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Enjeux : Le territoire français supporte chaque année un volume très important de transports de marchandises, qu'ils soient liés au besoin de son économie ou au trafic de transit relatif à la vie économique de l'Union européenne. Dans ce contexte, quelles sont les possibilités d'allégement de ce trafic ?
Bernard Bosson : La France et son axe Nord-Sud, tout particulièrement, supportent un trafic de plus en plus dense qui pose dans certaines régions (vallée du Rhône, grandes agglomérations, région parisienne, région Nord…), de réels problèmes de congestion, avec des atteintes à l'environnement et des risques en matière de sécurité.
Pour diminuer les effets de cette congestion, la France a choisi une double approche :
– une approche géographique visant à une meilleure répartition du trafic sur le territoire. C'est l'objectif poursuivi par le schéma directeur autoroutier national qui vise à offrir un meilleur maillage du territoire et des itinéraires alternatifs, tout particulièrement vers l'ouest (route des estuaires) ;
– une approche modale afin de proposer des alternatives au mode routier : le gouvernement a donné une impulsion nouvelle aussi bien au transport combiné qu'au transport fluvial.
Par ailleurs, dans le domaine maritime, en rendant les ports français et les places portuaires plus compétitifs, en améliorant leur desserte dans une véritable logique intermodale, en permettant aux marchandises d'y circuler plus facilement et aux entreprises de s'installer et de travailler sur les ports, le gouvernement vise à offrir aux chargeurs, qu'ils soient français ou étrangers, des outils tout à fait concurrentiels, alternatifs aux ports du Benelux, très facilement accessibles, ce qui met fin à l'obligation d'utiliser les itinéraires les plus chargés.
Enjeux : La circulation maritime (notamment par le développement du cabotage intracommunautaire et des liaisons fluvio-maritimes) peut-elle apparaître comme un moyen efficace d'allégement du trafic des marchandises sur le territoire français et européen ?
Bernard Bosson : Le développement du cabotage intracommunautaire entre tout à fait dans la logique qui vient d'être décrite. C'est par une meilleure accessibilité de nos ports et une meilleure efficacité de ceux-ci que l'on peut envisager d'offrir aux chargeurs un transport maritime alternatif au transport routier, qui soit à la fois efficace et qui puisse alléger le transit des marchandises sur le territoire national et européen. C'est un des axes forts de la présidence française de l'Union européenne, et je compte que, avec nos partenaires communautaires, nous parvenions à donner une impulsion sensible au cabotage maritime intra-européen.
Enjeux : Les ports sont-ils en mesure de faire face à une telle réorganisation des trafics de marchandises ?
Bernard Bosson : Les ports français sont tout à fait capables de répondre aux demandes nouvelles. En effet, ils possèdent presque tous d'importantes réserves de développement Leur capacité à s'adapter ne fait, à mes yeux, aucun doute. Même dans l'hypothèse où émergeraient des techniques nouvelles de transport maritime, notre pays dispose d'excellents ingénieurs et d'excellents industriels qui seraient tout à fait capables de s'adapter rapidement à ces évolutions.
Mais, vous le savez, les ports constituent également des points nodaux stratégiques. Le développement des liaisons terrestres représente donc pour eux un enjeu majeur. Ce sont des maillons importants des réseaux transeuropéens et, à ce titre, ils seront présents dans le débat conduit sur ce thème par l'Union européenne. Une bonne intégration des ports dans les réseaux transeuropéens constitue en effet une condition nécessaire au développement du transport maritime que souhaite promouvoir l'Union européenne et qui constituera une des priorités de la présidence française.
Par ailleurs, je vous rappelle que le gouvernement s'est engagé – et cela a été rappelé très clairement au dernier CIAT de Troyes – à moderniser tous les maillons de la filière portuaire, au même titre que la manutention : c'est-à-dire à simplifier le plus possible les procédures administratives et douanières afin de rendre plus fluide le passage au port, et à améliorer les dessertes des ports par une véritable approche intermodale. Il s'agit là d'un enjeu extrêmement important car c'est à ce prix, c'est-à-dire en prenant en compte toute la chaîne logistique et ses contraintes, que le transport maritime peut offrir une solution alternative au transport routier et conquérir des parts de marché sur ce mode.
Enjeux : Quels sont les atouts et les limites du cabotage maritime et fluvio-maritime (aspect économique, écologique...) ?
Bernard Bosson : Les atouts du cabotage maritime et fluvial sont bien connus : c'est son faible coût, sa fiabilité et son caractère respectueux de l'environnement. Le cabotage maritime contribue déjà à l'acheminement d'une partie importante du commerce extérieur des pays de l'Union européenne, particulièrement en Europe du Nord et entre les pays baltes.
En France, cette forme de cabotage est également très développée dans les dessertes des îles britanniques ou de la Corse, mais aussi pour les liaisons avec l'Afrique du Nord qui utilisent cesser-vices offerts dans bon nombre de ports de la Manche ou du littoral méditerranéen. À noter que nous connaissons aussi une autre forme de cabotage : c'est le trafic de vracs qui représente une part importante du trafic des ports de façade atlantique.
Je vous l'ai dit, face à la saturation croissante des axes routiers et aux inconvénients que cette saturation génère, la France souhaite donner une nouvelle impulsion au cabotage, notamment dans le cadre de la présidence de l'Union européenne.
Le cabotage fluvio-maritime, c'est-à-dire celui qui se réfère aux caboteurs de petite taille permettant de remonter les rivières et les canaux, constitue une variante du cabotage maritime. Son développement reste assez faible en Fiance. Il a cependant réalisé des percées intéressantes sur le Rhône ou sur la Seine, et peut constituer lui aussi une alternative des filières bien précises ou sur des circuits logistiques qui s'y prêtent.
Enjeux : Au fur et à mesure de la construction européenne, la géographie économique du vieux continent et l'équilibre des rapports de force connaissent d'importantes modifications. Quel est l'impact de la réorganisation de l'espace européen de circulation (intégration de la Scandinavie et de l'Autriche, orientation vers l'Ouest des pays de l'Europe orientale) sur la France ? En somme, quelle sera la place de la France dans l'Europe des transports de demain ?
Bernard Bosson : Le rôle charnière que peut jouer la France, quatrième exportateur mondial et second par tête d'habitant, dans l'élargissement de l'Union européenne est actuellement nettement sous-estimé. Située tout près des grandes agglomérations qui se sont développées sur le bassin rhénan, au débouché de l'axe Nord-Sud, au cœur de l'arc atlantique et de l'arc méditerranéen qui s'étend de l'Espagne vers l'Italie et au-delà vers le pays de l'Europe centrale, entretenant des relations privilégiées avec l'Afrique, la France des transports doit pouvoir tirer parti de sa position de carrefour au cœur de l'Europe.
Ainsi, pour nos grands port , faire de la Basse Seine un carrefour bien desservi sur l'axe Nord-Sud et relié au reste du territoire vers l'Est et le Sud-Est en évitant la région parisienne, est désormais un enjeu majeur, tout comme l'intérêt de la liaison fluviale Rhin-Rhône et d'une nouvelle percée alpine pour le port de Marseille pour valoriser la position du premier port français dans une perspective à plus long terme, en élargissant son hinterland vers l'Italie du Nord et vers l'Europe centrale.