Texte intégral
Michèle Cotta
Bonjour. Le Front national éclaté, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret dressés l'un contre l'autre. Le second demande un congrès extraordinaire que le premier ne veut pas lui accorder. Avec Eric Zemmour du Figaro, nous allons interroger notre invité, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, sur les conséquences à l'intérieur de la droite de l'éclatement du Front national et naturellement également sur l'Europe. Deuxième partie de cette émission, les grèves à la SNCF. Les contrôleurs de la SNCF ont terminé hier leur mouvement dans toutes les régions de France. Les usagers avaient découvert depuis trois semaines des attentes dans les gares désertes, les trains qui n'arrivent pas, la galère ! Alors, pourquoi n'y a-t-il pas en France de service minimum ? Cela existe ailleurs. Pourquoi pas chez nous ? Service minimum ou pas ? Ce sera l'objet de la deuxième partie de cette émission avec des interlocuteurs qualifiés. Georges Sarre, ancien secrétaire d'Etat chargé des Transports, président délégué du Mouvement des citoyens ; Jean-Claude Delarue, président de l'Association des usagers de l'administration ainsi que Claude Debons de la Fédération des Transports de la CFDT et Christine Bedon, secrétaire de la Fédération des cheminots de la CGT et Philippe de Villiers, vous nous rejoindrez à cette occasion. Alors, donc bonjour, Philippe de Villiers.
Philippe de Villiers (président du Mouvement pour la France).
Bonjour.
Michèle Cotta
Une question peut-être avant tout, est-ce que vous vous attendiez à cette rupture brutale du Front national ? Est-ce que vous attendiez au fond que le Front national se défasse de l'intérieur ?
Philippe de Villiers
Non.
Michèle Cotta
Pas du tout ? Jamais, vous ne l'avez pas vu venir ?
Philippe de Villiers
Non.
Michèle Cotta
Alors, Serge Martinez… si vous le voulez bien, nous allons écouter Serge Martinez depuis Colombes. Alors Serge Martinez, c'est le secrétaire des Fédérations et le directeur du Personnel du Front national. C'est un peu celui par lequel le scandale est arrivé puisque c'est lui le premier qui a demandé la convocation d'un congrès extraordinaire alors qu'il était jusqu'à présent dans la catégorie des proches de Jean-Marie Le Pen. Alors, Serge Martinez, vous avez été suspendu de vos fonctions le 7 décembre, au fond, pour complot. Est-ce qu'il y a eu complot ? Est-ce que ce complot est de longue date ? Pourquoi est-ce que vous aviez loué des bureaux bien avant cette éruption de violence entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret ? Complot ou pas complot ?
Serge Martinez (Secrétaire aux Fédérations FN, suspendu).
Eh bien, écoutez, la crise au Front national n'est pas une nouveauté, on en parle depuis le début de l'été et à l'intérieur, les problèmes étaient latents depuis des mois et des mois. Tout homme responsable et prévisible vous considère que quand il y a des difficultés… Il peut à un moment donné prendre des décisions pour essayer de sauver l'unité du mouvement. Il n'y a absolument pas complot. On a parlé de l'Elysée, de la CIA… tout ceci est ridicule et montre que quelque part on pète les plombs. Non, j'ai les moyens et Jean-Marie le sait…
Michèle Cotta
« On » vous voulez dire qui ça « on » ?
Serge Martinez
Ecoutez, la direction actuelle hélas du Front National. Jean-Marie Le Pen y a fait appel quelquefois et sait que j'ai des moyens financiers et que je suis un excellent gestionnaire, c'est d'ailleurs pour cela qu'il m'a donné toute sa confiance sur bien des plans. Bon, louer un local à Paris, cela prend quelques jours et ce que l'on me reproche comme étant un complot, c'est l'envoi d'une circulaire demandant un congrès exceptionnel compte tenu des circonstances exceptionnelles. C'est tout et pas plus que ça. C'est ridicule l'hypothèse du complot.
Eric Zemmour (Le Figaro)
Monsieur Martinez, pourquoi avez-vous « changé » de camp entre guillemets… Vous étiez catalogué comme lepéniste ?
Serge Martinez
Je n'ai pas changé de camp !
Eric Zemmour
…Et vous êtes maintenant proche de Mégret.
Serge Martinez
Je n'ai pas changé de camp et c'est Bruno Mégret qui m'a rejoint dans mon initiative. Je suis depuis toujours pour mon pays et parce que le Front national représente mes idées, derrière Jean-Marie Le Pen mais derrière Jean-Marie Le Pen pas en tant qu'homme bien que j'aie beaucoup d'attaches sentimentales avec lui mais en tant que leader qui donne les bonnes directions. Et depuis quelque temps, il semble qu'il commette certaines erreurs, il est mal conseillé peut-être ou alors peut-être parce que lui-même se trompe. Et donc, je ne peux pas accepter que, à cause de problèmes personnels car il ne s'agit que de cela au Front national, eh bien, on mette en cause le travail, les efforts faits par les militants depuis des dizaines d'années. L'enjeu est trop grave pour que les problèmes de personnes passent avant. Or, il s'agit aujourd'hui d'un problème de personnes et rien d'autre, donc, j'ai fait…
Michèle Cotta
Tout de même…
Serge Martinez
Pardon ?
Michèle Cotta
Tout de même quand Jean-Marie Le Pen dit que Bruno Mégret et vous en quelque sorte, c'est Brutus, qu'il préfère vous tuer avant que vous ne le tuiez vous-même, qu'est-ce que vous répondez ?
Serge Martinez
Hélas, hélas, en traitant sa fille comme il l'a traitée à la télévision en disant que nous sommes financés par l'Elysée, j'ai entendu par ailleurs par la CIA, en disant que nous sommes racistes, ce qui est incompréhensible et qui nous a atterrés car comment peut-il, notre président, employer ces mots ? Je suis conforté dans l'idée, dans la pensée et la crainte que j'avais que les choses allaient mal et qu'il fallait que les militants le comprennent et exigent de prendre la parole dans un congrès prévu par les statuts. Il confirme qu'il est sur une mauvaise voie en employant ces termes. Nous ne les employons, en tout cas moi, jamais, jamais. Je voudrais lui lancer un appel s'il écoute, président, président… les troupes, vos hommes, ceux qui se battent avec vous depuis si longtemps ont besoin que tous ensemble nous réformions, nous ressoudions le Front national, que cette querelle de famille se termine, il faut faire quelques pas, nous l'attendons.
Michèle Cotta
Je vous remercie, Serge Martinez. Alors, je me tourne vers Philippe de Villiers qui est avec nous. Merci beaucoup monsieur Martinez. Alors, qu'est-ce que vous pensez ? Quel est votre commentaire ? Vos premiers commentaires ?
Philippe de Villiers
Eh bien, c'est difficile de dire ce qui va se passer mais on assiste à un processus d'autodestruction. C'est toujours la même loi qui s'applique quand les rivalités personnelles l'emportent sur les convictions. On aboutit à une sorte d'explosion ou d'implosion. Mais Front national ou pas Front national, demain comme hier, les problèmes demeurent. C'est-à-dire les problèmes qui ont fait émerger le Front national hier, ils sont devant nous, que ce soit l'insécurité, l'immigration clandestine, la désertification, la sur-confrontation urbaine, le chômage, la corruption. Et donc, moi, je souhaite que l'on parle de ces problèmes là. Et ceux qui seront demain écoutés, Michèle Cotta, sont ceux qui poseront ces problèmes et qui apporteront des solutions à ces problèmes.
Michèle Cotta
Tout de même, vous ne pouvez pas nier que l'éclatement ou l'implosion ou l'explosion, comme vous dites du Front national modifie l'image de la droite. Qui est-ce qui va profiter… je vous pose la question franchement, est-ce que vous comptez profiter des retombées des mécontents du Front national ? Après tout, ce ne serait pas impossible.
Philippe de Villiers
Je crois qu'il ne faut pas se comporter, quand on est un homme politique responsable, comme un vautour ou une voiture balai. C'est les Français qui nous regardent et qui se font une idée de ce qu'ils entendent, de la cohérence, de la hauteur des convictions. C'est à chacun de se faire son idée.
Eric Zemmour
Est-ce que s'il y a deux partis qui naissent à partir de cette crise du Front national, deux « Front national » entre guillemets, est-ce que vous, Philippe de Villiers, vous êtes prêt à vous entendre avec une partie du Front national et à quelles conditions ?
Philippe de Villiers
Monsieur Zemmour, vous voulez que devant vous ce matin je départage César et Brutus ?
Eric Zemmour
Voilà, exactement.
Philippe de Villiers
Eh bien, faites comme moi, rendez à Brutus ce qui est à Brutus et à César ce qui est à César !
Michèle Cotta
Vous préférez un peu Brutus ?
Philippe de Villiers
Ecoutez, ce n'est pas mon problème, ce n'est pas un problème d'homme, c'est le problème de la société française. Les gens qui nous regardent… il y a des problèmes énormes qui se posent en ce moment. On est en train d'occuper l'actualité avec des problèmes secondaires. Le problème clef aujourd'hui, c'est que l'on en train de liquider notre pays avec le Traité d'Amsterdam…
Eric Zemmour
Oui mais justement.
Michèle Cotta
On va y revenir…
Philippe de Villiers
On est en train de transférer la souveraineté législative de la France, alors…
Eric Zemmour
Justement.
Philippe de Villiers
On peut parler de Miss France, du Front national, de la région Rhône-Alpes etc., mais c'est ça le véritable problème.
Eric Zemmour
Je vous demandais cela parce qu'il y a des gens du Front national et la plupart des gens du Front national tiennent là-dessus le même discours que vous… ou vous tenez le même discours qu'eux, peu importe, et il y avait une différence jusqu'à présent à cause des dérapages racistes et antisémites de Jean-Marie Le Pen. Donc, ma question, elle est posée justement à cause des problèmes qui se posent. C'est-à-dire que, est-ce que pour combattre la liquidation de la France, comme vous dites, vous êtes prêt à rassembler le plus large possible ?
Philippe de Villiers
Eh bien, moi je crois que, en France aujourd'hui, et je le dis avec gravité, par delà les clivages droite/gauche qui correspondent à de vrais comportements, on l'a vu sur l'affaire du PACS, on le verra peut-être dans un instant sur le service minimum dans les services publics, il y a une question qui est plus grave et qui posée souvent de la même manière par des gens qui ont plutôt une sensibilité de gauche et plutôt une sensibilité de droite, qu'est-ce que l'on fait de notre pays ? Est-ce que l'on abandonne nos pouvoirs, nous les hommes politiques, le pouvoir de faire la loi, le pouvoir de battre monnaie, le pouvoir de protéger nos frontières, le pouvoir d'assurer la sécurité chez nous et… le pouvoir par exemple de dire ce que l'on fait du maïs transgénique, c'est une question d'actualité puisque le Conseil d'Etat a refilé – si je puis dire – le bébé à la Cour de justice de Luxembourg… le pouvoir en France de répondre aux questions des Français. Voilà la question qui est posée. Et je crois qu'elle est beaucoup plus importante et beaucoup plus grave que toutes les questions politiciennes. Vous savez ce qui est train de se passer en France aujourd'hui, depuis finalement une vingtaine d'années, comme je l'ai lu dans un livre récent du reste excellent, c'est que…
Michèle Cotta
Le vôtre, je suppose que c'est… sur le vôtre…
Philippe de Villiers
« Le livre noir de la droite »… C'est qu'en fait depuis vingt ans, il y a un émiettement, un éparpillement, un éclatement de nature tellurique de la vie politique française. Pourquoi ? Parce qu'il y a une crise du politique. Qu'est-ce que c'est cette crise du politique ? C'est la crise du destin…
Michèle Cotta
Tout le monde en parle mais vous en faites… de la politique…
Philippe de Villiers
Oui mais attendez, personne ne veut parler, Michèle Cotta, et vous le savez bien, de la cause de cette crise du politique. La crise du politique, c'est la crise du destin collectif, c'est la crise du sens et la crise du sens c'est quoi ? C'est la crise de la Nation. La citoyenneté, le problème de l'immigration, le problème de la sécurité, le problème des ayants droit… quand il n'y a plus de territoire et quand il n'y a plus de souveraineté, eh bien, on n'est plus… on ne se gouverne plus soi-même et c'est l'idée de la Nation française qui est en train de se perdre dans son identité, dans sa souveraineté qui est la cause de cette explosion, de cette implosion.
Eric Zemmour
Oui… Vous ne pensez que l'explosion… alors, l'explosion du Front national peut-elle servir ou desservir la cause de ceux qui défendent cette idée de la Nation que vous défendez aujourd'hui ?
Philippe de Villiers
Je crois que les Français se désintéressent de la politique parce qu'ils voient se succéder d'année en année une gauche gestionnaire, une droite gestionnaire et rebelote…
Michèle Cotta
Vous ne répondez pas à la question !
Philippe de Villiers
Et donc, je réponds à votre question… non mais je réponds à votre question…
Michèle Cotta
On a l'impression que vous ne voulez pas parler du Front national ! C'est quand même une donnée…
Philippe de Villiers
…en vous disant qu'aujourd'hui, les gens écouteront ceux qui osent poser les problèmes, et c'est-à-dire…
Eric Zemmour
Donc, les électeurs du Front national vous écouteront. C'est cela que vous voulez dire.
Philippe de Villiers
Pas que les électeurs du Front national. Mais moi, je pense qu'aujourd'hui, on arrive à un moment décisif ou après avoir transféré notre souveraineté monétaire, on s'apprête à transférer notre souveraineté législative et c'est le moment où…
Eric Zemmour
Donc, vous ne voulez pas répondre au Front national.
Philippe de Villiers
Mais moi, je n'ai pas à me situer dans une perspective politicienne monsieur Zemmour. Alors, je sais que vous, les journalistes…
Eric Zemmour
Non mais reconnaissez que ce n'est pas que politicien ! C'est le parti autour duquel la vie politique tourne depuis quinze ans. Ce n'est pas rien que ce parti explose en direct en une semaine. Reconnaissez que ce n'est pas seulement politicien !
Philippe de Villiers
Oui mais moi, je n'ai jamais…
Eric Zemmour
Il y a quatre millions d'électeurs !
Philippe de Villiers
Oui, monsieur Zemmour. Mais, je ne suis jamais tombé dans le piège souvent tendu par une sorte de terrorisme ambiant et qui consiste à instrumentaliser le Front national et donc à le mettre au centre de la vie politique. Moi, ce que je mets au centre de la vie politique, ce n'est pas tel ou tel parti, c'est les problèmes qui ont fait émerger tel ou tel parti. Alors quand on voit aujourd'hui que les partis souvent se ressemblent, regardez, il n'y a pas tellement de différences finalement entre ce que fait le Gouvernement Jospin par rapport à ce que faisait le Gouvernement Juppé, c'est la même politique européenne, la même politique fiscale, la même politique monétaire, bon, un peu plus ou un peu moins, la même politique sociale… on tape sur les médecins, la même politique… finalement la durée du travail, c'est la loi Robien mais un petit peu… voilà, c'est un petit peu accentué. La vraie question que l'on ne pose jamais et que moi je veux poser dans cette période cruciale comme la pose par exemple quelqu'un comme Charles Pasqua, qu'est-ce qu'on fait de la France ? Est-ce qu'on abandonne notre souveraineté auquel cas alors on ne parle plus de rien ? Par exemple, actuellement, pourquoi les Français ils sont écoeurés par la politique ? Parce qu'ils voient l'indécence et l'impuissance. L'indécence, monsieur Dumas, toujours président du Conseil constitutionnel. Et l'impuissance, on parle des problèmes mais on ne s'attaque pas véritablement aux problèmes des Français parce que petit à petit les hommes politiques se dessaisissent du pouvoir et du coup, ils perdent leur légitimité.
Michèle Cotta
Alors, ceci étant, Philippe de Villiers, il vous est arrivé aussi de vous tromper sur l'Europe. Par exemple, vous disiez « la monnaie européenne, c'est vraiment la fin de la fin pour nous » au fond finalement, cela a résisté pas mal à la crise asiatique. Alors, on n'est pas tout à fait encore à l'euro mais enfin, les monnaies européennes ont résisté. Est-ce que vous ne vous êtes jamais trompé sur l'Europe ? Est-ce que vous ne vous dites pas que peut-être, après tout, le doute peut vous effleurer ?
Philippe de Villiers
Non, je ne crois pas m'être trompé, au contraire, hélas. Si vous voulez, il y a deux conceptions de l'Europe. Il y a une Europe dans laquelle c'est Bruxelles qui contrôle les nations, et une Europe dans laquelle ce sont les nations qui contrôlent Bruxelles. Moi, je vous prédis, Michèle Cotta, que l'affaire de l'euro cela ne va pas bien se passer parce que…
Michèle Cotta
On est à vingt jours de l'euro, on n'a pas l'impression que la catastrophe nous menace !
Philippe de Villiers
Oui mais attendez, on va avoir une croissance en baisse et un euro surévalué. Alors pourquoi cela va mal se passer l'euro ? Pour deux raisons. Par delà les facilités de changes, bon, moi, je veux bien que l'on partage tous la même religion du veau d'or, tout le monde… c'est comme le film, « Indépendance Day », vous savez, où tout le monde sort là, et puis finalement boum, ça explose. Alors, au début, c'est la religion donc, tout le monde partage la religion, c'est simple, les hommes politiques aujourd'hui en France, c'est la rédemption par l'impôt et le salut par l'euro. Mais ça va mal se passer pour deux raisons. Premièrement, ce sera plus de chômage et deuxièmement, ce sera moins de démocratie. D'ailleurs, monsieur Jospin et monsieur Strauss-Kahn s'en sont aperçus puisqu'ils réclament aujourd'hui à la Banque centrale, une baisse des taux d'intérêt et monsieur Jospin réclame un emprunt. Pourquoi ça va mal se passer ? Parce qu'en fait, on va perdre nos pouvoirs en matière de politique budgétaire, en matière de politique monétaire, et en plus…
Michèle Cotta
Les taux d'intérêt… la baisse des taux d'intérêt a eu lieu quand même.
Philippe de Villiers
Je vais être très concret, une monnaie, c'est comme un système d'écluse, Michèle Cotta. Alors, si vous voulez, au fil de l'eau, il faut pouvoir retenir l'eau par moments et puis la laisser filer par moments. C'est ça une monnaie, cela doit s'adapter. Ca règle l'économie. A partir du moment où vous avez une monnaie sur onze pays très, très différents, il y aura des chocs que la monnaie ne pourra pas absorber et donc, la seule véritable d'ajustement, ce sera le chômage.
Eric Zemmour
Monsieur de Villiers, simplement pour vous demander, ça, votre argumentation, vous auriez pu la développer s'il y avait eu un référendum. Or, il est clair qu'il n'y en aura pas. Donc, la dernière chance pour développer cette argumentation, ce sont les élections européennes de juin 1999. Est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui si, un vous mènerez une liste ou en tout cas vous serez présent sur une liste et avec qui ? Est-ce qu'il y aura Charles Pasqua avec vous ou d'autres ?
Philippe de Villiers
Moi, je serai présent aux élections européennes avec ma liste. Est-ce que Charles Pasqua fera une liste auquel cas nous pourrions faire liste commune, il faut lui poser la question.
Eric Zemmour
Vous ne voulez pas répondre ?
Michèle Cotta
A votre avis ?
Philippe de Villiers
Attendez, je vais vous répondre.
Michèle Cotta
On arrive à la fin de votre…
Philippe de Villiers
Je vais vous faire une confidence, Michèle Cotta et Eric Zemmour. J'aime bien Charles Pasqua, c'est quelqu'un qui a un sens patriotique, une fermeté, une générosité et qui ne transige pas sur ses convictions. Nous avons la même communauté d'analyse, la même communauté de vision de l'Europe, le même combat sur Amsterdam. Parce que le Traité d'Amsterdam…
Eric Zemmour
Donc il viendra… donc, il fera sa liste…
Philippe de Villiers
Attendez, non, non, pour l'instant ce que dit Charles Pasqua - et il a bien raison – comme moi, on veut un référendum sur le Traité d'Amsterdam…
Eric Zemmour
Oui mais vous ne l'aurez pas, vous le savez.
Philippe de Villiers
Attendez. On veut un référendum. Pourquoi on veut un référendum ? Parce que…
Eric Zemmour
Mais vous ne l'aurez pas !
Philippe de Villiers
Attendez, Eric Zemmour, jamais on ne peut parler du Traité d'Amsterdam alors est-ce que je peux en parler trente secondes ?
Michèle Cotta
Alors trente secondes et puis vous répondez à l'autre question.
Philippe de Villiers
Trente secondes. Bon, avec le Traité d'Amsterdam, le peuple français perd la maîtrise de son destin, c'est-à-dire de son territoire, de sa Constitution et de ses lois. Et pour faire court, avec le Traité d'Amsterdam désormais, les directives, les règlements, la loi de Bruxelles sont supérieurs à tout ce que l'on peut décider dans notre pays. Alors ça, ça vaut quand même la peine que le président de la République consulte les Français pour savoir s'ils sont d'accord.
Eric Zemmour
Mais vous ne l'aurez pas quand même.
Philippe de Villiers
Et si on n'a pas ce référendum, monsieur Zemmour, ah voilà, si on n'a pas ce référendum, eh bien, il se pourrait bien que les élections européennes – pour toute la constellation des gens qui refusent que la France disparaisse – servent de lieu et de moment de grand débat pour savoir si on accepte ce nouvel Etat européen dans lequel il y a un territoire unique, un Etat européen qui bat la monnaie à Francfort, qui fait la loi à Bruxelles et qui rend la justice à Luxembourg. Si les Français acceptent ça, il faut qu'ils le disent et les élections européennes seront un moment privilégié pour ouvrir ce débat que nos hommes politiques ne veulent pas ouvrir. Il faut dire que les médias ne nous aident pas beaucoup.
Michèle Cotta
Dernière question, Philippe Séguin sera élu vraisemblablement tout à l'heure président du RPR, réélu président du RPR. Cela change quelque chose ou pas pour vous ?
Philippe de Villiers
Rien… il va être élu, il est tout seul je crois ?
Michèle Cotta
Oui mais enfin, le fait que ce soit Séguin qui conduise éventuellement la liste européenne, est-ce que c'est plutôt une bonne nouvelle pour vous, ou vous trouvez que finalement, cela ne change rien.
Philippe de Villiers
Il est élu… Il va être élu par l'UDF ou le RPR, je ne sais plus très bien… non, mais ce que je veux dire par là, c'est que quand on a été le pourfendeur talentueux… avec sa voix de stentor « il est des heures dans la vie d'un homme où il faut savoir se lever… ». Pourfendeur du Traité de Maastricht qui transmettait, qui transférait la souveraineté monétaire et que l'on devient le notaire du Traité d'Amsterdam. Moi, je ne sais pas si ça se voit mais je suis très à l'aise, moi. J'espère qu'il l'est autant que moi. Mais vous savez, les gens, ils nous regardent, ils regardent les hommes politiques et ils se disent « qu'est-ce qu'il nous chante ? Est-ce que c'est la même chanson ou est-ce qu'il a changé de chanson ? » Pour aller chercher qui ? Des électeurs ? Moi, je ne cherche pas des électeurs, je cherche à être en accord avec ce qui est le bien supérieur de mon pays. Et je pense que Philippe Séguin, en ce moment, s'il lisait le fond de son coeur, il serait avec Pasqua, il serait avec moi, il serait avec des gens comme Marie-France Garaud et tant d'autres qui ont mené le combat sur Maastricht. C'est le même combat qui continue.
Michèle Cotta
Bien, Philippe de Villiers, vous restez avec nous pour la deuxième partie de ce débat.