Article de M. Jean Glavany, secrétaire national et porte-parole du PS, dans "Vendredi" du 26 mai 1995, sur le discours de politique générale d'Alain Juppé, nouveau Premier ministre, les orientations du gouvernement et l'augmentation de la TVA, intitulé "Examen raté".

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Circonstance : Déclaration de politique générale du Premier ministre A. Juppé, à l'Assemblée nationale le 23 mai 1995

Média : Vendredi

Texte intégral

Examen raté

Le clivage droite/gauche semblait n'avoir plus cours, mardi 25 mai, lors du discours de politique générale d'Alain Juppé à l‘Assemblée nationale. On s'endormait sur tous les bancs.

Le discours de politique générale prononcé par le Premier ministre, Alain Juppé, devant l'Assemblée nationale ce mardi 23 mai a été un examen raté sur la forme, une formidable manipulation sur le fond, l'ouverture de la porte sur des lendemains qui déchantent et l'étalage spectaculaire des premières contradictions.

Une forme ratée : deux heures ou presque d'un discours terne, monocorde, froid, technocratique, sans aucun souffle, sans aucune émotion. L'Assemblée ne s'y est pas trompée : elle s'endormait ! Savez-vous ce qu'on a même entendu ? "Rendez-nous Balladur !" Au moins, lui, il provoquait des réactions par sa vanité maladive. Juppé rien. Je vous assure, en sortant de l'hémicycle où régnait une chaleur étouffante, tous les parlementaires, ceux de la majorité en tête se plaignaient de son caractère soporifique. Quand règne la froide technostructure…

Une formidable manipulation sur le fond : pendant cette longue litanie, le Premier ministre a annoncé dépenses sur dépenses, revalorisation des retraites, du Smic, programmes de logements sociaux, exonérations de charges sur exonération de charges sans annoncer la moindre recette ! C'était "demain on rase gratis" dans toute sa splendeur et, en plus, il n'y aura aucun impôt nouveau. En fait, la ficelle est un peu grosse : les bonnes nouvelles sont pour maintenant, avant les municipales, les mauvaises nouvelles sont pour juillet, après les municipales. C'est à ce moment-là lors de la discussion de la loi de finances rectificative, que la note sera présentée aux Français. Et c'est pourquoi la porte est ouverte sur les plus grandes inquiétudes : qui payera, demain, cette débuche de dépenses qui effraye déjà les marchés financiers ? Qui payera ? On peut vous le dire : avec la droite, ce sont toujours les mêmes qui payent l'addition.

Et, disant cela, on ne fait que croire ce qu'a dit publiquement le nouveau président de la République, Jacques Chirac : on augmentera la TVA, c'est-à-dire l'impôt le plus injuste, celui qui frappe autant les pauvres que les riches, c'est-à-dire celui qui les frappe plus, en réalité, l'impôt anti-redistributif.

Si bien que la chanson que l'on chante aux smicards es simple : aujourd'hui j'augmente le Smic et, en juillet, je vous reprends cette augmentation par la TVA… On se moque des gens.

Enfin, est venu le temps des contradictions spectaculaires : il fallait voir la tête de Bayrou quand Juppé lui a confié publiquement la charge d'organiser le référendum sur l'Éducation dont il a dit à maintes reprises que c'était une très mauvaise idée et qu'il ferait tout pour l'empêcher !

Bref, après le temps de l'alternance et celui des premières mesures démagogiques es venu celui des choses sérieuses. Il faudra donc attendre quelques semaines pour juger le gouvernement. Mais on a déjà une petite idée.