Déclarations de M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture, à l'Assemblée nationale les 24 novembre 1994 et 17 janvier 1995 et au Sénat le 9 janvier 1995.

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  • Jean Puech - ministre de l'agriculture et de la pêche

Circonstance : Examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture au Sénat le 9 janvier et à l'Assemblée nationale les 24 novembre 1994 et 17 janvier 1995

Texte intégral

Discours à l'Assemblée nationale, le 24 novembre 1994

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture, que j'ai l'honneur de vous présenter, est un des éléments majeurs de la politique gouvernementale en faveur de l'agriculture française, une politique ambitieuse poursuivie depuis maintenant près de 20 mois, et dont vous pouvez aujourd'hui juger les premiers résultats.

Je ne vous en retracerai pas le détail : je vous l'ai en effet présentée il y a quelques jours, à l'occasion de l'examen du budget agricole pour 1995. Je souhaite cependant en quelques minutes vous rappeler la cohérence de notre action.

La loi, tout d'abord, est indissociable de l'action poursuivie au niveau communautaire, puisque notre politique d'intervention en faveur des productions et des marchés agricoles est totalement intégrée avec celles de nos partenaires, au plus grand bénéfice des agriculteurs européens.

La France a ainsi su faire entendre sa voix, et faire prendre en compte ses priorités, lors de la négociation du GATT il y a un an : des avancées, qui paraissaient hors de portée au début de 1993, ont pu être obtenues par la pugnacité des négociateurs européens, grâce, je le rappelle, à la pression continue que nous avons exercée sur eux au cours du deuxième semestre 1993. L'accord du GATT existe maintenant vous en avez débattu. Notre agriculture voit ainsi tracé le cadre de son environnement international.

Il fallait ensuite lui donner les moyens de s'adapter à ce cadre, et, plus que de s'adapter, de l'utiliser, pour un nouvel élan dans la démarche de modernisation et de conquête des marchés extérieurs, qu'elle a su développer au cours de ces vingt dernières années, et qui la placent aujourd'hui dans les tous premiers rangs mondiaux.

Cette adaptation au nouveau cadre international, nous l'avons d'abord demandée à Bruxelles et nous l'avons obtenue.

La prise en compte de nos priorités, de nos exigences, a rencontré au cours de ces derniers mois l'adhésion de nos partenaires, et l'adaptation de la PAC prend dorénavant en compte les priorités de la France.

Qui aurait pensé, il y a trois mois, que le dogme de l'intangibilité de la jachère pourrait céder le pas au pragmatisme de l'adaptation au marché ! la baisse du taux de jachère de 3 points, c'est la France qui l'a demandé, alors que personne, y compris au sein de notre pays, n'y croyait, et c'est la France qui l'a obtenu, contre la position, au départ, de l'ensemble de nos partenaires. Nous avons ainsi su faire prévaloir nos thèses, qui sont bonnes pour notre agriculture comme elles sont aussi bonnes pour l'Europe.

Plusieurs parmi vous m'ont interrogé sur la question des dépassements de surface, 1,3 % en France pour la présente campagne, et sur le gel supplémentaire qui en résultera en 1995.

Je puis vous indiquer – et cette information n'a pas encore été diffusée – que j'ai remis hier à monsieur Steichen, le Commissaire Européen, une proposition visant à modifier à l'avenir la réglementation existante: Il n'est pas normal ni cohérent avec les objectifs de la PAC réformée d'imposer un gel supplémentaire à des productions, lorsqu'aucune augmentation des surfaces cultivées n'est constatée et donc lorsque le dépassement provient uniquement d'une augmentation de la jachère volontaire, décidée par certains, dans les limites autorisées.

Il y a des incohérences qu'il faut savoir rectifier.

Ces combats, je les mène avec votre appui, Mesdames et Messieurs les Députés, car vous êtes les relais efficaces des attentes du monde agricole et rural – et vous savez à quel point je suis attentif à vos préoccupations – comme vous savez être, j'en suis témoin, le relais également efficace de la politique gouvernementale auprès de vos interlocuteurs. Ces combats, je les mène aussi avec l'appui de la profession agricole, dont j'apprécie le niveau d'exigence et le sens des responsabilités, comme j'apprécie quand elle sait reconnaître les résultats positifs de l'action gouvernementale.

Mais toute notre politique agricole ne se décide pas à Bruxelles. Car ce serait renoncer à l'exercice de nos responsabilités nationales que d'attendre que l'Europe définisse, seule, le cadre d'avenir de nos entreprises agricoles.

Nous avons, depuis 20 mois, entamé en profondeur le chantier de la modernisation. Ce chantier, il ne se mesure pas seulement à l'aune du travail législatif, même si le Parlement doit venir, en temps opportun, donner les inflexions, les orientations, fixer les axes qui cadrent l'action gouvernementale.

Depuis 20 mois, nous avons ouvert des chantiers, sur l'avenir de notre système de formation agricole initiale, d'abord, dont le caractère pragmatique, opérationnel, efficace, est consacré par une évolution régulière des effectifs, + 6 % encore cette année, à contre-courant de l'évolution nationale de la démographie scolaire. Nous avons ouvert le chantier de la rénovation de l'enseignement supérieur agricole et de la recherche, et vous en avez jeté les premières pierres, avec une Importante évolution du budget dans ce secteur dès 1995.

Nous avons aussi ouvert le chantier de la modernisation du développement agricole, en jetant les bases d'un renouvellement de son mode de financement, qui devra s'accompagner d'une réflexion en profondeur sur l'évolution des outils eux-mêmes du développement. Dans ce domaine, l'action du gouvernement devra s'appuyer sur une détermination professionnelle sans faille, pour progresser, car le développement agricole repose avant tout sur l'engagement de toute la profession agricole.

Nous avons également préparé, filière par filière, l'adaptation de notre agriculture aux enjeux de la prochaine décennie, par exemple, le lancement d'un plan quinquennal de modernisation de la filière bovine, lancement de la reconquête du marché intérieur de l'alimentation animale, le développement spectaculaire de l'agro-industrie, dans le domaine de l'utilisation non industrielle des produits agricoles, qui, il y a encore 20 mois, aurait pu imaginer que 300 000 hectares, aujourd'hui, 400 000 hectares, demain, de terres agricoles sont ou seront consacrées à la production de cultures à des fins énergétiques !

Nous avons aussi traduit dans les faits l'ambition de la reconquête du territoire rural. L'extensification de l'agriculture, pour une meilleure occupation de l'espace, n'est plus seulement un thème de colloque, c'est une réalité, à laquelle nous avons su donner les moyens d'exister, en particulier par une revalorisation spectaculaire de la prime à l'herbe, passée, en deux ans, de 120 F à 300 F par hectare. La réaffectation de quotas laitiers libérés au bénéfice des zones de montagne, l'augmentation sensible depuis 2 ans (20 % encore en 1995) de la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, vont dans le même sens.

La création du fonds de gestion de l'espace rural contribuera à la réappropriation d'espaces, en voie d'abandon, et à la rémunération des services d'entretien de l'espace dont la collectivité doit savoir reconnaître l'utilité sociale, patrimoniale et d'intérêt général. Les dispositions du projet de loi sur l'aménagement et le développement du territoire, avec la définition de territoires ruraux de développement prioritaire, et de zones rurales fragiles au sein de ces territoires, permettront une prise en compte plus globale de l'ensemble des besoins du monde rural, et réorienteront en profondeur, au bénéfice de ces territoires, l'action publique.

Nous avons enfin tracé un cadre d'avenir pour l'agriculture dans les départements et territoires d'outre-mer. Le renforcement des moyens européens, que nous avons obtenus au sein du programme POSEIDOM, sera opérationnel à la fin de l'année, et l'allégement exceptionnel des charges sociales, que vous avez décidé au bénéfice des agriculteurs des DOM, donnera un coup de fouet, et de nouvelles perspectives de développement, à un secteur d'activité qui est la clé de voûte de l'économie domienne.

Tel est le bilan, tel est le cadre général dans lequel vient se placer le projet de loi de modernisation de l'agriculture. Cette loi, je le rappelle, nous en avions décidé le principe au cours de votre débat sur l'approbation des accords du GATT. Vous en avez ensuite débattu au mois de mai, en en dressant les contours, les objectifs, les orientations.

Affirmer la place de l'agriculture dans l'économie nationale, permettre son adaptation aux nouveaux défis internationaux, accroître le niveau de performance de nos entreprises agricoles et de nos entreprises agro-industrielles, pour assurer leur adaptation au marché et développer leur capacité exportatrice, garantir l'équilibre du territoire par une occupation de l'espace soucieuse de son environnement, telles sont nos ambitions pour notre agriculture, tels sont les enjeux auxquels le projet de loi de modernisation devra apporter une contribution déterminante.

Avant de vous présenter le contenu détaillé du projet de loi, je souhaite en aborder trois aspects, qui sont au centre de vos préoccupations, et qui, j'en suis convaincu, vont être au cœur de nos débats, tant ils sont essentiels pour le développement de notre agriculture et son environnement social :

– l'allégement des charges ;
– la modernisation de l'entreprise agricole ;
– la solidarité entre les générations.

I. – L'allégement des charges

Il s'agit d'un des axes prioritaires de la politique gouvernementale en faveur de l'agriculture, et je l'affirme solennellement. Quand je vous dis cela, je pense, bien sûr, à la loi de modernisation, mais mes propos dépassent très largement ce cadre.

Car, qu'a fait le Gouvernement, depuis avril 1993, sinon que de se consacrer totalement à cette exigence, indispensable pour l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises agricoles. Dès le mois de mai 1993, un premier ensemble de mesures à caractère législatif et réglementaire était mis en œuvre, pour un montant de 1,5 milliards de francs, démontrant bien la priorité donnée par le Gouvernement à cet objectif.

Après un travail approfondi d'expertise, au cours de l'été et de l'automne 1993, un deuxième ensemble de mesures était mis en œuvre, pour un montant hors mesures sociales, d'1,5 milliard de francs également, en particulier dans le domaine du financement de l'entreprise agricole et de l'allègement de ses charges sociales.
Aujourd'hui, les premiers résultats sont là, car la hausse du revenu agricole pour 1994, (11,5 % en première prévision, je le rappelle), sont, pour une part non contestée, soulignée par la profession, le résultat de cet allégement des charges. J'en rappelle quelques éléments constitutifs :

9 % sur les charges fiscales, grâce à l'accélération du démantèlement de la part départementale du foncier non-bâti ;
9 % également sur les charges sociales, et ceci est dû, au moins pour moitié, aux mesures législatives sur l'assiette des charges sociales, que vous avez décidées en début d'année.

C'est la première fois, dans son histoire, que le BAPSA voit les cotisations agricoles baisser.

Et j'y ajoute les incidences de l'allègement du coût du financement de l'entreprise agricole, avec un dispositif exceptionnel de bonification de prêts pour les nouveaux investissements et de consolidation pour les dettes existantes.

Jamais, je le souligne, car cela n'est pas assez connu et reconnu, jamais le différentiel de taux aujourd'hui constaté entre les crédits bonifiés à l'agriculture et les taux du marché, jamais ce différentiel n'a été aussi important. Les crédits bonifiés sont fa voie privilégiée de la modernisation.

Dans ce domaine de l'allègement des charges, la loi de modernisation innove en profondeur, et, je regrette de devoir le dire de façon aussi tranchée, ce n'est pas seulement en comptabilisant le nombre de centaines de millions de francs ou de milliards qu'elle « rapporte » qu'il faut juger de son efficacité. Le bilan se fera dans la durée, et dans sa mise en œuvre concrète, par la poursuite de l'action gouvernementale, telle que nous la menons depuis 20 mois, et dans le cadre législatif que vous aurez ouvert.

Quelles sont ces ouvertures ? J'en citerai trois :

1. Les charges fiscales, d'abord

Nous pensons tous au foncier non bâti. D'aucuns auraient souhaité qu'on tire un trait immédiat, ou dès maintenant programmé dans le temps, sur cet impôt décrié.

Je ne vous le propose pas. Non pas que je pense qu'il ne faille rien faire, bien au contraire. D'ailleurs, la loi n'est pas muette dans ce domaine : d'ores et déjà deux décisions vous sont proposées, avec une exonération de moitié pendant cinq ans pour les jeunes qui s'installent, et une exonération pour dix ans pour les associations foncières pastorales, c'est-à-dire pour favoriser la gestion collective des terres en risque de déprise. Ceci représente quelques 160 MF de dépenses annuelles, en rythme de croisière.

Mais là n'est pas l'essentiel. J'estime, et c'est également ma responsabilité d'élu local qui s'exprime, qu'on ne peut réformer en profondeur l'impôt foncier non bâti sans s'interroger plus globalement sur l'équilibre et l'évolution des finances locales et, singulièrement, des finances communales. Supprimer purement et simplement l'impôt foncier non bâti, sans en appréhender les conséquences sur les budgets communaux, même si, bien sûr, il y a compensation par l'Etat, ce serait faire preuve de précipitation, voire d'inconséquence.

Car j'ai bien noté votre attente, à l'occasion du débat sur le projet de loi d'aménagement du territoire, d'une réforme d'ensemble de la fiscalité locale : taxe professionnelle, foncier non bâti, foncier bâti. Il y a là un tout homogène, et la réponse devra être globale. J'ai noté, d'ailleurs, que votre Commission de la production et des échanges partageait cette préoccupation.

L'effort prioritaire devra porter sur l'écrêtement de l'impôt lorsqu'il est anormalement élevé au regard du revenu que la terre procure. C'est le cas pour l'agriculture extensive, car une prairie pâturée par 1 bovin à l'hectare ne peut payer le même impôt qu'une terre supportant un « chargement » de 2 ou 3 unités de gros bétail à l'hectare. C'est le cas également lorsque, pour des raisons structurelles ou des contraintes financières incontournables, les communes voient aujourd'hui leur taux d'imposition se situer au-delà du supportable pour l'agriculteur.

Telles sont les voies dans lesquelles nous devons nous engager par priorité, et qui pourraient passer tout d'abord par la mise en œuvre des nouvelles valeurs cadastrales, prêtes maintenant depuis plusieurs années.

Mon collègue, le ministre du Budget vous a indiqué, lors du débat budgétaire, que le Gouvernement était ouvert sur la mise en œuvre de cette réforme en 1995, pour qu'elle soit opérationnelle dès 1996.

2. Deuxième poste d'allégement, les charges sociales

Je ne reviendrai pas sur les avancées importantes que vous avez décidées en début d'année. Nous en avons vu les retombées concrètes, résultant de l'accélération de la réforme des cotisations, des modifications Introduites sur le calcul de l'assiette, du démantèlement accéléré des taxes, décidé par le Gouvernement.

Vous aviez, lors de votre débat d'orientation, relayé l'attente de la profession, sur la prise en compte des revenus du capital dans la détermination de l'assiette des cotisations sociales. Je vous avais alors Indiqué que le Gouvernement était prêt à aller dans cette direction.

Cet engagement est tenu.

Il est tenu là où il était justifié d'intervenir, c'est-à-dire là où les capitaux investis par l'agriculteur ne sont pas pris en compte, par le biais de l'amortissement, pour venir en déduction de l'assiette fiscale, et donc de l'assiette sociale. Il s'agit pour l'essentiel des capitaux liés à l'investissement foncier, et c'est sur ce point que le Gouvernement a souhaité porter l'effort.

Vous le savez bien, il s'agit là d'une avancée considérable au bénéfice des agriculteurs, et qui n'a son pareil dans aucun autre régime.

Quelle justification dès lors y avait-il à accepter pour l'agriculture ce qui ne sera mis en œuvre nulle part ailleurs ? Le Gouvernement a reconnu l'importance que représente le poids du foncier dans l'investissement agricole, la spécificité qu'il représente en matière fiscale puisqu'il s'agit d'un bien non amortissable, et donc la pénalisation qu'encourt aujourd'hui l'agriculteur exploitant individuel, propriétaire de son foncier, pour le niveau de ses charges sociales.

Bien sûr, des moyens existent, pour contourner cette pénalisation, c'est le passage en société, qu'il s'agisse de mettre les terres en société, c'est le traditionnel GFA, ou l'exploitation elle-même, et c'est par exemple la société civile d'exploitation agricole, ou l'EARL. J'estime à cet égard que le passage à la forme sociétaire doit être facilité, et j'y reviendrai. Mais pour autant, il n'a m'a pas semblé envisageable de conditionner l'allègement de l'assiette sociale à une mutation à laquelle beaucoup d'agriculteurs ne sont pas prêts, ne serait-ce qu'en raison de leur âge.

La proposition qui vous est faite est donc la réponse que le Gouvernement apporte à la question posée. Nombreux sont ceux d'entre vous qui se sont cependant fait le relais de l'attente professionnelle d'une avancée plus importante. Certains critiquent la base forfaitaire de déduction retenue, le revenu cadastral, qu'ils jugent archaïque. D'autres rejettent les franchises que prévoit le projet.

À ces observations, je ferai deux réponses.

La première est très pragmatique. Il nous fallait poser un principe. C'est fait. Et faire en sorte ensuite que ce principe soit appliqué de façon équitable, et proportionné à l'objectif.

Le revenu cadastral est une donnée objective, qui évite l'arbitraire de l'estimation, par l'agriculteur lui-même, de son revenu foncier théorique. C'est une donnée que vous jugez souvent périmée ? J'ai noté que les nouvelles bases cadastrales pourraient être mises en œuvre en 1995 pour une application en 1996. Eh Bien, admettez que si, en 1996, noua parvenons à une exacte appréciation du revenu foncier théorique tel qu'il résultera des bases cadastrales réévalué, alors nous aurons, en deux étapes, 1995 et 1998, apporté une exacte réponse au problème posé et ce sera une puissante Incitation à la mise en œuvre des nouvelles bases cadastrales de foncier non bâti, ce qui, en tant qu'élu local, ne me parait que justice.

Ma seconde réponse porte sur la parité par rapport aux autres catégories socio­professionnelles. Que n'a-t-on entendu dire au nom de la parité ! Je rejoins dans ce domaine, le souhait de votre Commission des affaires sociales, et j'ai l'accord de la profession, pour qu'une mise à plat soit faite par une autorité Indépendante, sur cette question de la parité, tant au niveau des prestations que des cotisations dans leur taux et dans leur assiette.

Mais pour en rester sur le sujet qui nous préoccupe, il ne fallait pas passer d'un extrême à l'autre, et mettre les agriculteurs dans une situation plus favorable, au regard de l'assiette de leur cotisation, que celle de la population de référence que sont les salariés. C'est la motivation des franchises retenues par le projet de loi, pour des raisons développées dans l'exposé des motifs de ce projet et sur lesquels je reviendrai au cours de notre discussion.

Pour ces motifs, je vous demanderai Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas bouleverser l'équilibre délicat que vous propose le projet de loi du Gouvernement, car ce pourrait être une remise en cause du principe même de cette avancée, dont je souligne à nouveau le caractère exceptionnellement novateur.

3. Troisième poste d'allègement, les charges financières de l'entreprise agricole

Nous sommes là plutôt dans le domaine réglementaire. C'est la politique des crédits bonifiés, et j'ai évoqué tout à l'heure le niveau historiquement bas des taux aujourd'hui consentis à l'agriculture : c'est aussi la politique de restructuration et de consolidation de la dette, que nous menons depuis deux ans pour mieux armer les filières agricoles les plus concernées par la réforme de la politique agricole commune.

Aujourd'hui, nous sommes devant un fort redémarrage de l'investissement agricole. Témoin, la progression de l'immatriculation des tracteurs, + 19 % sur les huit premiers mois de l'année par rapport à l'année dernière. C'est là un signe de confiance en l'avenir de la part des agriculteurs, que le Gouvernement saura accompagner en 1995 au travers des enveloppes de crédits bonifiés.

II. – La modernisation de l'entreprise agricole

Deuxième thème central de la loi sur lequel je souhaite apporter quelques développements, la modernisation de l'entreprise agricole : le projet présente ainsi des inflexions significatives pour mieux préparer nos entreprises à leur futur environnement.

Je vous propose à cet égard de reconnaître l'importance du fait sociétaire en agriculture, et de lever l'ensemble des blocages qui entravent aujourd'hui son développement.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de faire du « tout société » en agriculture. Comme je l'indiquais il y a un instant, beaucoup d'agriculteurs n'y sont pas prêts. C'est néanmoins une direction dans laquelle il faut s'engager résolument car le statut sociétaire apporte sur le plan juridique, sur le plan fiscal et sur le plan social les garanties dont a besoin l'entrepreneur agricole. D'ailleurs aujourd'hui, une installation sur deux se fait sous forme sociétaire.

Le projet de loi propose donc de lever un certain nombre de blocages à l'installation sous forme sociétaire, de nature fiscale principalement, et il pose le principe de l'extension aux entreprises sociétaires, dès lors que celles-et sont détenues majoritairement par des agriculteurs, des aides économiques, essentiellement les prêts bonifiés, dont bénéficient, les entreprises individuelles.

III. – La solidarité entre les générations

Troisième volet central de la loi de modernisation, ce que j'appelle la solidarité entre les générations, c'est-à-dire à la fois ce qui concerne l'installation des jeunes et les mesures de solidarité envers les anciens exploitants. Et c'est très volontairement que je rassemble autour d'une même notion de solidarité deux axes d'orientation de la loi aussi éloignés.

1. D'abord l'installation des jeunes

Il s'agit là d'un des points centraux du projet de loi de modernisation, qui marque la détermination du Gouvernement à placer notre agriculture dans une perspective d'avenir. L'évolution de ces dernières années est particulièrement inquiétante : de moins en moins d'installations, avec l'arrivée à l'âge de la retraite d'un nombre particulièrement important d'agriculteurs.

Vous aviez mis en exergue, lors de votre débat d'orientation du mois de mai, l'importance de conserver à la terre un nombre suffisant d'agriculteurs pour occuper le territoire et garantir le maintien de la vitalité de notre tissu rural.

Le projet de loi prévoit pour cela des dispositions, et des moyens financiers, ambitieux :

Le dispositif de pré-retraite, d'abord, sera réorienté prioritairement vers l'installation des jeunes. Jusqu'à présent, 85 % des terres libérées sont en effet allées à l'agrandissement. Le nouveau dispositif sera plus incitatif vis à vis de l'installation, puisque l'aide sera modulée en fonction de cet objectif. Je souhaite vivement qu'on ne s'écarte pas de cette orientation, par des modifications de texte qui seraient susceptibles d'en amoindrir sensiblement la portée.

L'allégement de moitié de l'impôt foncier non-bâti pendant cinq ans au bénéfice des jeunes agriculteurs. Cette mesure vient compléter l'importante panoplie d'allégements existants, sur les bénéfices agricoles d'une part, sur les charges sociales d'autre part.

L'allégement des droits de mutation dans les territoires ruraux de développement prioritaire. Il s'agit dans les zones prioritaires, dont vous avez défini le principe dans le cadre du projet de loi sur le développement du territoire, et qui concernent environ les 2/3 du territoire national et un habitant sur quatre, il s'agit de rendre plus facile l'acquisition du foncier en cas d'installation. C'est une mesure d'aménagement du territoire, et Il est donc important qu'elle demeure ciblée géographiquement.

Sont également prévues :

Une information anticipée sur leur intention de départ, de la part des postulants à la pré-retraite ou à la retraite de façon à favoriser si nécessaire l'installation d'un jeune pour leur succéder.

Une possibilité pour les SAFER de se voir confier la gestion, par les propriétaires, d'exploitation importantes pendant une durée pouvant aller jusqu'à trois ans, de façon là également à se donner le temps de rechercher un jeune à y installer.

Les modalité de mise en œuvre de ce dispositif, ainsi que des moyens d'accompagnement, de niveau réglementaire, portant en particulier sur le dispositif de formation, liée à l'installation, sur le financement de cette installation, prêt global d'installation et, le cas échéant, mise en place d'un système de garantie tenant compte des autres aides existantes, tout ceci sera repris dans le cadre d'une Charte nationale de l'installation, qui sera communiquée au Parlement, et qui servira de fondement à l'action de l'état aux moyens d'accompagnement que souhaiteront apporter les collectivités, et à l'action de la Profession.

Le coût des dispositions de caractère législatif est significatif. Prolongation du dispositif de pré­retraite, exonération des droits de mutation et d'impôt foncier non bâti représentent en effet un coût de 185 MF en 1995 et d'environ 500 MF par an dans cinq ans.

2. Les mesures en faveur des anciens exploitants

Les propositions du projet de loi portant sur les retraites marquent la volonté du Gouvernement que dans une loi de modernisation, qui concerne l'avenir de l'exploitation agricole, ne soient pas oubliés ceux qui ont contribué à doter notre pays de l'agriculture moderne que nous lui connaissons. C'était là un acte de solidarité nécessaire.

C'est pourquoi le Gouvernement vous propose de lever, pour les veuves d'agriculteurs, l'interdiction de cumul entre une pension de réversion et la retraite acquise à titre personnel. Il s'agit là d'une mesure particulièrement attendue, et devant laquelle tous les gouvernements antérieurs avaient reculé en raison de son coût.

Celui-ci est en effet particulièrement important, 2 milliards de francs. Il n'était bien sûr pas envisageable, dans le contexte budgétaire actuel, d'absorber sur, un an la totalité de cet effort. C'est pourquoi le Gouvernement vous propose de l'étaler sur cinq ans, avec une levée progressive l'interdiction de cumul, et une majoration forfaitaire équivalente pour les veufs et veuves actuels, qui atteindra ainsi 6 000 F par an dans cinq ans, soit une majoration de 30 % par rapport à la moyenne actuelle des pensions dont ils disposent.

Je vous ai présenté quelques points essentiels du projet de loi : allégement des charges, modernisation de l'entreprise agricole, installation des jeunes, solidarité envers les anciens exploitant : je vais maintenant si vous me le permettez, reprendre la loi dans son intégralité, en apportant quelques commentaires sur les autres dispositions les plus importantes.

Le projet de loi s'articule autour de cinq titres et 39 articles. Le titre I porte sur l'orientation des productions agricoles, le titre II sur l'entreprise agricole, le titre III sur la fonction de l'agriculture dans l'entretien de l'espace, le titre IV sur le développement de remploi agricole, enfin, le titre V sur la protection sociale des exploitants agricoles.

La titre I, sur l'orientation des productions agricoles, est tout à fait important. Il marque la volonté unanime, celle du Gouvernement comme celle de la profession agricole, d'améliorer la cohérence d'ensemble de la politique agricole, dans le cadre défini au niveau communautaire.

Cette cohérence, il faut l'assurer au niveau national tout d'abord, et cela se traduira par un renforcement du rôle du Conseil Supérieur d'orientation dont la mission de coordination horizontal sera renforcée, en particulier vis à vis des offices, tout en rappelant la double nécessité de prendra en compte les aspects liés à l'occupation du territoire rural, au maintien de l'emploi rural et à la politique des structures.

Parallèlement le rôle des interprofessions sera amélioré, leur champ de compétence sera élargi et leur capacité d'intervenir dans le cadre des dispositifs de l'ordonnance de 1988 sur la concurrence sera affirmée.

La cohérence sera également recherchée au niveau départemental, en fusionnant les diverses commissions qui existent à ce niveau, commission des structures et commission mixte notamment, de façon à définir dans chaque département des priorités en matière d'orientation des productions, d'occupation de l'espace agricole et d'aménagement des structures d'exploitation.

Enfin, la cohérence sera également recherchée dans la mise en œuvre des droits à produire ou l'attribution de références individuelles de production.

En effet, jusqu'à présent, cette mise en œuvre relevait uniquement de procédures réglementaires dans le cadre communautaire et il m'a semblé nécessaire à d'introduire un corps de règles, de niveau législatif, communes à toutes les précautions, qui donnent des garanties. Celles-ci doivent porter en particulier sur les moyens d'éviter la délocalisation des productions, c'est-à-dire les transferts d'une zone géographique à l'autre et par ailleurs l'installation des jeunes ou le développement des exploitations récentes ne doit pas être entravé par le coût éventuel d'accès aux droits à produire.

Le titre II du projet de loi porte sur l'entreprise agricole. J'ai déjà abordé les deux aspects les plus importants de ce titre, les dispositions visant à faciliter la misa en société, et celles sur l'installation des jeunes, et je n'y reviendrai donc pas. Le titre comporta également des mesures visant à favoriser l'exercice de la pluriactivité en particulier par un aménagement du système des cotisations minimales maladie des pluriactifs et une simplification du système des caisses pivots de Sécurité Sociale. Ces mesures sont issues du rapport présenté par M. le député Gaymard, qui avait été chargé sur ce point d'une mission auprès de moi.

Les mesures en faveur de la pluriactivité des agriculteurs représentent toujours un équilibre délicat : il faut éviter en effet d'introduire des distorsions de concurrence vis-à-vis des autres secteurs d'activité, car ce serait courir le risque de mettre en péril ces autres activités. Dont la présence en milieu rural est tout autant nécessaire. C'est la raison pour laquelle je souhaite que vos prêtiez une très grande attention à cette préoccupation, à l'occasion de l'examen des amendements au texte gouvernemental que vous aurez à étudier.

Le titre III du projet de loi porte sur la place de l'agriculture dans l'aménagement et l'entretien de l'espace Ces dispositions viennent en complément de celles qui sont d'ores et déjà prévues dans le projet de loi sur le développement du territoire avec la mise en place du fonds de gestion de l'espace rural.

Il porte tout d'abord sur les instruments de gestion de l'espace rural. Il reconnaît le rôle privilégié des associations foncières de gestion pastorales, forestières et agricoles, qui constituent un cadre adapté permettant une gestion cohérente de l'espace montagnard. Pour renforcer la capacité d'action de ces associations de gestion, il est proposé de les rendre prioritaires pour l'accès aux aides prévues pour l'entretien des espaces.

Par ailleurs, afin d'encourager les propriétaires à confier leurs terres aux associations foncières pastorales, il prévoit pour ces dernières une exonération de l'impôt foncier non bâti d'une durée de dix ans.

Enfin, le projet de loi crée un nouveau type de société civile agricole, le groupement foncier rural, qui permettra l'exercice, au sein d'une même entité juridique, de deux activités antérieurement incompatible activité agricole d'une part, activité forestière d'autre part.

Le titre III prévoit également une amélioration des procédures d'aménagement foncier, pour leur permettre de mieux prendre en compte les préoccupations concernant la gestion et l'entretien de l'espace rural ainsi que la protection et la mise en valeur des paysages.

Le titre IV porte sur le développement de l'emploi dans l'agriculture. Il vise tout d'abord à conférer aux services de remplacement en agriculture le statut de groupement d'employeur, ce qui leur donnera l'assise juridique ce qu'ils réclament depuis longtemps.

Il aménage ensuite les cotisations sociales des salariés occasionnels, qui seront dorénavant assise, dans des conditions définies au niveau réglementaire, sur des taux réduits, alors qu'au auparavant, elles étaient soumises à des taux normaux s'appliquant à une assiette forfaitaire. Ceci améliore de façon significative la protection sociale des salariés concernés.


Discours au Sénat, le 9 janvier 1995

À l'occasion de la conclusion des accords du GATT, il y a un an, le Gouvernement s'était engagé, devant le Parlement, à accompagner ces accords par un dispositif national, de nature législative et réglementaire, de façon à permettre à notre agriculture de s'adapter au nouveau cadre commercial international.

Le défi auquel notre agriculture était confrontée, nous devions en effet la mettre à même de le relever ; l'agriculture française a su, au cours de ces trente dernières années, se hisser aux tous premiers rangs mondiaux, par sa compétitivité et par la qualité de ses produits. Il lui fallait, il lui faut maintenant, utiliser ses formidables atouts pour préserver ses parts de marchés et utiliser l'organisation mondiale du commerce pour de nouvelles conquêtes.

C'est tout le sens de l'action menée par le Gouvernement depuis 20 mois, et dont la loi de modernisation, dont vous allez aujourd'hui débattre, est un des piliers.

Action menée à Bruxelles, d'abord.

Avec l'adaptation des règles de la PAC, où la France a su faire prendre en compte ses priorités par ses partenaires.

Avec en particulier la modulation du taux de jachère, dont nous avons obtenu qu'il soit un instrument de régulation du marché, et non un instrument malthusien à strict objectif financier : la baisse du taux de jachère de 3 points, que la France était seule à proposer, a pu ainsi recueillir l'adhésion de l'ensemble de nos partenaires.

Avec également la mise en chantier des réformes importantes des organisations communes de marché, dans le secteur des fruits et légumes, de la viticulture, du sucre.

Cette action, nous aurons à la développer au cours de ces prochains mois, sous la présidence française de l'Union Européenne, et ce sera naturellement ma grande priorité, avec comme axes principaux :

a) La poursuite, et si possible l'achèvement de la réforme des organisations communes de marché que je viens d'évoquer.

b) La poursuite de l'adaptation de l'agriculture européenne au nouvel environnement international dans le sens du mémorandum que nous avons déposé en septembre auprès de la Commission de l'Union Européenne.

Je relèverai notamment la réforme du volet externe des organisations communes de marché, l'adaptation des filières dans le sens d'une plus grande compétitivité, et surtout car j'estime que ceci constituera une priorité importante de notre présidence, la poursuite et l'amplification des mesures visant à la simplification de la gestion de la politique agricole commune.

c) Enfin, il conviendra de mettre en place le dispositif nécessaire à une action extrême cohérente de l'Union Européenne en matière de règles techniques, sanitaires, agricoles et alimentaires avec des normes internationales et des accords de reconnaissance mutuelle, et poursuivre l'harmonisation et la simplification des réglementations communautaires relatives à ces sujets.

Action menée dans le cadre national, ensuite.

Cette action de modernisation et d'adaptation, nous l'avons également menée avec détermination dans le cadre national afin de répondre aux deux grands objectifs de notre politique agricole que j'avais développé devant votre assemblée lors du débat d'orientation agricole du printemps :

– accroître le niveau de performance de l'agriculture, de façon à garantir sa compétitivité et sa capacité exportatrice ;
– contribuer au développement du territoire et à l'équilibre économique et social des espaces ruraux, dans le respect de la protection de l'environnement.

Cette action de modernisation nous l'avons poursuivie tout au long de ces 20 derniers mois en agissant sur tous les leviers de la performance et du développement :

Au niveau de la formation agricole initiale, d'abord, car le succès de notre système de formation, son dynamisme et le rôle d'accompagnement qu'il joue pour les politiques agricoles et d'aménagement du territoire ne pouvaient que m'inciter à faire de la rénovation et du développement de la filière du progrès une des priorités de mon action.

Au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche, ensuite, avec un plan de rénovation et de développement, à la suite de la mission que j'ai confiée à votre collègue, le sénateur Laffitte.

Au niveau du développement agricole, également, avec le renouvellement de son mode de financement que je viens d'approuver au terme d'une longue réflexion avec la profession agricole.

Au niveau des filières agricoles, avec le renforcement de l'action des offices et la mise en perspective de cette action.

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture, que je vais maintenant vous présenter s'inscrit dans cette démarche de modernisation. Nous en avions décidé le principe lors du débat au Parlement sur les accords du GATT, et vous en avez débattu les orientations au mois de juin.

Avant de vous résumer les principales dispositions du projet de loi, je souhaite vous en présenter les grandes priorités, qui sont :

– l'allégement des charges qui pèsent sur l'agriculture ;
– l'installation des jeunes ;
– la modernisation du statut de l'entreprise ;
– le renforcement des instruments de coordination de la politique agricole ;
– l'amélioration, enfin, de la protection sociale.

I. – L'allégement des charges

Il s'agit là d'un axe prioritaire de l'action gouvernementale, mis en œuvre par étapes depuis mai 1993, et auquel la loi de modernisation apporte une contribution essentielle.

Je vous rappelle les principales décisions prises jusqu'à présent dans ce domaine :

Un premier ensemble de mesures en mai 1993, pour un coût global de 1,5 milliards de francs, avec en particulier l'accélération du démantèlement de la part départementale du foncier non bâti.

Un second ensemble de mesures en novembre 1993, pour un coût global, hors mesures sociales, de 1,5 milliards de francs, avec en particulier d'importantes dispositions sur l'assiette des charges sociales et le financement de l'entreprise.

L'allègement des charges était donc considéré comme un des objectifs prioritaires de cette loi. Vous l'aviez souligné lors de votre débat d'orientation, et le Gouvernement l'a, dès le départ, reconnu comme tel.

Ce n'était assurément pas le seul objectif de la loi, et je ne peux à cet égard qua regretter l'abcès de fixation qui s'est fait autour de ce thème, certes mobilisateur, mais qui aurait pu conduire à perdre de vue les autres priorités de la loi de modernisation.

Toujours est-il que le Gouvernement tient aujourd'hui ses engagements, et que le texte dont vous allez débattre comporte des avancées exceptionnelles, qui viendront conforter les résultats constatés dans ce domaine en 1994.

1. Dans le domaine des charges sociales

Dans ce domaine, le Gouvernement n'est pas resté inactif, c'est le moins qu'on puisse dire, depuis 20 mois.

Accélération de la réforme des cotisations sociales, qui sera achevée en 1996 au lieu de 1999 : un article du projet de loi consacre cette décision.

Réforme de l'assiette des cotisations, en ce qui concerne les années de référence des revenus pris en compte.

Démantèlement des taxes BAPSA ramenées de 600 millions de francs en 1994 à 300 millions de francs en 1995, pour être supprimées en 1996.

Prise en compte des déficits pour le calcul de la moyenne triennale.

L'ensemble de ces mesures ont contribué de façon significative, au moins pour moitié, à la baisse de 9 % des cotisations sociales versées par les agriculteurs en 1994.

Lors du débat d'orientation, je vous avais indiqué que le Gouvernement était prêt à examiner les possibilités de prise en compte des revenus du capital dans la définition de l'assiette des cotisations sociales.

Il s'agissait là d'un vieux débat, dont les aspects techniques complexes sont malheureusement souvent balayés au bénéfice de son volet passionnel.

Le Gouvernement a donc décidé de répondre de façon positive à cette demande, là où il lui semblait possible et justifié d'intervenir, c'est-à-dire dans le domaine du capital foncier des propriétaires exploitants individuels.

Il s'agit là en effet d'une charge d'investissement lourde, que l'exploitant individuel ne peut pas déduire de ses frais et concrètement, qu'il ne peut pas amortir. Compte tenu du poids que représente cet investissent. L'agriculture est dans une situation tout à fait spécifique par rapport aux autres secteurs d'activité. Ailleurs, les gros investissements immobiliers sont amortissables, et viennent donc en déduction de l'assiette fiscale et sociale. Pour le foncier, ce n'est pas possible.

Le projet de loi répond à cette attente, en permettant la déduction du revenu implicite du capital foncier pour les propriétaires exploitants individuels, comme c'est déjà le cas pour les sociétés.

Nous avions un problème, celui de la base de calcul de ce revenu.

Je dois dire que, à partir de la proposition initiale du Gouvernement, et grâce aux travaux des deux Assemblées, qui auront amélioré cette proposition, le dispositif qui va être mis en place, en deux étapes, va répondre de façon complète et, je crois, très satisfaisante, à la complexité de ce sujet.

La déduction se fera sur la base du revenu cadastral, et dès 1995. Dans un premier temps, il s'agira certes d'une approche incomplète de la définition du revenu du capital foncier, compte tenu du retard d'actualisation du revenu cadastral. Mais comme vous le savez, les nouvelles bases cadastrales seront incorporées dans les rôles d'imposition au plus tard au 1er janvier 1997, conformément à ça que vous avez décidé dans le cadre de la loi sur le développement et l'aménagement du territoire. Dès que ces nouvelles bases seront en place, une deuxième étape sera franchie, permettant ainsi une déduction exacte du revenu implicite du capital.

Enfin, le mécanisme qui vous était proposé pénalisait, par le jeu des déductions, les exploitants qui n'étaient propriétaires que d'une partie de leur foncier. Vos Commissions ont, sur ce point, déposé un important amendement visant à supprimer cette pénalisation. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement sera prêt à adopter cet amendement, avec les importantes conséquences financières qu'il entraîne.

Tout ceci représente un effort, pour le budget de l'État, à travers la BAPSA, de 450 millions de francs en 1995, et de 615 millions de francs lorsque les nouvelles bases auront été prises en compte, c'est-à-dire au plus tard en 1997.

2. Le foncier non bâti

Deuxième poste de charge, le foncier non bâti :

D'abord, là également, un rappel de l'action menée par le Gouvernement, avec l'accélération du démantèlement de l'impôt foncier non bâti pour sa part départementale, décidé en 1993.

Ainsi, les allègements précédemment décidés sur le foncier non bâti, correspondant à la suppression par étape de la part régionale et de la part départementale, continueront à progresser en 1995 et 1996. Globalement, l'allègement passera, de 2,1 milliards en 1994 à 2,6 en 1995, soit plus 500 millions de francs, et à 3,1 milliards en 1996, soit encore plus 500 millions de francs.

En 1994, cet allègement s'est traduit par une baisse de 9 % de l'impôt payé, et il a contribué, avec l'allègement des charges sociales que j'évoquais il y a un instant, pour une part non négligeable à la hausse du revenu net agricole de 11,5 %.

Le projet de loi de modernisation, tel qu'il est actuellement présenté, comporte deux avancées complémentaires :

– une exonération de moitié pendant cinq ans pour les jeunes qui s'installent ;
– et une exonération pour dix ans pour les associations foncières pastorales, c'est-à-dire pour favoriser la gestion collective des terres en risque de déprise. Ceci représente quelques 160 millions de francs de dépenses annuelles, en rythme de croisière.

Au-delà de ces avancées sectorielles significatives, restait en suspens la faisabilité d'un allègement général sur la part communale du foncier non bâti.

J'avais indiqué à l'Assemblée nationale, à l'occasion du premier examen de ce texte, ma réflexion sur le sujet : j'estime qu'on ne peut réformer en profondeur l'impôt foncier non bâti sans s'interroger plus globalement sur l'équilibre et l'évolution des finances communales. Supprimer purement et simplement l'impôt foncier non bâti, sans en appréhender les conséquences sur les budgets communaux, même si, bien sûr, il y a compensation par l'État, ce serait faire preuve de précipitation, voire d'inconséquence.

Par contre, l'effort prioritaire me paraissait devoir porter sur l'écrêtement de l'impôt là où il est anormalement élevé au regard du revenu que la terre rapporte, et en particulier là où les taux d'imposition se situent au-delà du supportable pour l'agriculteur.

Mais pour pouvoir agir dans cette direction, encore fallait-il que l'on dispose d'une base de travail harmonisée sur l'ensemble du territoire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

la décision prise il y a quelques jours par le Parlement, d'incorporer au plus tard en 1997 les nouvelles bases cadastrales dans les rôles d'imposition, change totalement les données du problème, et amène le Gouvernement à vous présenter aujourd'hui une proposition d'allègement généralisé de la part communale du foncier non bâti, qui pourra être mise en œuvre dès que les nouvelles bases cadastrales auront été prises en compte.

J'estime à cet égard que la proposition que vous avez faite, d'un allègement proportionnellement d'autant plus important que le taux d'imposition est élevé répond de façon tout-à-fait appropriée à l'objectif d'écrêtement que je souhaitais voir retenu pour cette réforme. Le Gouvernement approuve donc cette orientation, et a déposé un amendement, proche de celui adopté par votre Commission, et auquel il vous proposera de vous rallier.

Concrètement, pour un agriculteur situé dans une commune dont le taux d'imposition, après actualisation des bases, est égal au taux moyen national, l'allègement sera de 10 %. Mais il sera de 20 % si ce taux est deux fois supérieur à la moyenne nationale, de 30 % pour un taux trois fois supérieur etc., avec un allègement pouvant ainsi aller jusqu'à 50 %.

Vous voyez, par ces exemples, que l'objectif d'allègement des impôts les plus élevés sera pleinement atteint, avec un coût pour l'État de l'ordre de 500 millions de francs, venant s'ajouter aux 130 millions de francs en régime de croisière correspondant aux mesures déjà inscrites dans la loi de modernisation.

3. Dans le domaine des charges financières

J'aborderai enfin également le poste des charges financières de l'entreprise agricole. L'action de l'État s'exerce, vous le savez, par l'intermédiaire de la bonification des prêts.

Dans ce domaine, le projet de loi étend aux sociétés dont le capital est majoritairement détenu par les agriculteurs, le bénéfice de ces prêts, dont elles étaient écartées. Mais, l'essentiel de l'action gouvernementale est ici du domaine réglementaire, et relève des mesures d'accompagnement de la loi de modernisation.

Pour 1995, l'État vient donc de décider d'augmenter de 30 % renveloppe des prêts bonifiés, en la portant à 12 milliards de francs, tout en maintenant les prêts à leur taux historiquement bas auquel ils ont été fixés en 1994, et ceci malgré la remontée sensible des taux d'intérêts du marché.

Ainsi, j'estime que, dans tous ces domaines, charges sociales, charges fiscales et charges financières, l'État aura tenu à l'égard de l'agriculture l'engagement qu'il avait pris il y a 12 mois. Il s'agit là d'un effort exceptionnel et qui, en raison de son importance, montera en puissance progressivement sur les trois ans à venir.

II. – L'installation des jeunes

Deuxième grande priorité de la loi de modernisation, la relance de l'installation des jeunes en agriculture.

Au-delà du thème mobilisateur que représente cet objectif, il faut en effet prendre conscience qu'il y a là un véritable défi, qui conditionne le maintien d'une agriculture dynamique, riche de ses diversités, et présente sur tout le territoire.

Si nous n'y prenions garde, la structure démographique actuelle de la population agricole, avec le départ pendant les quatre années à venir de plus de 150 000 agriculteurs, et les risques de désaffection vis-à-vis du métier agricole pouvaient nous amener à passer de façon incontrôlée de 800 000 agriculteurs aujourd'hui, à peut-être 300 000 ou 400 000 dans 10 ans.

La Nation ne pouvait accepter une telle mutation sociologie sans réagir.

Le Gouvernement et la profession agricole se sont donc retrouvés sur le terrain d'un objectif ambitieux de stabilisation à terme du nombre des exploitations agricoles autour de 600 000, conciliant ainsi le double objectif d'occupation de l'espace rural et de restructuration nécessaire à l'amélioration du niveau de performance.

Pour cela, il faut viser l'objectif que, à terme de l'important flux de départ à la retraite des quatre prochaines années, chaque départ soit compensé par une installation. Ceci représente un objectif d'environ 13 000 installations aidées par an, soit une progression de près de 50 % par rapport à ce que nous constatons aujourd'hui.

Une mobilisation de tous est nécessaire pour cela. La loi de modernisation y contribuera par les moyens exceptionnels qu'elle dégage à cette fin :

– rénovation du dispositif de pré-retraite, afin qu'il serve prioritairement à l'installation des jeunes, alors que jusqu'à présent il a servi à 80 % à l'extension d'exploitations existantes ;
– allègement, jusqu'à le rendre symbolique, du coût d'accès des droits à produire ;
– mise en place, dans chaque département, d'un répertoire des terres disponibles de façon à inciter à l'installation des jeunes ;
– allègement du coût d'acquisition du foncier, avec la baisse des droits de mutation dans les zones prioritaires ;
– exonération de 50 % de l'impôt foncier non bâti pendant cinq ans, ceci venant en complément des importants allègements déjà consentis dans le domaine des chargea sociales et de l'impôt sur les bénéfices agricoles. Par ailleurs, le dispositif d'allègement de l'impôt sur les bénéfices agricoles Par ailleurs le dispositif d'allégement de l'impôt sur les bénéfices agricoles est prolongé de quatre ans, c'est-à-dire jusqu'à fin 1999, et les modalités de son calcul rendues plus favorables dans le cadre de la loi de modernisation.

Le coût de ces dispositions est significatif. Prolongation du dispositif de pré-retraite et de l'allègement de l'impôt sur le revenu, exonération des droits de mutation et d'impôt foncier non bâti représentent en effet un coût de 200 millions de francs en 1995, et d'environ 900 millions de francs par an dans cinq ans.

Ce dispositif est complété par un ensemble de mesures de niveau réglementaire, visant :

– à permettre l'installation progressive des jeunes agriculteurs, sans leur faire perdre le bénéfice des aides de l'État ;
– à améliorer les modalités de financement de leur installation, avec la mise en place d'un prêt global à l'installation, et l'assoupissement des conditions pour y avoir droit, et avec une amélioration des conditions du versement des aides à l'installation.

La réflexion se poursuit dans d'autres domaines, en particulier en ce qui concerne le dispositif d'acquisition des aptitudes professionnelles préalables à l'installation.

Tout cet ensemble de mesures, rassemblées autour des objectifs que j'ai définis, se trouvera repris dans le cadre d'une charte nationale de l'installation, dont je souhaite qu'elle puisse être en place dans les tous prochains mois.

III. – La modernisation du statut de l'entreprise agricole

Troisième priorité de la loi, la modernisation du statut de l'entreprise agricole.

Sur ce point, je considère que le développement au statut sociétaire pour l'entreprise agricole est un axe de progrès qu'il faut reconnaître, et dont il convient de faciliter l'accès.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de faire du « tout société » en agriculture, car beaucoup d'agriculteurs n'y sont pas prêts. Il convient par contre de lever l'ensemble des blocages qui entravent aujourd'hui son développement.

C'est ce que le projet de loi vous propose, par un ensemble de dispositions, portant essentiellement sur le secteur fiscal, de façon à ce que le passage du statut individuel au statut sociétaire ne se traduise plus par des coûts financiers liés aux mécanismes fiscaux.

Les propositions initiales du Gouvernement ont été, sur un certain nombre de points, complétées à l'Assemblée, et je pense que l'on sera parvenu, au terme de l'examen de cette loi, à neutraliser tous les effets négatifs qui se produisent au moment du passage en société.

IV. – La renforcement des instruments de coordination de la politique agricole

Quatrième priorité de la foi, le renforcement des instruments de coordination de la politique agricole.

Les dispositions qui vous sont proposées, et qui sont regroupées dans le premier titre de la loi, marquent la volonté unanime, celle du Gouvernement comme celle de la profession agricole, d'améliorer la cohérence d'ensemble de ta politique agricole, dans le cadre défini au niveau communautaire.

Cette cohérence, il faut l'assurer au niveau national tout d'abord, et cela se traduira par un renforcement du rôle du Conseil Supérieur d'Orientation dont la mission de coordination horizontale sera renforcée, en particulier vis-à-vis des offices.

Ce rôle de coordination doit porter également sur la dimension territoriale de la politique agricole, c'est tout-à-fait essentiel. C'est pourquoi je suis favorable aux amendements de votre Commission des Affaires Économiques et du Plan rétablissant sur ce point des dispositions du projet de loi du Gouvernement qui avaient été écartées à l'Assemblée.

Parallèlement, le rôle des interprofessions des sera amélioré, leur champ de compétence sera élargi et leur capacité d'intervenir dans le cadre des dispositifs de l'ordonnance de 1986 sur la concurrence sera affirmée.

La cohérence sera également recherchée au niveau départemental, en fusionnant les diverses commissions qui existent à ce niveau, Commission des structures et Commission mixte notamment, de façon à définir dans chaque département des priorités en matière d'orientation des productions, d'occupation de l'espace agricole et d'aménagement des structures d'exploitation.

Cette Commission conservera les attributions actuelles des Commissions existantes, et en particulier de la Commission mixte. C'est pourquoi je suis favorable à l'amendement de votre Commission des Affaires Économiques et du Plan, rétablissant le texte gouvernemental initial qui précisait que la Commission sera amenée à donner un avis sur tes demandes d'aides individuelles.

Enfin la cohérence sera également recherchée dans la mise en œuvre des droits à produire ou l'attribution de références individuelles de production. En effet, jusqu'à présent, cette mise en œuvre relevait uniquement de procédures réglementaires dans le cadre communautaire et il m'a semblé nécessaire d'introduire un corps de règles, de niveau législatif, communes à toutes les productions, qui donne des garanties. Celles-ci doivent porter en particulier sur les moyens d'éviter la délocalisation des productions, c'est-à-dire les transferts d'une zone géographique à l'autre : et par ailleurs l'installation des jeunes pour le développement des exploitations récentes ne doit pas être entravé par le coût éventuel d'accès aux droits à produire.

V. – L'amélioration de la protection sociale

Il s'agit là, avec les mesures en faveur des anciens exploitants, d'un volet tout-à-fait important du projet de loi qui vous est présenté. Certes. Nous ne sommes pas, dans cette matière, au cœur de la modernisation de l'entreprise agricole, mais qui aurait pu admettre que soient oubliés ceux qui ont contribué à doter notre pays de l'agriculture moderne que nous lui connaissons. C'était là un acte de solidarité nécessaire.

C'est pourquoi le Gouvernement vous propose de lever, pour les veuves d'agriculteurs, l'interdiction de cumul entre une pension de réversion et la retraite acquise à titre personnel. Il s'agit là d'une mesure particulièrement attendue, et devant laquelle tous les Gouvernements antérieurs avaient reculé, en raison de son coût. Celui-ci est en effet particulièrement important, 2 milliards de francs. Il n'était bien sûr pas envisageable, dans le contexte budgétaire actuel, d'absorber sur un an la totalité de cet effort.

C'est pourquoi le Gouvernement avait proposé un étalement de cette mesure sur cinq ans. Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté de réduire ce délai à trois ans.

Ainsi, dans ce délai de trois ans, la limitation de cumul sera levée progressivement par tiers chaque année, et une majoration forfaitaire équivalente interviendra pour les actuels veufs ou veuves qui auraient pu bénéficier d'une pension de réversion. Cette majoration sera de 2 000 francs en 1995, 4 000 francs en 1996 et 6 000 francs en 1997, soit une progression de 30 % par rapport à la moyenne actuelle des pensions dont ils disposent.

Je vous ai présenté les principales dispositions du projet de loi, regroupées en cinq grandes priorités. Je vais maintenant, si vous me le permettez, vous faire un rapide commentaire sur l'ensemble de la loi, et sur les autres dispositions importantes.

Le projet de la loi s'articule autour de cinq titres. Il comportait, dans le projet gouvernemental, trente-neuf articles. L'Assemblée en a rajouté vingt-deux.

Le titre I porte sur l'orientation des productions agricoles, le titre II sur l'entreprise agricole, le titre III sur la fonction de l'agriculture dans l'entretien de l'espace, le titre IV sur le développement de l'emploi agricole, enfin le titre V sur la protection sociale des exploitants agricoles.

Je vous ai présenté le titre I il y a un instant, et je n'y reviendrai donc pas.

Le titre II du projet de loi porte sur l'entreprise agricole. J'ai déjà abordé les deux aspects les plus importants de ce titre, les dispositions visant à faciliter la mise en société, et celles sur l'installation des jeunes. Ce titre comporte également des mesures visant à favoriser l'exercice de la pluriactivité, en particulier par un aménagement du système des cotisations minimales maladie des pluriactifs, et une simplification du système des caisses pivots de Sécurité Sociale.

Conformément à ses engagements, le Gouvernement a par ailleurs déposé, dans le cadre de ces dispositions sur l'entreprise agricole, un important amendement, visant à ramener le taux de TVA des produits de l'horticulture et de la sylviculture à 5,5 %. Cela représente un coût annuel de 1,5 milliards de francs.

L'Assemblée a enfin complété ce titre par un certain nombre de mesures de nature fiscale, en particulier pour favoriser le passage en société, et pour améliorer le système de prise en compte des stocks à rotation lente dans le secteur viticole.

Par ailleurs, elle a demandé au Gouvernement de présenter au Parlement trois rapports :

– le premier sur le caractère civil de la définition de l'agriculture, et l'opportunité d'une évolution législative dans ce domaine ;
– le second sur les modalités envisageables d'allègement du coût fiscal de la transmission des exploitations agricoles ;
– le troisième sur le statut du conjoint d'exploitant associé aux travaux de l'exploitation. Le Gouvernement vient de déposer un amendement pour élargir le champ de ce rapport à l'ensemble des personnes associées aux travaux d'exploitation.

Le titre III du projet de loi porte sur la place de l'agriculture dans l'aménagement et l'entretien de l'espace. Ces dispositions viennent en complément de celles qui ont été décidées dans la cadre de la loi sur le développement et l'aménagement du territoire, avec la mise en place du fonds de gestion de l'espace rural.

Il porte tout d'abord sur les instruments de gestion de l'espace rural, et notamment sur les associations foncières de gestion pastorales, forestières et agricoles, qui constituent un cadre adapté permettant une gestion cohérente de l'espace montagnard.

En particulier, afin d'encourager les propriétaires à confier leurs terres aux associations foncières pastorales, il prévoit pour ces dernières une exonération de l'impôt foncier non bâti d'une durée de dix ans.

Par ailleurs, le projet de loi crée un nouveau type de société civile agricole, le groupement foncier rural, qui permettra l'exercice, au sein d'une même entité juridique, de deux activités antérieurement incompatibles, activité agricole d'une part, activité forestière d'autre part.

Le titre III prévoit également un certain nombre d'améliorations des procédures d'aménagement foncier.

Le titre IV porte sur le développement de l'emploi dans l'agriculture. Il vise tout d'abord à conférer aux services de remplacement en agriculture le statut de groupement d'employeur, ce qui leur donnera rassise juridique qu'ils réclament depuis longtemps.

L'Assemblée nationale a renforcé les dispositifs en faveur des groupements d'employeurs agricoles, en les exonérant de taxe professionnelle et de taxe d'apprentissage.

Ce titre aménage ensuite les cotisations sociales des salariés occasionnels, qui seront dorénavant assises, dans des conditions définies au niveau réglementaire, sur des taux réduits, alors qu'auparavant, elles étaient soumises à des taux normaux s'appliquant à une assiette forfaitaire. Ceci améliore de façon significative la protection sociale de salariés concernés.

Enfin, il modernise de façon substantielle un certain nombre de dispositions relatives au droit du travail en agriculture, en les calquant sur le code du travail, notamment en ce qui concerne l'emploi des jeunes travailleurs et le logement des salariés agricoles.

Le titre V du projet de loi, enfin, concerne la protection sociale des exploitants agricoles. J'ai déjà abordé les deux plus importantes de ses dispositions : elles portent sur l'assiette des cotisations sociales, et sur la levée de l'interdiction de cumul entre une pension de retraite et les droits personnels à pension de retraite.

Il prévoit également l'achèvement de la réforme des cotisations sociales en 1996, et non en 1999 comme la loi le prévoyait initialement. Il s'agit là de confirmer dans la loi, l'engagement pris par le Gouvernement à la demande de la profession.

Voilà, rapidement présentés, à la fois les grands objectifs et l'ossature générale du projet de loi de modernisation.

Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a souhaité associer de façon étroite le Parlement à l'élaboration de ce projet. Il l'a fait, en amont, au printemps dernier, par l'organisation d'un débat d'orientation préalable. Il l'a fait lors de l'examen de ce texte à l'Assemblée, en prenant en compte d'importantes propositions de modification qui lui étaient proposées, avec les conséquences financières qu'elles représentent.

Au cours de mon propos, je vous ai d'ores et déjà indiqué que le Gouvernement est également disposé à prendre en compte nombre de vos propositions.

L'effort financier que représente cette loi, au terme de son examen sera d'une ampleur exceptionnelle, avec une montée en puissance progressive sur cinq ans. Après le passage à l'Assemblée, et en prenant en compte vos deux amendements que j'ai déjà évoqués, sur le foncier non bâti et l'assiette des charges sociales, et sans inclure l'allègement de TVA sur l'horticulture, je puis vous indiquer que le coût, en l'état du texte, serait de 1 milliard 400 millions environ en 1995, de 3 milliards 700 millions en 1997, de 4 milliards 100 millions dans cinq ans. Sur cinq ans cela représente ainsi un effort cumulé d'environ 15 milliards de francs.

Cet effort est à la mesure des objectifs ambitieux que j'ai, que nous avons tous, pour l'agriculture française et de la place que celle-ci occupe au sein de la Nation.


Discours à l'Assemblée nationale, le mardi 17 janvier 1995

M. Jean Puech, ministre de l’agriculture et de la pêche.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, au terme de l’examen par le Parlement du projet de loi de modernisation de l’agriculture, je souhaite tout d’abord vous remercier pour l’importante contribution que votre assemblée a apportée à l’élaboration de cette loi. Au fil des débats, le projet initial du Gouvernement s’est en effet trouvé enrichi par les travaux du Parlement et la concertation qui s’est développée entre le Gouvernement et l’Assemblée d’une part, le Sénat d’autre part, a permis progressivement de renforcer les lignes de force de ce projet. Les améliorations portent sur cinq points essentiels.

Sur l’allégement des charges, les orientations générales que je vous avais présentées ont servi de ligne directrice aux travaux du Parlement, qui ont permis d’améliorer sensiblement le projet de loi dans deux domaines.

Dans le domaine du foncier non bâti, tout d’abord, de nouvelles perspectives ont été ouvertes par les dispositions arrêtées dans le cadre de la loi sur le développement et l’aménagement du territoire. La décision prise d’actualiser les bases d’imposition au plus tard au 1er janvier 1997 a ouvert, en effet, la possibilité de mettre en œuvre un allégement de l’impôt d’autant plus important que le taux d’imposition communal sera élevé, après actualisation des bases. C’est ce que le Sénat vient de décider avec un allégement qui sera de 10 p. 100 pour un taux d’imposition égal à la moyenne nationale mais qui pourra aller jusqu’à 50 p. 100 pour les impôts les plus élevés.

Sur la déduction de la « rente du sol » de l'assiette des charges sociales, ensuite, pour laquelle, là également, l'actualisation des bases cadastrales, en 1997 au plus tard, permettra en deux étapes, la première dès 1995, la seconde à la date d'actualisation des bases, pour les propriétaires exploitants individuels, de déduire très exactement de leurs charges sociales le revenu implicite de leur capital foncier.

Là également, le Parlement a amélioré le texte gouvernemental dans le mécanisme de déduction proposé.

2. Sur l'installation des jeunes

Le projet de loi présenté par le Gouvernement était très ambitieux sur ce point. Vous l'avez néanmoins complété par plusieurs dispositions importantes ; prolongation jusque fin 1999 de l'exonération de moitié de l'impôt sur les bénéfices agricoles, et amélioration des modalités de calcul de cette exonération ; extension de l'allègement des droits de mutation dans les zones prioritaires pour les acquisitions de terres louées par bail à long terme à des jeunes agriculteurs.

3. Sur le développement de la forme sociétaire

Vous avez renforcé, par six dispositions nouvelles, l'important dispositif d'allégement des charges financières, essentiellement de nature fiscale, liées au passage en société.

4. Sur l'emploi en agriculture et les groupements d'employeurs

Vous avez amélioré le dispositif d'aide à la création de groupements d'employeurs, en agriculture, en les exonérant de taxe professionnelle et de taxe d'apprentissage.

5. Sur les retraites des veuves d'agriculteurs enfin

Le Gouvernement avait décidé de régler le difficile problème de l'interdiction de cumul entre une pension de retraite et la pension de réversion. Compte tenu de son coût, cette réforme devait être étalée sur cinq ans. Vous avez réduit ce délai à trois ans.

À côté de ces cinq grandes priorités, le Parlement a apporté d'autres améliorations significatives au texte gouvernemental :

– sur les relations entre la production et la distribution, même si le Gouvernement n'a pas pu accepter la totalité des propositions que vous aviez souhaité voir prises en compte ;
– et en matière fiscale, en particulier en ce qui concerne les stocks à rotation lente en viticulture et pour les modes d'amortissement des investissements de mises aux normes environnementales.

La Commission Mixte Paritaire entre les deux Assemblées s'est réunie vendredi, et est parvenue à un accord. Je ne peux que m'en réjouir, et je puis vous indiquer que le texte qui est proposé à votre approbation définitive reçoit le total accord du Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur la plupart de ces modifications, qui retiennent soit le texte voté par l'Assemblée, soit celui voté par le Sénat. Votre rapporteur en a exposé le détail, et le Gouvernement partage sur ces différents points la sagesse de la Commission Mixte.

Je reviendrai cependant sur deux modifications introduites par la Commission Mixte par rapport aux textes examinés par vos Assemblées.

La première porte sur le mode de calcul du dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, décidé lors de l'examen du texte par le Sénat. La Commission Mixte, sans remettre en cause le système proposé, a souhaité le modifier sur un point : le texte gouvernemental prévoyait que l'écrêtement était calculé de façon séparée pour les communes d'une part, les groupements de communes à fiscalité propre, d'autre part. Votre Commission mixte vous propose de procéder à un calcul global, de façon à ne pas pénaliser les agriculteurs situés dans les communs participants à des regroupements intercommunaux à fort degré d'intégration fiscale.

Le choix gouvernemental reposait sur une logique, classique en matière de fiscalité locale, de traitement des dégrèvements niveau de collectivité par niveau de collectivité. La proposition de votre Commission Mixte repose sur une logique de parité de traitement des agriculteurs, indépendamment des modalités de coopération intercommunale choisies par leur commune d'implantation.

S'agissant d'une loi d'allégement des charges en agriculture, le Gouvernement s'en remet sur ce point à la sagesse de votre Commission Mixte, et accepte donc cette modification.

La seconde modification porte sur l'article 11 bis, c'est à dire les modes de calcul et la date d'effet de la réduction de moitié de l'impôt sur les bénéfices agricoles pour les jeunes agriculteurs qui s'installent.

Bien qu'elle ne soit pas indispensable, la rédaction proposée sur la date d'effet par la Commission paritaire me paraît une amélioration de la lisibilité du texte, dès lors qu'il demeure clair entre nous que l'abattement est accordé pour une durée maximale de 60 mois décomptée à partir du début de l'activité. Cette rédaction a le mérite de souligner que l'abattement s'applique seulement « à compter de la date d'octroi de la première aide » ainsi qu'il est écrit dans le I, pour la durée restant à courir jusqu'au terme de ces 60 mois. Bien entendu, la durée déjà écoulée depuis le début de l'activité pourra aussi bénéficier de l'abattement de manière rétroactive dans les conditions formulées au II.

Toute autre interprétation, telle que, par exemple, elle pourrait être suggérée par une lecture trop rapide du rapport de présentation introduirait une incohérence dans l'enchaînement des deux parties de l'amendement.

Sous réserve de cette précision qui éclairera le vote de l'Assemblée, le Gouvernement se rallie donc bien volontiers au texte de la Commission Mixte Paritaire.

Mesdames et Messieurs les Députés, la loi de modernisation de l'agriculture que vous allez définitivement adopter est à la mesure des objectifs ambitieux que j'ai, que nous avons tous, pour l'agriculture française, à la mesure également de la place que celle-ci garde au sein de la Nation.

Cette loi de modernisation s'inscrit dans la durée, et développera progressivement ses effets au cours des cinq années à venir. Son coût sera d'environ 1,5 milliards en 1995, de 3 milliards 800 millions en 1997, de 4 milliards 200 millions dans cinq ans, soit un effort cumulé de plus de 15 milliards sur cinq ans.

Vous avez par ailleurs ouvert d'autres pistes de réflexion sous forme de demandes de « rapports au Gouvernement » :

– rapports sur le caractère civil de la définition des activités agricoles ;
– sur le coût fiscal de la transmission des entreprises agricoles ;
– sur la fiscalité agricole en matière de droits d'enregistrement ;
– sur la future charte nationale de l'installation en agriculture ;
– sur le statut du conjoint et des autres membres de la famille associés aux travaux de l'exploitation ;
– sur le statut du fermage dans les départements d'outre-mer ;
– sur les incidences de la révision des valeurs cadastrales.

Il y a là autant d'axes complémentaires à la loi que vous allez adopter, qui devient ainsi à la fois une loi de modernisation, de programmation et d'orientation pour l'avenir.