Tribune de MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie, et Simon of Highbury, ministre britannique chargé du commerce et de la compétitivité en Europe, dans "Le Monde" le 5 novembre 1998, intitulée "Priorité aux PME-PMI", sur la nécessité de favoriser la recherche-développement dans les PME-PMI et accroître leur compétitivité, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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Comment concilier justice sociale et dynamisme économique, préserver et améliorer nos systèmes de protection sociale, tout en favorisant une économie capable de créer durablement des richesses ? Cette question est au cœur de la politique conduite par nos deux gouvernements. Elle mérite de nourrir le débat européen.

Les premiers ministres britannique et français, Tony Blair et Lionel Jospin, ont donc décidé, au printemps, de créer un groupe de travail, associant nos deux pays, sur l'esprit d'entreprise, les PME-PMI et leur contribution au bon fonctionnement de l'économie, les aspirations de nos entrepreneurs et les moyens d'y répondre.

C'est l'une des leçons du siècle : le marché est bien le cadre naturel dans lequel s'épanouit l'esprit d'entreprise. Lorsque la création d'un marché se révèle trop ardue, il est nécessaire de trouver des formules adéquates de soutien et d'accompagnement des comportements économiques. Encore faut-il que cette intervention ne conduise pas à nier l'esprit d'entreprise et à méconnaître le caractère indispensable du risque. Le service public participe de cette approche, mais il doit lui aussi fournir un cadre adapté au développement de l'initiative, créatrice de richesses.

Il faut aller plus loin. C'est pourquoi nous avons défini plusieurs champs de réflexion, d'échanges et d'actions pour nos deux pays. Au cours des six derniers mois, huit administrations britanniques et françaises se sont réunies afin d'examiner les moyens d'améliorer les politiques publiques dans plusieurs domaines essentiels.

Nous devons améliorer la réglementation en donnant la priorité aux petites entreprises (sur ce point, l'action de la ministre française chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, Marylise Lebranchu, est remarquable). Nous devons dynamiser la recherche-développement et faciliter l'accès aux sources de financement, les PME-PMI faisant souvent figure de parents pauvres dans ce domaine. Nous devons, avant tout, favoriser l'emploi en soutenant avec énergie la croissance des petites entreprises : car ce sont elles qui créent des emplois et la croissance économique.

Elles prennent utilement des risques importants. Dans l'intérêt de tous.

Nous mesurons toute la difficulté de la tâche. La concurrence internationale est vive et notre avantage compétitif soumis à des pressions toujours plus fortes. Nous ne devons jamais oublier que la création d'une entreprise comporte une prise de risque considérable.

Les chiffres sont éloquents : près d'une entreprise nouvelle sur deux ferme ses portes dans un délai de cinq ans. Il est vital que nous ne dramatisions pas ces échecs, ce qui ne pourrait que dissuader les candidats à cette aventure de tenter ou de retenter leur chance. Au contraire, nous considérons que prendre des risques, gérer des risques calculés, constitue une condition sine qua non du processus de création de richesses. C'est toute la société qui doit comprendre que les petites entreprises prennent utilement des risques importants. Dans l'intérêt de tous.

Universités et centres de recherche ont un rôle essentiel à jouer pour aider les entreprises à acquérir un avantage compétitif durable par le moyen des avancées technologiques. Les PME-PMI qui connaissent la croissance la plus rapide opèrent dans les secteurs de l'informatique, des communications et de la biologie médicale. La recherche européenne est l'une des meilleures du monde. Ensemble, nous devons faire en sorte que les idées nouvelles rencontrent le chemin du marché et se transforment en succès commerciaux.

Tout doit être mis en œuvre pour que les chercheurs essaiment et créent leurs propres entreprises. Nous devons apporter notre aide à l'infrastructure constituée autour des universités, grandes écoles et centres de recherche, laquelle facilite les débouchés commerciaux : tuteurs d'entreprises (business angels), réseaux thématiques, fonds de capital-risque, partenariat avec de grandes entreprises, comptables, chasseurs de têtes, juristes.

Désormais, grâce à Internet et au commerce électronique, les PME-PMI ont accès instantanément à une clientèle mondiale. Il importe à la fois que le commerce électronique soit traité, notamment du point de vue fiscal, comme les autres formes de commerce, et que la protection du consommateur soit assurée.

Démarrage, puis croissance rapide et, enfin, émission de titres : tel est le cycle dans lequel évoluent les PME-PMI. Il est impératif que nous favorisions ce cycle du succès. L'émergence récente de nouveaux marchés boursiers européens constitue à nos yeux une avancée décisive pour les entreprises de croissance et le capital-risque. Nos deux gouvernements suivent avec beaucoup d'attention le développement de ces marchés et souhaitent qu'ils attirent encore davantage d'investisseurs.

Nous considérons, en outre, que le développement des entreprises nouvelles n'est possible que si les relations sociales existant en leur sein sont elles-mêmes innovantes et dynamiques.

Christian PIERRET, secrétaire d’État à l'industrie et Lord simon OF HIGHBURY, ministre britannique chargé du commerce et de la compétitivité en Europe, sont coprésidents du groupe de travail franco-britannique sur l'esprit d'entreprise et les PME.