Editoriaux de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, dans "Force ouvrière hebdo" des 7, 14 (article publié aussi dans "Le Monde" du 9, sous le titre "Egalité ou équité ?"), 21 et 28 décembre 1994, sur les coûts de santé et l'intégration des malades atteints du SIDA, sur la notion d'équité par rapport à l'égalité sur la politique salariale et le financement de la protection sociale.

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Média : FO Hebdo - Le Monde

Texte intégral

Force Ouvrière Hebdo : 7 décembre 1994

Ordre comptable ordre moral 

Le 1er décembre était journée mondiale contre le SIDA (1). Au plan social cette maladie, que certains qualifient de pandémie, pose moult problèmes.

D'abord celui du droit au travail. À la suite des travaux du conseil supérieur pour la prévention des risques professionnels dans lesquels FO a joué un rôle actif, un document d'information a été largement diffusé dans les entreprises, il est actuellement en cours de réactualisation. Les travaux ont également abouti à la loi du 12 juillet 1990 relative à l'interdiction de discrimination entre les salariés du fait de leur état de santé.

Le SIDA fait référence à trop de sujets dits « tabous » pour qu'il ne pose pas de problèmes dans une société notamment marquée par la morale judéo-chrétienne. Il convenait donc de bien garantir les droits, dont le droit au travail.

C'est également pourquoi Force Ouvrière s'est toujours opposée au dépistage systématique et a toujours considéré que seul le médecin du travail est habilité à se prononcer, et ce uniquement sur l'aptitude du salarié à occuper son poste de travail.

Deuxième problème important: celui de la couverture sociale.

Le SIDA étant malheureusement une maladie qu'on ne sait pas encore guérir, il est humainement et socialement impossible de chiffrer son coût.

On sait trop à quels effets pervers et dangereux peut conduire la priorité accordée aux aspects économiques et financiers.

Ce qui importe en effet, c'est non seulement de poursuivre activement les recherches, mais aussi de pouvoir faire face à la prise en charge des soins nécessaires pour une maladie qui tend à toucher un nombre de plus en plus important d'individus.

C'est aussi pour ces raisons qu'on ne doit pas fixer une norme, arbitraire et couperet, d'évolution des dépenses de santé dans une vision purement comptable de rationnement.

C'est encore pour cela qu'on ne doit pas fixer une norme comptable pour le coût d'une maladie comme le SIDA. Car ce serait une façon de fixer le prix de la mort.

Certains pourraient trouver ces lignes exagérées voire outrancières.

N'est-ce pourtant pas déjà le cas dans certains pays où l'on refuse de soigner certaines personnes compte tenu de leur âge ou de leurs modes de vie ?

Certains, en France, n'émettent-ils pas l'idée que pour déterminer les cotisations, il faudrait tenir compte des risques que prennent les individus.

C'est-à-dire de tenir compte, par exemple, du fait que la personne fume, boit, pratique le ski, voire, a des comportements sexuels considérés comme « déviants ».

Aux États-Unis, les adeptes du communautarisme expliquent ainsi, au nom de l'équité, qu'il faut développer « l'humiliation publique ». Dans le Lincoln County, les individus se rendant coupables de délit non violent (ex : fréquenter des prostituées), peuvent prétendre à un verdict moins sévère s'ils avouent leur culpabilité dans le journal local (2).

Tout cela pour dire que vision comptable et ordre moral peuvent constituer un cocktail particulièrement dangereux pour la démocratie, la République et les Droits de l'Homme.

C'est pourquoi nous tenons à ce que la Sécurité sociale soit préservée et améliorée et qu'elle ne soit pas écartelée entre un régime fiscalisé à minima et un appel accru aux compagnies d'assurances.

Pour être assuré social, il suffit de justifier de l'ouverture des droits. On ne vous demande pas comment vous vivez. Vous êtes connu comme assuré social et non comme individu à qui on a demandé de remplir un questionnaire pour calculer le montant de la prime d'assurance.

C'est encore pour tout cela que le dossier de la Sécurité sociale est fondamentalement un dossier qui pose un problème de choix de société.


(1) IAFOC diffuse actuellement un dossier « Information SIDA » édité par CONSO 2000 qu'il faut avoir la.

(2) Courrier International du 7 au 15 novembre 1994.


Le Monde : 9 décembre 1994 et Force Ouvrière Hebdo : 14 décembre 1994

Égalité ou équité ?

L'équité est à la mode. À première vue, cela peut sembler une bonne chose. Il n'en est cependant rien. Car au travers de l'équité, ce que certains politiques ou experts – tel Alain Minc – véhiculent, c'est une remise en cause importante des valeurs républicaines. Si les deux mots, égalité et équité, ont la même racine latine, leur sens n'en est pas moins différent.

Selon le dictionnaire Larousse, l'équité est autant la vertu de celui qui possède un sens naturel de la justice, impartial que « la justice morale ou naturelle, considérée indépendamment du droit en vigueur ». L'égalité, selon la même référence, est le rapport entre individus, citoyens, égaux en droits et soumis aux mêmes obligations ». De fait, l'équité s'apparente à une égalité flexible, permettant des interprétations multiples. Que ce soit en fonction de la situation, de celui qui parle ou est concerné, d'impératifs divers, économiques par exemple.

Les partisans de l'équité, par opposition à l'égalité, ont notamment comme référence un professeur américain, le professeur Rawis, selon lequel il convient de distinguer parmi les inégalités celles qui sont justes de celles qui sont injustes. Seules seraient justifiées les inégalités profitant aux plus défavorisés et n'affectant pas les droits fondamentaux. Mais de quel type d'inégalités peut-il s'agir ? D'une inégalité vis-à-vis du droit. Il faut pouvoir déroger au droit pour peu que cette dérogation bénéficie aux plus défavorisés.

Qui juge le fait que la dérogation sera bénéfique ? Qu'est-ce qui est juste ou injuste ? Qu'est-ce qu'un juste » salaire ? En vertu de quoi le principe de la dérogation ne conduit pas à minimiser et affaiblir le droit ? Autant de questions que ne se posent pas les partisans de l'équité contre l'égalité. Ce principe de la dérogation revêt, dans le domaine social notamment, une appellation que nous avons rencontrée à plusieurs reprises, celle de « discrimination positive ». C'est en son nom, par exemple, que les femmes doivent être autorisées à travailler la nuit. En ce domaine, les partisans de la « discrimination positive » n'ont nullement pensé à limiter sérieusement le travail de nuit des hommes.

À partir du moment où celui qui décide est celui qui fixe le caractère juste ou injuste, l'équité ne peut qu'être facteur d'inégalités croissantes. D'autant d'ailleurs que ses partisans s'appuient sur une mécanique bien connue. Certains droits n'étant plus universellement respectés, il convient de les modifier pour tenir compte de la réalité. Le droit au travail n'est plus respecté. Créons le droit à l'activité ou à l'insertion ! Le droit du travail n'est plus respecté. Déréglementons-le !

Il ne viendrait pas à l'esprit, par exemple, de renforcer le rôle des inspecteurs du travail en matière de contrôle ou de mettre en œuvre une politique économique orientée vers l'objectif de plein emploi. Car et c'est là l'un des points caractéristiques du raisonnement des Salm-Just de l'équité, les contraintes économiques sont incontournables et il faut s'y adapter. Liberté, égalité, fraternité, ces valeurs républicaines issues du souffle de la Révolution ont toujours revêtu un caractère d'objectif et d'utopie. Qu'elles n'aient jamais été totalement respectées n'est pas une nouveauté. Ce n'est pas une raison pour les considérer comme dépassées et archaïques et les remplacer par « libéralisme, équité, individualisme ».

Soumission ou rébellion

En prenant référence sur des travaux américains, les partisans de l'équité oublient tout simplement que la démocratie américaine est très différente de la démocratie française. Aux Etats-Unis, les droits sont avant tout individuels. Cela explique notamment tous les débats du syndicalisme, en son temps, autour du port d'armes ou de la sécurité sociale. En France, droits individuels et collectifs sont intimement liés dans la conception républicaine. C'est aussi ce qui est à l'origine de la laïcité.

Pour respecter l'égalité, il faut certes être impartial, mais s'appuyer sur des droits reconnus par la loi. Un bon prince, soucieux du bien de ses sujets, peut être équitable. Dans cet ordre d'idée, le RMI devient équitable, puisque le droit au travail est devenu impossible. L'équité est à l'égalité ce que l'humanitaire spectacle est à la politique : un alibi pour ne pas s'attaquer aux vrais problèmes. Penser équité, c'est être finalement soumis. Penser égalité, c'est être rebelle.


Force Ouvrière Hebdo : 21 décembre 1994

Plus de salaires c'est moins d'exclusion 

Il y a ceux qui considèrent, par définition, qu'une augmentation du pouvoir d'achat des salaires serait dangereuse car elle compromettrait inévitablement la compétitivité, déséquilibrerait les comptes, relancerait l'inflation.

Pour eux, l'économie française souffre avant tout d'une compétitivité/prix insuffisante, donc de rigidités trop grandes telles que le SMIC, les « charges » sociales, le Code du travail, etc. 

Il y a ceux qui ne nient pas qu'il y ait un problème de consommation, tout en affirmant qu'il ne faut pas s'écarter des contraintes économiques qui obligent à une « modération" salariale. Ceux-là ont tendance à mettre en concurrence emploi et salaires et à vouloir privilégier l'emploi. Ils considèrent que si plus de gens travaillaient, la masse salariale globale augmenterait, ce qui serait bénéfique à la consommation sans compromettre les « fondamentaux » économiques. 

Apparemment séduisant, le raisonnement souffre cependant de plusieurs failles. 

En premier lieu, pour que le potentiel de consommation augmente, il convient que les personnes embauchées soient surtout des personnes à charge de leurs familles (jeunes notamment) ou ayant de faibles ressources. Ce qui implique de « laper » dans le noyau dur du chômage, ce qui suppose volonté et moyens importants d'insertion ou de réinsertion. Or, force est de constater que, nonobstant les fluctuations éventuelles des statistiques du chômage et les nombreux programmes dits de traitement social, le chômage de longue durée s'aggrave.

Quant aux jeunes, pour qu'ils aient effectivement les moyens de devenir indépendants et de consommer, ce n'est pas avec des contrats type CES ou autres contrats précaires qu'ils y parviendront (ces contrats sont en outre généralement exempts de tout ou partie des cotisations sociales). 

Sans parler du fait que de faibles moyens financiers favorisent la consommation de produits peu coûteux, dits de bas de gamme, pour l'essentiel importés, parfois fabriqués par des enfants et des prisonniers (voir les jouets en ce moment) et que l'on rentre là à nouveau dans le cercle vicieux de la compétitivité/prix.

En second lieu, c'est considérer que d'ores et déjà les entreprises auraient la possibilité d'embaucher et qu'elles ne le feraient pas. Autrement dit, elles pratiqueraient la rétention d'embauches.

Se pose alors la question :

Un employeur qui n'embaucherait pas malgré la nécessité serait-il encore un entrepreneur ?

De fait, y compris avec les multiples aides et exonérations sociales accordées, les entreprises n'embauchent guère parce qu'elles n'en ont pas la nécessité, et les in tentions déclarées pour 1995, après les élections bien six, ne peuvent que confiner notre jugement.

Encore une fois nous réaffirmons et ce n'est pas pour dégager leurs responsabilités que les entreprises embauchent quand elles en ont besoin.

Vouloir faire des entreprises citoyennes c'est finalement un curieux « retour » de l'Histoire en dix ans. Certains, il y a dix ans, parlaient des travailleurs citoyens et prônaient l'autogestion…

L'entreprise citoyenne s'exprime, avec quelques dérives déjà, à travers le sponsoring et le mécénat.

En troisième lieu, tous les débats autour de la gestion anticipée des compétences démontrent surtout que les entreprises naviguent plus à court terme qu'à moyen et long termes, et ce plus avec l'intention d'alléger les effectifs que de promouvoir une stratégie globale de développement.

C'est la rançon du marché roi et du fait que l'argent est plus rentable que l'investissement. À partir de là, pourquoi les entreprises embaucheraient-elles pour faire plaisir ?

En quatrième lieu, on ne peut ignorer la dimension psychologique. Le niveau élevé du taux d'épargne tient aussi à l'incertitude du lendemain. La flexibilité des rémunérations et la diminution du salaire net engendrent plus des comportements de fourmis que de cigales.

De ce point de vue, une reprise des augmentations collectives et négociées des salaires redonnerait souffle et espoir.

Chaque « 1% » de salaire en plus c'est près de 30 milliards de plus de redistribués, dont une bonne partirait à la consommation.

Mais de plus, qui peut imposer aux entreprises de recruter ?

Comment fait-on ? On étatise ?

On demande un contrôle de l'embauche par les syndicats ?

On freine les investissements en nouvelles technologies avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir à moyen et long termes ?

On voit ainsi que le schéma d'opposition, ou de choix, entre salaires et emploi serait un choix idéologique dangereux.

Il s'inscrit dans l'arbitrage travail-revenus, la politique des revenus, la volonté d'intégrer les syndicats dans des rôles et missions incompatibles avec l'indépendance syndicale.

En fait il s'agit de donner illusion que l'on s'attaque au chômage en acceptant une apparence de cogestion des effectifs pour, en fait, lier le syndicat et limiter son action.

Concrètement en tout cas, quand on regarde les choses, il y a de quoi être quelque peu stupéfait des premières expériences en la matière.

Premier épisode: dans le cadre de l'UNEDIC, certains ont initié en 1992 une réduction des droits des chômeurs en introduisant notamment l'Allocation Unique Dégressive.

Conséquence: tous les mois plus de 50 000 chômeurs quittent le régime et finissent par basculer pour la plupart dans le RMI, augmentant ainsi le nombre d'exclus (officiellement 1 million de personnes seront bientôt au RMI).

Deuxième épisode: les mêmes veulent développer ce qu'ils appellent les dépenses actives de chômage. Concrètement, il s'agit pour l'UNEDIC de payer des salariés aux entreprises pour soi-disant lutter contre l'exclusion.

Troisième épisode: les mêmes encore viennent d'inventer une nouvelle cotisation: la « cotisation emploi » destinée à financer la réduction du temps de travail.

Il ne reste plus qu'à mettre en place des fonds de pension dans les entreprises pour que les salariés contribuent en plus à fournir les fonds propres, au détriment des régimes par répartition et avec de sérieux risques de spoliation: il suffit de voir les problèmes des mineurs anglais.

Tout cela devient très compliqué et dangereux et a finalement comme objectif de laisser les choses inchangées quant au fond des problèmes.

Les partisans des « dépenses actives » à l'UNEDIC ont-ils mesuré qu'en payant des salariés aux entreprises, le régime d'assurance-chômage favorise une concurrence de loyale vis-à-vis des entreprises embauchant sous contrat de travail normal ?

Comment vont réagir les entreprises qui ne bénéficieront pas de ce genre de salariés gratuits? 

C'est là une dérive grave de la solidarité inhérente au régime d'assurance-chômage.

De même, pourquoi inciter au développement d'associations intermédiaires qui ne respectent aucune convention ou législation.

En tout cas, toutes ces « expériences » ont surtout pour objet de s'opposer aux augmentations de salaires.

Pourtant, il suffit de regarder la situation des entreprises, tant sur le plan des bénéfices que des fonds propres, pour constater une nette amélioration.

Le nouveau Président du CNPF, dans ses premières déclarations, semble quant à lui faire preuve de plus de bon sens. Il a en effet ouvert les portes en matière de salaires, conscient que les salariés revendiquent en toute logique leur part des gains de productivité et que cela contribuera à soutenir la consommation, donc la reprise.

Ce sera l'un des points que nous entendons débattre avec lui lors de nos entretiens.


Force Ouvrière Hebdo : 28 décembre 1994

Hasard, vous avez dit hasard ?

Est-ce à la suite de notre campagne de propagande, mais les grandes manœuvres se poursuivent sur le terrain de la Sécurité sociale.

La même semaine le Premier ministre, dans une tribune au journal Le Monde, annonçait : « ce n'est qu'une fois la maîtrise des dépenses assurée qu'il y aura lieu d'examiner des adaptations au financement de la Protection sociale, faute de quoi, toute modification serait considérée comme un moyen supplémentaire de financer la croissance incontrôlée des dépenses. »

Son ministre des Affaires sociales, Mme Veil, précisait, quant à elle, que le gouvernement devrait prendre position pour modifier sans doute le financement du système (…) ». Les recettes de la Sécurité sociale demeurent fondées sur les salaires, alors que, la Sécurité sociale concerne la quasi-totalité de la population et qu'un financement fondé sur les cotisations n'est pas suffisant pour assurer les recettes ».

La CFDT, enfin, prône le recours accru à la CSG (devenue Cotisation sociale généralisée), l'élargissement de la contribution patronale à l'ensemble des richesses créées par l'entreprise, et une contribution plus forte des retraités. 

Hasard, vous avez dit hasard? 

Les partisans de la fiscalisation rampante de la Protection sociale essaient de reprendre l'initiative. Tous se situent dans le cadre d'une politique économique prônant la modération salariale, c'est-à-dire le maintien de l'austérité, impliquant des engagements pluriannuels de redressement des finances.

Tous continuent de penser que l'allégement des cotisations patronales est une nécessité économique qui serait favorable à l'emploi.

Tous prônent un recours accru à l'impôt pour financer la Protection sociale collective. Gérer le produit de l'impôt ne pose pas de problème à la CFDT, c'est dans sa conception du rôle du syndical.

Lors de la mise en place de la CSG, elle avait même, il faut le rappeler, payé des pages de publicité dans les quotidiens.

Tous sont cependant étonnamment discrets sur le recours accru aux assurances privées qu'implique leur choix pour la fiscalisation.

À aucun moment une réelle clarification des comptes et responsabilités entre l'État et la Sécurité sociale n'est mise en avant.

Au contraire, la Sécurité sociale tendrait à devenir une structure subsidiaire de l'État, celui-ci décidant non seulement des grandes orientations mais aussi des objectifs et moyens financiers.

À travers le débat sur la Sécurité sociale, moult problèmes de fond se trouvent ainsi posés.

Celui du niveau de couverture sociale d'abord. L'objectif, en la matière, est d'améliorer la couverture sociale, en particulier sur les prestations telles que la dentisterie et la lunetterie. Cela passe notamment, dans le domaine de l'Assurance-maladie, par une maîtrise médicalisée des dépenses, mais cela interdit de considérer la Sécurité sociale comme un luxe.

Celui du droit à la couverture sociale ensuite. Sous prétexte que 99 % de la population serait aujourd'hui couverte, les partisans de la fiscalisation parlent de régime unique. Ils confondent droit universel à la couverture sociale avec régime unique.

C'est comme si, d'une certaine façon, on confondait droit de vote avec liste unique.

L'unicité n'est pas toujours, loin s'en faut, facteur de démocratie.

C'est même bien souvent facteur d'arbitraire. Celui de la place de l'État dans le système. En confiant à l'État toutes les grandes décisions, la Sécurité sociale devient au mieux un budget annexe, voire une filiale de l'État, et au pire un service administratif de l'État.

Les partenaires sociaux seraient alors chargés d'appliquer les décisions et de gérer subsidiairement le produit de l'impôt. Ce serait un retour au corporatisme, par définition incompatible avec l'indépendance syndicale. Le syndicat n'a pas plus à être un rouage de l'État que des entreprises.

Quand nous affirmons que la Sécurité sociale est en danger, ce n'est pas de l'intuition ou le fruit de notre imagination. C'est une réalité qui tend à s'imposer, même en période électorale.

Il faut y voir le poids des engagements pris volontairement par les pays membres de l'Union européenne. Ce n'est pas un hasard si le gouvernement réaffirme la nécessité du redressement des comptes de la Sécurité sociale en 1997, année prévue pour l'Union économique et monétaire pour les pays satisfaisant aux critères de convergences économiques.

Quand la politique se résume à l'économique, le social est surtout évoqué sous l'angle de la lutte contre l'exclusion. La politique sociale ressemble alors fortement aux gesticulations de l'humanitaire spectacle. Depuis plusieurs mois, FO a développé tout un argumentaire sur la Sécurité sociale. Plus de deux cent soixante-dix réunions auront été organisées.

Nous avons décidé d'accentuer l'information, la sensibilisation et la mobilisation des salariés en organisant des réunions sur les lieux de travail.

Nous n'excluons pas, si nécessaire, de lancer une grève générale interprofessionnelle.

Dans l'immédiat, nous organiserons, fin janvier à Paris, un grand meeting-rassemblement où nous réaffirmerons nos positions et mises en garde.

Les salariés doivent se réapproprier la Sécurité sociale.

Ni l'État, ni les compagnies d'assurance ne se l'approprieront.

C'est une question de dignité, de solidarité, de liberté et de démocratie.