Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur le mouvement coopératif, notamment le statut de la coopérative européenne, l'économie sociale et la mutualité, Paris le 16 octobre 1998.

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Circonstance : Assemblée générale de l'Alliance coopérative internationale à l'Assemblée nationale le 16 octobre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec plaisir que je participe ce matin, à la séance de l’assemblée générale de l’Alliance Coopérative Internationale. Je salue l’ensemble des participants à ces journées de travail, de réflexion et de débat. Je souhaite la bienvenue aux nombreuses personnalités européennes présentes. Je remercie particulièrement les Présidents Dethilleux et Pflimlin et je les félicite pour l’action exemplaire qu’ils mènent au sein du mouvement coopératif.
L’occasion m’est donnée de dire en quelques mots l’importance que nous attachons à l’existence d’un mouvement coopératif fort et structuré. En France plus de dix millions de personnes sont adhérentes à une ou plusieurs coopératives, dans des secteurs très divers.
– Dans l’agriculture et l’agro-alimentaire par exemple où les coopératives regroupent neuf exploitations sur dix, se font innovantes à travers la diversification des produits, innovantes par leur souci de la qualité, innovantes par leur adhésion aux outils modernes de la gestion sociale.
– Dans le logement où elles gèrent un parc gouverné par des principes simples, mixité sociale, faible coût pour le locataire, qualité de l’habitat, et sont les partenaires d’élection des collectivités locales pour l’accession des plus démunis à un toit.
– Dans la consommation,
– Dans le secteur bancaire et de l’assurance où elles montrent la modernité remarquable du statut coopératif. Les banques coopératives sont les premières à aider les PME et à concevoir et développer des produits de placement nouveaux.
Succès en France, succès en Europe où il y a près de 300 000 entreprises coopératives qui emploient 5 millions de salariés. Le poids de ce secteur, en termes d’activité et d’emploi, est donc de première importance. Mais, et ceci est à mettre en rapport avec cela, le mouvement coopératif a des caractéristiques et des valeurs qui lui donnent une place particulière pour l’équilibre de notre société. Il faut en revenir à la définition même. Une coopérative, c’est un effort conjoint, c’est réunir des efforts, c’est apporter sa collaboration, sa contribution aux autres, c’est travailler ensemble et pour le bien commun, c’est s’associer dans la solidarité. Les coopératives ne sont pas qu’au service des sociétaires. Elles sont au service de la société toute entière.
Depuis que se réunirent quatre ouvriers à Paris, en 1834, dans « l’association des bijoutiers en doré » et 28, à Rochdale, près de Manchester, en 1844, formant les « équitables pionniers tisserands », les coopératives vivent grâce aux quatre règles qui les animent : porte ouverte à ceux qui veulent adhérer et respecter la loi commune, démocratie car un homme y égale une voix, juste répartition des bénéfices, pas de primat du financier sur le social.
C’est la première étape de la construction d’une véritable citoyenneté économique, l’association de la responsabilité individuelle et de la solidarité collective. Dans une période de crise financière mondiale où on mesure les inconvénients de la domination du court terme, de la dérégulation sauvage, les valeurs du mouvement coopératif ont à l’évidence l’avenir devant elles. Elles sont la manifestation d’une économie partenaire, même si, bien sûr, des évolutions sont à imaginer.
Le thème de cette matinée est l’avenir de la coopération. Il faut effectivement être imaginatif et vigilants. Il est très important que votre mouvement continue à se développer dans ses valeurs, dans son efficacité. Dans la compétition internationale, la facilité apparente suggère de renforcer la normalisation des statuts et des comportements, de se couler dans le moule. C’est pourquoi je souhaite que votre Assemblée soit l’occasion de promouvoir l’idée coopérative dans les différents pays européens et en même temps dans les pays de l’Est, plus généralement dans le monde.
Il me paraît en particulier essentiel que les coopératives européennes soient en mesure de jouer pleinement leur rôle en matière de création de nouvelles activités et qu’une Europe réorientée ne mise pas par telle ou telle directive contre l’esprit de la mutualité. Les besoins se diversifient, de nouveaux besoins apparaissent ou se développent comme dans le secteur des services aux personnes, de l’environnement ou de la sécurité. Par leur statut, par leur proximité du terrain, les coopératives doivent être en mesure de faire émerger ces nouvelles activités, qui ne sont souvent rentables qu’à long terme et qui exigent pour être mises en œuvre un partenariat réussi avec le milieu économique local et les associations. Elles peuvent être une des clés du premier des combats, celui pour l’emploi et la personne humaine.
Ces raisons rendent indispensables d’aboutir sur l’important dossier du statut de la coopérative européenne. Comme vous le savez, il est prévu un règlement dans le domaine du droit des sociétés, et une directive sur la participation des travailleurs. Sur ce dernier point il faut avancer vite, afin de parvenir enfin à un cadre juridique commun pour une activité si utile. Nous y veillerons.
L’Europe doit pouvoir jouer un rôle pour mobiliser des moyens financiers supplémentaires en faveur de l’économie sociale et coopérative. Nous devons faire preuve d’imagination pour inventer de nouveaux mécanismes afin que le secteur coopératif puisse se développer dans des meilleures conditions. Plusieurs pays européens réfléchissent par exemple en ce moment aux moyens d’unir leurs efforts afin de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises et du capital risque. On parle à juste titre de fonds partenariaux de retraite. Le mouvement coopératif doit avoir toute sa place dans les éventuels mécanismes qui seraient ainsi mis en œuvre.
Quant à l’Assemblée Nationale, depuis 1993, un groupe parlementaire d’études sur l’économie sociale, chargé de la coopération et de la mutualité, y a été mis en place, preuve que celle-ci entend suivre de près l’activité de votre secteur et continuer d’avoir avec ses représentants un dialogue constructif. Mesdames et Messieurs, nous savons votre caractère indispensable. Nous connaissons votre œuvre passée. Nous soutenons votre action à venir. Excellente journée de travail. Je vous remercie.