Texte intégral
M. le ministre. - Bonjour. Il était prévu de commencer en présentant la nouvelle pièce de 2 francs. C'est une très belle pièce de 2 francs qui va entrer en circulation le 20 décembre et qui est frappée au thème de la déclaration universelle des Droits de l'Homme avec René Cassin d'un côté et de l'autre… je vous le montre.
Un intervenant. - Pourquoi 2 francs ?
M. le ministre. - Parce qu'on avait 10 MF à émettre et que l'on voulait faire 5 millions de pièces de 2 francs. (Rire)
On considère qu'on a fait le tour. Cela vous montre que la monnaie est politique, ce dont personne ici n'a jamais douté. Il était bien, aujourd'hui, d'émettre cette pièce surtout à un moment où j'ai compris que certains partis extrémistes ou certains leaders de partis extrémistes et scissionnant n'en considéraient que le préambule de la Constitution de 1948, qui comprend la déclaration des Droits de l'Homme, ne faisait pas partie de la construction de notre République, ce qui est évidemment faux.
À part cela, je n'ai que des petits points successifs à évoquer avant vos questions. Point de conjoncture : j'ai fait un certain nombre de déclarations récentes sur lesquelles je n'ai pas grand chose à ajouter.
Nous sommes, je pense, en sortie, définitive j'espère, de la crise financière de septembre/octobre. Les indicateurs que nous avons aujourd'hui, qui retracent cette période, octobre et début novembre, ne sont évidemment pas très bons, sauf celui concernant la conscience des ménages qui continue de marquer un niveau record puisqu'on est à un niveau qui n'a pas été atteint en 1988-89.
L'aspect très intéressant dans cet indicateur, lorsqu'on compare son évolution, c'est qu'on s'aperçoit qu'il y a un redressement fort aussi de la confiance du côté européen, c'est-à-dire que cela laisse de bons espoirs sur la consommation italienne, allemande, etc.
L'idée que nous ne sommes pas les seuls à avoir un niveau de confiance record, mais que cela se passe de la même manière dans la zone euro, est une idée qui a été peu développée jusqu'à maintenant, qui me paraît relativement intéressante.
À l'inverse, on connaît les chiffres sur les perspectives d'investissement des chefs d'entreprises tels qu'ils sont parus. Cela n'a rien de neuf.
J'ai fait ce matin un communiqué avec Martine Aubry sur l'emploi. Les chiffres définitifs sont sortis sur le troisième trimestre. Ils sont révisés plutôt à la hausse, pas grand chose, par rapport à ce qui avait été annoncé dans les chiffres provisoires. Par conséquent, sur quatre trimestres glissants, du troisième trimestre 1997 au troisième trimestre 1998, la hausse de la création d'emplois et de 303 000 dans le secteur marchand. Ce sont des chiffres glissants sur les emplois marchands. C'est un peu au-dessus de ce qu'on avait annoncé dans les provisoires, qui étaient 5 ou 6 000 en dessous. De ce côté-là, satisfaction.
Puis, vous avez vu les chiffres sur l'inflation, sur lesquels je n'ai pas énormément de commentaires à faire, qui sont fortement marqués par la baisse du prix des matières premières, en particulier du pétrole. Quand on retire cette baisse et que l'on regarde l'inflation sous-jacente, on reste à des niveaux de l'ordre de 1 %, 1,1 % mais, qui dans la réalité, est fortement affectée par l'évolution du prix des matières premières.
Sur la conjoncture, comme je l'ai annoncé à l'Assemblée nationale ou à la télévision, je ne sais plus, il faut, me semble-t-il, encore un peu de temps pour se faire une idée précise des conséquences de sortie de crise. Pour ma part, je ne veux donc pas me prononcer avant que ce temps se soit écoulé. Il faut bien deux mois, voire deux mois et demi de 1999 pour commencer à savoir exactement comment ce sont reconstituées les anticipations des chefs d'entreprises une fois qu'ils auront le sentiment plus clair que nous sommes effectivement sortis de la crise financière de l'automne.
Ceci me conduit directement à un point qui y est lié, mais sur lequel je ne veux pas faire trop de commentaires, qui est la programmation pluriannuelle des finances publiques. Des réunions de travail existent sur ce sujet. J'ai répondu hier à l'Assemblée nationale à une question sur ce point. Le thème est le suivant : nous sommes conduits à déposer, avant la fin de l'année, un programme sur la protection des finances publiques jusqu'à 2002, qui fait suite comme exercice aux programmes de convergence tels qu'ils existaient avant 1997 et la convergence vers le seuil de 3 %.
Cela s'est transformé en projection pluriannuelle. C'est un exercice qui, de ce point de vue, est assez classique puisqu'il existait avant, étant entendu qu'il prend une importance plus grande par le fait que nous sommes engagés dans une phase forte de coordination de politique économique.
En ce sens, chacun d'entre nous est plus intéressé encore que par le passé à ce que ses voisins, notamment les principaux voisins, sont susceptibles de proposer.
Nous travaillons à cette projection. Elle sera déposée avant la fin de l'année. Nous y travaillons en relation étroite avec les Allemands, lesquels ne sont pas très en avance pour des raisons de changement de gouvernement. C'est donc fin décembre que cela sera déposé. Je ne peux pas vous en dire plus en la matière. Le travail est loin d'être achevé. La discussion existe.
C'est un exercice très utile, me semble-t-il, qui n'est pas normatif. C'est une programmation qui elle-même est glissante. L'année prochaine, nous referons une programmation pour trois ans. En fonction de la conjoncture, l'éclairage des trois ans qui viennent peut changer.
Ce n'est pas un exercice contraignant. Ce n'est pas une loi de finances. Ce qui est dit peut-être changé pour des raisons liées à la conjoncture ou à la volonté politique. Mais cela reste un cadre intéressant qui existe dans beaucoup d'autres pays depuis longtemps, notamment les pays scandinaves, les Hollandais, etc., cadre que les Français auraient dû faire depuis assez longtemps puisqu'autant qu'il m'en souvienne, lorsque j'étais au plan dans les années 1982-83, la loi de plan prévoyait qu'associées à chaque loi de finances, il y aurait des projections triennales de finances publiques. En pratique, elles n'ont jamais existé. Nous aurions dû faire cela aussi, nous ne l'avons pas fait. Nous le faisons à partir de maintenant.
Dès lors que ce document sera fini et déposé à Bruxelles, j'irai l'exposer aux Commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat. Ce sera l'occasion, pour moi, de le commenter devant quand il existera.
D'ici là, se tient à la fin de la semaine le Conseil européen de Vienne. C'est un Conseil je crois important. Bien sûr, tous les Conseils européens sont importants, mais celui-ci a pour moi une signification particulière et cela au moins de trois points de vue.
Le premier, c'est que le thème central évoqué y sera clairement la croissance et l'emploi, comme la réunion de Poertsphach l'a montré et dans la suite de ce qui a été fait à Cardiff en juin et à Luxembourg en novembre dernier.
Autrement dit, l'affirmation selon laquelle le centre d'intérêt clair des Européens, aujourd'hui, est la croissance et l'emploi n'a plus besoin d'être démontré. Il y a un an, lors du sommet de Luxembourg, que nous avions arraché de haute lutte, certains d'entre vous développaient l'idée qu'il y avait un sommet sur l'emploi. Cela ne voulait pas dire que l'emploi était au centre des préoccupations européennes.
Je vous avais répondu que vous aviez raison et que nous verrions bien. Déjà celui de Cardiff doit donner lieu au fait que l'on dépose les programmes d'actions nationaux pour l'emploi, les PANE.
Cela avait eu lieu, mais c'était un geste formel puisqu'il s'agissait de déposer les programmes. Ensuite, il fallait voir comment on allait les suivre. Évidemment, cela donnait plus de crédibilité. La réunion de Poertsphach a été très claire là-dessus. Ce Conseil européen de Vienne, centré largement, pas seulement car il y avait d'autres thèmes importants, sur la croissance et l'emploi, montre la volonté de cette Europe, à coloration beaucoup plus sociale-démocrate que ce n'était le cas dans le passé, de faire de son objectif premier la recherche de la plus forte croissance possible avec, pour conséquence, le plus haut niveau d'emploi possible.
Cela me paraît très important au moment où l'euro 11 va commencer à fonctionner - il s'est déjà réuni, comme vous le savez - dans l'UEM, à partir du 1er janvier et à un moment où les idées que notamment la France, mais pas seulement, avec pas mal de force, a développé depuis trois mois sur ce que devait être le Policymix européen, ont, je crois, été acceptées aujourd'hui par tout le monde, y compris par les banques centrales comme l'a montré la récente baisse organisée dans tous les pays de la zone.
Nous entrons dans l'UEM, le 1er janvier, avec les instruments nécessaires - je pense à l'euro 11 -, avec la volonté politique de mettre la croissance au centre de nos débats et de nos actions et avec une stratégie économique, Policymix pour parler savant, adaptée à ce dont nous avons besoin. Tels étaient les objectifs que je m'étais fixé dans chacun de ces domaines, vous le savez. On peut considérer qu'ils sont, pour le moment, remplis.
Le deuxième sujet qui va être traité, qui fait aussi partie de la panoplie que je viens d'évoquer, porte sur les questions de représentation extérieure de la zone euro pour laquelle, comme vous le savez au dernier ECOFIN, ou plutôt au dernier Euro 11, les États membres se sont mis d'accord dans une configuration qui peut sembler complexe, mais qui ne l'est pas tant que cela. Il me semble que les chefs d'État et de gouvernement devraient accepter cette proposition. Il nous restera à voir comment nous pouvons la discuter avec nos partenaires américains.
Nous avons le temps pour ce faire, puisque sa première application concrète sera au mois de février, à l'occasion du G7, qui se tiendra en Allemagne, à Bohn sans doute, où il faudra, pour la première fois, que l'on mette en oeuvre cette représentation extérieure de la zone euro, telle que nous l'avons imaginée. Cela peut encore bouger dans un sens ou dans un autre. Il faudra que ce soit finalement clairement établi pour le mois de février.
Enfin, un dernier élément fait partie de ce même paquet. C'est un peu passé inaperçu car il y a eu peu de débats dès lors que tout le monde était d'accord. L'ennui, lorsqu'il y a peu de débats, c'est que vous n'en faites pas état. Mais au dernier ECOFIN, il a été adopté par les Quinze un document sur la réforme du système monétaire international qui reprend très précisément, non pas qui décalque puisqu'il l'améliore, les douze points que j'avais déposés à l'ECOFIN informel de Vienne.
C'est donc aujourd'hui la position de l'ensemble de l'Europe. Vous avez sans doute eu ce document. Il va nous servir dans les débats avec nos autres partenaires, Américains, Japonais et autres, pour essayer d'avancer vers une restructuration, une refonte du système monétaire international sur les bases qui sont celles que la France avait proposées à l'ECOFIN informel de Vienne, en septembre.
Enfin, troisième papier de ce sommet de Vienne, le premier était l'emploi, le deuxième était ces questions concernant la formation extérieure et le système monétaire international, le troisième paquet concerne les problèmes de fonctionnement même de l'Union. J'y vois deux rubriques. Une rubrique qui est celle de l'Agenda 2000 et la seconde, celle de l'harmonisation fiscale.
Nous sommes loin d'avoir abouti à l'Agenda 2000. Je pense qu'il faut que nous essayions, autant que faire ce peu, de respecter le calendrier que le Chancelier Schröder a voulu mettre en place, à savoir clore vers le mois de mars, je ne sais pas si cela sera possible, il faut essayer. Ce qui me frappe, notamment à la suite de la série de sommets bilatéraux qui viennent de se tenir avec les Espagnols, les Allemands et les Anglais, c'est que là aussi quelques-unes des idées partagées et soutenues par la France, et par d'autres, ont pas mal avancé, notamment sur le thème de la stabilisation de la dépense à Quinze qui n'est pas aujourd'hui acceptée par tout le monde, mais soutenue par une majorité d'États.
Il me semble, sans que cela puisse garantir, que l'on va arriver à boucler l'Agenda 2000 au mois de mars, on a au cours de ces dernières semaines fait des pas qui n'avaient pas existé depuis de nombreux mois. Chacun répétait le même discours, sans que cela bouge. Depuis trois ou quatre semaines, il y a un mouvement qui va dans le sens de ce que nous souhaitions. De ce point de vue, il me semble que cela a augmenté la probabilité que l'on puisse clore ce dossier au mois de mars.
Le deuxième volet de ce troisième paquet sur les problèmes internes de l'Union, c'est l'harmonisation fiscale. Vous avez vu que Oskar Lafontaine, qui va présider à la fois l'Union européenne et le G7 l'année prochaine, a fait de l'harmonisation fiscale, ou plutôt a terminé ce qui avait été engagé en matière d'harmonisation fiscale, une des priorités de sa présidence. Ce qui est engagé, je vous le rappelle, ce sont des travaux sur la fiscalité des entreprises, en particulier l'impôt sur les sociétés, code de bonne conduite, etc., puis ce qui concerne la fiscalité des revenus du capital ou de l'épargne.
Sur ces deux sujets, l'objectif que s'est fixé l'ECOFIN est d'arriver à boucler tout cela pour le mois de juin, avec un petit débat sur des rapports qui pourraient arriver trop tard, sinon cela reporte à septembre ou octobre. Mais a priori, cela devrait être juin. Nous avons donc six mois, sous la présidence d'Oskar Lafontaine, pour arriver au bout.
Vous avez vu, notamment dans la presse britannique, qu'il y avait eu quelques déclarations fortes sur ce sujet. Il me semble, notamment à la suite du sommet de Saint-Malo, avec les Britanniques, que nous avons trouvé le mode d'expression qui convient. La presse d'outre-Manche s'était beaucoup troublée de ce que l'on veuille tout harmoniser ; comme si harmoniser voulait dire, en matière d'impôts sur les sociétés, qu'il y aurait un seul taux partout et, par ailleurs, que tous les impôts devaient être harmonisés.
Il a fallu clarifier tout cela ; expliquer qu'harmoniser ne voulait pas dire tous les impôts et que certains impôts relevaient sur la subsidiarité. L'impôt sur le revenu, par exemple, est typiquement un impôt qui relève de la subsidiarité, donc qui doit être traité nationalement.
Quant aux impôts qui, eux, méritent qu'il y ait harmonisation, par exemple l'impôt sur les sociétés, cela ne veut pas dire imposer le même taux d'impôt sur les sociétés, partout la même assiette, mais créer sans doute un encadrement des règles minimales permettant de bannir tout système de dumping fiscal, d'évasion, de récupération d'activité économique en faisant s'écrouler les taux d'imposition dans tel ou tel cas, etc. On pense à des exemples comme ceux de l'Irlande ou quelques autres qui ont beaucoup utilisé cela.
Du coup, j'ai le sentiment que la pression est retombée, sinon totalement du moins un peu, et que cela va permettre de travailler efficacement à la conclusion de ces travaux sur la mondialisation fiscale auxquels j'attache, pour ma part, énormément d'importance comme Lafontaine.
Voilà pour tout ce qui est macro-économique et européen.
Un mot sur un sujet que j'avais évoqué d'une phrase l'autre fois, mais seulement d'une phrase, qui est la poursuite du travail dans les entreprises publiques, dont j'ai la tutelle, en matière de discussions sur la réduction du temps de travail.
Il y a, sous la tutelle de ce ministère, plusieurs entreprises publiques parmi les plus grandes qui ont des missions de service public. Je pense à EDF. Je pense à La Poste. Il y en a d'autres, mais qui n'ont pas de missions de service public telles que COGEMA ou autres. C'est autre chose. Mais je pense à celles qui ont des missions de service public.
Les discussions s'engagent sur la réduction du temps de travail. Elles s'engagent, je crois, dans de bonnes conditions avec plusieurs objectifs, dont le premier d'entre eux est de fournir un meilleur service aux usagers. De ce point de vue, ce qui a été fait à France Telecom, par exemple, avec l'ouverture des agences le samedi et qui va pouvoir être fait à La Poste, dans le cadre de cette discussion sur la réduction du temps de travail, constitue évidemment une amélioration du service aux usagers associée au réaménagement des durées du travail.
Donc meilleur service aux usagers, d'où meilleure efficacité de l'entreprise et, évidemment, troisième volet, celui qui concerne la fonction principale de la réduction du temps travail, c'est l'augmentation des embauches pour compenser les durées du travail réduites et du personnel en place.
Je voulais souligner un point : ma préoccupation très forte en direction des entreprises dont j'ai la charge pour que la réduction du temps de travail s'y fasse dans les meilleures conditions est qu'elle soit engagée a un rythme raisonnable, mais soutenu, à partir de maintenant quand cela n'a pas déjà été le cas.
Pour La Poste, cela commence aujourd'hui.
Pour EDF, vous le savez, il y a eu un débat récurrent du fait de l'annulation de ce qui avait été fait, mais le démarrage se refait assez fortement.
Coq à l'âne. Un mot sur les droits de mutation. J'ai eu l'occasion, au Congrès de la FNAIM il y a quelques jours, de remercier ceux qui étaient là de leurs félicitations sur ce qui avait été fait en matière de droits de mutation dans le budget 1999.
En effet, vous savez que ce sujet, qui est un sujet ancien, n'avait jamais été traité. À savoir, que nous avions des droits de mutation sur les logements, sur l'immobilier en général, beaucoup plus élevés que nos voisins. Tout le monde était d'accord sur l'idée que c'était là un frein à la fluidité du marché et qu'il fallait absolument faire quelque chose et que personne n'avait jamais rien fait. Il faut dire que cela a un coût élevé.
En effet, ce sont, cette année 1999, 4 milliards que l'État abandonne pour faire baisser de 20 % ces taux qui passent maintenant à un peu moins de 8 %. Pour autant, nous restons encore sensiblement au-dessus de la moyenne européenne. J'ai donc annoncé que nous allons essayer d'aller plus loin. Bien entendu, cela dépend un peu des disponibilités budgétaires.
L'objectif est bien celui-ci, à savoir que d'ici la fin de la législature, une nouvelle étape puisse être franchie en matière de baisse des droits de mutation. Est ce que cela se fera dans le budget 2000 ? Est ce que cela se fera dans le budget de 2001 ? Tout dépendra de la façon dont la conjoncture économique et la conjoncture budgétaire permettront de dégager ou pas des marges.
Ce que j'ai voulu préciser, et je le précise à nouveau devant vous, c'est que je ne considère pas que le mouvement qui a eu lieu et qui a organisé cette baisse de 20 % est pour solde de tout compte et que donc il n'est plus à y revenir.
Je considère, au contraire, qu'il y a encore à y revenir. Simplement, je ne sais pas exactement à quel moment on pourra le faire.
Enfin, deux derniers points et j'aurai terminé. Lundi, ici, dans cette maison, aura lieu un colloque sur les stratégies industrielles.
Un premier colloque sur les entretiens de l'industrie avait eu lieu une première fois sur le service public, vous vous en souvenez, il y a quelques mois.
La deuxième édition se tiendra lundi prochain sur les stratégies industrielles. Ce sera, je crois, un colloque très important qui regroupera les grands industriels français, des représentants des différentes institutions qui travaillent, d'une manière ou d'une autre, autour de l'industrie et qui vise à redéfinir à la fois le rôle de l'industrie dans l'internationalisation, les instruments que nous disposons pour ce faire, la façon de faire face et les lignes qui permettent de créer, en France, un environnement favorable au socle industriel.
Sans doute parce que j'ai commencé ma carrière gouvernementale au ministère de l'Industrie, je garde un faible très marqué pour le socle industriel et je ne crois pas du tout que nous puissions attendre l'avenir de notre pays d'un développement uniquement des services. Il est extrêmement important, même si l'industrie en elle-même n'est pas créatrice d'emplois en son sein, elle l'est par diffusion des technologies dans les autres secteurs. Il est donc extrêmement important que nous restions un grand pays industriel.
Le rôle du ministère est manifeste dans ce domaine. Mais le contact avec les opérateurs du secteur, que ce soit eux-mêmes des industriels, des banquiers ou des services aux entreprises, doit être plus étroit. La fonction de ces colloques de le traduire.
J'y ferais donc un discours d'ouverture qui définira quelque peu la politique industrielle du gouvernement, non seulement prospective, mais en faisant le bilan de ce qui a été fait depuis dix-huit mois et en inscrivant ce bilan dans la stratégie que nous voulons suivre.
Enfin, dernier mot, nous sommes pratiquement au bout de la réalisation de la campagne euro de cette fin d'année, sachant que pas mal d'opérations connexes vont encore avoir lieu, notamment des opérations en direction des lycées menées en collaboration avec Claude Allègre le ministère de l'Education nationale. Je ne sais pas si on a là le dépliant à destination des enseignants ? Non.
Du matériel pédagogique à destination des enseignants dans les lycées vient accompagner la diffusion de la brochure qui a été déposée dans les boîtes aux lettres de tous les Français et dont les post-tests montrent que le taux de pénétration a été considérable. En effet, plus des deux tiers des gens interrogés se souviennent précisément d'avoir reçu cette brochure, de l'avoir regardée. C'est là, selon Philippe Granjon, un résultat exceptionnel.
Pour finir sur cet aspect européen, nous nous reverrons sans doute le 31 décembre, pour ceux d'entre vous qui ne seront pas partis festoyer trop tôt. J'ignore si vous avez le déroulé de la journée du 31 décembre. Il y a un timing assez précis qui prévoit le travail de la Banque centrale européenne, communication avec les banques centrales nationales, vérification des chiffres sur les parités à choisir, etc., puis communication de tout cela à la Commission, annonce par la Commission, au sein d'une réunion spéciale de l'ECOFIN qui aura lieu à peu près à l'heure de déjeuner. Il y a, à Bruxelles, tout un parcours le 31 décembre.
Puis, le 4 janvier, puisque c'est le 4 janvier que le basculement de la place financière se fera à Paris, un ensemble de manifestations, mais aussi d'opérations qui sont extrêmement importantes.
Je voudrais simplement vous fixer les idées là-dessus. Peut-être que certains d'entre vous connaissent bien ces données, d'autres pas. Pour une grande banque de la place, que je ne citerai pas - mais cela doit être pareil pour les autres, sachant qu'on m'a donné cette information uniquement pour l'une d'entre elles, il y a quatre jours, du 1er janvier au 4 janvier, d'opérations successives programmées dont la plus courte d'entre elles fait quinze secondes. Autrement dit, des centaines de séquences de centaines d'opérations sont nécessaires pour faire basculer l'ensemble de leur système de francs en euros.
Certaines opérations peuvent durer plusieurs heures, les ordinateurs tournent pour faire je ne sais quoi. En revanche, certaines opérations sont extrêmement précises et il faut les enchaîner les unes derrière les autres.
Tout cela pour montrer que c'est un travail considérable, notamment pour les institutions financières. C'est le 4 janvier que ce basculement devra s'achever.
Pour ma part, j'ai fait le tour des points d'aujourd'hui. Nous pouvons revenir d'abord sur ces points, si vous le souhaitez ; puis, sur d'autres, si vous avez des questions.
Un intervenant. - Vous avez dit que vous espériez que nous étions sortis définitivement de la crise. Vous disiez, cet été, que le risque majeur pour le monde était le Japon. Pensez-vous que c'est réglé ou que cela risque toujours de plonger le monde dans une tourmente considérable ?
M. le ministre. - Cela dépend ce que l'on appelle la « crise ». Votre question est bienvenue. Là, j'entendais par « crise » le sens étymologique, le fait que nous vivons une rupture, la rupture liée à la baisse des marchés financiers et à ce qui s'en est suivi depuis le problème russe de fin août, cette rupture de septembre/octobre.
Je ne crois pas que l'on soit sorti du problème d'ensemble de plus long terme dans lequel nous sommes plongés en raison du caractère très plat - c'est le moins que l'on puisse dire - de la croissance japonaise. Ce n'est pas la crise au sens où je l'entendais. C'est une situation qui tire l'économie vers le bas, qui nous empêche d'avoir les taux de croissance que nous pourrions avoir par ailleurs. Je pense qu'on est loin d'en être sorti. Cela me paraît être le problème le plus important, car c'est ce qui fait que la croissance continue d'être inférieure à ce qu'elle pourrait être.
Quand je parlais de la « crise », je voulais parler au sens strict de la crise des marchés financiers telle qu'on l'a connue à l'automne.
Un intervenant. - Vous avez dit que le secteur bancaire restait un problème majeur au Japon. Cela risque-t-il d'affecter le reste du monde ? Y a-t-il des projets au sein du G7 pour régler cela ?
M. le ministre. - Je n'ai pas plus de choses à dire qu'à l'époque. Les Japonais ont réaffirmé leur volonté d'avancer. Le plan qu'ils ont fourni est sensiblement plus documenté que ce qu'ils avaient pu faire préalablement. Pour le moment, on n'en voit pas encore fortement les conséquences. Mon impression, néanmoins, est que le gouvernement japonais a pris la mesure des efforts à faire, a commencé à les engager.
Sans considérer nullement que le Japon est sorti d'affaire - de ce point de vue je n'ai pas beaucoup évolué par rapport à ce que je disais en septembre -, je considère néanmoins que les efforts faits par le gouvernement japonais semblent très significatifs et commencent à accrocher sur la réalité. Il faut attendre un peu pour voir si cet accrochage sur la réalité donne les résultats escomptés. Je pense plutôt que oui. Il y a donc un changement qui n'est pas encore dans la réalité soit de la situation des banques japonaises, soit de la croissance, mais qui n'est pas dans la même situation que celle que l'on avait avant l'été, où les plans annoncés ne semblaient pas accrocher sur l'économie japonaise.
Un intervenant. - Pensez-vous qu'il faut aller plus loin pour la baisse des taux d'intérêt, comme l'estiment certains conjoncturistes ?
M. le ministre. - On trouvera toujours des conjoncturistes dire une chose et d'autres pour dire autre chose. L'estimation que nous avons faite des effets sur la croissance de la baisse qui a eu lieu est de l'ordre de 0,2 points de PIB en 1999 et 2000. C'est pour dire que c'est loin d'être négligeable.
Faut-il aller plus loin ?
Nous allons nous donner une règle définitive entre nous, sinon vous allez me poser à chaque fois des questions de ce genre. Je pense que la combinaison de politique économique que l'on doit avoir est celle que j'ai décrite : des finances publiques rigoureuses, bien tenues, qui continuent de faire baisser les déficits et, en contrepartie, une politique monétaire qui soutient. Le niveau de cette politique monétaire au regard de l'inflation et au regard des problèmes de parité de l'euro, comme M. Duisenberg l'a rappelé à Paris il y a deux jours, sera la responsabilité de la Banque centrale européenne. Évidemment, comme mes collègues, j'aurais des conversations avec les dirigeants de la Banque centrale, mais je n'ai pas l'intention d'exprimer jour après jour des propositions sur le sujet.
Un intervenant. - Avez-vous été plus précis ce matin devant vos collègues du gouvernement que devant nous cet après-midi sur les objectifs que la France pourrait s'assigner dans la programmation des finances publiques d'ici 2002 ? Leur avez-vous donné des indications chiffrées ? Y a-t-il eu un débat ?
M. le ministre. - Votre question est de savoir s'il vaut la peine que vous les appeliez cet après-midi pour essayer d'avoir l'information ?
J'ai été plus précis que ce que je vous ai dit, je ne vous ai rien dit !
Il y a eu un débat qui a duré une heure et demie. Il s'est très bien passé, avec un certain nombre de propositions, souvent plus qualitatives que quantitatives, les grandes lignes de ce que le Premier ministre m'avait demandé de présenter n'ayant pas du tout été contestées par aucun des ministres présents.
Vous en savez plus ?
Un intervenant. - Pas beaucoup !
M. le ministre. - Soyons sérieux !
Il y a eu du travail fait dans ce ministère, du travail de discussion entre le Premier ministre et moi. Il a souhaité que l'on en présente les grandes lignes et les orientations en discussion de ministres, comme on le fait toujours. C'est à partir de la réunion de ce matin que va commencer d'être élaboré définitivement un document. Il n'est pas encore élaboré. Je ne peux donc pas vous en parler. Il va l'être dans les dix jours qui viennent. Il sera prêt pour la fin du mois.
Ce matin, ce n'était pas une réunion de présentation d'un travail qui aurait été fait ici pour approbation par les ministres. C'était la discussion avec les ministres d'un certain nombre d'orientations, le recueil auprès d'eux de leur sentiment et, à partir de là, le fait que nous avons une dizaine de jours de travail devant nous.
Un intervenant. - Comment comptez-vous pallier… (inaudible) ? Le budget fédéral, ce sera le 20 janvier. Il sera voté début juin. Je suppose que les Länder vont être obligés de réaménager leur propre budget. Donc la programmation en elle-même…
M. le ministre. - Les Allemands - c'est pour cela qu'ils ne sont pas en avance - fourniront fin décembre ou dans les premiers jours de janvier une projection triennale quand même. Cette programmation triennale n'est pas très détaillée. Ce sont des grands chiffres macro-économiques. Ils auront eux aussi la capacité de voir ce qu'ils veulent faire dans les trois ans qui viennent. D'ailleurs, on est en relation très étroite avais eux là-dessus.
Que leur budget, même ligne par ligne, soit en retard, c'est autre chose. Leur programmation triennale sera prête, à quinze jours près, au moment où il faut.
Mme Auger. - Vous disiez que les taux administrés étaient trop élevés. La commission ad hoc vous a-t-elle entendu ? Le message a-t-il été transmis ?
M. le ministre. - Je n'ai pas dit une chose pareille.
Mme Auger. - Je l'ai lu. Évidemment, les journalistes…
M. le ministre. - Cela prouve seulement que cela avait été écrit, cela ne veut pas dire que je l'ai dit.
Mme Auger. - Vous ne le pensez pas ?
M. le ministre. - J'allais y venir. Les taux administrés doivent d'une manière ou d'une autre, sans doute souvent avec un décalage, suivre les taux du marché. Quand l'ensemble des taux baisse, on peut considérer qu'il n'est pas inconcevable que les taux administrés puissent le faire aussi. Nous avons choisi une procédure différente, qui a été définie il y a quelques mois, qui repose sur la constitution d'un Comité des taux d'épargne, qui vient d'être mis en place. Il n'a pas à m'entendre. C'est moi qui ai à l'entendre. Il se réunira et donnera son sentiment.
À partir de ce sentiment, le gouvernement décidera de suivre ou pas. C'est une commission pour avis. L'objectif n'est pas qu'elle m'entende. Ils vont travailler, faire une proposition. On verra à ce moment-là comment on fait.
Mme Auger. - Se réunissent-ils prochainement ?
M. le ministre. - Je ne crois pas que des dates ont été fixées. Ils se réuniront probablement en début de l'année prochaine.
Un intervenant. - (Hors micro)
M. le ministre. - Le texte qui prévoit la mise en place de ce comité ne dit pas qu'il se réunit ou qu'il est amené à faire des propositions à des dates précises. Ils viennent d'être nommés, il va falloir qu'ils se réunissent. Ils se réuniront et on verra leur appréciation.
Un intervenant. - Comment pourrez-vous éviter que l'on dise, si on baisse les taux administrés, que c'est la faute de l'euro, puisque cela va arriver un peu après…?
M. le ministre. - Je ne veux pas rentrer dans ce débat. Si je rentrais dans ce débat, je vous laisserai entendre que les taux administrés vont baisser, ce que je suis bien incapable de vous dire aujourd'hui.
Un intervenant. - Ils ne vont pas monter ?
M. le ministre. - Je ne crois pas non plus.
Un intervenant. - La formule que vous aviez présentée en juin tient-elle toujours ?
M. le ministre. - C'est une bonne méthode. Le comité va définir son mode de travail. Je crois que c'est la bonne méthode. S'il y a des arguments, on les regardera. Si le comité présente des arguments pour expliquer que ce n'est pas une bonne méthode, on les regardera. A priori, je crois que le système du plancher et du plafond - c'est à cela que vous faites allusion ? - est plutôt une bonne méthode.
Un intervenant. - On est en dehors. S'il y a 0,5 % comme plafond en dessous des taux de marché, on est à…
M. le ministre. - On est à la frontière.
Leur jugement est libre, leur méthode aussi. J'aurais préconisé celle-là. Elle est plutôt bonne. On va voir comment ils la mettent en oeuvre. Attendons que ce comité, qui ne s'est jamais réuni, se réunisse, qu'il se donne son mode de travail, son organisation interne. On verra comment cela fonctionne.
Un intervenant. - À quoi cela sert de fixer un cadre triennal pour les finances publiques d'ici la fin du mois de décembre, quand déjà, pour l'année 1999, on va être obligé de revoir la copie deux mois plus tard ?
M. le ministre. - Qui vous a dit cela ?
Un intervenant. - Votre discours, depuis quelques semaines, revoit légèrement, non pas à la baisse… L'optimisme et le volontarisme jouent davantage dans le discours, ce qui prépare le terrain pour éventuellement une révision à la baisse.
M. le ministre. - C'est votre interprétation.
Un l'intervenant. - Vous dites : « Attendez pour confirmer… »
M. le ministre. - C'est autre chose. Sur la prévision de croissance, c'est votre interprétation. Je vous la laisse. Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que, pour le moment, le 2,7 restait la cible de croissance de la politique du gouvernement, qu'en effet aujourd'hui on n'était pas sur ce rythme, que je n'excluais pas que l'on y revienne et que l'on allait attendre pour savoir.
La cible de croissance est une chose, le budget de l'État en est une autre. Si cela a un sens de parler de stabilisateur automatique, c'est bien de ne pas changer le budget de l'État si on a finalement une réalisation de croissance plus faible que celle que l'on attendait.
Je veux bien admettre vos prémices sur l'idée que, en effet, sur la prévision de croissance, je dis que notre objectif reste le même, mais qu'aujourd'hui nous n'y sommes pas. Sur les conséquences en matière de finances publiques, je n'ai jamais abordé cela.
Une intervenante. - Vous avez signé un décret pour l'ouverture du capital d'Air France, qui est paru ce matin au Journal officiel. Pouvez-vous nous dire plus sur le calendrier ? Y a-t-il une priorité entre l'autre grande opération de marché du secteur de la défense, Aérospatiale/Matra ? Comment cela s'articule-t-il ?
M. le ministre. - Cela n'a aucun rapport. L'opération Aérospatiale/Matra se poursuit dans de bonnes conditions. C'est une opération longue. Comme dans toute entreprise de réunion de sociétés, il y a des mois et des mois de problèmes juridiques à régler. On est dans ce processus qui suit son rythme correctement.
Au passage, vous aurez noté que le problème Dassault est réglé pour la fin de cette année. Je le souligne quand même. Peut-être certains d'entre vous se souviennent que c'était une vieille préoccupation de l'État. Il me semble que le Président de la République, il y a deux ou trois ans, en avait parlé en essayant de le faire aboutir sans que cela n'aboutisse. Cela a abouti.
Pour la fin de cette année, le transfert Aérospatiale des titres de Dassault détenus par l'État sera fait. Le pacte d'actionnaires entre l'État et Dassault est signé. L'affaire est réglée.
L'autre partie Matra/Aérospatiale se poursuit. Il faudra encore des mois pour arriver au terme de l'opération.
Ce calendrier n'a rien à voir avec le calendrier Air France. En effet, est paru ce matin un décret autorisant l'ouverture du capital dans le cadre des dispositions du DDOF du 2 juillet, qui prévoyait cette ouverture du capital, pour permettre l'échange salaire/action prévu avec les pilotes et une partie du personnel.
Le calendrier n'est pas très précis. Cette opération sera mise en oeuvre au cours du premier semestre 1999. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sur les dates. Il y a évidemment un problème de conditions de marché. C'est toujours pareil. Je suis maintenant très prudent avec ces affaires.
Sur France Télécom, on avait annoncé une opération en septembre, que l'on a repoussé à juste raison, que l'on a très bien réussi un peu plus tard. En septembre, il a fallu dire : « On voulait le faire, on ne le fait pas ». C'est toujours ennuyeux.
Comme il y a des conditions de marché nécessaires pour ces affaires, il faut se fixer une période assez longue. On va le faire au premier semestre, au moment où les conditions de marché apparaîtront les plus adaptées.
Un intervenant. - Monsieur le ministre, sur le calendrier du Crédit Foncier, avez-vous quelques précisions supplémentaires ?
M. le ministre. - Vous me le demandez à chaque fois… Pas vous personnellement, la collectivité que vous représentez. On vous préviendra dès qu'il y aura du neuf. On s'occupe de l'opération de recapitalisation. On repartira sur l'adossement quand ce sera nécessaire. J'ai bien lu quelque part que l'on attribuait à une source proche du dossier, le fait que cela redémarrait tout de suite, que c'était éminent, etc. J'ai cherché à identifier la source proche du dossier. Tous mes collaborateurs m'ont juré que ce n'était pas eux.
Un intervenant. - En matière d'harmonisation fiscale, je ne vous ai pas entendu parler de TVA. Le dossier est-il enterré ?
M. le ministre. - Il n'y a pas de problème majeur d'harmonisation en matière de TVA. J'émets une réserve dont je reparlerai après. La TVA est comme l'impôt sur le revenu. Le taux de TVA relève la subsidiarité et il n'y a pas un besoin d'harmonisation majeure. Le « miracle » de la TVA, c'est que son mécanisme ne crée pas de distorsions de la concurrence. De ce point de vue-là, on peut très bien continuer à vivre, aussi longtemps qu'on le voudra, avec des taux de TVA différents dans les pays.
En revanche, il existe un problème pour la liste des biens et services susceptibles de bénéficier du taux réduit, quelque soit le niveau de ce taux réduit dans les pays. La France a beaucoup insisté pour que cette possibilité soit étendue aux services à haute intensité de main d'oeuvre. Ceci avance et fait partie des lignes directrices (la ligne n° 15) retenues en matière de politique de l'emploi. Elles seront discutées à Vienne. Cela me paraît un sujet très important. Ce n'est pas vraiment de l'harmonisation mais, vous avez raison, cela a trait au problème de TVA du côté communautaire.
Nous n'avons pas pu avancer, pour le moment au moins, sur notre demande de faire bénéficier la restauration. C'était un des sujets très discutés, à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la loi de finances, de faire bénéficier la restauration du taux réduit. Nous sommes, pour le moment, devant une fin de non-recevoir claire.
Un intervenant. - Avez-vous fait attention, dans la dernière revue de Rex(?), Michel Dider suggère de construire les lois de finances sur un taux conventionnel de croissance, qui serait chaque année de 25 %, et que l'on ajusterait par collectifs en fonction de l'évolution ? Cela vous semble-t-il une bonne idée ?
M. le ministre. - Cela me semble une bonne idée pour un conjoncturiste. Le problème du ministre des Finances est d'ouvrir des crédit à ses collègues et que ceux-ci sachent ce qu'ils vont pouvoir dépenser. Dans ces conditions, autant c'est une bonne idée dans un exercice de programmation triennal car cela consiste à donner ce que l'on se fixe comme base. Si cela se passe autrement, on fera différemment. On est, en effet, dans un exercice de prévisions. De ce point de vue-là, il est normal que quelqu'un comme M. Didier, qui est très compétent sur le sujet, ait ce réflexe.
Autant dans un exercice, qui n'est plus de programmation, et qui est une ouverture formelle d'ouverture de crédits, il faut savoir sur quels crédits on est. Il me semble très délicat pour une loi de finances d'utiliser cette pratique-là.
En revanche, l'utiliser pour l'année ou les deux ans qui viennent et dire : « Voilà ce que j'entrevois. Si cela passe différemment, j'agirai autrement », il faut alors sans doute partir d'un taux assez conventionnel, plutôt le bas, de la fourchette et avoir une règle de comportement si cela se passe autrement. Une distinction existe, me semble-t-il, entre l'analyse macro-économique d'un budget correspondant au problème des projections triennales et l'analyse formelle et comptable de ce qu'est une loi des finances.
Un intervenant. - Pensez-vous que l'on pourrait, un jour, au niveau européen, avoir un budget anticyclique, comme cela s'était fait à un moment donné en Allemagne ? On constituerait des réserves en période de bonne croissance que l'on pourrait réinjecter en cas de dépression.
M. le ministre. - C'est très exactement ce que nous sommes en train de faire.
Même intervenant. - Ce n'est pas encore très concret ?
M. le ministre. - C'est extrêmement concret. Quand les pays diminuent, à marche plus ou moins forcée, leur déficit budgétaire, cela consiste à constituer des réserves à utiliser en période de moindre croissance.
Que vous les constituiez en diminuant votre déficit pour pouvoir l'augmenter à nouveau, ou que vous conserviez le déficit d'avant en ayant plus de dépenses et en mettant plus de côté, ce sont deux techniques. Mais cela revient à la même idée. Dans les deux cas, cela consiste à se donner la capacité d'avoir une dépense budgétaire supplémentaire si cela était nécessaire.
Tout l'exercice réalisé, aujourd'hui, en Europe et qui est légitime et utile, de baisse des déficits n'est pas justifié uniquement par cela. Il l'est aussi par le fait qu'il faut essayer de faire baisser le ratio d'aide sur PIB pour avoir moins de services de la dette à faire. Il existe un ensemble de raisons, mais l'une des raisons est celle-là. Nous ne le faisons pas par la technique que vous évoquez. Cela sent un peu les années 70, mais par une autre technique qui revient au même.
Un intervenant. - (Hors micro)
M. le ministre. - Pour 1999 ?
L'intervenant. - Oui.
M. le ministre. - Non. Vous savez que comme le souffle François, nous devons, en 1999, retrouver l'équilibre du solde primaire que nous n'avons pas connu en France depuis 1991. Rien ne donne à penser que nous ne le retrouverons pas, nous le retrouverons.
Autant, je suis prudent, en effet, sur la façon dont la croissance va se dérouler, il faut attendre et voir. Les chefs d'entreprises semblent plus timorés qu'on ne pouvait le penser. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Autant sur les finances publiques, je n'ai rien à changer à ce qui a été avancé. Les finances publiques, en termes réelles, n'ont aucune raison de bouger.
L'intervenant. - Grâce à la baisse des taux ?
M. le ministre. - Grâce à la baisse des taux ! J'avais mal compris votre question. Nous n'avons pas intégré cela. Nous aurons une bonne surprise à l'arrivée si, en effet, les taux changent durablement. Je n'avais pas compris votre question, excusez-moi.
Un intervenant. - J'aimerais une précision sur votre prévision de croissance : les 2,7, évoqué aujourd'hui, tiennent-ils compte des 0,2 ajouté par la baisse des taux de la semaine dernière ?
M. le ministre. - Où est-ce que je passe à 2,9 ? Est-ce bien la question ?
L'intervenant. - Oui.
M. le ministre. - Je ne suis pas le meilleur prévisionniste de France. J'ai établi, fin août, sur la base des informations dont nous disposons, ce qui me paraissait correspondre, à ce moment-là, à une révision raisonnable. Depuis, une crise assez aiguë est intervenue. Arrivera-t-on à tenir ces 2,7 ? En tout cas, c'est la cible à tenir. Cela correspond, intrinsèquement, à ce que peut faire l'économie française cette année. Y arrivera-t-on ou pas ? Nous verrons… Il existe des éléments négatifs : la crise et ses conséquences sur les comportements d'investissement.
Certains événements positifs sont intervenus, et d'autres arriveront éventuellement pendant l'année, par exemple la baisse des taux. L'un compensera-t-il totalement l'autre ? Nous verrons. C'est pourquoi je dis que nous avons besoin de plus de temps, et que nous devons avancer dans l'année pour le savoir.
Ce qui me paraît important, c'est ce que je disais l'autre jour à l'Assemblée, à savoir que par rapport à la situation du mois d'octobre, il y avait un grand changement. En octobre, les prévisions étaient extrêmement divergentes. Certains parlaient de 1 % de croissance, d'autres disaient pas beaucoup. Il y avait un gros éventail. L'éventail depuis s'est beaucoup refermé. A priori, plus personne ne pense que des conséquences dramatiques pourraient intervenir sur le taux de croissance. Je pense à la crise passée. Pour le mois de juillet prochain, si vous me dites qu'il y aura une nouvelle crise, je ne peux pas vous le dire.
L'incertitude a été limitée. Mais, néanmoins, elle demeure tant que nous ne sommes pas revenus à une situation plus normale. Je pense qu'il faut quelques mois pour y venir.
Ceci dit, pour revenir à la question sous-jacente de plusieurs d'entre vous, dans cette affaire, cela n'entraîne pas pour moi d'incertitudes sur les finances publiques ; ne serait-ce que parce qu'une très grande partie des recettes 1999 sont indexées sur la croissance 1998, et non pas sur celle de 1999. Dans ces conditions, si à l'arrivée, - j'explicite ce que je disais tout à l'heure - on faisait un peu moins de croissance que les 2,7 inclus dans le budget, cela n'aurait pas beaucoup de conséquences. J'ai déjà fait ce calcul devant vous à plusieurs reprises : 0,1 point de croissance représente 1 milliard de recettes en plus ou en moins sur l'année donnée. Cela a aussi des conséquences sur l'année suivante, mais c'est un autre problème. Ce n'est pas sans conséquence mais c'est relativement limité. À la limite, c'est facilement compensable par un mouvement sur les taux ou par tout autre mouvement. C'est en ce sens que je dis : nos prévisions de recettes, de dépenses et de déficits sont stables.
Maintenant, on continue de viser la cible des 2,7 et nous verrons un peu plus tard ce qu'il en est. Finalement, que l'on fasse un peu plus ou un peu moins, dans les deux cas de figures, cela ne changera pas grand-chose aux finances publiques. De la même manière, d'ailleurs, que cette année, nous faisons un peu plus que la croissance prévue et cela ne change pas grand-chose à nos finances publiques.
Un intervenant. - Sur votre estimation de l'effet de la baisse des taux, cela ne concerne-t-il que la France ? Est-ce 0,2 sur les deux ans ?
M. le ministre. - C'est exact. C'est 0,2 pour les deux ans et ce n'est que pour la France.
L'intervenant. - Cela fait 0,4, 1999/2000.
M. le ministre. - Si M. Gunnar Galo dit cela, il a certainement raison.
D'où vient la différence ? Le débat sur le décalage n'a toujours pas été tranché et l'effet 2000, l'effet de l'année n plus un est toujours plus fort que l'année n. Je prétends, mais c'est sous la casquette d'économiste et non plus sous celle du ministre des Finances, qu'en fait, l'effet sur la croissance est plus pour 2000 que sur 1999. Il existe en 1999.
L'ADP, à laquelle je n'ai aucune raison de ne pas me plier, car ils sont plus experts que moi, penchent sur la version évoquée par François.
Un intervenant. - Etes-vous prêt à débloquer des crédits pour les chômeurs ? Et, dans cette hypothèse, comment ces mesures pourront-elles être financées ? Quel est le schéma sur lequel vous travaillez ?
M. le ministre. - Le schéma auquel je travaille est celui sur lequel le Premier ministre m'a demandé de travailler et sa mise en oeuvre dépend des décisions du Premier ministre. Quel que soit le plaisir que je pourrais en avoir, je n'ai aucune latitude pour vous en parler.
Un intervenant. - (Hors micro)
M. le ministre. - Tous les français sont a priori favorables à l'augmentation des minima sociaux. Ce débat est, aujourd'hui, ouvert dans le pays. Le gouvernement doit annoncer certaines décisions dans peu de jours. Il les annoncera en temps et heures. Je ne vais pas en parler en avance.
Un intervenant. - Excusez-moi, monsieur le Ministre, je voudrais connaître votre avis sur la négociation de AMI ?
M. le ministre. - Elle est mal partie.
L'intervenant. - C'est la négociation de la libération de l'investisseur ?
M. le ministre. - Nous avons considéré, depuis pas mal de semaine maintenant, que cette négociation entamée à l'OCDE ne pouvait pas reprendre, puisqu'il était prévu après sa suspension qu'elle reprenne en octobre ; tout en disant que nous étions favorables à ce que, sur le principe, une négociation sur l'investissement puisse se dérouler mais dans des cadres différents incluant les pays émergents (cela sera dont probablement l'OMC et non pas à l'OCDE) et en définissant les champs d'application.
La négociation - telle qu'engagée à l'OCDE avait généré des centaines de pages de réserve de la part des participants, en tout cas des Français et des Américains - n'est pas susceptible de repartir. D'ailleurs, l'OCDE, vendredi dernier, a reconnu elle-même que cette négociation était enterrée. Je ne sais pas si cet enterrement doit être considéré comme une victoire française, mais c'est clairement une conséquence d'une décision française.
Un intervenant. - Vous avez parlé d'une stabilité des dépenses à quinze, cela résout-il vraiment le problème du partage des fardeaux tels que le souhaitent les Allemands ?
M. le ministre. - Le partage du fardeau à été résolu en 1958, lorsque le traité de Rome a été signé, c'est-à-dire un mode de contributions, revu en 1974 par la décision des ressources propres et, par ailleurs, des politiques bénéficiant aux uns et autres. C'est un peu comme la Sécurité sociale. Chacun cotise en fonction de règles qui ne dépendent pas des dépenses. Puis, chacun dépense de l'autre côté. Du coup, certains bénéficient plus que d'autres car plus susceptibles d'en bénéficier. Ceci aboutit aujourd'hui à un solde net négatif pour les Allemands très important.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, autant je considère que l'on ne peut pas raisonner sur le solde net car c'est contraire au fondement même de l'Union européenne consistant à raisonner sur les contributions brutes et avoir les taux de retour, autant je comprends le problème posé par les Allemands. Il faut essayer de le résoudre.
Votre question précise : la stabilisation des dépenses à quinze suffit-elle à résoudre les problèmes que posent les Allemands ? Il faut le demander aux Allemands. Cela contribue à diminuer leur solde net. En tout cas, c'est absolument indispensable. Si on ne stabilise pas la défense à quinze, ce n'est même pas la peine d'espérer d'une quelconque manière que les Allemands pourraient voir leur solde net diminuer. Peut-être augmenterait-il et que les autres aussi ? Le problème est dans l'absolu. Ils n'arrivent pas à payer autant. Ils veulent que cela diminue, mais pas que cela augmente chez les autres. Si cela devait augmenter partout parce que la dépense à quinze ne serait pas tenue, les Allemands n'y trouveraient pas leur compte. Cela suffit-il pour que leurs revendications de voir leur solde net stabilisé, voire baissé, soit éteinte, je n'en suis pas sûr. Mais c'est un pas absolument indispensable.
Un intervenant. - (Hors micro)
M. le ministre. - Pour le moment, ils continuent de réclamer l'augmentation du fonds de cohésion, etc. C'est pourquoi je disais qu'une large majorité d'accords avec la stabilisation des dépenses à quinze, au niveau de 85 milliards d'écus, c'est-à-dire pour 1999. Mais ce n'est pas encore le cas de tout le monde. C'est clair. Vous avez bien identifié ceux qui n'étaient pas d'accord. Ce ne sont pas que les pays du Sud, puisque c'est le Portugal, l'Espagne et la Grèce et que l'Irlande fait parti du même paquet.
Un intervenant. - Dans le dossier d'Aerospace, la France est-elle prête à céder plus ? La France est-elle susceptible à céder plus que la moitié d'Aérospatiale pour qu'un accord…
M. le ministre. - …A qui ?
L'intervenant. - Dans les négociations avec les Anglais et les Allemands ?
M. le ministre. - La France n'est pas disposée à céder Aérospatiale. La France est disposée à contribuer à la construction d'une société européenne d'aéronautique. Pour cela, elle a fait le travail chez elle en regroupant ses forces. C'est le problème Dassault qui est, maintenant, réglé et le problème Matra, en cours de travail.
Pendant ce temps-là, il semble que nos principaux partenaires, et pas les seuls car il y a CASA, BAE et DASA se regroupent aussi. C'est très bien. Le communiqué des chefs d'État et des gouvernements du 9 décembre 1997 avait prévu que le travail se ferait d'un rapprochement à trois. Comme nous travaillons dans notre coin, les Anglais et les Allemands se rapprochent à deux et nous convergerons plus tard. C'est aussi une possibilité. Je ne comprends pas le problème de céder ou pas.
Pour le moment, nous sommes prêt à mettre Aérospatiale dans une discussion avec soit BAE et DASA séparés, soit BAE et DASA réunis selon qu'ils auront fait eux-mêmes pour avancer vers une société européenne.
L'intervenant. - C'est le même niveau, il y a beaucoup de flexibilité là-dessus ?
M. le ministre. - Ce n'est pas un problème de niveau. L'ensemble de l'Aérospatiale est concerné. Si vous voulez dire que peu importe la façon dont se distribuera l'actionnariat de la nouvelle entreprise, etc. La réponse est non. Ce n'est pas peu importe. Ce n'est pas 50 % de l'Aérospatiale Matra est susceptible de participer dans de bonnes conditions à la constitution d'un pôle européen d'aéronautique et d'aérospatiale.
Un intervenant. - Vous soutenez que Aérospatiale et la France tiennent le contrôle à 50 % de regroupement ?
M. le ministre. - Pas du tout. Je vois à quoi vous faites allusion. Il s'agit d'Airbus. Airbus a un GIE dans lequel chacun des partenaires a, grosso modo, 33 %, pour aller vite car ce n'est pas vraiment le cas, et où par conséquent rien ne doit être décidé contre l'avis d'un des trois. Cet équilibre doit rester. Si BAE et DASA restent séparés, l'équilibre doit rester entre les trois, si BAE et DASA se réunissent, l'équilibre doit rester entre les deux, BAE et DASA d'un côté et les Français de l'autre.
Le principe de l'équilibre entre les parties prenantes doit rester dans Airbus.
Un intervenant. - 50 % du capital d'Airbus est un avis pesé par Michot et non pas par le gouvernement français ?
M. le ministre. - Non, pas du tout, Michot ne dit rien qui ne soit la parole du gouvernement français.
L'intervenant. - Vous ne le soutenez dont pas ?
M. le ministre. - Si, au contraire. Ce que dit Michot est la ligne que suit le gouvernement français.
Vous vous rappelez la tension qui a eu lieu entre l'AFB et les syndicats du secteur bancaire, la dénonciation de la convention collective, etc.
Demain, aura lieu une nouvelle réunion de négociation. Il me semble que les choses sont sur le point d'avancer correctement, puisqu'il me semble que l'AFB est entrée dans la voie d'une négociation plus productive. Il se trouve que le grand dîner annuel de l'AFB a lieu le 16 décembre, c'est-à-dire dans quelques jours. Je m'y rendrai. Je pense que ce sera pour moi l'occasion de les féliciter de cette avancée significative en matière de négociation collective. Peut-être même auront-ils abouti le 16 décembre. Allez savoir !
Un intervenant. - (Hors micro)
M. le ministre. - Non, je conditionne mes félicitations.
Merci.
Je donne rendez-vous à ceux d'entre vous qui le souhaitent et qui seront là le 31 décembre avant mon départ à Bruxelles. Vous aurez les dernières informations, notamment la primeur de la parité euro/franc.