Texte intégral
Le Figaro. - Que pensez-vous du projet de loi sur l'audiovisuel ?
Jack Lang. - Tenter d'améliorer l'audiovisuel public est un projet positif et heureux dont je félicite le gouvernement. Mais pourquoi s'en tenir à la seule télévision publique ?
La télévision forme un tout et le public est un. Le téléspectateur qui allume son téléviseur ne cherche pas à savoir s'il s'agit d'une télévision privée ou d'une télévision publique. Les images, quelles qu'en soient la provenance, exercent une influence enrichissante ou dégradante sur son imaginaire. C'est l'ensemble de la télévision qui mériterait d'être rajeuni ou rénové. Je ne crois pas à une « réforme-salami » qui consisterait à couper le secteur en tranches. C'est pourquoi je souhaite que le gouvernement puisse indiquer le contenu concret des autres réformes qu'il entend mener au bénéfice de l'ensemble des télévisions.
Le Figaro. - Quels sont les domaines d'importance qui, selon vous, n'ont pas été encore clarifiés ?
Jack Lang. - La première question est celle des ressources globales des chaînes publiques. Elles sont notoirement et chroniquement sous-financées. A l'exception des années 1981-82 et 1988-89, les gouvernements ont rarement le courage de réévaluer la redevance et les gouvernements conservateurs ont amputé les télévisions publiques de crédits importants. En quoi serait-il choquant de procéder à une progression raisonnable de la redevance ? Il faut oser dire la vérité aux Français : le montant de la redevance est chez nous beaucoup plus faible qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Si on renonce à cette mesure, alors retenons la proposition du député Didier Mathus qui consiste à prélever une part de la Loterie nationale. Ou mieux encore, imaginons à l'exemple des Anglais, de créer une loterie dont le produit serait consacré à la culture et à la télévision.
Le Figaro. - Y a-t-il d'autres domaines qui ne vous paraissent pas réglés ?
Jack Lang. - La télévision du futur et notamment, le numérique, le câble et le satellite réclament des solutions d'urgence. De nombreuses questions juridiques restent en suspens : les droits d'auteurs, les délocalisations de chaînes…
Le Figaro. - Vous évoquez leur financement mais que pensez-vous de la réduction de la publicité ?
Jack Lang. - Je m'en réjouis, en même temps, sa compensation par le budget de l'État ne rassure guère. Les gouvernements ont souvent tendance à violer les lois-programmes. Je ne voudrais pas que la télévision soit contrainte de mendier chaque année ses ressources auprès du ministère de l'économie et des finances. Si l'on veut donner un avenir aux télévisions publiques, il serait nécessaire que leurs ressources soient stables et garanties et ne puissent pas être tributaires des aléas de la politique économique. Il faudrait aussi mieux évaluer l'incidence de la baisse de la publicité sur l'économie générale de la télévision. Je me demande parfois si on ne s'illusionne pas trop sur les incidences culturelles d'une telle baisse. Pour que les télévisions publiques exercent pleinement leur mission, il faut que l'État leur impose des obligations.
En particulier, je ne suis pas sûr qu'il faille verser les ressources budgétaires en une seule fois aux chaînes. Il serait bon d'inventer par exemple un fonds en faveur de la création qui serait débloqué en fonction de la qualité des projets. Ainsi on ne se contenterait plus de grandes déclarations ou d'un simple cahier des charges. Aujourd'hui, nous sommes le deuxième producteur au monde grâce à cette volonté de l'État.