Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les mesures en faveur de l'artisanat dans le cadre de la politique économique et sociale du Gouvernement, notamment la lutte pour l'emploi, le passage à l'euro et l'entrée dans la société de l'information, Paris le 22 octobre 1998.

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Circonstance : Journée nationale de l'Union Professionnelle Artisanale (UPA) à Paris le 22 octobre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de participer, en compagnie de la secrétaire d’État chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce et de l’Artisanat, Madame Marylise Lebranchu, à la journée nationale de l’Union Professionnelle Artisanale.

En exerçant de nombreux métiers essentiels à notre société, vous êtes les dépositaires de savoir-faire anciens et précieux. Vous formez la trame de notre tissu économique et jouez un rôle important, au service de l’emploi, notamment lorsque surviennent les difficultés économiques. Vous participez aux changements technologiques tout en protégeant une conception exigeante de la qualité de la vie. Vous êtes des entrepreneurs modernes, attachés à la liberté d’entreprendre. Profondément insérés dans la société, vous entendez évoluer de concert avec elle.

Dès la formation du gouvernement, j’ai pu discuter de tout cela avec les dirigeants de l’Union Professionnelle Artisanale. Daniel Giron d’abord, puis Jean Delmas que je connais bien – que je rencontre depuis longtemps, en Haute-Garonne – et d’autres responsables – que j’ai plaisir à saluer ici – m’ont fait connaître vos propositions. Grâce à ce dialogue, les projets que Marylise Lebranchu va vous exposer prennent en compte, je crois, vos préoccupations. En un mot, le gouvernement entend reconnaître la part des artisans dans la croissance, offrir à leur dynamisme l’environnement le plus favorable et soutenir leurs innovations.

Je voudrais, ce matin, évoquer devant vous la politique économique et sociale d’ensemble dans laquelle s’insèrent les mesures en faveur de l’artisanat. Depuis seize mois, le gouvernement consolide la croissance, lutte contre le chômage et renforce la cohésion de notre société. Cette politique est favorable aux artisans. (I) Parce que c’est une politique de croissance. (II) Parce que notre politique vous aide à relever trois défis incontournables : la lutte pour l’emploi, le passage à l’euro, l’entrée dans la société de l’information. (III) Parce que notre politique s’efforce de bâtir pour vos ambitions l’environnement le plus favorable.


I – Un Notre politique vous est favorable parce qu’elle encourage la croissance.

Pour renouer avec la croissance, premier facteur de réduction du chômage, notre économie avait besoin d’une politique de soutien de la demande. C’est ce que nous avons fait. Les résultats sont là et vous êtes parmi les premiers bénéficiaires : l’augmentation du pouvoir d’achat, la plus forte depuis huit années, favorise l’activité de toutes les entreprises. Pour la première fois depuis dix ans, notre croissance dépassera 3 % cette année. En 1999, elle devrait se maintenir à un niveau de 2,7 %, compte tenu de l’évolution de l’environnement international. En effet, si l’horizon économique mondial s’est assombri, nous disposons de deux atouts précieux.

La nature de la croissance de notre pays, en premier lieu. Celle-ci est désormais assurée davantage par la demande intérieure. Si le moteur des exportations ralentit, les moteurs de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises, encouragés par notre politique, ont pris le relais. La dynamique intérieure de notre croissance, voulue et entretenue par le gouvernement, a permis jusqu’à présent de compenser les turbulences extérieures.

Le projet de budget pour 1999, en second lieu. Afin de renforcer la croissance, il comporte simultanément – pour la première fois depuis longtemps – une baisse des prélèvements sur les ménages, une diminution des charges des entreprises pesant sur l’emploi et une réduction du déficit. Ce budget soutient la conjoncture tout en poursuivant l’assainissement des finances publiques.

Ce budget engage par ailleurs des réformes fiscales qui sont autant de bonnes nouvelles pour l’artisanat. Pour favoriser l’emploi, la réforme de la taxe professionnelle supprimera progressivement la fraction des salaires incluse dans la base d’imposition. Dès 1999, cette décision conduira à une suppression totale de la taxe pour 820.000 établissements. La baisse de la taxe professionnelle sera en moyenne de 40 % pour les entreprises qui réalisent moins de 50 millions de francs de chiffre d’affaires qui sont nombreuses dans le secteur de l’artisanat.

Par ailleurs, le gouvernement a décidé un ensemble de mesures très importantes et très attendues afin de stimuler l’activité du bâtiment, et de l’artisanat en particulier. Les droits de mutation sur les logements et les locaux professionnels ont été sensiblement réduits dès le 1er septembre dernier. La TVA sur les terrains à bâtir, d’un taux de 20,6 %, sera supprimée et remplacée par des droits de mutation à un taux faible (4,8 %). Le taux de TVA sur les travaux d’amélioration réalisés par les bailleurs privés de logements sociaux va, lui, passer de 20,6 % à 5,5 %. Quant au crédit d’impôt sur les travaux d’entretien des logements, créé l’an dernier, il va être doublé de telle sorte que les ménages pourront économiser jusqu’à 4 000 F par an. Enfin, et conformément aux engagements pris par la France au Sommet sur l’Emploi de Luxembourg, je vous confirme que le gouvernement est favorable à un abaissement général du taux de TVA sur les travaux d’entretien des logements. Nous venons de faire une demande en ce sens auprès de la Commission. Nous considérons qu’une telle mesure permettrait non seulement de développer la demande et de créer de nombreux emplois, mais aussi d’assainir un secteur dans lequel la fiscalité excessive favorise le recours au travail clandestin.

II - Nous devons relever ensemble trois défis : la lutte pour l’emploi, le passage à l’euro, l’entrée dans la société de l’information.

Parce que c’est la première préoccupation de nos concitoyens, la priorité du gouvernement que je dirige est la lutte contre le chômage. Tous les moyens doivent être mis en œuvre. Une loi sur la réduction négociée du temps de travail à 35 heures a donc été adoptée par le Parlement. Lors de la concertation préalable, il est apparu que les entreprises de moins de 20 salariés pouvaient connaître des difficultés dans l’application trop rapide de cette loi. Un délai supplémentaire leur a été donc accordé jusqu’au 1er janvier 2002. Les négociations engagées à tous les niveaux – branches et entreprises – donnent des résultats inévitablement divers. La plupart des accords, y compris ceux des branches, s’inscrive dans l’objectif de la loi, c’est-à-dire un gain équilibré entre les salariés, les entrepreneurs et l’emploi. La seconde loi tirera les enseignements de ces négociations.

J’ai conscience que les entreprises artisanales, notamment les plus petites, peuvent nourrir certaines interrogations à propos de la réduction du temps de travail. C’est à la négociation qu’il revient de lever ces doutes. Les artisans du bâtiment sont ainsi parvenus à un accord que je veux saluer. Il offre la possibilité aux entreprises artisanales d’adapter leur organisation ; aux salariés et aux apprentis de bénéficier de plus de repos, en préservant le niveau des salaires ; et aux jeunes de trouver des emplois dont le coût pour le chef d’entreprise devient nettement plus avantageux. Cet accord ne crée bien sûr aucune obligation aux artisans, qui pourront avancer sur la voie des 35 heures à leur rythme. Hier soir, Martine Aubry et Marylise Lebranchu ont signé avec vos organisations une convention prévoyant une procédure de conseil pour les mesures que vous prendrez.

D’autres mesures pour l’emploi sont mises en œuvre. Je pense en particulier au programme « nouveaux services, nouveaux emplois ». A la fin 1999, 250.000 emplois auront été créés. 250.000 jeunes retrouveront de l’espoir pour bâtir un projet de vie. En tant que parents, vous comprenez tout l’intérêt de cette cause.

Le passage à l’euro est le deuxième défi à affronter. La croissance se nourrit aussi de stabilité. De cette stabilité, l’Europe peut être un bon garant. La perspective de la mise en œuvre de l’euro, au 1er janvier 1999, contribue déjà à protéger notre croissance. L’UPA a signé avec le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie une « charte euro » pour faciliter l’introduction de la monnaie unique, et je tiens à vous en féliciter. L’Europe est aussi une très grande chance pour vos entreprises parce que les métiers n’ont pas de frontières. A travers l’Europe, vous pourrez bâtir des stratégies communes, mieux vous fédérer pour constituer des réseaux davantage reconnus. L’artisanat doit se préparer à cette nouvelle donne. Nous vous y aiderons. Nous plaidons naturellement pour l’harmonisation fiscale et sociale dans la zone euro.

La France doit enfin entrer dans la société de l’information. Notre pays avait pris un retard que nous sommes en train de combler grâce au programme d’action lancé par le gouvernement le 25 juillet 1997 à Hourtin. Ainsi, depuis votre atelier ou votre chantier, vous pourrez accéder à l’information et aux documents administratifs. Pour tirer parti du commerce électronique, vous pourrez organiser des réseaux promouvant l’offre de votre filière. Vous avez commencé de le faire, notre politique vous y aidera. Cette politique accompagne l’essor des nouvelles technologies. Après les Assises de l’Innovation de mai dernier, j’ai demandé que les échanges entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise soient intensifiés. Le ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, Claude Allègre, présentera dans quelques semaines un projet de loi ambitieux sur « l’innovation et la recherche ». Les entreprises artisanales ont toute leur place dans ces progrès technologiques qui nourrissent une demande croissance de services. Implantée à proximité de la clientèle, proposant une offre personnalisée, l’entreprise artisanale peut en tirer le plus grand bénéfice. Nous vous y aiderons.


III – Enfin, nous voulons améliorer l’environnement – physique, juridique et social – dans lequel évoluent les artisans.

Chaque fois que nous le pouvons, nous construisons un environnement plus adapté aux ambitions des artisans.


1 – Un meilleur environnement est tout d’abord un environnement plus sûr.

La sécurité est un droit. L’insécurité est une injustice. Vous savez que mon gouvernement met en œuvre un mouvement de réformes pour bâtir une société plus juste et plus solidaire. J’entends que ce mouvement s’effectue dans l’ordre et le respect des personnes. C’est pour cela que nous insistons sur les questions de sécurité, nous souhaitons mieux repartir la présence de la police et de la gendarmerie sur le territoire et que nous avons lancé les contrats de sécurité urbaine. Les artisans doivent avoir toute leur place dans cette réflexion ainsi que dans la préparation et la mise en œuvre de ces orientations.

L’aménagement du territoire et la politique de la ville vous concernent au premier chef. Votre implantation dans nos villes comme dans nos campagnes est essentielle à la santé du tissu social. Le réseau de vos organisations professionnelles et des chambres des métiers quadrille le territoire. C’est pourquoi les projets de vos organisations seront examinés avec attention, afin de contribuer aux mesures que s’apprête à prendre le gouvernement.

Les entreprises artisanales participent à part entière au développement rural. La loi d’orientation agricole ouvrira de nouvelles perspectives aux agriculteurs tout en préservant pour les différentes actions égal le principe : à droit égal, devoir égal. Ainsi le Gouvernement s’assurera du respect des équilibres économiques dans l’espace rural.

2 – Sur le plan juridique, la reforme du code des marchés publics, préparée par Dominique Strauss-Kahn, porte une attention particulière aux petites et moyennes entreprises, qui pourront désormais mieux faire valoir leurs offres dans le cadre d’une concurrence loyale. J’entends que l’artisanat soit consulté et puisse bénéficier des retombées de cette reforme. La justice commerciale sera reformée en profondeur pour assurer un traitement des défaillances d’entreprises moins coûteux, plus diligent et plus transparent, prenant mieux en compte la situation des entrepreneurs en difficulté. Enfin, vous souhaitez réfléchir à un statut adapté à la petite entreprise. Nous rechercherons avec vous les solutions juridiques, sociales et financières qui conviendront à vos activités d’entrepreneurs.

Depuis de nombreuses années, vous exigez que la qualification s’attache à l’artisanat. Marylise Lebranchu a trouvé le juste équilibre pour la reconnaissance d’une qualification raisonnable dans de nombreux métiers. Des dispositions réglementaires sont intervenues ; une loi présentée et soutenue par les élus de la majorité assure la protection du titre de boulanger. La qualification est acquise le plus souvent par la voie de l’apprentissage, auquel contribue de façon importante l’artisanat. La secrétaire d’État à la Formation professionnelle, Nicole Péry, a organisé une large concertation pour préparer la reforme de ce secteur. Vos propositions ont retenu l’attention. L’apprentissage en sortira renforce. L’artisanat aussi.

3 – Environnement social, enfin. La sécurité sociale est au cœur du contrat social français. Nous voulons la préserver, l’adapter et aussi la développer. Les artisans réclament à juste titre, et depuis longtemps, la mensualisation du versement de leurs retraites. La convention d’objectifs et de gestion, signée par l’État et la CANCAVA, le prévoit. La mensualisation des retraites des artisans interviendra à partir 1er  – juillet 1999. Il faudra aussi considérer le poids des cotisations patronales sur les niveaux modestes de salaires sachant que l’État participe déjà à un allégement dégressif jusqu’à 1,3 fois le SMIC.

Je voudrais clore mon propos en rappelant que des initiatives pour l’entreprise artisanale sont préparées par Marylise Lebranchu, en concertation avec votre Union et l’Assemblée permanente des Chambres de Métiers. Parmi les six initiatives proposées, deux portent sur le financement de l’artisanat :
– la création d’un crédit global garanti, à côté des prêts bonifiés, assurera plus efficacement le financement des entreprises artisanales ;
– la préparation d’un système de transmission incitant des investisseurs à reprendre des entreprises artisanales, afin d’éviter des disparitions d’activités.

A travers tous ces projets, nous mesurons l’importance des missions confiées à Marylise Lebranchu, qui fait partager les préoccupations de l’artisanat à tous les membres du gouvernement.


Mesdames et Messieurs,

Vous puisez dans vos traditions pour garantir votre avenir. Vous accordez à la formation toute l’importance qu’elle mérite. Vous vous attachez au respect de la loi et vous attendez de l’État qu’il protège les plus petits et les plus vulnérables.
Vous avez su faire de l’artisanat un secteur économique moderne, respecté et écouté. En vous exposant les grandes lignes de ma politique, j’ai voulu vous montrer que le Gouvernement prend en compte le monde de l’artisanat. Il le fait en tenant ses engagements. II le fait, en comptant sur les chefs d’entreprises artisanales, pour atteindre les objectifs qui sont ceux du pays tout entier : la croissance, l’emploi et la cohésion, au moyen de la solidarité, de la justice et de la démocratie.