur, et décoré de la médaille d'or des actes de courage et de dévouement.
Devant sa famille ici présente, je vous demande de conserver le souvenir de ce policier exemplaire, de son courage et de son sens du devoir.
Que le capitaine BOULAND reste présent dans votre mémoire : son sacrifice redonne sens à des mots qui pourraient paraître usés faute d'être incarnés par l'exemple. Il affirme les valeurs de générosité qui sont au cœur de la notion de service public, jusqu'au don complet de soi-même. L'exemple du Capitaine BOULAND porte en lui les plus hautes valeurs de notre République.