Texte intégral
C'est pour moi un plaisir de vous retrouver, de renouer le contact avec les professionnels de la promotion et de la construction.
J'ai pu par le passé éprouver la qualité et le savoir-faire de vos entreprises, je sais également que votre profession a connu une période très difficile dont elle est, heureusement, sortie, et qu'elle a toujours su conserver sa capacité d'analyse et de proposition.
Vos propositions, Monsieur le Président, ont le grand mérite de la concision et de la clarté.
Pour plusieurs d'entre elles, elles s'inscrivent dans les chantiers et pistes de réflexions, déjà nombreux, ouverts par mon département ministériel.
D'autres propositions renvoient à des enjeux économiques et politiques qui dépassent très largement le champ du logement et de l'urbanisme, ce qui (...) rien à leur intérêt.
Toutes méritent examen, des lors qu'elles peuvent concourir à l'objectif du "logement pour tous" qui est le thème de votre congrès et qui est l'un des objectifs majeurs du Gouvernement.
En écho à vos préoccupations, et aux thèmes qui ont été développés au cours de cette journée, je voudrais préalablement, rappeler brièvement les grandes orientations de notre politique en matière de logement et d'urbanisme.
Ceci me parait tout à fait utile pour situer dans une perspective large, les actions qui seront menées avec votre concours, utile également pour rendre plus fructueux le dialogue qui va s'engager, qui est déjà engagé, avec les professionnels, dont vous êtes.
Vous parliez du logement pour tous. Monsieur le Président, c'est en effet l'un des axes majeurs de l'action que nous comptons mener : le droit au logement, encore trop souvent bafoué malgré les efforts constants menés depuis quelques années.
Il faut ensuite faire en sorte que ce soit autant que possible un logement choisi, que nos concitoyens disposent d'une liberté de choix réelle et donc d'une offre suffisante et diversifiée. C'est donc en jouant sur tous les segments ; l'accession à la propriété, le locatif public, le locatif privé, et ceci de manière équilibrée, que nous entendons susciter cette offre plurielle, nécessaire pour fabriquer une ville plurielle et fraternelle. Je voudrais donc insister sur le fait que tous les acteurs, tous les professionnels, auront à prendre leur part dans la relance de la construction que chacun appelle de ses voeux.
Il me semble, à cet égard, que le projet de budget pour 1998, participe de ce souci si l'on veut bien en examiner l'économie générale et les perspectives de construction qui s'en déduisent pour chaque secteur.
Mais, j'aurai l'occasion de revenir sur les différents aspects du budget au fil de mes propos.
J'évoquais à l'instant la ville plurielle : c'est le troisième axe de notre politique, le droit à la qualité de la ville, le refus de l'apartheid urbain. Force est de reconnaître là aussi que, malgré les actions menées depuis maintenant plus de quinze ans, les quartiers en difficulté sont loin d'avoir disparu. Il faut que nous trouvions ensemble les moyens pour donner un véritable coup d'accélérateur en matière d'action et d'investissement sur ces quartiers, pour les réintégrer positivement à la ville, et ce sans éluder la question importante de la démolition.
Cet éclairage général étant donné, quelles actions peut-on envisager dans les domaines qui vous intéressent. Je commencerai par l'investissement locatif.
Peut-être d'abord pour rappeler, mais cela n'avait, j'en suis sûr, échappé à personne, que le projet de budget pour 1998 a bien reconduit le dispositif d'amortissement accéléré mis en place il y a un peu plus d'un an.
Nous avons eu le souci de ne pas casser la dynamique qui s'est mise en place. Nous avons également souhaité disposer du laps de temps nécessaire pour mettre sur pied ce qui suivra. A savoir un véritable statut du bailleur privé, avec un double objectif :
- Il faut construire pour la durée pour sortir des mesures conjoncturelles qui créent des phénomènes cycliques et qui nuisent à la lisibilité et a la crédibilité de cette forme d'investissement ;
- Les aides majorées apportées par la collectivité doivent trouver une contrepartie sociale.
Aussi notre ambition est-elle de bâtir un statut durable et équilibre du bailleur privé, qui reconnaisse sa fonction économique et sociale et qui lui offre une possibilité de choix entre un investissement en secteur libre, et un investissement en secteur conventionné, avec alors une aide supplémentaire et des garanties apportées par la collectivité. L'enjeu est bien de susciter de manière durable de nouvelles générations de bailleurs privés.
Pour cela, il faut, je crois, aboutir à un traitement fiscal qui ne soit pas pénalisant par rapport aux placements mobiliers. Il faut aussi apporter une certaine sécurité à l'investisseur. Il est également souhaitable, dans le même souci d'efficacité économique et d'équité sociale, que le choix des curseurs ne limite pas l'intérêt d'un tel engagement aux ménages les plus aisés, mais permette de "ratisser" plus large, peut être vers ces "classes moyennes" qui sont depuis quelque temps l'objet d'une sollicitude générale et qui étaient au coeur d'un de vos ateliers. Je crois en effet qu'un dispositif d'incitation fiscale ne trouvera pas sa légitimité et donc sa stabilité s'il se limite à une "niche fiscale" pour les plus aisés.
Vous évoquiez le système d'amortissement, Monsieur le Président. C'est effectivement la piste d'avenir, sur laquelle nous travaillons ; il faudra très probablement, dans le parc ancien, la faire coexister, en option, avec le dispositif de déduction forfaitaire, dans un souci de simplicité pour les "petits" propriétaires bailleurs.
Enfin, et pour ce qui est de la construction neuve, je voudrais rappeler que la possibilité d'option pour un produit à loyer conventionné, existe d'ores et déjà, avec le prêt locatif social, qui (...) face à une TVA à taux réduit en plus d'un amortissement accéléré. Ce dispositif ne demande qu'à être utilisé, et je lance un appel à tous les acteurs concernés pour qu'ils se mettent en mesure de le développer des maintenant.
Vous avez également mentionné, Monsieur le Président, la démolition des tours et des barres dans les banlieues. Je suis convaincu avec vous, qu'il ne faut pas avoir de tabou sur cette question. Lorsque la dégradation urbaine et sociale d'un quartier a atteint un tel degré que les actions de réhabilitation sont inefficaces, il faut avoir le courage collectif de faire table rase, en ayant le souci de traiter préalablement et complètement la situation des habitants concernés.
Le budget pour 1998 devrait prévoir à cet égard un contingent de 10 000 PLA "Reconstruction / démolition", car pour démolir il faut reloger les gens, à proximité si on ne peut pas le faire sur place.
Puisque nous en sommes au volet budgétaire, je rappelle qu'au total ce sont 80 000 PLA qui sont prévus en 1998, avec toute une gamme pour répondre à la diversité des besoins :
50 000 PLA, 30 000 PLA très sociaux dont 10 000 destinés à des familles cumulant les difficultés. Je voudrais insister sur le fait qu'il s'agit de PLA véritablement financés, et que nous avons voulu par la soutenir l'investissement dans ce secteur, qui était devenu le principal "responsable" de l'affaissement du rythme de construction que vous souleviez tout à l'heure.
Par rapport au développement de la vente en l'état futur d'achèvement entre promoteurs et organismes d'HLM, il me semble que des possibilités existent déjà, notamment dans la loi d'orientation sur la ville. Je crois qu'il faut laisser aux partenaires le soin de s'organiser et veiller à la transparence.
Vous avez abordé longuement l'accession à la propriété.
Dans ce domaine, le véritable enjeu se situe après 1998, puisque je rappelle que le dispositif du prêt à taux zéro est financé par une contribution du 1 % logement qui prend fin à cette date. Il nous faut donc trouver d'ici là, et mettre sur pied un dispositif de substitution, vous évoquiez la piste de l'épargne logement, Monsieur le Président. C'est en tout cas un enjeu de plusieurs milliards de francs, 7 milliards à peu près.
Face à cela, et face au succès incontestable et à la bonne consommation du prêt à taux zéro, il nous a fallu dès 1998 trouver les ajustements qui permettent de garantir la pérennité du dispositif ainsi qu'un volume d'activité satisfaisant, et ce sans se trouver devant une impasse financière en cours d'année 1998. Il nous a semblé, parmi tous les choix possibles, que l'idée de concentrer le prêt à taux zéro sur les prima accédants était la plus juste, les ménages déjà propriétaires - pouvant financer leur accession et leur apport personnel par la revente de leur bien.
Vous avez droit à un langage de vérité, vous avez soulevé l'un des aspects de ce projet de budget pour 1998 qui donne lieu à réaction de la part des professionnels. Il n'y a pas de mesure rétroactive concernant le prêt à taux zéro. Vous savez bien il y à toujours un délai entre l'offre de prêt et sa mobilisation. Pour que cette mesure, limitant le prêt à taux zéro aux primo accédants puisse budgétairement s'appliquer au 1er janvier 1998, un décret fixant les nouvelles conditions d'attribution du prêt est en cours de signature.
Pour autant, et pour en terminer avec le budget, il me semble que le souci d'objectivité nous commande d'en souligner les aspects positifs des lors qu'existe la liberté d'en critiquer les aspects qui le sont moins.
Il s'agit d'un bon budget, je ne suis pas le seul à le dire, d'un budget qui devrait être favorable à la construction ; je n'entends pas sur la réhabilitation dont le traitement a déjà été fortement médiatisé, et qui fait l'objet d'un effort tout à fait important, là encore avec le souci de toucher : le parc privé comme le parc public.
Enfin, au delà des questions budgétaires, vous avez fait état de préoccupations plus fondamentales ou de reformes structurelles.
Je voudrais rebondir sur deux d'entre elles, qui ne sont d'ailleurs pas sans lien, l'impact de la réglementation, et la production de foncier constructible.
C'est pour moi l'occasion de rappeler que je suis en charge à la fois du logement et de l'urbanisme, et très sensible à l'impératif d'une meilleure articulation entre les politiques d'habitat et de construction et les politiques urbaines. Mon expérience d'élu local m'a appris que la complexité des procédures et des documents de planification et de programmation ne facilite pas les initiatives des organismes et des constructeurs. Il y a un champ d'amélioration et de simplification sur lequel je compte mobiliser mes services.
Cette volonté va se traduire par la création au sein du ministère de l'équipement d'une direction générale de l'aménagement regroupant la direction de l'habitat et de la construction et la direction de l'action foncière et de l'urbanisme. La mission que Dominique VOYNET, Jean-Claude GAYSSOT et moi-même avons confiée sur ce point à M. Gilbert SANTEL a rendu ses conclusions très récemment et nous allons passer en phase opérationnelle. Au-delà de ces questions de structure, et pour alter au fond du sujet, il y a effectivement un réel chantier à ouvrir sur la question foncière.
Il faudra se montrer inventif, j'ai déjà reçu des suggestions de professionnels, je suis bien évidemment preneur de toutes vos idées pour alimenter notre réflexion.
Il faut en la matière savoir faire la part de ce qui relève de contraintes ou de lourdeurs sans valeur ajoutée, et de ce qui correspond des attentes légitimes des citoyens, qu'il s'agisse de sécurité, de qualité de l'environnement, de bonne desserte ; ce sont des attentes qu'il faut, dans une démocratie, écouter et satisfaire, serait-ce par la réglementation. Soyons donc attentifs à ne pas "jeter le bébé avec l'eau du bain".
Voila, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que je voulais partager avec vous à l'occasion de cette rencontre. Le dialogue est ouvert, sachez-le, sur les sujets que vous avez bien voulu soulever. Je formule en tout cas des voeux pour que votre profession, dont l'avenir à court terme s'est je pense éclairci, puisse conforter sa santé et son dynamisme, et que le travail que nous menons en commun pour préparer le moyen terme permette d'inscrire dans la durée le droit au logement pour tous qui est notre souci commun.
Je vous remercie de votre attention.