Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, dans "La Tribune" du 6 novembre 1998, sur les péages versés par la SNCF à Réseaux ferrés de France, le financement du TGV Est et le débat européen sur la libéralisation du fret ferroviaire.

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Média : La Tribune

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La tribune : Vous avez annoncé au début de l'été une « évolution - en clair, une augmentation - des péages versés par la SNCF à l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF), chargé du développement et du financement des infrastructures ferroviaires. Où s'arrête finalement le curseur du Gouvernement ?

Jean-Claude Gayssot : « J'ai parlé d'évolution car il s'agit de faire en sorte que le montant des péages corresponde à la qualité des infrastructures proposées. Nous devons avoir une politique de péages la plus juste possible par rapport à la valeur réelle du réseau. Nous sommes même dans une situation de sous péage par rapport aux autres pays européens. Il faut également intégrer le souci de RFF de faire face à son endettement (150 milliards de francs, NDLR) et surtout de le mettre en capacité à développer le système ferroviaire. Car tel est notre objectif fondamental. Enfin, il faut tenir compte de la capacité contributive de la SNCF, de manière à ne pas nuire à son redressement.

Tout cela étant posé, le montant des niveaux de péages de la SNCF pour usage des infrastructures sera donc porté progressivement de 6,3 milliards de francs, aujourd'hui à 8,9 milliards de francs en 2001. Ce dernier montant tiendra compte des 6,3 milliards d'aujourd'hui, auxquels s'ajouteront d'abord 400 millions de francs chaque année, au titre de la capacité contributive de la SNCF, soit au bout du compte 1,2 milliard en 2001. Au final, l'effort proprement dit de l'entreprise est de 20 %. En outre, il est prévu une enveloppe annuelle de 1,4 milliard de francs et un surplus de recettes tirées de l'augmentation prévisionnelle du trafic. L'enveloppe de 1,4 milliard recouvre en premier lieu le déblocage de 800 millions, dans le cadre de la généralisation de la réforme des services régionaux prévue à partir du 1er janvier 2000, et qui sera donc anticipée sur 1999. Les autres 600 millions résulteront de l'augmentation de la contribution versée par RFF à la SNCF, au titre de sa mission de gestionnaire des infrastructures. La rémunération de la SNCF va ainsi s'élever à compter de 1999 à 17,3 milliards.

La tribune : Le président de RFF a plusieurs fois affirmé qu'il fallait porter les péages à 12 milliards de francs. Comment est-on passé à 9 milliards ?

- « Selon les textes européens, la moitié des recettes commerciales de RFF doit venir des péages, sinon son endettement relève de la dette publique. Mais avec les 9 milliards à l'horizon 2001, nous donnons une indication claire aux autorités bruxelloises. Car nous allons de facto vers ces 12 milliards. Les 9 milliards en 2001 reposent sur un scénario prudent du trafic constant de la part de la SNCF. Tout dépassement des prévisions du trafic sera donc un plus pour le financement de RFF. Je tiens par ailleurs à rappeler que le Gouvernement s'est engagé à apporter 37 milliards de francs sur 3 ans à l'établissement public, de manière à stabiliser sa dette. A cela s'ajoute de surcroît l'augmentation de diverses enveloppes destinées aux investissements ferroviaires. Nous avons déjà décidé le doublement en deux ans des sommes venant du fonds d'investissement FITTVN, l'objectif étant de les tripler d'ici à 2006, soit 2,5 milliards de francs. Les enveloppes prévues dans le cadre des futurs contrats de plan seront en outre portées à 500 millions au moins. »

La tribune : Le Gouvernement a étudié une modulation des péages selon les activités. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

- « Il appartient aux entreprises concernées de faire des propositions. Mais il est clair que l'on va vers un rééquilibrage entre les différentes activités, sachant que les services régionaux Île-de-France représentent aujourd'hui la moitié du montant des péages, soit 3 milliards. La modulation est un outil de gestion et de développement qui doit entre autres permettre de lutter contre la congestion de certaines parties du réseau et de dynamiser le fret. Les grandes lignes vont donc payer plus. Dans l'immédiat, seul le montant global des péages et sa composition ont été arrêtés. La mise en place de la tarification se fera par étape et ne sera pas bouclée avant 2000. Je veillerai personnellement à cette réflexion, à laquelle doit également participer le futur Conseil supérieur du service public ferroviaire que nous avons décidé de créer. In fine, le barème sera arrêté par le ministre des Transports et j'ai un objectif de conquête et de développement du trafic. »

La tribune : A propos des projets d'investissements, le financement du TGV est-il enfin bouclé ?

- « Il nous manque 2 milliards de francs. Mais la commission est prête à aller au-delà du milliard de francs sur lequel elle s'était engagée. Il en est de même pour le Luxembourg. Par ailleurs, nous discutons avec les quatre régions concernées. Le calendrier est respecté. Les travaux seront lancés fin 1999-début 2000. »

La tribune : Un Conseil des ministres des Transports de l'Union européenne doit prochainement se prononcer sur une nouvelle étape en matière de libéralisation du fret. La France, qui s'y oppose, est-elle en mesure de l'arrêter ?

- « C'est une bataille difficile, mais nous pouvons la gagner car nous ne sommes pas isolés. Non seulement certains États membres s'opposent comme nous à davantage de libéralisation - il s'agit de la Belgique et du Luxembourg -, mais d'autres États, à savoir l'Espagne et l'Italie, sont de leur côté hostiles à l'imposition d'une libéralisation aux pays qui n'en veulent pas. Je m'apprête par ailleurs à rencontrer mon nouvel homologue allemand.

Je crois même que le débat sur davantage de libéralisation est aujourd'hui dépassé. Il s'agit aujourd'hui de savoir, entre autres, ce que l'on veut faire en matière d'interopérabilité. Faire passer des trains n'a rien à voir avec des atterrissages sur un aéroport. De même, il s'agit aujourd'hui de savoir ce que l'on veut faire pour développer le transport combiné. Par ailleurs, je rappelle que l'application de la directive européenne actuelle permet l'accès aux réseaux de nouveaux entrants. »

La tribune : La négociation sur la réduction du temps de travail s'ouvre à la SNCF. Le Gouvernement est-il prêt à un coup de pouce financier pour faciliter sa conclusion ?

- « La SNCF n'est juridiquement pas éligible aux aides prévues dans le cadre du dispositif Aubry. Mais dans la mesure où le Gouvernement s'inscrit dans une démarche de développement du transport ferroviaire, il sera attentif à trouver des solutions qui l'aideront. »

La tribune : Le commissaire général au Plan planche sur l'avenir du système des retraites et donc, entre autres, des régimes spéciaux. Quelle est aujourd'hui votre position sur ce sujet sensible ?

- « Elle n'est pas changée. Je me suis porté garant vis-à-vis des cheminots et des agents de la RATP du maintien de leur régime de retraite et de prévoyance. »