Texte intégral
Alain Lamassoure et moi-même avons souhaité faire le point des premières semaines de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Il y a maintenant un mois et demi que cette présidence est entamée, il nous a paru utile d'en dresser un premier bilan provisoire.
De l'avis général, le nôtre bien sûr, mais aussi souvent celui de nos partenaires, la Présidence a été bien préparée grâce à tout un travail qui a mobilisé les différentes administrations, grâce à la tournée des capitales que nous avons faite en décembre et en janvier et qui a permis d'obtenir l'accord de tous nos partenaires sur les grands objectifs que nous nous fixions ; présidence qui a été préparée aussi par l'exposé qu'en a fait le Président de la République devant le Parlement européen le 17 janvier, et on sait que la réaction du Parlement a été très positive ; préparation, enfin, grâce à la rencontre qui a eu lieu le 3 février entre le gouvernement français et la Commission...
Sur ces bases, nous avons d'ores et déjà engagé les choses à un rythme très soutenu, puisqu'au 20 février, sept Conseils formels ont déjà eu lieu dont trois Conseils Affaires générales, cinq réunions informelles de ministres et plusieurs auditions de la Présidence devant le Parlement européen. Enfin, le déroulement de la présidence donne lieu sur le plan interministériel à un suivi très attentif puisque vous le savez, le Premier ministre réunit toutes les semaines un comité interministériel qui fait le point du déroulement de la Présidence. Voilà pour ce qui concerne l'organisation : une bonne préparation, un rythme d'ores et déjà très soutenu de réunions et un suivi interne très attentif.
Les premiers résultats qui ont été enregistrés sont, de notre point de vue très positifs et tout particulièrement en ce qui concerne la politique extérieure et de sécurité commune. Je commencerai par là. Nous avons pu d'abord définir des positions communes à quinze sur des sujets très importants et très sensibles, je pense notamment à tout ce qui concerne la Tchétchénie où, dès les premiers jours de janvier, l'Union européenne s'est manifestée. Elle l'a fait à plusieurs reprises depuis lors, elle a en particulier appuyé très fortement les missions de l'OSCE à Moscou et en Tchétchénie et participé, vous le savez, à ces missions puisqu'un représentant de la présidence a été intégré dans la délégation de l'OSCE.
De même, et sur un sujet où les choses n'étaient pas acquises d'avance, nous avons pu définir une position commune sur l'Algérie et lancer un appel au dialogue par la déclaration qui a été publiée le 23 janvier.
Toujours au titre de la politique extérieure et de sécurité commune, je voudrais signaler le soutien qui a été apporté par les quinze à la proposition française d'une rencontre au sommet sur l'ex-Yougoslavie. Là encore, les choses n'étaient pas acquises d'avance, on sait très bien que les sensibilités à l'intérieur de l'Union européenne ne sont pas toujours identique. Néanmoins, dans un délai très bref, le Conseil Affaires générales a pu se mettre d'accord et appuyer donc cette initiative dont, par parenthèse, je signale qu'elle avance. Je ne suis pu encore en mesure de vous dire si et quand la rencontre pourra avoir lieu, mais le groupe de contact, les quinze ont apporté leur soutien à cette initiative et dans deux au moins des trois capitales concernées – je veux parler de Zagreb et de Sarajevo – la réaction a été tout à fait ouverte. Nous sommes en train évidemment de poursuivre les démarches pour voir dans quelle condition une invitation pourrait être lancée avec quelques chances de succès.
Je signalerai enfin la visite de la Présidence et de la Commission à Washington le 26 janvier. Nous avons pu, d'une part, activer les groupes de travail euro-américains qui vont préparer le sommet euro-américain qui se tiendra au mois de juin prochain, et, d'autre part, coordonner nos positions sur un certain nombre de grand sujets d'actualité : la Yougoslavie et d'autres encore, le Proche-Orient en particulier puisque cette visite à Washington m'avait permis de bien coordonner les choses avec les États-Unis avant la tournée de la troïka au Proche-Orient.
Le dernier événement de politique extérieure et de sécurité commune que je voulais signaler est précisément cette tournée de la troïka du 8 au 10 février qui nous a conduit successivement à Damas, à Jérusalem, à Gaza et à Beyrouth. Nous avions pour cette tournée un triple objectif : le premier objectif était de resserrer les liens bilatéraux entre l'Union européenne et chacun des pays visités. Cet objectif a été atteint : avec la Syrie, le Conseil de coopération qui s'est ,tenu en novembre dernier a d'ores et déjà abouti à des projets de coopération financière dont nous avons pu faire le point au cours de notre déplacement, et qui vont se mettre en œuvre dès le courant de l'année 1995 ; avec le Liban, nous sommes convenus de tenir un Conseil de coopération entre l'Union européenne et le Liban au mois de mars ; avec Israël, nous avons pu examiner les derniers points de blocage dans la discussion de l'accord de coopération, je pense que nous pourrons maintenant parapher cet accord dans les semaines qui viennent ; enfin, avec l'autorité palestinienne, nous avons pu faire le point aussi de l'aide apportée par l'Union et constater que sur les 500 millions d'ECU promis à Washington, à la fait de l'année 1993, pour 5 ans, environ une centaine avaient d'ores et déjà été décaissés, ce qui fait de l'Union européenne, non seulement le premier donateur en « annonce », si je puis dire, mais aussi en actions concrètes.
Le deuxième objectif de cette tournée au Proche-Orient était de sensibiliser nos partenaires au projet de conférence euro-méditerranéenne prévue à Barcelone au mois de novembre dans toutes les villes visitées que la réaction de principe était très ouverte.
Enfin, le troisième objectif était évidemment d'affirmer la présence de l'Union européenne dans le processus de paix. Nous sommes arrivés à un moment particulièrement chaud, si je puis dire, Nous avons, rencontré Yasser Arafat une heure à peine après sa rencontre manquée avec le Premier ministre Rabin, cela a permis à l'Union européenne de conjuguer ses efforts avec ceux des États-Unis pour convaincre les partenaires de poursuivre le dialogue, ce qui a été fait, vous le savez, depuis lors, notamment par la rencontre de Washington.
Dans d'autres domaines aussi, on peut parler de premiers résultats positifs – je quitte maintenant le domaine de la PESC – D'abord, je relèverai la décision unanime prise par le Conseil des ministres le 23 janvier pour déposer devant le Cour de Justice un recours contre le budget adopté par le Parlement européen. Vous savez que le Parlement européen avait, de notre point de vue violé le traité et l'accord interinstitutionnel, en déclassant en dépenses non obligatoires une grande partie des dépenses obligatoires du budget. Après quelques hésitations et grâce au travail que nous avons pu faire, le Conseil a finalement décidé l'unanimité de saisir la Cour de Justice sur cette question.
Deuxième point qui mérite d'être signalé : la réunion informelle sur la protection sociale qui s'est tenue conformément à ce que nous avions annoncé, le 2 février à Paris et qui a permis d'échanger d'utiles points de vues sur les problèmes de financement des régimes sociaux. Le 26 janvier, lors de la réunion informelle des ministres de l'Intérieur et de la Justice, des progrès importants ont été accomplis sur le chemin de la convention EUROPOL, ce dossier était bloqué depuis la fin de l'année dernière, le Conseil européen d'Essen avait décidé de le relancer, la France a pu faire des propositions le 26 janvier qui permettent d'envisager avec confiance la suite des travaux, en perspective du Conseil formel des ministres de l'Intérieur et de la Justice et du Conseil européens de Cannes.
Enfin, dans deux domaines que M. Lamassoure évoquera peut-être à nouveau et où il a joué un rôle décisif nous avons pu régler un certain nombre de difficultés avec le Parlement européen, je pense à l'aboutissement de deux procédures de conciliation qui concernent les biotechnologies, le programme Socrates et le programme Jeunesse pour l'Europe. Il y avait là aussi blocage au mois de décembre dernier, et tout ceci a été définitivement acté désormais. Enfin, une position commune du Conseil a pu être également adoptée sur la directive concernant la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, c'est un sujet un peu technique, mais c'était une bonne affaire qui traînait depuis longtemps et qui a été débloquée.
Voilà sans être exhaustif un certain nombre de résultats acquis en un mois et demi et en réalité en 15 jours ou trois semaines puisque la nouvelle Commission, vous le savez, n'est réellement opérationnelle que depuis la dernière semaine du mois de janvier.
Trois dossiers ont fait l'objet de discussions difficiles, je voudrais maintenant les évoquer rapidement avant de vous donner quelques indications sur les prochaines échéances.
Tout d'abord, la révision de la Convention de Lomé à mi-parcours et la détermination du 8e FED. Vous savez que, faute d'accord lors du Conseil Affaires générales normal du début de ce mois, j'avais convoqué avant-hier à Bruxelles un Conseil exceptionnel de façon à rechercher une solution avant la conférence ministérielle entre l'Union européenne et les États ACP qui était prévue pour hier à Bruxelles.
Dans ce débat, il y a deux aspects; il y a d'abord tout le volet commercial de la révision de la Convention de Lomé et grâce au travail qui a été fait, notamment lors des deux derniers Conseils Affaires générales normaux, on peut dire qu'aujourd'hui d'abord une position à 15 a été définie et qu'ensuite, on n'est pas très loin d'un accord avec nos partenaires ACP. Certes, ils ont souhaité que la proposition de l'Union soit améliorée mais nous étions prêts à le faire. Là, nous sommes très proches des termes d'un accord.
En revanche, sur le montant du 8e FED, j'ai dû constater le 15 février qu'il était impossible d'aboutir à une proposition convenable. Je vous rappelle en effet que la Présidence et la Commission avaient fixé comme objectif un FED à 14,6 milliards qui représente l'actualisation du 7e FED à 12 : on prend le 7e FED à 12, on lui applique le taux de l'inflation (21,5 %), on détermine le montant du 8e FED à 12 et on ajoute les participations des trois nouveaux États membres. Ceci nous conduisait au chiffre de 14.6 milliards, proposition de la présidence, approuvée par la Commission qui avait même indiqué qu'elle le considérait comme un minimum. Au cours des discussions de mercredi soir, onze délégations ont approuvé cet objectif et ont fait des propositions à caractère national si je puis dire, qui étaient compatibles avec cet objectif. Quatre délégations ne s'y sont pas associées, trois d'entre elles ont fait une proposition consistant reconduire leur participation en ECU courant par rapport au 7e FED, et une quatrième délégation a même annoncé la baisse de sa participation en termes nominaux, une baisse d'environ 30 %. Lorsque nous avons fait les additions, nous sommes arrivés à un chiffre qui était évidemment très loin de l'objectif de 14,6 milliards à un chiffre qui était en réalité en baisse en terme réel par rapport au 7e FED.
La présidence dans ces conditions avait le choix entre deux attitudes : la première était de constater que ce chiffre était le maximum acceptable par les 15 délégation, et à le proposer le lendemain aux pays ACP. J'ai estimé, avec le soutien de la Commission – il y a eu d'ailleurs l'accord de 10 autres délégations – que ceci était imprésentable et j'ai indiqué très clairement que je ne prendrai pas, en ce qui me concerne, au nom de la Présidence, la responsabilité d'afficher une aide de l'Union européenne à l'Afrique, aux États des Caraïbes et du Pacifique diminution par rapport à la période du 7e FED. Cela ne me paraissait tolérable, ni politiquement, ni moralement. Au moment même où l'Union européenne développe – c'est normal, c'est légitime, nous allons continuer – son aide aux pays d'Europe centrale et orientale, au moment même où nous nous préparons à augmenter sensiblement également cette aide en direction de la Méditerranée, il me parait inconcevable que nous affichions une baisse de notre aide vis-à-vis de l'ensemble des pays qui comptent dans leurs rangs les pays les plus pauvres du monde. On dit souvent « nous aidons l'Afrique depuis plus longtemps que nous aidons les PECO ». Je voudrais quand même rappeler que dans les PECO, la moyenne du PIB par tête en dollar va de 1 000 en Roumanie à 3 000 en Hongrie. Dans les ACP la moyenne est de l'ordre de 600 dollars et pour beaucoup de pays qui figurent parmi le PMA, c'est-à-dire les pays les moins avancés, on est très en dessous de cette moyenne de 600. Il serait légitime que l'on aidât plus l'Afrique que des pays déjà plus avancés : On nous a dit aussi, de la part de certaines délégations : « c'est parce que nous développons massivement notre aide bilatérale que nous ne pouvons pas continuer à développer l'aide multilatérale ». Ce raisonnement n'est pas acceptable pour deux raisons au moins. D'abord, parce que si on retransfère sur le bilatéral tout le multilatéral européen, où s'arrêtera-t-on, lorsque les politiques communes auront disparu ? L'appartenance à l'Union européenne, c'est précisément l'engagement par esprit de solidarité, européen, pour que l'Union européenne compte en tant que telle, de ne pas systématiquement arbitrer en faveur du bilatéral au détriment de l'européen, rajoute que certains des pays qui utilisent cet argument en disant « nous faisons beaucoup de bilatéral, nous ne pouvons pas faire davantage de multilatéral, ne sont pas en parfaite cohérence. En réalité, lorsque l'on fait le total de leur aide, on se rend compte qu'elle ne cesse de diminuer. Deux chiffres : la moyenne de l'APD sur la période 1981-1983 a représenté 0,38 % de son PNB, en 1992 : 9,31. Pour ce qui est de la France, notre moyenne 1981-1983, en pourcentage du PIB a été de 0,54 et le chiffre de 1992 de 0,63.
Il n'est donc pas exact de dire que certains augmentent le bilatéral pour faire moins de multilatéral et d'autres l'inverse : il y a des pays qui, globalement, augmentent leur APD et d'autres qui, globalement la diminuent. Je crois qu'il faut ramener le débat à ses justes éléments. On nous a dit aussi, au cours de cette réunion que ce qu'attendaient les pays ACP, c'était plus des concessions commerciales que de l'argent. Là aussi, il faut être raisonnable et sérieux. Nous sommes tout à fait prêts à faire des concessions commerciales bien entendu. J'ai dit que non seulement les Quinze s'étaient mis d'accord sur une base de négociation mais qu'ils étaient même prêts à l'améliorer dans le courant de la discussion. Il y a un moment dans la discussion, nous avions atteint ce moment, où tout est dans tout et où c'est un paquet global qu'il faut approuver. Il était impossible, c'est d'ailleurs ce que la présidence des États ACP a d'emblée convenu avec moi, il était impossible de dire : on continue à parler sur le commercial, on verra pour le financement plus tard. Il fallait aborder de front, à ce stade de la discussion, la partie aide et la partie commerce.
Voilà pourquoi, plutôt que de commencer à discuter sur mauvaises bases, j'ai préféré considérer que nous n'étions pas en mesure de poursuivre la discussion. Je l'ai expliqué aux États ACP qui me semblent d'ailleurs, si j'en juge par la réaction qui s'est produite en séance, avoir compris la position de la présidence. Maintenant il faut naturellement continuer à travailler sur cette affaire. J'ai lu ici ou là que c'était le témoignage ou la manifestation des déboires de la Présidence française ; je rappelle que nous sommes à un mois et demi du début de cette présidence ; peut-être n'aurait-on pas appliqué ce mot de déboire si j'avais mis sur la table un mauvais chiffre. Moi je préfère travailler autrement, ne pas bâcler un accord, provoquer le cas échéant une crise, si c'est nécessaire, cela a sa vertu – on a vu dans l'histoire passée de l'Union européenne – pour essayer d'améliorer la proposition. Nous allons maintenant poursuivre nos concertations à 15, l'objectif étant d'ailleurs toujours le même : essayer de signer cette prévision de la Convention de Lomé y compris le 8e FED au début de mois de mai. J'ajoute d'ailleurs que nous avons, d'une certaine manière, un peu de temps devant nous. Aucun couperet n'est tombé le 17 février, je rappelle en effet que la Convention de Lomé est applicable jusqu'à la fin de la décennie et que le 7e FED continue à fonctionner jusqu'à la fin de l'année 1996. Si nous avions retenu ce calendrier, c'était pour nous donner suffisamment de mou dans la procédure de ratification qui sera ensuite nécessaire.
Second dossier difficile, l'Union douanière avec la Turquie. Là aussi, on parle de déboires. Il faut quand même s'entendre : lorsque nous avons pris ce dossier, il n'y avait pas de position à 15, il n'y avait même pas de position à 14. Désormais, grâce u travail que nous avons fait lors du précédent Conseil Affaires générales et de toutes les démarches entreprises par la Présidence, il y a une position à 14 ; il y a même eu l'espace de quelques heures, une position à 15 puisque, vous le savez, à la fin du Conseil Affaires générales du début du mois de février, toutes les délégations avaient accepté le schéma général qui avait été proposé par la Présidence et qui comportait à la fois le déblocage de l'Union douanière vis-à-vis de la Turquie, et un certain nombre de signaux concernant l'ouverture des négociations avec Chypre. J'ai regretté que cet accord ad referendum comme l'on dit, ait été remis en cause par une délégation, mais nous ne désespérons pas de parvenir à un consensus et nous continuons à travailler dans cette direction, un pas important en tout cas, un pas très important a été franchi, je le rappelle, puisque 14 délégations sur 15 sont maintenant d'accord sur le schéma qui a été envisagé.
Troisième dossier difficile qui va nécessiter encore bien des travaux mais nous sommes tout à fait dans les délais que nous nous étions impartis : l'audiovisuel. La réunion des ministres de la Culture et de la communication les 13 et 14 février à Bordeaux a permis de dégager un soutien à 15 à la révision du programme Média ce qui est déjà en soi un acquis. Le débat sur les obligations de diffusion ou de production d'œuvres européennes est plus difficile mais il se poursuit. Nous savions que ce serait difficile, c'est bien la raison pour laquelle nous maintenons un haut niveau d'ambition pour l'Europe.
Voilà ce que je voulais dire. Ces trois dossiers vont donc continuer à nous occuper au cours des prochaines semaines et je vous donne rendez-vous à la fin de la Présidence française. C'est là que l'on pourra juger si oui ou non, nos efforts ont été couronnés de succès sur ces trois questions qui sont effectivement extrêmement importantes, nous n'avions pas l'ambition de les régler en l'espace de 5 à 6 semaines.
Je voudrais pour terminer vous rappeler, parce que vous les connaissez sans doute, les prochaines échéances de cette Présidence.
Un certain nombre de rencontres ministérielles entre l'Union européenne et ses partenaires extérieurs.
Rencontre entre l'Union européenne et les pays d'Amérique centrale les 23 et 24 février à Panama : la Présidence sera assumée par Alain Lamassoure,
Rencontre avec les pays d'Amérique du Sud les 16 et 17 mars à Paris cette fois-ci.
Conseil de coopération avec le Liban le 6 mars.
Visite de la troïka à Moscou le 9 mars.
Réunion informelle des ministres des Affaires étrangères à Carcassonne le 18 et le 19 mars.
Conférence sur la stabilité le 20 et le 21 mars.
Réunion des ministres chargés du travail et de l'emploi le 30 mars.
Simultanément, nous poursuivons nos travaux sur la préparation du rapport du Conseil sur le bilan du traité de l'Union européenne et la préparation de la conférence intergouvernementale dans la perspective du Conseil européen de Cannes.
Voilà, ce calendrier n'est évidemment pas exhaustif, nous le tenons à jour semaine après semaine, il vous est régulièrement communiqué.
J'ai peut-être été un peu long, excusez-moi d'avoir retenu trop longtemps peut-être votre attention, j'ai pensé que sur les deux ou trois grands sujets d'actualité, il était bon de vous donner quelques éléments d'appréciation.
M. Lamassoure : Je ne vais pas revenir sur le fond des dossiers. J'indiquerai simplement que nous nous réjouissons de la qualité des contacts que la Présidence française a noués avec le Parlement européen et des résultats positifs concrets que ces contacts ont permis dès le début de la Présidence. Il y a eu onze échanges de vues (on n'emploie pas le mot « audition » en l'espèce) entre des ministres du gouvernement français et les Commissions compétentes du Parlement européen en cinq semaines, et nous allons continuer au même rythme dans les semaines qui viennent. Il y a eu un trilogue cette semaine, avec le Président du Parlement européen et le Président de la commission qui a permis d'aboutir à un certain nombre d'accords sur l'organisation des séances et sur la publicité des travaux : La Présidence a accepté l'organisation de cinq débats en séance plénière à Strasbourg en deux sessions de janvier et de février Ces débats ont eu lieu sur la Tchétchénie, sur les relations avec la Turquie, sur l'avenir de l'accord. Espace économique européen et sur la prévention des inondations. J'ai représenté la Présidence aux débats sur l'avenir de la société de l'information, et d'autres débats de ce genre sont prévus au mois de mars, notamment sur l'Union économique et monétaire – le ministre de l'économie s'y rendra – sur la politique de l'environnement et sur la politique sociale.
Alain Juppé a rappelé les résultats auxquels nous étions parvenus en comité de conciliation. Tous les comités de conciliation qui ont eu lieu avec le Parlement depuis le début de la Présidence française ont débouché sur un accord.
Enfin, je voudrais souligner que sur les trois dossiers difficiles, ambitieux, sur lesquels Alain Juppé a insisté, nous avons le soutien du Parlement européen ou la garantie de son action complémentaire. C'est le cas sur le FED où, après un contact que j'ai eu avec lui le co-Président pour le Parlement européen de l'Assemblée paritaire Union européenne/ACP, a proposé au Président Hansch d'adresser une lettre au Président du Conseil, ce qui a été fait, dans laquelle il m'indique que le Parlement européen qui a un droit d'avis conforme sur la base juridique de la Convention de Lomé, y compris de son volet financier qui est le FED, ne votera pas cet avis si les chiffres auxquels nous parvenons dans la négociation ne sont pas reconsidérés comme satisfaisants.
Même chose en ce qui concerne le programme MEDIA et la directive télévision sans frontières où les ministres compétents se sont rendus devant les Commissions compétentes du Parlement européen et ont obtenu leur soutien. En ce qui concerne enfin les relations avec la Turquie, le Parlement a voté une résolution hier, après le débat que nous avons eu mardi, qui est très critique envers la Turquie et qui comporte une novation importante pour nous par rapport à la résolution précédente qu'il avait été votée le 15 décembre. Le 15 décembre dernier, vous vous en souvenez, le Parlement avait demandé au Conseil de ne pas engager les négociations avec la Turquie et de reporter la tenue du Conseil d'association. Cette fois-ci, le Parlement a accepté d'entrer dans la logique de négociation que nous avons proposée, et donc a accepté le fait que le prochain Conseil d'association se tienne le 6 et 7 mars et il entre dans la logique et pose à la Turquie, pour la poursuite de ces négociations et leur aboutissement, un certain nombre de conditions en matière de Droits de l'Homme, qui sont des conditions certes rigoureuses, mais qui ne sont pas excessives ; et donc sur ce point aussi, nous pouvons considérer que les efforts du Parlement européen sont complémentaires des nôtres. Au total, nous avons noué avec le Parlement européen depuis six semaines des relations de travail intenses, fructueuses, avec un bon partage des rôles.
Q. : Deux questions sur le dossier bosniaque, M. le ministre. Allez-vous continuer à jouer la carte Milosevic en demandant la levée des sanctions économiques contre la Serbie/Monténégro, sachant que Karadzic, reste inflexible sur ses positions et surtout qu'apparemment l'embargo continue à être violé par la Serbie ; je pense aux nombreux survols d'hélicoptères.
Je vous pose la deuxième question dans la foulée : le vote de députés américains hier ne risque-t-il pas de remettre en question l'opération et le financement de l'opération de l'ONU dans l'ex-Yougoslavie ?
R. : Sur le premier point, je ne joue aucune carte, il ne s'agit pas de jouer aux cartes en l'espèce. Je pose simplement une question : qui propose quoi d'autre ? Qu'est-ce qu'on fait d'autre ? On attend ? On attend que le temps passe, qu'au mois d'avril, grâce aux violations en tout sens de l'embargo, en tout sens et à l'arrivée d'armes en tout sens sur le terrain, la guerre reprenne ? On peut faire cela. J'ai estimé que le rôle de la France était peut-être de faire autre chose que d'attendre, et voilà la raison d'être de l'initiative que nous avons mise sur la table. J'en rappelle la logique : nous nous adressons aux trois présidents qui ont accepté le plan de paix du groupe de contact, puisque vous savez que les Présidents Tudjman, Izetbegovic et Milosevic ont dit « oui » à ce plan de paix depuis maintenant plusieurs mois.
Deuxièmement, nous leur proposons un ordre du jour, ambitieux mais limité, qui tient en quatre ou cinq points : tout d'abord – et c'est extrêmement important parce qu'on ne met le projecteur que sur l'un des aspects, n'oublions pas le premier d'entre eux – c'est la reconnaissance mutuelle deux à deux des trois États issus de l'ex-Yougoslavie, et quand je dis trois ce n'est pas limitatif, pensons aussi à la Macédoine. Donc, c'est déjà un point extrêmement important et, comme cela était souligné par certains observateurs, la reconnaissance mutuelle cela veut dire l'abandon du projet de grande Serbie. Deuxièmement point de cet ordre du jour : c'est la confirmation – là il ne s'agit que d'une confirmation – de l'acceptation du plan de paix du groupe de contact. Troisième idée c'est l'acceptation du plan dit « Z 4 » comme base de départ de la discussion entre Croates et Serbes dans les Krajina. Le quatrième point, c'est fa confirmation de la décision de principe du bouclage de la frontière entre la Serbie et la Bosnie – quelles que soit par ailleurs les critiques que l'on puisse faire à l'application concrète à laquelle je ne me résigne pas d'ailleurs – et enfin, si toutes ces conditions sont réunies, la suspension d sanction sur la Serbie-Monténégro. Il semble qu'il y a une cohérence dans tout cela et ce qui me renforce dans l'idée qu'il y a une cohérence c'est qu'à Sarajevo on a accepté d'entrer dans cette problématique et dans cette logique. On a même ajouté que dans un tel contexte on était prêt à prendre des engagements, de principe en tout cas, sur les futurs arrangements constitutionnels à l'intérieur de la Bosnie Herzégovine. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir le soutien des Quinze, le soutien des Cinq, c'est-à-dire des Américains et des Russes et l'ouverture qui a été faite aussi bien à Zagreb qu'à Sarajevo. On va voir maintenant, et le délai n'est pas long devant nous. Il est de l'ordre de quelques semaines, si cette initiative peut aboutir ou pas, si l'invitation peut être lancée avec quelques chances de succès. Mais si elle échoue, je dirais par qui et pourquoi elle échoue ; il faudra que le choses soient claires pour que les responsabilités là aussi soient bien dégagées car je le répète, si nous ne parvenons pas à cette percée diplomatique qui ne réglera pas tout, qui devra ensuite être complétée par une conférence abordant le problème interne de la Bosnie Herzégovine, mais enfin qui créerait un climat diplomatique différent, si cela échoue, alors les « réalistes » entre guillemets qui sont d'ores et déjà résignés à une reprise des combats au mois d'avril auront eu, hélas, raison et je le répète, je dirais comment cela s'est passé si cela échoue.
Enfin concernant votre deuxième question, je ne peux évidemment que déplorer cette décision. Je crois qu'à force de tirer sur les Nations unies, au figuré naturellement, de les critiquer à tout propos et hors de propos et de leur refuser les moyens d'assumer les missions qu'on leur demande d'accomplir on est en train de détraquer sérieusement le peu d'ordre international qui existe aujourd'hui et je crois que c'est tout à fait dommage c'est une véritable régression sur le plan du droit et de l'organisation mondiale.
Q. : Concernant l'Union douanière avec la Turquie, la Grèce a demandé les modifications que l'on connaît ; on avance vers la date du 6 mars, que prévoit la présidence française pour aboutir concrètement dans ce dossier ?
R. : Je peux vous dire que depuis plusieurs jours, les contacts sont incessants, des missions ont été envoyées sur place, nous avons fait des contre-propositions. Il ne faut quand même pas là non plus inverser les rôles : la balle n'est pas dans le camp de la Présidence, elle est dans le camp de la Grèce. Des demandes supplémentaires ont été faites, certaines ne sont pas acceptables, d'autres peuvent être discutées, nous avons fait des contre-propositions, il y a un moment où on ne pourra plus faire de contre-propositions, il y a un moment où c'est à prendre ou à laisser. Il faut que cela soit clair. Si c'est à laisser, il n'y aura pas de conseil d'association avec la Turquie mais il n'y aura pas non plus de conseil d'association avec Chypre, il faut le savoir.
Q. : Avec les difficultés actuelles qui menacent le processus de paix au Proche-Orient, quel bilan faites-vous des étapes syriennes, palestiniennes et israéliennes ?
R. : Je vous en ai parlé un peu tout à l'heure. Là aussi, il ne faut pas juger telle ou telle mission selon des critères inadaptés ; l'objectif de la troïka de l'Union européenne n'était pas de conclure le processus de paix en allant sur place. Notre objectif était simplement de faire le point, d'écouter, de convaincre les autorités rencontrées qu'il fallait poursuivre sur la voie du processus. En Syrie, je l'ai déjà dit, nous sommes arrivés dans un contexte qui était différent de celui de l'année passée parce qu'il faut bien reconnaître que l'Union européenne a fait des gestes importants vis-à-vis de la Syrie. Le conseil de coopération du mois de novembre a été positif et depuis, toute une série de projets concrets ont été élaborés ; je crois que les autorités syriennes l'ont bien compris. Dans mes discussions avec le Président syrien alors que m'attendais à une position très négative sur le principe même du processus de paix, j'ai vu que la discussion se nouait sur ses modalités, sur les obstacles qui subsistent, mais je le répète, en termes ; de modalités plus qu'en termes de principes. De même, au Liban, on voit bien s'esquisser les principes d'une solution sur la base de l'acceptation et de l'application de la résolution 425. Les choses sont plus difficiles, c'est vrai, entre Israéliens et Palestiniens pour une raison tout à fait évidente et que chacun peut comprendre, c'est que la situation de sécurité de part et d'autre est telle que les opinions publiques commencent à perdre confiance dans ce processus, d'où la nécessité d'aller de l'avant. Je l'ai dit à plusieurs reprises, le surplace conduit à l'échec. Je ne veux pas mettre cela en liaison avec la mission de la troïka, il y a eu d'autres discussions, mais je constate que, d'après les dernières informations dont nous disposons, un certain nombre de dossiers évoluent, notamment le bouclage des Territoires. J'avais moi-même expliqué, après mes entretiens avec M. Arafat, à nos partenaires israéliens que, si on pouvait comprendre certains aspects de ce bouclage après le choc que constituait l'attentat de Netanya, d'autres aspects étaient moins compréhensibles, pourquoi boucler par exemple la frontière entre Gaza et l'Égypte ? Ainsi de suite. Là aussi, il semble que l'on se soit remis à discuter, il faut maintenant franchir des pas supplémentaires vers l'organisation des élections et vers le redéploiement qui sont les phases prévues par les accords.
Q. : Sur deux dossiers, qu'il s'agisse des quotas audiovisuels ou des ACP, il semble que la solidarité allemande ait un peu manqué contrairement à l'habitude, c'est aussi votre avis ?
R. : Non, ce n'est pas mon avis. Alors que l'Allemagne était partie dans l'affaire du FED sur l'idée d'une diminution sensible de sa participation, elle a annoncé avant-hier à Bruxelles un chiffre qui était beaucoup plus proche de l'objectif que nous nous fixions ; donc elle a évolué sur ce point. De même, je crois que sur les quotas de diffusion, la situation est moins contrastée que vous ne semblez l'indiquer. Mais il faut progresser encore.
Q. : L'un des points de discorde dans la région, c'est la non-participation d'Israël au TNP : il y a une idée lancée par la France il y a longtemps : c'est de faire de la région du Proche-Orient une région sans armes de destruction massive. Ne croyez-vous pas que pour arriver à cet objectif-là, la signature par tous les États de la région du TNP est obligatoire ?
R. : On n'atteindra pas cet objectif dans les 48 heures, ce n'est pas une idée française, c'est une idée qui a été lancée par d'autres mais que nous soutenons. Nous pensons en effet – c'est peut-être un des sujets de réflexion de la future conférence euro-méditerranéenne – qu'il faut faire de la Méditerranée, tout particulièrement de sa zone proche-orientale, une région de paix et une région sans armes de destruction massive. C'est l'objectif. Dans l'intervalle, nous attachons une très grande importance à la reconduction du traité de non-prolifération, j'aurai l'occasion de dire, cet après-midi, à mon collègue égyptien que je dois rencontrer, combien nous souhaitons que l'on ne fasse pas monter les enchères et que l'on ne crispe pas les positions des uns et des autres dans ce dossier de façon que le traité de non-prolifération puisse être effectivement reconduit lors de la conférence qui va s'ouvrir le 17 avril prochain.
Q. : J'aimerais une réponse aux critiques de certains Africains et de certaines ONG françaises sur l'aide française au développement, surtout la coopération, ils disent qu'elle favorise la corruption et le clientélisme. Par ailleurs, pour ce qui est de l'aide française pour les pays d'Europe centrale et orientale, si elle a beaucoup augmenté ces dernières années, il y a quelques pays de l'Union européenne qui donnent un pourcentage encore plus élevé que la France. Enfin, J'aimerais savoir quel est le soutien que les pays qui ont une APD importante vous accordent dans vos efforts pour augmenter l'aide européenne aux pays ACP ?
R. : On peut faire toutes sortes de critiques à l'aide au développement beaucoup de ces critiques sont évidemment fondées, mais à ce moment-là, il faut les faire… êtes-vous absolument sûr que l'aide internationale à la Russie ne favorise en aucun cas la corruption de qui que ce soit ? Je ne dis pas cela pour m'en satisfaire, il faut évidemment donner à l'aide une plus grande efficacité, la moraliser, changer les méthodes, ce que nous n'avons cessé de faire, mais tirer argument du fait qu'il y a parfois des détournements et des actes de corruption marginaux me semble-t-il par rapport au montant de l'aide – pour couper les vivres à l'Afrique, alors qu'il y a là les pays les plus pauvres du monde, des pays qui sont en train de se démocratiser, des pays qui font des efforts de réformes économiques, on le voit dans la zone franc après la dévaluation du franc CFA, là il y a un pas que la France n'est pas disposée à franchir. Ce n'est pas parce qu'il y a des défauts qu'il faut couper la tête, si je puis dire, de l'aide à l'Afrique.
Pour les PECO nous faisons un effort important vis-à-vis d'eux, nous sommes pleinement solidaires et acteurs de l'aide européenne, nous payons à peu près 20 % de tout ce que l'Union européenne dépense au titre de mon aide extérieure. Comme cette aide extérieure a augmenté de 50 % vis-à-vis des PECO, vous voyez que nous ne sommes pas en reste et c'est très bien, je ne le critique pas naturellement.
Enfin, concernant la position des pays qui ont une aide publique au développement très élevée, c'est vrai qu'il y en a, notamment beaucoup de pays nordiques, qui ont une aide au développement encore plus importante que la France, qui se rapproche, petit à petit de son objectif de 0,1 % du PNB. J'ai observé que ces pays avaient été très ouverts, je ne vais pas les citer ici, c'est le secret des délibérations, plusieurs de ces pays, les pays nordiques en particulier, des pays qui viennent d'adhérer à l'Union ont été parmi les plus généreux et les plus ambitieux pour la constitution du 8e FED.
Je voudrais ajouter juste un mot sur deux sujets encore.
Nous nous félicitons de l'accord de paix qui vient d'intervenir entre le Pérou et l'Équateur, d'après les informations que nous venons d'avoir de Brasilia où il a été signé, accord de paix qui confirmerait donc le cessez-le-feu conclu le 14 février. La France a toujours souhaité que ces deux pays entretiennent des relations d'amitié et de coopération et se réconcilient de manière durable, c'est autant plus important que, comme je vous l'ai dit, nous accueillerons à paris les 16 et 17 mars prochains les ministres des Affaires étrangères du groupe de Rio.
Second petit complément, je lis dans un grand hebdomadaire comme il est convenu de dire, un article dans lequel on explique que la France a scandaleusement capitulé dans l'affaire de la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales. Aussi, il faut parfois remettre les choses un peu au point : nous nous sommes associés c'est vrai à la négociation de cette convention-cadre. Il est vrai que cette convention, telle qu'elle est, nous pose des problèmes à nous Français, c'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas signée. Et nous avons d'ailleurs saisi le Conseil d'État pour être éclairés sur un certain nombre d'aspects constitutionnels. Quand j'entends dire que nous avons scandaleusement capitulé alors que nous n'avons pas encore signé, je me dis que c'est de l'esprit visionnaire peut-être ou d'anticipation, mais qui ne correspond pas à la réalité.
Je vous remercie.