Article de M. Charles Millon, président de La Droite, dans "Le Figaro" du 5 octobre 1998, sur le PACS, notamment les dispositions en matière de mariage, de filiation et d'adoption d'enfant, intitulé "PACS : seul compte le droit de l'enfant".

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La polémique sur le projet de Pacte civil de solidarité révèle l'ostracisme qui ronge notre démocratie et empêche un débat apaisé. Son examen n'a pas encore débuté que, déjà, l'on réduit le débat à une alternative : être pour ou contre le Pacs, ce serait être pour ou contre le Pacs, ce serait être favorable ou hostile aux couples homosexuels. Et d'opposer les partisans du projet, c'est-à-dire le camp des progressistes, défenseurs de la minorité au nom des principes de tolérance et de liberté, à ses détracteurs, incarnant le conservatisme, le retour à l'ordre moral et l’homophobie.

Le malaise ambiant, à gauche comme à droite, montre que la réalité n'est pas aussi caricaturale et ne peut s'appréhender sans une vision d'ensemble du rôle et de la place de la famille dans notre société. Car, au-delà du cas spécifique des couples non mariés, c'est bien de vivre ensemble dont il s’agit.

En légitiment par une loi l'égalité entre couples homosexuels et hétérosexuels, les auteurs du projet privilégient l'égalité des droits entre individus. L'individu devient sa propre essence et sa propre fin, une sorte d'absolu. La réflexion en cours du ministre de la justice, pour simplifier le divorce, et celle du ministre de la Santé relative à l'euthanasie procèdent du même schéma.

De là mon inquiétude pour la cohésion de notre pays, qui ne peut se résumer à l'addition de couples d'individus, qui seraient autant de petites sociétés privées à responsabilité limitée.

Pour Emmanuel Mounier, « on ne se trouve qu'en se perdant ». La vie en communauté n'a effectivement de sens que fondée, non pas sur l'individu, mais sur la personne à laquelle s'attache une égale dignité, quels que soient son sexe, sa race ou sa religion. A la différence de l'individu qui jouit d'une indépendance totale et n'a de souci que de soi, la personne exerce son autonomie en s'engageant et en prenant des responsabilités.

Dans cette perspective, la loi n'a pas à légitimer des droits-créances et donner satisfaction à des besoins qui sont en réalité des désirs. Expression de la volonté générale, elle doit au contraire favoriser un équilibre de vie en communauté, en posant certaines contraintes à nos libertés individuelles et en protégeant les plus faibles d'entre nous.

A la différence des adultes qui ont décidé de vivre ensemble, l'enfant ne choisit pas de venir au monde. Pour se construire, il a besoin d'un père et d'une mère. Dont l'exemple l'aide à faire l'apprentissage de la différence, puis à accepter l'autre pour mieux s'intégrer dans la vie. De même qu'il ne choisit pas ses parents, de même qu'il ne doit pas dépendre entièrement de leur volonté.

En instituant le mariage, le législateur n'a pas consacré l'hétérosexualité, mais a reconnu les droits de l'enfant en favorisant l'union durable d'une femme et d'un homme, qui se doivent fidélité secours et assistance, et à assumer leur parentalité. Hors du mariage, rien ne peut obliger un père à reconnaître son enfant. Tout comme la mère peut refuser qu'il le fasse et priver son enfant du nom de son père.

C'est toute la dimension laïque du mariage que rappelle le Code civil et qui explique que le divorce est, non pas décidé unilatéralement par en des conjoints, mais prononcé par un juge, afin d'éviter la répudiation au préjudice du plus faible.

En mettant sur un même plan le mariage qui protège les droits de l'enfant et favorise le renouvellement des générations et le Pacs, contrat privé entre deux individus, notre pays risque de mettre le doigt dans un engrenage redoutable.

Une chose est de permettre à des personnes qui ne peuvent pas se marier de vivre ensemble. Elles ont droit à une égale dignité et une égale considération et nous respectons les liens qui les unissent. Pour cela, un aménagement du droit en vigueur doit permettre d'adapter leur situation.

Une autre est de jouer de la force symbolique de la loi pour institutionnaliser une égalité en couples hétérosexuels et homosexuels. Après bien des changements d'intitulé et de contenu, le projet actuel ne prévoit plus aucune disposition en matière de mariage, de filiation et d'adoption. Cependant, au nom de cette égalité, on voit mal comment demain l'on pourrait tous refuser d'avoir des enfants ou d'adopter des enfants. Les associations le réclament et les auteurs du Pacs admettent que la question se poserait inéluctablement à terme.

Dans une société où la morale personnelle est absente, la loi tient lieu de morale. On voit le danger qu'il y aurait à instrumentaliser telle Communauté, ou à multiplier les droits en réponse a des revendications individuelles, risquant de tout confondre et de mettre en péril les droits fondamentaux. Si tout est fondamental, rien ne l'est plus : c'est le mariage, pivot de notre société, qui deviendrait un mode de relation comme un autre : c'est le droit à l'enfant qui prendrait alors le pas sur les droits de l’enfant.

Qu'il s'agisse de l'amélioration de la situation de couples non mariés, des parents isolés, etc, aucune solution ne devrait être exclusive des autres, dès lors qu'elles contribuent ensemble à protéger et intégrer les personnes les plus faibles – a commencer par les enfants – au sein de la communauté.

La vitalité d'un pays n'est-elle pas de pouvoir s'appuyer sur des structures intermédiaires suffisamment fortes pour que la vie en communauté trouve son équilibre sans recourir toujours à la loi ? Si la famille, communauté affective et éducative était mieux soutenue, aurions-nous besoin de légiférer sir les couples non mariés ?

Faute de réponse, débattons bien sûr de la situation des couples non mariés, mais interrogeons-nous aussi sur la reconnaissance de l'utilité sociale du mariage.

N'ayons pas peur d'affirmer les contours d'une véritable politique familiale. Non pas une politique sociale redistributive, telle que le gouvernement actuel l'a engagée, en mettant les allocations familiales sous condition de ressources, avant de rebrousser chemin. Mais une politique créant les conditions favorables à l'engagement des parents, et à l'épanouissement de l'enfant.