Texte intégral
En septembre dernier la CFTC faisait sa rentrée en posant la question : comment convertir en emplois le bénéfice de la reprise ? car, l'expérience l'a montré, activité économique et emploi peuvent ne pas progresser au même rythme.
Nous notons l'importance pour les partenaires sociaux de se montrer à la hauteur d'un tel défi, alors que les dossiers sociaux n'avançaient guère.
La relance avortée de la politique contractuelle au printemps dernier avait bien montré la faiblesse paritaire, notamment en raison de l'attentisme du CNPF, y compris au niveau européen. Nous dénoncions le conformisme idéologique du débat social, en particulier sur les relations entre emploi et salaires.
Nous avions indiqué deux axes d'action : l'un sur la Sécurité sociale, qu'il faut adapter sans trahir en mettant à profit la période actuelle pour mieux identifier la situation exacte des régimes, et l'autre au niveau des entreprises sur le thème de la négociation pour l'emploi, notamment l'emploi des jeunes.
Une période favorable aux décisions va s'ouvrir
La période actuelle de retournement de conjoncture est favorable aux décisions. En effet, au cours de la période de récession chacun a pris conscience des risques dus à l'évolution structurelle de l'économie et maintenant la reprise de la croissance dégage des marges de manœuvre.
Une nouvelle direction du CNPF et l'élection du Président de la République devraient permettre des choix clairs et importants.
Reprenant les thèmes de notre congrès de 1993 nous avons donc renouvelé récemment notre souhait d'un engagement ou d'un contrat collectif pour l'emploi et la protection sociale.
Revitaliser la politique contractuelle
La CFTC souhaite donc, en cette période de vœux, que l'année 95 soit une année de revitalisation de la politique contractuelle, afin que les partenaires sociaux partagent réellement leurs responsabilités sur les grands dossiers sociaux. L'impulsion doit être donnée par le niveau interprofessionnel pour que dans les branches et les entreprises une politique cohérente soit engagée.
Nous avons bien reçu le signal gouvernemental à la politique de rigueur sur les barèmes sociaux, les salaires fonction publique, la lettre de cadrage du secteur nationalisé et la convention médicale. Cela rend d'autant plus nécessaire cette revitalisation de la politique contractuelle. Elle doit se manifester dans deux domaines prioritaires : un partage des fruits de la croissance favorables à l'emploi et la maîtrise partenariale de la protection sociale.
La répartition équitable des fruits de la croissance
La question salariale
Le retour de la croissance pose la question salariale en des termes nouveaux. Les gains de productivité, le transfert de charges sociales des entreprises vers les salariés par le biais de la CSG justifient les exigences syndicales en terme de salaires.
La CFTC n'accepte pas l'opposition simpliste entre les salaires et l'emploi.
Dans les branches et les entreprises privées et nationalisées, les négociateurs CFTC auront donc pour objectif au minimum la garantie du maintien du pouvoir d'achat pour tous les salariés. Ils apprécieront les formes d'action adaptées pour leur secteur à cet objectif.
Par ailleurs les salariés doivent recevoir leur part des gains de productivité auxquels ils ont contribué. La négociation doit permettre de fixer cette part de gain de pouvoir d'achat à attribuer sous forme de salaire, de réduction du temps de travail ou d'évolution de carrière. La participation et l'intéressement sont aussi des moyens do partager les gains de productivité, particulièrement utiles dans le contexte présent.
Dans la fonction publique la CFTC ne saurait accepter la remise en cause de l'accord salarial en vigueur. Les engagements de l'État doivent être tenus.
Un objectif : l'emploi
La lutte pour l'emploi concerne toute l'action syndicale, en particulier dans les organismes de protection sociale, où se joue souvent le sort des personnes en difficulté.
Dans les entreprises, les organisations CFTC demanderont un bilan économique et social afin d'ouvrir une négociation sur l'emploi, notamment sur l'insertion professionnelle et l'emploi des jeunes.
Les différents travaux sur les relations entre contributions sociales et emploi ont montré que des modifications et des transferts, même importants, de l'assiette des charges sociales ne se traduiraient pas en eux-mêmes par une amélioration sensible de l'emploi. Cela dépend en effet davantage du comportement des entreprises, y compris dans leurs arbitrages entre emplois et investissements de productivité. C'est donc bien une volonté partagée d'agir pour l'emploi dans les entreprises qui permettra de faire reculer le chômage.
L'action européenne de la France, Présidente de l'Union européenne doit viser non seulement à la mise en œuvre de programmes d'infrastructures favorables au développement économique, mais aussi la réduction du niveau des taux d'intérêts dont la hauteur actuelle facilite une spéculation financière stérile en terme d'emploi.
Le dossier de l'emploi des jeunes est à rouvrir entre partenaires sociaux.
L'avenir du modèle français de Sécurité sociale
Les partenaires sociaux doivent d'urgence s'accorder sur les perspectives d'avenir de la protection sociale. Des discussions bilatérales devraient préparer dans les trois mois qui viennent une base partenariale de discussion avec les pouvoirs publics.
Le Conseil confédéral de la CFTC a décidé en décembre dernier d'appeler les quatre confédérations réformistes à faire cette proposition au CNPF. Il a noté les divergences d'appréciation entre les confédérations mais il estime possible de faire ressortir une position charnière. La CFTC est donc d'accord pour des rencontres bilatérales entre réformistes afin de dégager cet axe commun, dans un esprit de négociation.
Avant d'être un problème technique et financier, la protection sociale est en effet un problème politique. Les principes du système français doivent être réaffirmés, avec une répartition plus claire des responsabilités entre l'État et les partenaires sociaux, dans les différents échelons nationaux, régionaux et locaux, dans un esprit de subsidiarité.
Les régimes de retraite :
La mise en place du fonds de solidarité-vieillesse par la loi du 22 juillet 1993, avec 1,3 points de CSG a changé la question, ainsi que le décret portant a durée d'affiliation à 160 trimestres et les références aux 25 meilleures années. Et pourtant la situation du régime vieillesse reste déficitaire.
Les régimes ARRCO et AGIRC ont reçu une consolidation importante avec les accords de février 93 et 94 mais, à l'horizon 2010-2015, il faudra faire face aux droits constitués.
Il sera donc utile de confirmer, au niveau du CNPF, la volonté de pérenniser ces différents régimes et de ne pas céder à la tentation du transfert insidieux au domaine commercial, d'autant plus qu'il apparaît clairement qu'entre fonds de pension et autres formules d'épargne retraite, il n'y a pas de solution miracle. Par exemple, l'accord sur la "structure financière" devra d'ailleurs être renégocié fin 96.
Le régime de santé
L'Assurance maladie est le régime de sécurité sociale le plus préoccupant puisqu'il affiche un déséquilibre de l'ordre de 40 milliards de francs. Il faut assurer son redressement et son avenir. Le redressement suppose l'adhésion des bénéficiaires, la responsabilisation des acteurs et la gestion décentralisée.
Le Livre blanc constitue une base intéressante parce qu'il n'oppose pas qualité et gestion. Il montre qu'une réduction de l'effort collectif serait un important facteur de rupture sociale.
Par contre, des marges d'économies réelles existent, à base de nombreuses mesures concrètes de maîtrise médicalisée comme la question délicate mais incontournable des références médicalisées, l'information médicale, l'évaluation, la gestion hospitalière. La dépendance demande 30 000 lits. Les collectivités territoriales doivent être responsabilisées.
La question des honoraires médicaux a encore montré la difficulté de répartir les responsabilités. La CFTC réaffirme son souci de réduire progressivement l'extension du secteur 2.
La CFTC se prononce pour un bilan approfondi de l'assurance maladie et la mise au point d'un plan tripartite sur cinq ans. La question de recettes nouvelles ne peut se poser qu'après que cet effort de redressement ait été engagé.
La branche famille
La question de la politique familiale est tout autre car il s'agit ici d'un investissement essentiel pour a Nation (le taux de fécondité est toujours de 1,65 % avec environ 710 000 naissances en 1994). C'est pourquoi la CFTC dénonce vigoureusement le premier accroc important aux promesses do 1994, avec la revalorisation insuffisante des prestations familiales au 1er janvier (1,2 %), qui se traduira par une nouvelle baisse du niveau de vie des familles.
La CFTC réclame une relance de la politique familiale, basée sur un plan de cinq ans avec un accroissement de la contribution financière de 5 % l'an (12 milliards).
Conclusion
En conclusion la CFTC propose que les contacts bilatéraux, à entreprendre entre les syndicats et le CNPF, aboutissent à une Table ronde permettant de conclure un engagement partenarial pour l'emploi et la protection sociale.
La CFTC rejette à la fois une protection sociale "tout État" et une protection sociale "tout libéralisme". La célébration du 50° anniversaire de la sécurité sociale en 1995 doit être l'occasion de réaffirmer la place, le rôle et les missions des différents partenaires impliqués dans le dispositif de protection sociale.
La CFTC veut "jouer un rôle charnière" dans le monde syndical
Paris, 5 janvier (AFP). – Le président de la CFTC, Alain Deleu, a estimé jeudi que sa confédération "peut jouer un rôle charnière dans le monde syndical" l'emploi et la protection sociale, afin d'aboutir à "un engagement partenarial" patronat-syndicats sur ces deux thèmes.
"Il s'agit de trouver une position charnière, car les salariés ne peuvent pas comprendre que les syndicats puissent se diviser longtemps" sur ces sujets, a-t-il déclaré en présentant ses vœux à la presse.
M. Deleu a préconisé que les contacts bilatéraux avec le CNPF el le gouvernement soient suivis d'une table ronde générale. Il a en effet précisé préférer "au secret des débats bilatéraux la clarté des débats publics".
Le président de la CFTC s'est félicité que "l'idée d'un contrat pour l'emploi ait fait son chemin". Évoquant l'arbitrage emploi-salaires, il a jugé "réaliste", avec le retour de la croissance de "reprendre le chemin des discussions salariales". "Celui qui parle d'emploi en baissant les salaires alors qu'il licencie n'est pas crédible", a-t-il lancé.
M. Deleu a proposé par ailleurs de "regarder de plus près" la situation financière de l'UNEDIC, plus favorable que prévu, et "d'aller plus loin peut-être dans la politique active pour l'emploi" car, a-t-il souligné, "la réduction du niveau des prestations a entraîné un transfert sur des régimes d'assistance, notamment le RMI".
En matière de protection sociale, la CFTC a qualifié le Livre blanc de "base intéressante" de discussion. Évoquant le blocage des négociations sur les honoraires médicaux, il a "regretté que le gouvernement et le CNPF aient posé des problèmes dans cette négociation" tout en précisant "comprendre les arguments".
"Il est vrai qu'afficher une deuxième hausse de 5 % des honoraires fait beaucoup vis-à-vis de salariés qui se battent pour des augmentations de 2 %" a-t-il reconnu. Mais il faut "respecter le contrat" vis-à-vis des médecins en outre "on ne peut vouloir réduire l'importance du secteur 2 (à honoraires libres) sans revaroliser les honoraires" a-t-il dit.
Dans le domaine de la formation professionnelle, la CFTC a obtenu du CNPF la constitution d'un groupe de travail qui "procédera à un examen précis des dispositifs d'insertion des jeunes". Si ce groupe débouchait sur l'ouverture de négociations, la CFTC pourrait éventuellement revenir sur son refus de signer l'accord patronat-syndicats de juillet dernier sur la formation.