Texte intégral
Chers amis,
De Rennes,
d'Ille-et-Vilaine,
Des Côtes d'Amor,
Du Finistère et du Morbihan,
Je voudrais tout d'abord exprimer ma gratitude et ma confiance à toutes celles et à tous ceux qui m'apportent ce soir leur soutien pour éviter l'aventure que représenterait un troisième septennat socialiste.
À toutes celles et à tous ceux qui m'ont soutenu depuis le début, je veux exprimer ma très profonde reconnaissance.
À toutes celles et à tous ceux qui, en leur âme et conscience, ont fait un autre choix pour le premier tour, mais qui sont aujourd'hui, sans exception, à mes côtés, je voudrais dire aussi toute ma gratitude.
Je sais que je peux compter sur vous tous, et notamment sur les parlementaires de l'actuelle majorité, pour soutenir une vigoureuse action de réforme de notre société afin de rendre à la France sa cohésion sociale et son unité nationale.
J'exprimerai un sentiment d'amitié particulier pour Yvon Bourges et Alain Madelin qui, l'un et l'autre, m'ont apporté, dès l'origine, le fruit de leur réflexion et de leur expérience.
Sentiment d'amitié aussi pour Pierre Méhaignerie, homme de cœur et de raison, qui a eu le grand mérite de rendre à la justice sa dignité et son indépendance.
Chers amis,
La France souffre d'un mal profond et les Français sont inquiets.
Les électeurs ont voulu le signifier aux candidats à l'élection présidentielle. Ils l'ont fait démocratiquement, mais avec force : l'ampleur des votes protestataires traduit l'approfondissement de la fracture sociale. Les Français sont désunis. Ils sont inquiets. Ils doutent. Voilà pourquoi près de 40 % d'entre-eux ont exprimé au premier tour un vote de protestation.
Plus encore qu'on ne pouvait l'imaginer, notre société est éclatée. Trop de nos compatriotes sont en situation précaire, sans emploi, mal payés, mal logés, mal éduqués, mal soignés, mal protégés. Trop de Français souffrent de l'insécurité qui règne dans trop de zones où l'ordre républicain n'est plus assuré. Trop de petits entrepreneurs et de travailleurs indépendants sont accablés de charges et de contraintes bureaucratiques. Trop de jeunes sont en situation d'échec, sans diplôme ou formation leur permettant d'accéder à l'emploi.
De toutes ces inégalités, qui se sont pour l'essentiel développées au cours des deux derniers septennats, résulte un profond malaise, qui s'accompagne d'une tendance au renoncement ou à la révolte.
À l'origine de nos difficultés, il y a, c'est vrai, une crise internationale d'une grande ampleur. Mais ses conséquences ont été, chez nous, plus graves qu'ailleurs, car les socialistes ont ajouté aux effets de la crise leurs propres contradictions politiques et leurs erreurs de jugement.
Et il faudra bien que leur candidat s'en explique, même si son souhait est de recueillir l'héritage de M. Mitterrand sous bénéfice d'inventaire : être l'héritier, en quelque sorte, sans supporter l'héritage.
Oublie-t-il subitement rôle central qu'il a joué durant ces deux septennats ? M. Jospin n'est pas seulement un homme tourné vers les solutions du passé : c'est aussi l'homme d'un passif.
Le président élu le 7 mai devra tenir compte du signal émis lors du premier tour de l'élection présidentielle par tous ces Français désorientés. Il devra être conscient du scepticisme et de la défiance d'une grande partie de nos compatriotes à l'égard de leur avenir.
Depuis deux ans je ne cesse de faire le constat du malaise de notre pays. J'en ai analysé les causes, décrit les conséquences. J'ai proposé des remèdes. Ils impliquent un changement profond de cap. Il faut tourner ta page du passé si l'on veut vaincre le chômage.
Car tout procède du chômage : l'exclusion, l'insécurité, la violence dans les villes, les déséquilibres de nos comptes publics, le désarroi de la jeunesse, la perte de compétitivité de nos entreprises. Il faut, au plus vite, retrouver le chemin de l'emploi, c'est la priorité absolue, derrière laquelle doit s'effacer toute autre considération.
Oui, c'est un changement de grande ampleur, conduit par des hommes d'expérience, dont la France a besoin pour relever les redoutables défis du futur.
Désormais, l'alternative est simple : soit les Français décideront de s'engager dans l'aventure d'un troisième septennat socialiste ; soit ils choisiront le renouveau, en donnant un nouvel élan à la France.
Voilà les termes du débat qui m'oppose au candidat socialiste.
Et c'est maintenant qu'il faut choisir, en confrontant les convictions, en comparant les solutions, en faisant apparaître les différences qui nous opposent.
Le changement que je propose aux Français a pour objectif ultime, l'emploi.
Comment faire reculer le chômage ? C'est la question que tout un peuple pose aujourd'hui, alors que le nombre de chômeurs a doublé en quatorze ans.
Je ne crois pas à l'idée selon laquelle le chômage serait le prix à payer pour rester compétitif. Tous les grands pays européens font mieux que nous et il est inexact de prétendre que nous avons tout essayé.
De l'État, on attend qu'il donne l'exemple de l'efficacité et du dynamisme. On attend de lui qu'il renonce à dépenser toujours plus. Car si l'argent est trop cher, c'est parce que les administrations ponctionnent des ressources toujours plus importantes pour financer leurs déficits.
Pour retrouver une croissance durable sans laquelle nous ne pourrons lutter efficacement contre le chômage, il y a donc un point de passage obligé : la remise en ordre de nos finances publiques. Pour cela, il faut rompre avec la fâcheuse tendance des socialistes qui consiste, à la première difficulté venue, à créer une dépense nouvelle. Moins de déficits, ce sont des eux d'intérêt plus faibles et davantage d'activité c'est le meilleur service que l'État puisse rendre à notre économie. C'est encore la meilleure façon de lutter contre le chômage.
Nous devrons donc poursuivre les privatisations et en affecter les recettes au désendettement de l'État, évaluer nos dépenses pour améliorer leur efficacité, faire les arbitrages indispensables entre les domaines qui sont prioritaires, comme l'emploi, l'école, la justice, la sécurité, l'aménagement du territoire, et ceux qui ne le sont pas.
Il reviendra au Parlement de procéder, avec le concours des grands corps de l'État, à un grand audit de l'ensemble des dépenses budgétaires, pour éliminer les double-emplois, les gaspillages et les dépenses inutiles.
Pour réformer la France, il faut commencer par réformer l'État. Non pas pour qu'il se mêle de tout, comme cela a été trop souvent le cas sous les deux septennats socialistes, mais pour le rendre plus performant et plus efficace.
La nouvelle politique de l'emploi que je propose, suppose également de remettre en cause un certain nombre de principes dont M. Minc, éminent soutien de M. Jospin, s'est fait le théoricien, à travers une désormais célèbre commission du plan.
À écouter ces experts, il n'y aurait pas de reprise, pas de repli durable du chômage, sans gel ou limitation du pouvoir d'achat des salariés. Singulier changement de pied pour ceux qui faisaient de la relance aveugle de la consommation une priorité absolue en 1981.
Je suis de ceux qui pensent qu'un franc de salaire distribué, lorsqu'il a pour contrepartie une création de richesse, n'est pas un franc perdu pour l'économie. C'est un franc qui va à la consommation ou à l'épargne, c'est-à-dire à l'investissement. C'est donc un franc utile pour emploi.
Je le dis et je le répète : en bloquant les salaires, en cessant de récompenser le travail, le mérite et l'effort, l'on gripperait les mécanismes de la croissance et l'on fabriquerait du chômage supplémentaire.
Les salaires doivent évoluer normalement, en faisant confiance aux partenaires sociaux, dans les entreprises, pour trouver les moyens de répartir équitablement les fruits de la croissance.
Et c'est aussi pour faciliter cette nouvelle répartition, pour mieux associer les salariés aux résultats et aux performances de leur entreprise, que je demanderai au prochain gouvernement de donner un nouvel élan à l'intéressement et à la participation.
Il est un autre enjeu que je me félicite d'avoir imposé dans la campagne, comme thème central du débat : la nécessité de libérer les forces vives de la Nation.
Je songe à cette France de l'initiative, courageuse et pleine de bon sens que connaît et comprend si bien Alain Madelin. La France des salariés, des entrepreneurs, petits et grands, des commerçants, des artisans, des agriculteurs, des professions indépendantes. Sous le poids des charges et des contraintes que les socialistes n'ont cessé de développer, elle cède aujourd'hui au découragement.
On a pu penser que les socialistes avaient fini par comprendre ce qu'était l'économie moderne. Eh bien, on s'est trompé.
Ils ne savent toujours pas que pour asseoir le progrès social, pour réaliser un meilleur partage, plus équitable, il faut d'abord accroître la richesse nationale et pas se contenter de répartir la pénurie. À défaut, on construit sur du sable.
Ils ne savent toujours pas que pour faire reculer le chômage, au-delà de son traitement statistique, il faut donner un nouveau cap à notre politique économique et privilégier les forces vives. Ce sont elles qui font la croissance et qui créent l'emploi.
J'ai fait, vous le savez, de la libération des initiatives l'un de mes engagements devant les Français.
Libérer l'initiative, c'est s'attaquer aux contraintes administratives de toute sorte qui brident nos entrepreneurs. C'est réduire les formalités au minimum indispensable, imposer le guichet unique, faire des lois plus simples, plus courtes, plus claires. C'est une vraie révolution culturelle à accomplir dont l'impulsion devra être donnée au plus haut niveau de l'État.
Libérer l'initiative, c'est aussi réformer notre fiscalité.
Quand on évoque la réforme fiscale, les Français restent souvent sceptiques. On peut les comprendre : tant de promesses non tenues, tant d'engagements non respectés ont eu raison de leur confiance.
Le candidat du Parti socialiste va même jusqu'à prétendre qu'il serait dangereux de conduire une politique qui chercherait, à la fois, à baisser les impôts, réduire les déficits, et renforcer les solidarités.
Les apparences, il est vrai, lui donnent raison : les Gouvernements socialistes sont parvenus simultanément à augmenter les prélèvements obligatoires, creuser les déficits et diminuer le niveau de notre protection sociale.
La politique que j'ai menée entre 1986 et 1988 apporte, s'il en était besoin, la preuve que l'allégement de la pression fiscale stimule l'activité économique et augmente, en fin de compte, les recettes de l'État. Elle est à l'opposé du programme socialiste qui nous annonce toujours plus d'impôts, toujours plus de taxes, ce qui ne manquerait pas d'avoir pour conséquence davantage de chômage et davantage d'exclusion.
Si nous voulons retrouver le chemin de la croissance, il nous faut donc réduire les prélèvements obligatoires, avec le souci de rendre notre fiscalité plus favorable à l'argent qui s'investit et qui crée de l'emploi qu'à l'argent qui va à la spéculation et que les socialistes ont tant encouragée !
Il ne s'agit pas, comme M. Jospin le propose, de taxer l'épargne financière au risque de priver la France des capitaux nécessaires à notre croissance et d'asphyxier très vite notre économie.
Il s'agit de détaxer l'épargne qui s'investit dans l'économie productive et d'encourager tous ceux qui créent la richesse. Là encore, nos approches sont à l'opposé l'une de l'autre.
Je souhaite que l'on diminue l'impôt sur le revenu pour tous les contribuables, dans un souci de transparence et de simplicité, et que l'on encourage les placements en fonds propres dans les petites et moyennes entreprises. Au nom de l'emploi, je souhaite également que l'on allège la fiscalité sur les transmissions d'entreprises et que l'on modifie l'assiette de la taxe professionnelle.
Nous ne pouvons plus attendre.
La croissance ainsi encouragée suffira-t-elle à enrayer le chômage ? Évidemment, non. Il faut donc, en même temps, imaginer une croissance différente, davantage créatrice d'emplois.
Le candidat du Parti socialiste fait, d'après ce qu'il dit, la même analyse. Mais il se garde bien d'avancer la moindre proposition sérieuse à l'appui de son diagnostic. Il se contente de faire état de sa volonté de placer la politique de la ville et de l'environnement au service de l'emploi. L'intention est louable, mais je ne vois pas en quoi la solution au problème du chômage aura progressé. À moins qu'il ne veuille réinventer les « ateliers nationaux ».
Pour ma part, les priorités sont claires.
Des mesures fortes et simples pour lutter contre le chômage de longue durée, véritable antichambre de l'exclusion. Des mesures donnant aux chefs d'entreprise, aux associations, aux collectivités locales, la possibilité de recruter des demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE depuis plus d'un an, pour créer de nouveaux services, de nouvelles activités, de vrais emplois. C'est le sens du contrat initiative-emploi que j'ai proposé.
Une réforme de l'éducation nationale pour rétablir, de l'école à l'université, une authentique égalité des chances, pour préparer chaque jeune à son entrée dans la vie active, diversifier les filières de formation, revaloriser l'enseignement technique et l'apprentissage qui doivent permettre d'accéder au plus haut-niveau de compétence et de diplôme.
Des initiatives pour favoriser l'essor du secteur des services, en particulier des services à la personne, encore si peu développé dans notre pays. Au-delà des incitations fiscales ou financières, qui doivent être renforcées, il faut prévoir un véritable statut et une formation pour ces métiers qui ont toute leur noblesse et oui rendront demain notre société plus humaine et plus conviviale.
Une relance de la politique contractuelle au sein des entreprises et des branches pour encourager le temps partiel qui ne doit plus être pénalisé, développer le temps choisi, moduler les horaires en tenant compte des exigences économiques et des aspirations légitimes des salariés, et tout particulièrement des femmes. C'est dans ce dialogue, à la fois pragmatique et méthodique, que s'inventeront, au plus près de la réalité des entreprises, les vraies réponses au problème du chômage.
Je ne crois pas, pour ma part, aux solutions autoritaires qui consistent, comme le propose M. Jospin, à réduire unilatéralement la durée du travail. Le passage de 40 à 39 heures n'a pas créé d'emploi. Ce n'est pas en doublant la mise qu'on y changera quelque chose. Ce n'est pas en répartissant la pénurie qu'on fera reculer le chômage. C'est en dégageant la route devant tous ceux qui créent la richesse et la croissance. Bref, je le répète, c'est en encourageant l'initiative et les forces vives dans notre pays et non en les décourageant comme l'ont toujours fait les socialistes.
Je suis de ceux qui pensent que les progrès économiques bâtis sur des déséquilibres sociaux ne résistent pas au temps.
Derrière les statistiques, derrière les chiffres, il y des hommes et des femmes, et c'est à eux qu'il faut penser avant tout. Et lorsque je propose de rendre la société française plus juste, plus solidaire, plus attentive à l'égard de ceux qui souffrent, c'est au nom de cette exigence. Pour ne jamais perdre de vue l'essentiel.
L'essentiel, c'est de mettre en œuvre une politique de la ville qui permette de redonner espoir à des quartiers à la dérive qui, peu à peu, sortent du territoire de la République.
L'essentiel, c'est de rétablir, là où il est compromis, l'ordre républicain, car ce sont toujours les plus faibles et les plus démunis qu'on laisse à la merci de la violence quotidienne et de la délinquance.
L'essentiel, c'est de répondre au défi majeur que représente la forte augmentation du nombre des personnes âgées dépendantes, en leur donnant grâce à une allocation de dépendance, les moyens de choisir leur vie et de le faire dans la dignité.
L'essentiel, c'est de garantir l'avenir du système de retraite par répartition, qui est l'expression même de la solidarité entre les âges, tout en revalorisant le pouvoir d'achat des petites pensions. On ne peut pas se contenter, comme les socialistes l'avaient fait avant la courageuse réforme de l'été 1993, de collectionner les Livres Blancs.
L'essentiel, c'est d'imaginer une nouvelle politique du logement qui donne aux Français, à tous les Français, un logement correspondant à leurs besoins. Souvenons-nous que les Gouvernements socialistes sont ceux qui ont encouragé la construction jusqu'à la ramener à 250 000 mises en chantier, c'est-à-dire le niveau de 1954, quand l'Abbé Pierre lançait ses premiers appels.
L'essentiel, c'est de garantir, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, un égal accès à la santé, comme je l'ai fait dans notre capitale en créant la carte Paris-santé. Et ce n'est pas le passage obligatoire par le généraliste avant d'accéder au spécialiste, préconisé par M. Jospin, qui y changera quelque chose.
L'essentiel, c'est d'offrir une activité à tous ceux que l'évolution des techniques exclut du monde du travail, à tous ceux qui vivent, ou plutôt qui survivent, grâce à des minima sociaux. On ne peut plus se contenter de salarier la pauvreté par RMI ou allocations sociales interposés, même si l'assistance aux plus démunis est aujourd'hui une exigence absolue et, pour tout dire, un devoir moral.
L'essentiel, c'est, en fin de compte, de renouer avec les vraies solidarités.
Et la solidarité ne se conçoit pas sans une politique ambitieuse de la famille. C'est une priorité pour des raisons morales, humaines et démographiques.
Parce que la famille est le premier rempart contre l'exclusion, le premier cercle de la solidarité, et en particulier chez les plus modestes, le creuset où se transmettent, de génération en génération, les valeurs qui forment l'identité de la Nation.
Parce que l'on ne peut se résigner à la chute de notre natalité qui fait peser une lourde menace sur l'équilibre de nos comptes sociaux et, à terme, sur le dynamisme de notre pays.
Préoccupés par la crise économique, les responsables politiques n'ont pas toujours mesuré la gravité de la crise de la famille. Et pourtant, les enfants maltraités, les adolescents malheureux qui fuguent pour échapper à un quotidien douloureux, les jeunes femmes en détresse, sont de plus en plus nombreux.
C'est pourquoi je souhaite que nous proposions un véritable contrat de progrès à toutes les familles de France, pour restaurer l'avenir et l'espérance de notre jeunesse. Il prendra la forme d'une loi-programme abordant tous les aspects de la vie familiale, associant objectifs et moyens.
La première des priorités, l'urgence des années à venir, c'est de permettre aux familles de créer une véritable harmonie entre la vie familiale et la vie professionnelle.
Trop longtemps, nous avons raisonné en termes d'arbitrage travailler ou élever ses enfants, réussir sa carrière professionnelle ou avoir un troisième enfant. Pourquoi faudrait-il que les femmes, puisque c'est le plus souvent d'elles qu'il s'agit, soient obligées de renoncer à l'un pour avoir l'autre ?
Reconnaissons pleinement la réalité de l'activité professionnelle des femmes. Les femmes sont 11 millions à travailler. C'est la conséquence heureuse d'un nécessaire et tardif effort qui a ouvert progressivement aux femmes tous les métiers.
Mais, il ne faut pas se bercer d'illusion ; les femmes ont bien conquis le droit de travailler, mais souvent au prix d'une double journée de travail. La fatigue, le stress, le souci de laisser un enfant malade, toutes les mères qui travaillent savent ce que cela veut dire.
C'est pourquoi je propose la création d'une « allocation de libre choix ». Je la comprends comme une « allocation d'accueil de l'enfant » qui serait ouverte à tous les parents, qu'ils travaillent ou ne travaillent pas, pour compenser le coût de la garde des enfants dans le premier cas, pour compenser l'absence de revenu dans le deuxième, et ce, le plus rapidement possible dès le premier enfant.
Cette allocation devra s'accompagner d'un véritable statut parental ouvrant des droits à la retraite et à la formation. Elle sera la pierre angulaire d'un contrat de progrès pour les familles.
Pour que les familles puissent s'épanouir harmonieusement, il leur faut aussi un environnement favorable. Et le premier des environnements, c'est le logement. Il justifie une réforme d'envergure.
Il s'agira de renforcer les incitations à l'accession à la propriété en instituant un prêt d'un nouveau type, incluant une aide à l'apport personnel et des garanties financières en cas de difficultés de remboursement, liées à la perte d'un emploi ou à une séparation familiale.
Il s'agira aussi de prévoir, comme je l'ai fait à Paris, un nombre suffisant de grands logements pour les familles au sein des programmes sociaux.
Il s'agira, enfin, de motiver par des incitations fiscales ceux qui souhaitent investir dans la pierre pour développer l'offre locative, et soutenir ainsi l'activité du bâtiment.
Qu'on ne s'y trompe pas, une politique familiale, ce n'est pas une politique sectorielle ou catégorielle. C'est un enjeu de justice, de démocratie et de cohésion sociale.
Les familles sont les artisans de notre futur. Nous devons leur redonner la toute première place. En nous appuyant sur les valeurs de responsabilité, de générosité, de solidarité et de liberté. Ces valeurs que nous voulons pour nos enfants.
La famille est une force de vie, d'espoir, de vitalité et de prospérité. Elle est essentielle au redressement de la France. Aider à son renouveau, c'est refuser la tentation du déclin. C'est affirmer notre confiance dans l'avenir de la France.
Et puisque j'ai parlé de la famille, je voudrais dire un mot sur le rôle et la place des femmes dans notre société. Il y a là un vrai problème qui devra être réglé.
J'ai souvent évoqué le principe de l'égalité des droits et de l'égalité des chances. Et je constate que ce principe ne s'applique pas aux femmes de notre pays, et ceci dans un certain climat de complicité générale.
Il appartient aux responsables politiques d'être dorénavant le moteur d'une évolution des comportements sur ce point.
L'égalité des droits et l'égalité des chances pour les femmes supposent, dans le domaine professionnel, que soit mis un terme à une situation, d'ailleurs contraire à la loi, où, à travail égal, les femmes sont en moyenne rémunérées 30 % en dessous des hommes.
Cela suppose aussi que les femmes, si peu nombreuses aujourd'hui dans les postes de responsabilités, puissent y accéder en fonction de leurs mérites et de leurs talents.
Ces objectifs devront être au centre des négociations entre les partenaires sociaux et figurer parmi les grands sujets de la concertation.
Sur le plan politique, la situation est en France la plus rétrograde de tous les pays européens. Là encore, l'évolution doit être fermement encouragée. Un grand débat a eu lieu sur l'opportunité de modifier la Constitution en instituant des quotas qui donneraient aux femmes la parité dans les assemblées politiques.
Je ne pense pas que cette solution s'impose mais, à défaut d'être dans la Constitution, le principe de la parité doit être dans les esprits. Il faut avoir les « quotas dans la tête ».
C'est pourquoi je renouvelle mon appel à toutes celles et à tous ceux qui vont, dans quelques semaines, conduire des listes aux élections municipales pour qu'ils prennent soin, dans toute la mesure du possible, de garantir la parité de candidature entre les hommes et les femmes.
C'est aussi cela la solidarité et le rassemblement des Français.
Si les Français parviennent à se rassembler, à privilégier ce qu'ils ont en commun, alors ils seront plus forts.
Alors ils pèseront davantage sur leur destin. Ils joueront tout leur rôle dans la nécessaire construction de l'Union européenne, dont je voudrais dire maintenant un mot.
Nous avons besoin de l'Europe dans les domaines où les politiques nationales doivent être harmonisées pour être plus efficaces l'agriculture, la pêche, la politique commerciale, l'aménagement des territoires, le droit de la concurrence, la protection de l'environnement ; demain, la monnaie, la défense, la politique étrangère.
Isolée la France serait affaiblie. Désunis les Européens seraient impuissants.
La construction européenne, jusque-là monopole de l'Ouest du continent, doit désormais s'étendre à l'Est. C'est un devoir moral à l'égard des peuples qui, après avoir tant souffert pour leur liberté, aspirent à revenir dans la famille européenne. C'est une condition essentielle de la paix et de la stabilité sur notre continent.
Je conçois depuis toujours l'Europe comme une grande famille de nations.
L'Union européenne, aujourd'hui à quinze, demain élargie, constitue désormais le socle de l'édifice européen. Elle doit comporter une union douanière et des politiques communes, dans les domaines d'intérêt commun. Elle doit aussi disposer d'une véritable politique étrangère et de sécurité.
Mais la perspective de nouveaux élargissements renforce la nécessité de réformer les institutions européennes.
Le Conseil européen et le Conseil des ministres doivent jouer un rôle central, tant dans le fonctionnement interne de l'Union, que dans ses relations extérieures et la défense de ses intérêts. Pour assumer pleinement cette fonction, le Conseil doit avoir un visage et une voix. J'ai proposé, en ce sens, l'institution d'un président du Conseil européen qui serait désigné pour trois ans.
Parallèlement, il faut que la commission se concentre sur ses compétences telles qu'elles résultent des traités. Personne ne lui conteste bien sûr son pouvoir d'initiative, mais il est naturel qu'elle agisse sur la base d'orientations et de mandats précis définis par le Conseil européen.
L'essentiel est de faire l'Europe à notre image, telle que nous la souhaitons. Et pour susciter l'adhésion des Français, de tous les Français, il faut que l'Union soit capable de répondre à leur principale préoccupation : l'emploi.
Je me suis personnellement engagé en faveur de la mise en œuvre de l'Union économique et monétaire, lorsque les conditions prévues par le traité seront réunies, et en toutes hypothèses pour le premier janvier 1999. Cela exigera une remise en ordre de nos finances compte tenu du niveau de déficit public que nous avons atteint : près de 6 % du PIB, alors que le maximum autorisé est de 3 %. Nous payons là, dans une très large mesure, le prix du laxisme des socialistes qui ont laissé filer les dépenses publiques et creusé les déficits, compromettant ainsi gravement la construction européenne que, par ailleurs, ils prétendent défendre.
De l'Europe économique, je souhaite que nous ayons une approche plus concrète. Nous devons faire en sorte que l'emploi soit placé au cœur de nos préoccupations communes.
L'Union européenne doit soutenir le développement du continent.
Ce « plus », elle peut l'apporter en aidant à la réalisation de grands réseaux transeuropéens dans le domaine de l'énergie, des transports et des télécommunications, en favorisant les programmes de recherche scientifique, en contribuant à l'aménagement du territoire européen et à la protection de notre environnement, en encourageant les coopérations industrielles entre les entreprises européennes.
L'Union doit aussi veiller à ses intérêts dans le cadre de la nouvelle Organisation mondiale du commerce. Elle ne doit pas hésiter à renforcer ses instruments de politique commerciale et à mettre en œuvre le principe de la préférence européenne.
Sans préférence, il n'y a pas d'identité et sans identité, il n'y aura pas d'Europe.
L'ouverture des frontières ne peut donc se concevoir que dans des conditions parfaites de loyauté et de réciprocité. Il n'est ni normal, ni acceptable que les États-Unis prennent en otage tel ou tel de nos produits au premier contentieux commercial avec l'Europe. Nous devons nous donner des moyens de réagir aussi efficaces que ceux dont ils disposent.
Au cœur des problèmes commerciaux, se pose la question de la stabilité des monnaies, comme en témoignent aujourd'hui la faiblesse anormale du dollar et ses répercussions sur les grandes devises. C'est un enjeu capital pour notre économie. Songeons au nombre d'emplois qu'ont coûté à la France, dans les dernières années, les dévaluations artificielles, qu'elles soient le fait de pays européens ou extérieurs.
Je souhaite que la progression vers la monnaie unique soit l'occasion, pour l'Europe, de prendre une initiative forte en faveur de la stabilité du système monétaire international. Il s'agira d'aller au-delà de la concertation prévue au sein du G7, qui est manifestement insuffisante. Il s'agira aussi de renforcer la sécurité des marchés financiers, pour éviter que ne se développent des opérations purement spéculatives, avec leurs conséquences souvent dramatiques pour nos entreprises et nos emplois.
Comme toujours, la France de demain sera ce que nous déciderons qu'elle soit.
Je ne sous-estime pas, bien sûr, le temps qui sera nécessaire pour infléchir les tendances. Depuis 14 ans, trop d'erreurs ont été commises, trop de retards ont été accumulés, trop de réformes ont été différées, pour que le miracle se produise par le seul effet de l'élection présidentielle.
Mais je me présente aujourd'hui, devant vous, avec l'ambition de vous montrer que nous pouvons faire repartir la France d'un bon pas, si nous sommes unis, si nous sommes rassemblés.
Tous ensemble, nous pouvons bâtir une France plus ambitieuse et plus solidaire.
Une France plus juste et plus tolérante.
Une France réconciliée, décidée à jouer ses atouts et à faire entendre sa voix.
Une France qui donne à chacun une place et une chance.
Une nouvelle France.
Une France pour tous.
Vive notre République !
Vive la France !