Texte intégral
Chers amis,
Vous êtes montés de toute la France pour créer aujourd'hui, 20 novembre, le "Mouvement Pour la France". Tous les départements français sont ici représentés avec les futurs cadres de ce "vaisseau d'espoir", qui porte le pavillon haut de notre pays.
Qu'est-ce que le "Mouvement Pour la France" ?
Le Mouvement pour la France et le mouvement de la France.
– de la France profonde ;
– de la France intuitive ;
– de la France active qui sent d'instinct, justement, que la France est une idée précieuse à cultiver, un pays à naitre, une figure historique nécessaire, une forme inachevée de la solitude ;
– de la France d'aujourd'hui parcourue par le doute.
Et si la France venait à s'abîmer ?
Question lancinante de notre histoire.
À chaque fois que les symptômes de l'affaissement donnent à l'impossible des apparences de vraisemblable.
Cette question, chaque génération de notre peuple, l'a reçue en legs prémonitoire.
Il fut un temps où c'étaient plutôt les soldats et les paysans qui se la posaient, cette question, quand la France n'était plus défendue, abandonnée aux forces de l'ennemi, et aux rapines du désordre public.
Il fut un temps où ce furent plutôt les hommes de loi, quand la France était livrée, dans les traités de facture anodine, à la tutelle impériale d'autres puissances et d'autres intérêts.
Or, il semble bien que nous soyons justement dans un moment historique inédit où c'est le peuple français tout entier, qui, au plus secret de sa vie profonde, ressent sourdement la question de la survie de notre communauté nationale.
Dans l'excavation du for intérieur, quand chacun descend en lui-même chercher l'intime et l'ultime, c'est la même question saisissante, le même dialogue : "La France existera-t-elle demain ?".
C'est l'expression même de l'interrogation qu'Alain Peyrefitte lançait au Général de Gaulle en juin 1962.
La réponse que fit alors le Général ne fut pas complétement rassurante : "C'est possible, dit-il, mais ce n'est pas certain".
Autrement dit c'est affaire de volonté.
Car la clef, de Gaulle la donnait aussitôt en ajoutant : "Si elle n'a pas une grande politique, la France n'est plus rien".
La France n'a plus de grande politique. Il n'y a plus que de la technique diplomatique.
Nous entendons être le Mouvement du sursaut de la France. Les trois éléments d'une grande politique de la France sont comme la tête, le cœur et les membres, indissociables :
En d'autres termes :
– sa souveraineté, aujourd'hui aliénée.
– son identité, aujourd'hui en jachère.
– son rayonnement, aujourd'hui sans foyer de lumière.
Oui, je pense, en cet instant, à la lumière apportée par la France aux peuples du monde entier :
– la France du Levant, le Liban, France des secours. On avait promis. On n'a pas tenu la promesse ;
– la France des Amériques ;
– la France de la francophonie ;
– le Québec, alors que notre langue s'étiole, et qu'on en est à faire respecter des quotas sur les antennes et les écrans de nos propres médias pour qu'on entende encore un peu de chanson française, un peu de langue française ;
– la France et sa vocation universelle, qui laisse aujourd'hui mourir l'Afrique ;
– la France du couple franco-africain qui détourne les yeux de la misère de nos voisins africains, sous prétexte qu'une nouvelle exclusivité diplomatique, le couple franco-allemand, présenté comme le grand Soir d'oblation des Banquiers généreux de la Monnaie unique.
Il n'y a plus de politique de la France.
Il n'y a plus que de la technique diplomatique.
Ce qui manque :
– c'est une vision, fondée sur la liberté d'un peuple ;
– c'est une vision du monde, fondée sur la liberté de la France.
Depuis que je suis élu européen, je ressens ces mots-là avec plus d'intensité.
Quand on discute là-bas, dans ces buildings tout gris qui organisent la rencontre architecturale de Kafka et de Staline, on comprend vite de quoi il retourne.
Qu'est-ce donc que la liberté de la France, quand un commissaire européen à la pêche débite devant les pêcheurs français ulcérés, des réponses dictées par les Américains ou les Japonais ?
Pas de vision.
Qu'est-ce donc que la liberté de la France, quand le commissaire Léon Brittan décide de mettre la France en friche et nos usines à la casse, afin de substituer, sans le dire, au marché commun européen, un Marché commun mondial de l'emploi où rien, – pas même le cosmétique et la parfumerie –, ne résistera à l'alignement mondial sur les plus bas salaires ?
Ce qui manque c'est une vision.
Ce qui manque aussi, c'est la liberté.
Car il n'y a pas de liberté s'il n'y a pas de souveraineté.
Il n'y a pas de démocratie s'il n'y a pas de souveraineté.
Il n'y a pas de protection sociale, s'il n'y a pas la souveraineté.
C'est-à-dire un cadre d'inclusion et de protection et qui s'adapte au fil du temps parce qu'il est à la taille humaine.
Quand il n'y a plus de souveraineté sur l'essentiel, il n'y a plus qu'un théâtre d'ombres sur l'accessoire.
Alors, la politique n'est plus la pourvoyeuse des grandes réponses. Quelle agriculture française en l'an 2000 ? Quelle culture aussi pour les jeunes ?
Elle n'est plus qu'une épicerie de gestionnaires et de questionnaires.
On passe de de Gaulle au docteur Doc.
Si les gens, aujourd'hui, croient que la politique ne peut plus rien, que la volonté politique est désormais submergée par des forces incomparables qui asservissent les États et rendent dérisoire toute idée d'un destin personnel, c'est parce qu'on a joué avec le feu, on a mutilé la démocratie, c'est-à-dire la souveraineté populaire.
On est passé de la communauté des citoyens libre à l'empire des normes.
Le "Mouvement Pour la France" a vocation à poser les grandes questions du monde à venir
En effet, les questions qui se posent aujourd'hui à la France sont des questions nouvelles, correspondant à l'émergence de phénomènes inédits depuis quelques années seulement.
Elles imposent d'avoir une vision de l'avenir qui soit elle-même une vision entièrement renouvelée.
Trois d'entre elles sont déterminantes pour l'avenir de la France.
Première question :
Quelle sera la politique de la France face à la poussée méditerranéenne de l'islam ?
Il peut y avoir, en Algérie, à tout moment, rupture de digue. Cette rupture de digue peut conduire à un exode massif.
La France se contentera-t-elle, pour y faire face, du "processus de Schengen" ? Bien sûr que non.
La France peut-elle encore accueillir une nouvelle vague d'immigration ? Bien sûr que non.
La "Société française" peut-elle devenir une société américaine, une société multiculturelle ?
La France a-t-elle vocation à devenir, en Occident, la fille ainée de l'islam ?
Deuxième question :
L'Europe va-t-elle réussir sa jonction historique entre l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest, dans le monde de l'après-Yalta ?
Immense tâche et tâche exaltante pour les nouvelles générations de faire de la Grande Europe, c'est-à-dire de dessiner une nouvelle constellation historique pour un monde qui reste à inventer après 50 ans de glaciation de l'histoire des peuples.
Troisième question :
Comment allons-nous absorber l'immense secousse due à l'émergence d'un nouveau monde du travail de 4 milliards de pauvres travaillant pour quelques dollars, provoquant ainsi la dissociation géographique : des usines là-bas et des sièges sociaux chez nous, des postes de travail là-bas et des profits chez nous ?
Les anciens instruments du libre-échangisme et du Gatt datent de l'ancien monde. Ils sont aujourd'hui archaïques, désadaptés.
Il faut inventer de nouveaux concepts pour le monde économique nouveau dans lequel nous sommes immergés depuis deux décennies seulement.
À ces questions nouvelles, nous entendons apporter des réponses nouvelles. Puisées dans la longue tradition française au sens où Paul Valéry définissait la tradition créatrice de la France : "La tradition ne consiste pas à refaire les œuvres de ceux qui nous ont précédés. Mais à en retrouver l'esprit qui en eût fait faire de toutes autres en de toutes autres circonstances."
Le "Mouvement Pour la France" n'est donc pas une génération spontanée d'idéologues.
Le "Mouvement Pour la France" est un rendez-vous de notre histoire.
Le MPF est le rendez-vous des gens qui en ont assez : et qui veulent dire "ça suffit !"
Assez des affaires : des affaires de partis, les affaires de combines.
Assez de querelles : les querelles d'ambitions, les querelles d'hommes.
Le MPF est aussi le rendez-vous de gens qui veulent promouvoir une grande cause : la France et sa liberté.
Si les partis ont décliné ou sombré au cours des dernières années, c'est parce qu'ils n'étaient plus que des machines électroniques, des syndicats d'intérêts et de carrières.
Le "Mouvement Pour la France" voudrait dessiner, demain, dans les plis de son logo tricolore, deux instruments de haute mer : une boussole, pour choisir sa route, une boussole pour la France et une ancre pour la Majorité, aujourd'hui à la dérive.
Une "Boussole" pour la France
Si on devait donner, en France, une prime de présence télévisuelle aux hommes politiques qui ne se sont pas trompés au cours des dernières années, nous aurions un temps d'antenne substantiel.
Oui, jusqu'ici la boussole a bien fonctionné.
Le "Mouvement Pour la France" tient dans sa main la même boussole que "Combat pour les Valeurs". C'est en cela que le "Mouvement Pour la France" est une sorte de prolongement.
Trois maux, trois combats : corruption, cohabitation, connivence.
Le premier combat : pour l'assainissement de la vie publique, à partir de 1990.
C'est nous qui avons lancé, en France, derrière l'inspecteur Gaudino et son "Enquête impossible", le combat contre la corruption. Et c'est dans le prolongement de ce combat que j'ai décidé, le 15 septembre dernier de quitter le Parti Républicain, qui est aujourd'hui submergé par les scandales d'argent.
De ce combat, qui suscite aujourd'hui tant de vocations tardives, nous avons tiré une leçon simple et forte : ce n'est pas la gauche qui corrompt, ce n'est pas la droite qui corrompt, c'est le pouvoir, sa conquête, sa jouissance, dès qu'on perd le sens des valeurs, du service et du bien commun.
Le deuxième combat : le combat pour le "Non" au référendum de Maastricht, en septembre 1992.
Nous avons pensé qu'il y avait là une ligne de fracture majeure entre les Euro-utopistes et les Euro-réalistes. Ce clivage existe toujours. Comme pour la corruption, il ne s'agit pas d'un clivage droite-gauche. Il s'agit même de la nouvelle ligne de partage principale du débat présidentiel à venir.
C'est donc le même combat qui dure, change de forme et parfois même de sémantique.
C'est le même enjeu depuis le référendum de 1992, les élections européennes de 1994 et l'élection présidentielle de 1995.
Le troisième combat : mené ensemble a été, à l'occasion de la campagne des élections législatives, le combat contre la cohabitation.
Nous avions dit vrai en 1993 : "La cohabitation peut être un scénario catastrophe", c'est-à-dire :
Une période d'attentisme pré-présidentiel. On ne fera pas les réformes en profondeur dont la France a besoin.
Une période de connivence pour tout ce qui concerne l'essentiel, c'est-à-dire la politique européenne dont dépend le destin de la France et des Français au travail.
Or, que voit-on aujourd'hui ? Un gouvernement tourniquet qui "expédie les affaires courantes" et les affaires qui courent.
Ces grands combats politiques ont été des combats d'idées et de terrain. Ils ont été menés, relayés par les 45 000 abonnés et militants de "Combat pour les Valeurs".
C'est dire que le "Mouvement Pour la France", mouvement politique, est le prolongement naturel et parallèle de "Combat pour les Valeurs", mouvement culturel.
"Combat pour les Valeurs" restera un mouvement de réflexion, d'inspiration, de formation, bénéficiant de la compétence et du talent du sénateur Bernard Seillier et des délégués qui continueront leur action de réseau et de capillarité.
Ces 3 combats n'étaient pas seulement "contre" (contre la corruption, contre Maastricht, contre la cohabitation), c'étaient aussi et avant tout des combats "pour". Pour des valeurs qui s'appellent :
– l'honnêteté dans la vie publique (corruption) ;
– la démocratie, qui à notre sens ne peut être que nationale, et non pas européenne (Maastricht) ;
– la fidélité aux engagements pris devant les électeurs (cohabitation).
Je voudrais insister sur l'aspect fondamental, et aussi très novateur de ce message. Ce qui, pour nous, fait la différence entre les sociétés qui réussissent et les autres, ce n'est pas la race, ce ne sont pas les ressources naturelles, ce n'est pas le climat, ce n'est pas tel ou tel facteur extérieur, ce sont les valeurs dont chaque peuple est porteur. Et pour notre part, nous voulons défendre les valeurs qui ont fait les succès de l'Europe : la liberté individuelle, la responsabilité, le dévouement au service public, le désintéressement dans la vie publique.
Nous pensons que ces valeurs sont aujourd'hui menacées, et c'est pour cela que nous avions lancé "Combat pour les Valeurs".
Vous voyez au passage que le sens de ce combat n'a rien à voir avec la police de la vie privée, auquel des polémistes ont voulu l'assimiler.
Il s'agit de bien autre chose. Il s'agit de la survie de notre civilisation.
Valeur n'est plus un mot-paria mais un mot-référence
D'une certaine manière, nous pouvons être satisfaits, il y a eu un sursaut indiscutable.
Premier succès : avant 1990, on n'osait même pas parler de la corruption : c'était un sujet tabou. Maintenant, elle est combattue et traquée.
Deuxième succès : avant, on ne parlait pas de "valeurs", c'était un mot désuet, vieillot, bon pour les arriérés. Maintenant au contraire, tout le monde n'a plus que ce mot à la bouche, et c'est à qui prétendra le mieux défendre les "valeurs". En quelques années, "valeur", qui était un mot-paria et devenu un mot-référence.
Pouvons-nous être satisfaits pour autant ?
Non, car au niveau politique, le spectacle est navrant.
L'immense, l'historique victoire de 1993, a été gâchée. La provision immense de crédit de la majorité de mars 1993 est en cours d'épuisement.
Le "Mouvement Pour la France" est un appel lancé à tous les Français de cœur et de bonne volonté qui prennent rendez-vous avec l'an 2000 pour faire de la France un grand pays chaleureux et créateur, quand il s'abime aujourd'hui entre les écueils de l'ambition sans boussole et les balises de détresse de tous les guetteurs de déclin.
Le combat européen mené en juin dernier a montré qu'il y a beaucoup de gens venant de tous les horizons, de droite et de gauche, et qui veulent se battre ensemble pour des valeurs transversales, des valeurs de salut public :
– l'honnêteté, quand la cupidité met en péril l'édifice démocratique ;
– le civisme, quand l'indifférence guette et que le scepticisme du peuple vient répondre en écho au cynisme des appareils ;
– la préférence communautaire, quand les mêmes analyses économiques, aboutissent, depuis 20 ans, aux mêmes solutions et aux mêmes échecs parce que nous ne sommes plus dans le même monde ;
– l'Europe des Nations, quand on découvre que c'était l'expression même du Général de Gaulle et que c'est l'expression même de l'Avenir ;
– le respect de l'environnement et de la vie naturelle, quand la folie des hommes et l'imprévoyance des nouveaux alchimistes ont installé, à l'Est comme à l'Ouest, au cœur de nos paysages si fragiles, des centrales nucléaires qu'on ne sait plus désarmer et qui, demain, peuvent échapper au contrôle des hommes et anéantir notre continent ;
– la lutte impitoyable contre les grands fléaux modernes, le blanchiment de l'argent sale, les réseaux de la drogue et des narcotrafiquants, les galeries transfrontalières du banditisme et du crime organisé, quand on sait aujourd'hui que ce sont : les plus faibles, les plus fragiles, les plus mal lotis, les plus pauvres, qui, finalement, sont exposés, chaque jour davantage, à la peur et l'insécurité.
Ces valeurs transversales sont-elles de droite ? Sont-elles de gauche ?
Elles ne sont ni de droite ni de gauche, elles sont du peuple, souvent inexprimées, toujours fortement ressenties.
On pourrait en citer beaucoup d'autres qui, ainsi, correspondent à des urgences de notre temps.
Une "Ancre" pour la majorité
La majorité aujourd'hui ballottée par les tempêtes. La majorité cassée, brisée. Un bateau ivre. Cette majorité, il faut la ressouder, réduire ses fractures, en lui donnant une cause à défendre.
"Le Mouvement Pour la France" sera le réducteur des fractures de la majorité. En sachant bien que :
– l'union ne se fera jamais sur des procédures ;
– l'union ne peut se faire que ses des principes.
Il y a quelque chose de plus précieux que l'union. Ce sont les principes au nom desquels on s'unit. C'est-à-dire des déterminations communes.
Nous pourrions en choisir trois qui nous épargneraient de nous épier les uns les autres et nous pousseraient à regarder dans la même direction :
1. Sortir la France du socialisme, voilà un bon principe, mobilisateur et de salut public.
2. Décourager la candidature Delors en débusquant, derrière la statue du commandeur, le social-pleureur des années soixante qui, dans son dernier livre, propose de recréer un "commissariat au Plan", et se laisse aller à cette phrase "prophétique", "critiquer l'impôt, c'est une faute civique".
3. Bâtir, mobiliser une grande volonté française. Oui, la France peut s'échouer sur la grève impitoyable des pays qui ne comptent plus. La France peut devenir un pays déchu et glorieux, un pays glorieusement déchu, perclus de nostalgies comme le Portugal ou la Grèce, un pays qui ne s'appartient plus.
Et pourtant, tout est encore possible : s'il est vrai que la France n'est pas faite seulement pour elle-même, qu'elle est faite pour le monde, quelle peut être aujourd'hui la vocation de la France dans le monde ?
Appliquant à elle-même la loi de disproportion entre l'être et la volonté qui a fait les grandes nations et les grands destins, la France est aujourd'hui le seul pays qui peut à la fois :
Réaliser le grand dessein d'une nouvelle figure historique européenne. L'histoire a donné une charge émotive au mot "France" qui lui vaut être agréée à la fois par les Polonais, les Russes, mais aussi les Anglais et les Espagnols, l'Est slave et la latinité.
Ainsi va l'histoire, exhaussant la géographie au-dessus des mers, au-dessus des continents, très au-delà du seul poids des produits nationaux.
Inventer le Gatt du XXIe siècle, car l'accord de Marrakech ne sera peut-être pas ratifié aux États-Unis par le nouveau Congrès. Inventer un nouveau Gatt donc, en s'appuyant sur les pays du tiers-monde, pour imaginer ces grandes zones de préférences continentales qui mettraient fin à ce cycle infernal des pauvres des pays les plus riches qui enrichissent les riches des pays les plus pauvres.
Le "Mouvement Pour la France" entend poser à tous les candidats 3 grandes questions.
Alors, aujourd'hui, à l'orée de la campagne présidentielle, le "Mouvement Pour la France" s'adresse aux candidats, aux candidats déclarés et aux candidats putatifs.
1. La question nationale : le mot France a-t-il encore un sens ?
Un nouveau traité va être discuté et signé en 1996 pour une nouvelle organisation de l'Europe.
Va-t-on mettre la France sur une orbite fédérale à dominante germanique ?
Où va-t-on appliquer le principe de l'Europe des nations ?
2. La question sociale :
"Peut-on sortir du champ des solutions classiques de lutte contre le chômage et l'exclusion, qui ont échoué ?"
Quelle sera l'attitude des candidats à l'occasion de la ratification du Gatt ?
Quelles sont leurs propositions pour libérer l'initiative en France ?
3. La question morale :
"Peut-on encore sauver le crédit de la Politique ?"
Va-t-on vraiment, et tout de suite, prendre les mesures qui s'imposent pour arrêter la gangrène du doute ?
En d'autres termes, il y a devant nous 3 questions essentielles :
– qu'est-ce qu'on fait de la France ?
– est-ce qu'on continue la même politique de l'emploi ? Celle qui gonfle, chaque jour, la vague du chômage ?
– est-ce qu'on est vraiment décidé à sortir la politique de la spirale infernale ?
Notre programme est axé autour de trois demandes pressantes, trois urgences pour la France. Ce que nous voulons, c'est :
1. Une nouvelle politique européenne, aux antipodes de celle de monsieur Delors.
2. Une nouvelle politique de l'emploi, pour sortir la France du socialisme.
3. Un nouveau Pacte de probité publique pour refonder la politique sur les valeurs.
Une nouvelle politique européenne
L'Europe est en perdition. La France est en lambeaux.
L'Europe de M. Delors est un échec fortement ressenti : l'Europe de l'insécurité, l'Europe du chômage, l'Europe de la technocratie…
On nous a proposé un marché de dupes.
On nous a promis un échange compensé, à nous les Français : "Acceptez donc de perdre un peu de souveraineté ; vous y gagnerez beaucoup de richesse." Bref, c'était la souveraineté contre l'emploi.
Aujourd'hui, le constat est simple : nous avons abdiqué la souveraineté et nous perdons nos emplois.
On nous a construit une Europe du passé. Le monde a changé : ce n'est plus le monde de Yalta, les dangers ne sont plus les mêmes : la révolution des transports a effacé les distances et mis en contact des planètes sociales qui gravitent dans un univers tellement différent !
Un troc de dupes : souveraineté contre emplois.
Mais les commissaires de Bruxelles sont incapables d'imaginer l'avenir, l'Europe de l'Avenir.
On ne peut pas faire l'Europe comme si le mur de Berlin n'était pas tombé. Donc Maastricht et en train d'échouer. Maastricht a tenté l'impossible ; qui consistait à faire une petite Europe de l'Ouest intégrée.
On ne peut pas faire l'Europe comme si de nouveaux phénomènes de grande ampleur n'étaient pas intervenus : déséquilibres mondiaux, pressions migratoires, glissement planétaire de l'activité économique vers les pays à bas salaires.
Il faut donc imaginer autre chose :
– repenser la perspective et le dessin d'ensemble ;
– changer de dimension et de définition ;
– inventer une toute nouvelle Europe ;
– c'est très exactement l'enjeu des années 2000.
Nous sommes passés, hélas, d'un processus de construction européenne à un processus de destruction européenne.
En d'autres termes les mécanismes, qui sont à l'œuvre dans l'union européenne, ont déclenché des forces centrifuges qui poussent à la fois à la désintégration du Marché commun et à la dissociation de l'ensemble européen en sous-groupes de sauve-qui-peut sous hégémonie allemande.
Les deux mécanismes de la machine infernale de Bruxelles sont le fédéralisme et le libre-échangisme mondial.
Le fédéralisme est une machine à broyer la souveraineté.
Petit à petit la Commission de Bruxelles s'impose comme un gouvernement européen.
On ne raisonne plus dans le cadre d'une association d'États souverains qui étaient censés mettre en commun ce qu'ils ne pouvaient faire seuls. On raisonne dans le cadre d'un État fédéral, façonné à partir de cinq rouages.
Les 5 rouages du fédéralisme
1. La monnaie unique, qui est l'instrument du transfert de la souveraineté ; autrement dit une machine à transférer non seulement le pouvoir monétaire, mais aussi le pouvoir fiscal, économique, budgétaire, social et politique. La monnaie unique est un pur et simple transfert global et total de souveraineté qui ne dit pas son nom.
Elle est présentée comme une commodité pour favoriser la mise en place du marché unique.
Elle n'est pas une commodité. Elle est une mutation fondamentale : seul un État peut battre monnaie. S'il y a finalement monnaie unique, c'est qu'il y a, en amont, autorité politique.
Alors que la monnaie commune joue comme un révélateur des forces et des faiblesses des économies et des États et en même temps un catalyseur des harmonies d'une communauté d'États, la monnaie unique serait un laminoir qui fonderait toutes les politiques des États en une politique centralisée à Bruxelles et Francfort.
2. Le deuxième rouage qui entraine la machine à transférer la souveraineté, c'est la citoyenneté européenne, avec le droit de vote transnational.
Le symbole est fort : il s'agit de concrétiser la volonté de construire un État supranational et fédéral, en s'appuyant sur un "peuple européen", aujourd'hui inexistant, mais que le nouveau texte vise à établir en démantelant, au moins pour commencer, la cohérence des suffrages et des responsabilités nationales.
3. Le troisième rouage qui sert le mécanisme au transfert de la souveraineté, c'est le système des décisions à la majorité qualifiée qui préside au processus de délibération du Conseil des ministres à Bruxelles. Il est et il sera de plus en plus difficile d'opposer un droit de veto quand il s'agit d'un intérêt vital.
4. Le quatrième rouage qui opère le transfert de souveraineté, c'est bien évidemment la puissance montante d'un nouveau pouvoir exécutif de l'Union européenne et qui est la Commission.
Du fait de son monopole d'initiative, du fait de l'inertie des États – on est loin de la chaise vide du Général de Gaulle –, elle grignote avec boulimie tous les pouvoirs régaliens.
5. Le cinquième rouage c'est la levée de tous les contrôles aux frontières, pour les marchandises et pour les personnes. Le traité de Schengen est déjà appliqué par la France : la politique de l'Air et des Frontières a été, comme on dit, "redéployée", au mépris de l'impératif de sécurité, compte tenu des trafics multiples qui font pression sur les États.
Au lieu de faire l'Europe de la coopération des États – la coopération policière à travers Europol – on tente l'impossible en désarmant les frontières internes, devenues ainsi de simples limites administratives.
C'est toujours la même idée, le même aveuglement : ce projet fou s'inscrit dans la même perspective idéologique d'une dissolution progressive des souverainetés nationales.
Le fédéralisme broie la souveraineté.
Le fédéralisme est donc à l'œuvre. Tous les grands juristes, constitutionnalistes, définissent la souveraineté comme la liberté, pour un peuple, de disposer de lui-même. Cette liberté se décline comme :
La liberté de faire la loi chez soi. Or la loi, désormais, est faite à Bruxelles, hors de tout contrôle populaire, par une oligarchie technicienne cooptée et non pas élue.
En d'autres termes, c'est la fin de la souveraineté populaire.
La liberté de battre monnaie, de battre sa monnaie ; et non pas celle du roi de Prusse.
La liberté de rendre la justice, à partir de sa propre jurisprudence. Or, aujourd'hui, l'article 55 de la Constitution de la Ve République, qui affirme la primauté des traités sur les lois votées par le Parlement français, a été détourné et exploité par les lilliputiens du droit, établissant ainsi un nouvel ordre juridique, normatif et jurisprudentiel, dans lequel la loi française est subordonnée à un prétendu ordre supranational.
La liberté de garder soi-même ses frontières. Aujourd'hui, nous nous en remettons à l'Italie et à l'Espagne pour garder nos frontières Sud. Nous nous remettons aux Pays-Bas pour ne plus nous déverser les containers de cocaïne qui transitent par le port de Rotterdam. Nous sommes une nation aliénée, un pays qui ne s'appartient plus, qui s'en remet à d'autres pour faire face à ce qu'on appelle les missions régaliennes de sécurité, de protection des plus faibles.
La liberté d'assurer soi-même sa défense. On parle aujourd'hui d'une politique de sécurité intégrée. C'est une aberration.
Qu'on se mette ensemble à plusieurs pays pour fabriquer des armements, dans le cadre d'une coopération bien sentie, voire d'une coalition poussée à la limite, c'est une bonne chose.
Mais, en dernier ressort, on ne pourra jamais décider de l'entrée en guerre d'un pays à sa place, s'il n'en veut pas.
Que nous propose-t-on aujourd'hui ?
On nous propose d'aller encore plus loin tout de suite, on nous propose de mettre tout cet engrenage de mécanismes supranationaux au service d'une Union européenne complètement intégrée mais miniaturisée : c'est l'idée du noyau dur franco-allemand. Ce que l'Allemagne propose à la France, c'est le modèle réduit d'un nouvel ensemble étatique, sous hégémonie allemande.
À cette proposition maastrichtienne de Communauté européenne réduite aux acquêts de l'Allemagne, de la France et du Bénélux, nous devons répondre "Non".
Ce n'est pas l'intérêt de la France.
En termes de rayonnement, la France ne peut se réduire au couple franco-allemand. Certes, le couple franco-allemand est le fruit d'une politique réussie. Mais on ne peut y enfermer le destin de la France.
La France a une vocation de trait d'union avec le monde Atlantique, avec les pays latins, avec le monde slave.
La France a une dimension universelle qu'elle ne peut abandonner pour un projet de fusion avec l'Allemagne.
La France c'est, dans le monde entier, mille ans de savoir-faire diplomatique.
En termes de souveraineté, cette fusion serait tout simplement la fin de la France. La Constitution de la France deviendrait un simple ornement. Le Parlement français deviendrait une chambre régionale, la France deviendrait une province.
Souvenons-nous du mot du Général de Gaulle :
La France ne doit pas trahir sa vocation "de championne de l'indépendance des nations, contre toute hégémonie."
Ce n'est pas l'intérêt de l'Europe.
Cette idée d'Europe miniature tourne le dos à l'avenir. Ce qu'il faut faire aujourd'hui, ce n'est pas la toute petite Europe, c'est la Grande Europe.
Cette idée de championnat d'Europe monétaire à deux divisions est absurde. Cette idée frileuse risque de tuer l'idéal européen, parce qu'elle manque de perspective et de générosité.
Il faut une initiative française pour répondre à l'initiative allemande.
Plutôt que le noyau dur, proposons un cercle olympique franco-allemand :
– fondé sur l'expérience : Ariane, Airbus, le CERN et Eurêka, réalisés dans la lourde bureaucratie et hors des procédures communautaires ;
– établi sur la coopération franco-allemande, au cœur de l'Europe ;
– explorant des domaines nouveaux.
L'Europe des cercles olympiques.
Les pays européens sont aveugles : dès que survient une situation de crise ou de conflit, ils doivent s'en remettre aux images des satellites américains. L'Allemagne est-elle prête à coopérer avec la France pour mettre sur pied un dispositif performant d'observation militaire par satellite en s'accordant avec elle sur ses conditions d'emploi ?
Les pays d'Europe ne disposent pas d'un instrument adéquat d'intervention militaire extérieur pour faire face aux situations de crise. L'Allemagne a-t-elle la volonté de mettre sur pied avec la France et les autres pays européens qui le souhaiteraient, par-delà l'Eurocorps, un dispositif articulant des contingents nationaux autour d'états-majors mixtes, où le poids des grands États, notamment de la France et de l'Allemagne, mais aussi de la Grande-Bretagne, serait déterminant ?
Je pense, à ce moment précis de mon propos, à la Bosnie, à l'impuissance de l'Europe de Maastricht.
Les pays européens ne disposent pas d'une couverture antimissile garantissant leur sécurité face aux nouvelles menaces liées aux progrès de la balistique et aux risques de dissémination. L'Allemagne est-elle prête à s'associer avec la France pour réaliser un tel projet ?
De la défense, on passe rapidement aux grands secteurs industriels. Les pays européens ne savent pas actuellement produire des avions gros porteurs, civils ou militaires. L'Allemagne est-elle prête à relever ce nouveau défi aux côtés de la France et à affronter les suppositions américaines qui se dresseront sur la route ?
Dans l'industrie automobile, ne faudrait-il pas prendre exemple sur les États-Unis, où les trois "majors", en décidant de mener en commun des efforts de recherche importants, ont réussi à contrer l'offensive asiatique ?
On pourrait multiplier les exemples des champs ouverts à des possibilités nouvelles de coopération. La coopération c'est la voie de l'avenir, celle qui bâtit la véritable Europe, solide, durable, hors de tous les dogmatismes fédéralistes autoritaires et centralisateurs. C'est la voie dans laquelle l'Allemagne devrait être invitée par la France à s'engager. Il n'est de l'intérêt de personne que la France vienne occuper une position structurellement subordonnée au sein d'un noyau dur franco-allemand.
Pour qu'une volonté politique puisse continuer à s'exercer, il faut au contraire préserver les lieux de l'initiative que sont les souverainetés nationales. Il faudrait que la France et l'Allemagne aient le courage d'enrayer la mécanique de dilution dans laquelle elles se sont placées : une mécanique qui ronge les nations, émousse leurs libertés et leurs volontés au profit d'une nébuleuse "comitologique" qui ne peut sécréter à terme que la paralysie et le rejet.
Le libre-échangisme mondial tue la reprise. Il est le pendant, dans l'ordre économique, du fédéralisme, dans l'ordre politique. Le fédéralisme est une mise sous tutelle de notre souveraineté. Le libre-échangisme une mise sous séquestre de notre outil de production.
L'Europe fut conçue sur le modèle du libre-échange, c'est-à-dire d'un marché commun, libre à l'intérieur, protégé à l'extérieur. Peu à peu s'est installée la dérive du libre-échangisme.
Jusqu'à la signature du Gatt, qui finira d'ouvrir toutes les écluses et installera, à la place de ce qui reste de notre marché commun, un Marché commun mondial de l'emploi et de la production avec l'Asie et tous les pays du monde à très bas salaires.
On nous parle de reprise. Mais ignore-ton que depuis 20 ans, nous avons eu, en France, 80 % de croissance – chiffre astronomique dans toute notre histoire – et en même temps 800 % de croissance du chômage ?
Il y a, en France, aujourd'hui, une délocalisation d'usine par jour. Et ceci ne concerne pas que les industries de main-d'œuvre. Les grands groupes de l'informatique, de l'électronique, délocalisent à tous va pour aller à la rencontre des plus bas salaires et conserver leurs marges.
On vend là où il y a du pouvoir d'achat. On fabrique là où c'est le moins cher. À ce rythme-là, on trouvera toujours un Philippin encore moins cher. À ce compte-là, ce ne sont pas seulement la pêche, l'agriculture et les industries manufacturières qui sont touchées mais aussi toutes les industries technologiques et les services, par définition immatériels.
Le libre-échangisme provoque ainsi le chômage et l'embolie de nos villes ; la désertification de nos campagnes. Nous n'acceptons pas cette lente et terrible implosion.
Le prochain septennat est une double occasion de remettre l'Europe d'aplomb.
Le prochain septennat sera celui d'une nouvelle donne économique mondiale.
En effet, l'accord sur le Gatt n'est pas ratifié. Il devra être soumis à la ratification du Parlement français.
Le "Mouvement Pour la France" propose que cet acte majeur, – qui régentera le commerce international pour les 50 ans à venir – soit soumis par référendum, au peuple français.
Il faut revoir le processus du Gatt libre-échangiste et y substituer une organisation du monde en zones de préférence régionale, homogènes du point de vue des coûts salariaux, et des choix de société.
Le prochain septennat sera celui de la révision du traité de Maastricht en 1996.
Tout est possible. Là encore, le nouveau traité devra impérativement être soumis, par référendum, au peuple français.
Le "Mouvement Pour la France" appuiera le contre-projet élaboré en ce moment même à Strasbourg par le groupe parlementaire "Europe des Nations".
Les trois piliers de la nouvelle Europe.
Une nouvelle définition géographique de l'Europe.
Il n'y a pas d'autre destin pour l'Europe que de faire se rencontrer l'histoire et la géographie. Il n'y a d'Europe possible qu'agrandie aux dimensions du continent européen.
Pourquoi ? Parce que tous les problèmes aujourd'hui, – sécurité militaire, sécurité écologique – sont des problèmes continentaux qui ne peuvent pas être traités dans les anciennes enceintes et les vieux parapets. Depuis 1989, les institutions européennes ont été frappées d'une totale incapacité à prendre en compte la perspective nouvelle de l'élargissement. Et cela pour deux raisons principales :
Bruxelles est ordonné d'abord sur l'idée d'harmonisation économique ; or les pays de l'Europe centrale et orientale, si l'on veut aborder la question de leur adhésion sous cet angle, ne s'avèrent évidemment pas susceptibles d'entrer de plain-pied dans le marché unique.
Sur cette base économique, Bruxelles a développé une culture "politique" autour d'une idée directrice : la nécessaire progression vers un nombre de plus en plus grand de décisions à la majorité qualifiée, jusqu'à la disparition complète de la règle de l'unanimité ; or la radicale diversité des pays de l'Est contredirait ce schéma.
On ne voit pas comment l'Europe de Maastricht pourrait, demain mieux qu'hier, résoudre ces problèmes.
Si l'on veut aboutir, il faut renverser la perspective, faire rétrograder l'économique au second rang des priorités européennes pour privilégier le politique, proclamer que l'appartenance au cercle "sécurité" détermine, avant tout, l'appartenance à l'Europe.
Les pays de l'Europe centrale et orientale pourraient donc y accéder rapidement, et avec une relative facilitée qu'ils adhèrent à un Pacte de stabilité.
Par la suite, les cercles des autres coopérations, économiques, sociales, monétaire… seront définis librement et progressivement.
Ainsi se trouvera posé le principe d'une vaste confédération pan européenne répondant aux objectifs prioritaires de préservation des patrimoines et des valeurs, autant que de la sécurité et de la cohésion des territoires, de ses pays membres.
Une nouvelle définition juridique de l'Europe.
La confédération et non pas la fédération, l'Association des États et non pas la fusion des nations dans un super-État fédéral.
Quelles tâches pour cette nouvelle Europe ?
La sécurité physique et économique est la plus grande préoccupation de nos concitoyens. L'Europe doit s'y consacrer.
Nous proposons que l'Europe concentre ses efforts pour apporter une aide complémentaire aux États. Au lieu de s'échiner à uniformiser les diversités bénéfiques des économies et des sociétés européennes, contre la volonté des gens, l'Europe doit se donner comme mission prioritaire d'organiser la sécurité :
La sécurité par rapport aux conflits multiformes qui vont éclater, ou couvent déjà, dans "l'étranger proche".
La sécurité par rapport aux menaces de pressions migratoires.
L'immigration en Europe occidentale, toutes catégories confondues, s'est élevée à plus de 3 millions de personnes en 1992, trois fois plus qu'en 1985.
Le terrorisme en Algérie, en Égypte et en Turquie va rapidement rendre ce problème crucial.
La sécurité par rapport aux menaces du grand banditisme et des trafics internationaux, liés à la drogue. Ceux-ci profitent du démantèlement des frontières nationales et de l'inefficacité des frontières extérieures de la Communauté.
La sécurité par rapport aux dangers écologiques.
La sécurité de nos protections commerciales, enfin, puisque la mise en concurrence, sans précaution, de pays aux coûts sociaux allant de 1 à 50, alors que les productivités ne varient pas dans la même proportion, ne peut que détruire l'emploi dans les pays européens, et à terme la cohésion de la société tout entière.
Dans cette nouvelle Europe de la sécurité, il est bien évident que la Commission ne serait plus l'exécutif, comme elle l'est de plus en plus dans les faits et comme l'Allemagne propose qu'elle le devienne officiellement – il faut revenir au primat du politique – elle ne serait plus qu'un simple secrétariat du Conseil.
Une nouvelle définition économique de l'Europe : l'Union douanière.
Oui, à la préférence communautaire, c'est-à-dire que l'Europe doit établir ou plutôt, rétablir, car le Traité de Rome, qui la prévoyait, a été trahi sur ce point – la règle de la préférence communautaire – afin de préparer ce que sera, par étape, le futur marché commun du continent européen, en ne laissant entrer chez nous, en Europe, que les produits et services qui ne viennent pas détruire nos emplois : liberté des échanges à l'intérieur, protection à l'extérieur.
Non à la simple zone de libre-échange.
C'est un pont-aux-ânes du discours politique que de prétendre : "L'Europe ne doit pas être une simple zone de libre-échange".
Mais qu'est-elle d'autre aujourd'hui ? Et qui, parmi les grands partis du "consensus", propose de changer quoi que ce soit sur ce point ?
À partir du moment où l'Europe accepte la philosophie du Gatt, c'est-à-dire qu'elle accepte la disparition progressive de ses tarifs douaniers extérieurs, et la proscription de toute idée de préférence entre ses membres, elle ne peut devenir rien d'autre, immédiatement ou à terme, qu'une zone de libre-échange.
Nous souhaitons que la préférence communautaire fasse l'objet, entre les États-membres qui en seraient d'accord, d'un cercle immédiat de coopération spécifique, matérialisé par la perception à sa périphérie de droits permettant de préserver les spécificités de ses membres, en compensant, vis à vis de l'extérieur, les différentiels de coûts sociaux, de charges d'environnement, ou les dumpings monétaires.
Ce n'est pas un paradoxe pour nous de réclamer :
– que la France reste une puissance souveraine ;
– que l'Europe devienne un acteur mondial.
On enregistre périodiquement des appels à la construction d'un État fédéral européen, au motif que celui-ci pourrait seule donner à notre continent le rang d'un acteur mondial.
Cette proposition nous parait auto-contradictoire. En effet, la construction d'un État fédéral équivaut à laisser de côté la moitié du continent (ou plus), ou bien alors à consentir à un blocage général.
Les députés du groupe de "l'Europe des Nations", autour de Jimmy Goldsmith, pensent au contraire qu'une "Union des Nations Européennes", de nature confédérale, axée sur la sécurité, et à laquelle s'ajouteraient des coopérations à cercles olympiques, aurait pour avantage :
– de pouvoir très rapidement être mise en place ;
– d'arrimer clairement et sans délai les pays de l'autre Europe au reste de l'Europe, renforçant ainsi le prestige et le rayonnement de celle-ci ;
– de laisser les États souhaitant se regrouper sur un projet précis, libre de le faire.
Dès lors ce projet, bénéficiant d'une véritable motivation de ses membres, mobiliserait mieux leurs énergies, et pourrait prendre place de manière crédible sur la scène mondiale.
La confédération de "l'Union des Nations Européennes"
C'est le nom que nous proposons, permettrait à l'Europe de mieux exprimer sa véritable nature, tout en lui donnant les moyens d'une mobilisation efficace sur les projets réellement ressentis comme des projets d'intérêt commun.
Ce que nous demandons, à l'occasion de la renégociation du traité de Maastricht, c'est l'élaboration et la conclusion d'un nouveau traité de Rome.
Et cette fois, forts de l'expérience passée – et prenant les choses résolument par le haut, – nous en feront un traité "politique", l'acte fondateur d'une Europe, qui, rompant avec tous les tâtonnements de l'après-guerre et les complexes de le guerre froide, entrerait avec confiance dans le XXIe siècle.
L'année 1996 pourrait voir tous les États-membre de la grande famille européenne célébrer ensemble l'Europe unie.
Une nouvelle politique de l'emploi
Dans les choix qui sont fait aujourd'hui par l'État et par l'Union européenne, l'emploi n'est qu'une résultante, une variable d'ajustement qui est fonction de données économiques considérées comme des priorités, ce qu'on appelle les "fondamentaux".
Il convient donc d'opérer un renversement de l'ordre des urgences, un renversement de perspective dans les choix économiques et sociaux. Comment ? En privilégiant :
Les hommes plutôt que la monnaie, car la religion monétariste impose des taux d'intérêts prohibitifs qui découragent l'emploi, c'est-à-dire l'investissement.
La préférence à l'emploi européen plutôt que la préférence mondiale à l'exploitation des plus bas salaires au monde. Car, à ce rythme-là l'Europe sera demain l'Europe des Rmistes et des sièges sociaux résiduels.
L'investisseur plutôt que le rentier, car il est beaucoup plus rentable aujourd'hui, beaucoup plus "intéressant" de placer son argent que de le risquer dans une entreprise.
L'entreprise plutôt que la technocratie dépensière. Depuis 12 ans, les prélèvements n'ont cessé d'augmenter, la dette publique a crû, au cours des deux dernières années, de 1 000 milliards.
Il faut une dizaine de mesures d'envergure qui accomplissent ou favorisent ce renversement de perspectives. L'économie n'est pas une science, elle est un art politique, l'art de considérer les hommes au travail, de leur envoyer des signes, de les maintenir au travail, de les remettre au travail.
Trois mots-clés contre l'exclusion : entreprise, famille, école.
Comme l'a montré la synthèse de réponses au questionnaire des jeunes, c'est la famille qui est le cercle premier d'inclusion affectif sans lequel les déchirures se multiplient.
Comme le montre tous les jours l'expérience du milieu rural, pour qu'il y ait des créateurs d'emplois, il faut qu'il y ait un plus grand nombre de créateurs d'entreprises. "Tu seras créateur de PME, mon fils !". C'est là que l'école prend toute son importance car le goût de l'entreprise s'apprend très jeune. L'entreprise étant le deuxième cercle d'inclusion de la société. L'école le troisième.
Comment donc mettre en œuvre une nouvelle politique de l'emploi et de lutte contre la marginalisation ?
En s'adressant aux hommes, aux catégories d'hommes et de femmes au travail ou au chômage, afin d'examiner leur situation et imaginer les voies pour recréer une société d'emplois.
Il faut que nous adoptions ce qu'on pourrait appeler : "une stratégie japonaise de l'emploi".
Elle tient en deux mots impératifs :
– la protection ;
– la conquête.
L'une ne va pas sans l'autre. La protection, cela veut dire chez nous : la préférence communautaire. La conquête, cela veut dire chez nous : remettre nos entreprises en situation de conquête.
La préférence communautaire
Si on n'instaure pas la préférence européenne, c'est-à-dire un système d'écluses autour de l'Europe pour refaire une vraie communauté de concurrence et un marché commun, on ne fera rien de solide et de durable. Autant remplir un seau percé.
Maurice Allais, le prix Nobel d'économie, évalue le nombre de victimes du libre-échangisme mondial à 1 800 000 chômeurs français. C'est considérable.
Il faut donc, de toute urgence, au prix de la chaise vide à Bruxelles, instaurer la préférence européenne en rétablissant le tarif douanier extérieur commun quasiment supprimé par l'article 100 du traité de Maastricht, et en lui donnant un sens nouveau, car il s'agit aujourd'hui de toute autre chose que de lutter contre les pratiques de dumping classiques le "dumping de papa" d'il y a 20 ans !
Il est nécessaire, il est possible de refaire de la France un grand pays créateur.
Dans ce cadre-là, en effet, il sera possible de relancer notre outil de production, en particulier dans trois domaines : l'agriculture, la pêche, l'industrie.
La préférence communautaire permettra de mettre fin aux jachères, de revenir à l'objectif de l'autosuffisance stratégique alimentaire, et donc de réinstaller une nouvelle génération de jeunes agriculteurs. Pas de pays sans paysans.
Il faut mettre en œuvre une nouvelle politique agricole européenne construite sur les principes suivants.
Toute politique agricole doit tendre en permanence à l'autosuffisance alimentaire de l'Europe.
Cette autosuffisance doit être recherchée d'une part, grâce à l'efficacité et la productivité de l'agriculture européenne, et d'autre part par le respect strict du principe de préférence communautaire.
C'est à partir de ce principe essentiel qu'il sera possible d'établir des prix agricoles européens en rapport avec des coûts de production européens.
Le principe de la jachère obligatoire sera aboli car il contrevient à la culture profonde du monde rural.
Ce qui est vrai de l'agriculture l'est également de la pêche. Les importations sauvages (lotte polyphosphate de Chine, etc.) déséquilibrent le marché européen des produits de la pêche. Ce sont les pêcheurs français qui sont les plus frappés alors qu'ayant fait un remarquable effort de modernisation de leurs équipements, ils pouvaient espérer avoir assuré durablement leur compétitivité.
Il faut relancer notre outil de production industriel.
Pour cela, il est urgent d'arrêter la saignée des délocalisations. Pourquoi donc toutes les politiques de lutte contre le chômage ont-elles échoué en France depuis 20 ans ?
Parce qu'elles butent sur le problème essentiel que toute une génération d'hommes politiques et d'experts ne veut pas voir : c'est la différence des coûts sociaux entre les pays à très bas salaires et nos pays à protection sociale élevée.
Il faut savoir que, face à ce phénomène complétement nouveau., il y a de par le monde, deux types d'attitudes.
Celle des États-Unis qui consiste à s'ajuster à ce phénomène en réduisant les salaires.
Celle de l'Europe qui consiste à s'ajuster en réduisant l'emploi.
Supposons un instant qu'on instaure à trois pays, la préférence européenne. En quelques semaines, nous assisterons au rapatriement de centaines d'usines. Tout refleurirait, reverdirait. Les gens reprendraient espoir. Nous connaitrions une formidable reprise de la création d'entreprises, celles-là mêmes qui créent des emplois.
La conquête
Les pays qui réussissent aujourd'hui, dans le monde, à lutter contre le chômage et l'exclusion, ont mis au centre du jeu économique et social, les trois cercles d'inclusion et de création : l'entreprise, la famille, l'école.
Il faut, dans l'urgence, tout miser sur ces trois cercles créateurs en leur donnant la liberté d'agir, le plus souvent à la place de la puissance publique. Il faut, d'urgence, instaurer :
– la liberté des créateurs ;
– la liberté des familles ;
– la liberté de l'école ;
– la liberté des créateurs.
La liberté des créateurs d'emplois, c'est-à-dire des créateurs d'entreprises. Pour qu'il y ait plus d'emplois, il faut plus d'entreprises. Il faut que dans notre pays il redevienne profitable de procurer un emploi à ses semblables. Les créateurs attendent des gestes forts, immédiats.
La baisse des prélèvements fiscaux. Bien sûr, la France doit redescendre, au terme du prochain septennat, à un taux de prélèvements obligatoires voisin de 35 % – comme le Japon justement – alors que notre pays se trouve aujourd'hui au niveau de 45 % environ.
La suppression de certains impôts. Mais il faut aller plus loin et plus vite. Une volonté politique s'exprime par des symboles. Le "Mouvement Pour la France" propose la suppression de deux impôts décourageants, injustes et spoliateurs :
1. La suppression de l'impôt sur le revenu qui décourage les créateurs.
2. La suppression de la taxe professionnelle qui décourage les investisseurs et entrepreneurs de main d'œuvre.
Naturellement, cette suppression devra s'étaler dans le temps et devra être compensée par un plan de réduction des dépenses publiques de l'État (300 milliards) et des collectivités locales (150 milliards).
Chaque franc de taxe professionnelle économisé est un emploi recréé.
Chaque tranche de l'impôt sur le revenu supprimé est une entreprise supplémentaire.
Le RMI est un échec : au lieu de favoriser l'insertion, il sédentarise dans l'exclusion. Moins de 10 % des Rmistes ont quitté le dispositif du RMI pour un emploi. La véritable insertion passe par l'activité professionnelle.
Il faut substituer au RMI un véritable "Contrat social en entreprise".
De quoi s'agit-il ? De proposer aux Rmistes l'immersion en entreprise. En d'autres termes, il s'agit de donner la possibilité aux entreprises d'accueillir toute personne bénéficiaire du revenu minimum d'insertion. L'idée est que pour 2 800 F. brut (montant du RMI), le bénéficiaire du RMI passera 18 heures en entreprises par semaine. Sa rémunération est égale au Smic horaire. Il pourra consacrer le reste de son temps à la recherche d'un emploi définitif.
Ce projet respecte :
La dignité des Rmistes et leur intérêt puisqu'il s'agit sans aucun doute du meilleur contrat d'insertion possible ; une insertion directe dans le monde du travail.
L'intérêt de l'entreprise, puisqu'aucune participation financière ne lui est demandée et qu'elle devra seulement assumer l'accueil et la prise en charge humaine et professionnelle des intéressés. Jusqu'ici tous les dispositifs mis en place prévoyaient une participation de l'entreprise, ce qui les a conduits à l'échec (ex. : le contrat de retour à l'emploi).
L'entreprise pourra de surcroit bénéficier d'une aide complémentaire à l'insertion prise sur les "crédits insertion", par exemple pour la prise en charge du temps passé par le personnel d'encadrement de l'entreprise à la formation des Rmistes.
La collectivité publique, puisque celle-ci verse déjà les prestations RMI et que cette insertion en entreprise ne lui coûte pas un sou supplémentaire.
Cette expérience, je la fais dans mon propre département. Si je la cite ici, c'est simplement pour dire que tout doit être tourné vers l'entreprise, que seule l'entreprise peut réintégrer les exclus.
La liberté des familles
Il est temps d'instaurer le salaire parental. Il s'agit, – comme la synthèse du questionnaire des jeunes l'a proposée – d'attribuer un véritable salaire, – encore que ce terme ne soit peut-être pas le plus juste – à tous les foyers ayant un enfant de moins de 3 ans, sans condition de revenu et sans condition d'activité professionnelle.
Cette mesure, concernant 2 millions de familles, permettrait notamment de lutter contre l'exclusion et conduirait immédiatement à un chiffre de l'ordre de 100 000 chômeurs en moins :
Beaucoup de femmes au chômage ne s'inscriraient plus au chômage.
Beaucoup de femmes salariées feraient le choix de prévoir dans leur parcours professionnel, un temps d'activité éducative. La mission des parents éducateurs serait, en quelque sorte, enfin considérée comme une mission de service public. Pour beaucoup de femmes, accédant ainsi à la liberté de choix, cette mesure serait un immense progrès social et une liberté nouvelle.
La liberté des écoles
Le système éducatif en France représente près de deux points de PIB de plus qu'en Allemagne. Et il y a, en Allemagne, deux fois moins de chômeurs jeunes de 20 ans.
Notre système est soviétiforme et fonctionne à rendements décroissants, selon le principe du Gosplan, pour cette année encore, la règle appliquée sera la suivante : "Puisqu'il y a, du fait du collapsus démographique, moins d'élèves, il y aura donc plus de profs".
Il y a de moins en moins d'élèves, et malgré tout, on a créé cette année 30 000 postes supplémentaires d'enseignants.
Il faut introduire, en France, le principe moderne de la liberté scolaire, en offrant aux parents ou aux établissements dans lesquels ils ont inscrit leurs enfants une allocation de liberté scolaire pour financer les charges de la scolarité. C'est ainsi qu'on mettra en place une dynamique de l'excellence qui changera de fond en comble le système vieillot et bureaucratique de l'éducation nationale.
Cette réforme devra se faire par référendum.
Mettre fin à l'immigration clandestine
La lutte contre l'exclusion doit enfin s'appuyer sur l'arrêt de toute forme d'immigration clandestine, qui entraine, et pour les immigrés illégaux, et pour les citoyens français, une cascade de malheurs et parfois un climat xénophobe.
Selon Maurice Allais, l'immigration clandestine explique le chiffre actuel du chômage à hauteur de 800 000 chômeurs. On peut estimer à 50 000 entrées par an les arrivées d'immigrants clandestins.
La seule politique possible, en matière d'immigration, pour notre pays doit reposer sur deux principes :
1. La fermeté à l'extérieur
Il convient de rétablir les contrôles aux frontières et donc de dénoncer le traité de Schengen.
Il convient aussi d'autoriser les contrôles d'identité dans les lieux publics, de contrôler la régularité du séjour des étrangers et d'assurer la souveraineté des décisions de reconduite à la frontière.
2. Les étrangers qui ne veulent pas devenir Français et qui sont en séjour régulier doivent pouvoir séjourner chez nous tranquillement, selon nos lois et notre tradition d'hospitalité.
Les étrangers qui veulent devenir Français doivent pouvoir le devenir selon la tradition de l'assimilation, qui n'est ni l'insertion ni l'intégration, sans que cette aspiration puisse devenir un droit, ouvert à tous les étrangers sans destination.
Une réforme du code de la nationalité est nécessaire pour mieux marquer l'importance de l'entrée dans la communauté nationale.
L'acquisition de la nationalité française ne doit pas être une simple formalité administrative.
Il convient tout d'abord que les pouvoirs publics vérifient que le demandeur a assimilé nos valeurs et notre culture : on peut imaginer, en effet, qu'un terroriste du FIS ou un trafiquant de drogue prenne la nationalité française à seule fin de n'être plus expulsable.
Le nouveau Français devrait s'engager solennellement à demeurer fidèle à sa nouvelle patrie, comme doivent le faire les nouveaux citoyens des États-Unis.
C'est à ces deux conditions seulement que la réforme du code de la nationalité peut conduire à l'assimilation des étrangers qui le souhaitent et qui en sont dignes.
Un pacte de probité publique
Notre pays est pris et comme aspiré dans 3 spirales : la spirale de la corruption, la spirale de la suspicion et la spirale de l'impunité.
C'est la confiance qui est altérée. C'est le regard des citoyens qui est blessé. Et c'est la faculté d'indignation qui finit par se perdre.
La corruption devient un spectacle. "Que dis-je, un spectacle ? Il faudrait dire un voyage" : le Luxembourg, le Panama, la Suisse.
Le slogan "Tous pourris" devient un lieu commun. L'intégrité finit toujours par devenir suspecte d'intégrisme. Il est urgentissime de briser, d'enrayer ces trois spirales.
Briser la spirale de la corruption
La corruption est un malheur pour notre pays. Elle est un drame pour la France, pour son image, un drame au sens moral, c'est-à-dire une démoralisation. Rien n'est pire que le slogan "Tous pourris" qui nourrit toutes les contestations de l'extrémisme et du populisme et qui salit tous les élus.
Mais la corruption n'est pas seulement un mal au sens moral qui corrode l'esprit public.
Elle est aussi un poison pour notre économie. Elle fausse la loi du marché. Elle tend à provoquer des travaux inutiles ou surdimensionnés.
Elle est une mauvaise affaire pour les consommateurs, car les dîmes occultes se répercutent sur les coûts de revient ; elle est une mauvaise affaire pour les contribuables, car les commissions occultes sur les marchés renchérissent le coût des infrastructures et sont donc répercutées sur les impôts : elle est une mauvaise affaire pour les entreprises ainsi prises au collet, prises en otages, rackettées.
Il est urgent d'en finir avec cet engrenage qui conduit à jeter au même panier d'opprobre les racketteurs et les rackettés.
Enrayer la spirale de corruption, c'est mettre en œuvre 2 principes nouveaux :
L'indépendance du Garde des Sceaux.
Il faut donner au Garde des Sceaux ce que le Parlement a consenti à la Banque de France, l'indépendance de la justice, c'est-à-dire sa complète émancipation du pouvoir politique, pourra garantir aux justiciables : le secret de l'instruction et, partant, la présomption d'innocence.
Un financement de le vie politique plutôt par les citoyens que par les contribuables
Il y a deux sortes de financement de la vie politique :
– le financement par les contribuables : c'est ce qu'on appelle le financement public ;
– le financement par les citoyens : c'est le financement par les personnes morales et les personnes physiques.
Le financement par les contribuables ne bénéficie qu'aux partis installés. Il n'y a pas un centime pour les partis naissants. Par ailleurs, il s'agit d'un financement obligatoire, d'une carte forcée.
Il serait donc souhaitable, prenant soin d'interdire désormais le financement par les entreprises, de mettre l'accent sur le financement par les citoyens, personnes physiques en déduction d'impôts.
Les contribuables pourraient ainsi prévoir, sur leur feuille d'impôts, une contribution civique qu'ils choisiraient d'affecter à tel ou tel mouvement ou groupement politique.
Je tiens à mettre en garde personnellement et solennellement les parlementaires français qui auront à débattre, dans les semaines prochaines, de la question du financement de la vie politique.
La tentation des grands partis et des groupes parlementaires pourrait être bien évidemment de réserver l'argent des contribuables aux grands partis et aux groupes parlementaires.
C'est d'ailleurs exactement ce qui se passe aujourd'hui, puisqu'un mouvement comme le nôtre, composé de cadres de fédérations départementales qui sont pour beaucoup d'entre eux des élus, ne recevra pas un centime de financement public.
Ce serait une forme de corruption de l'esprit public que de pérenniser cette situation attentatoire à la démocratie.
Elle conduirait, elle conduit déjà, à la cartellisation de l'argent des contribuables, à la carte forcée, non seulement pour le contribuable, mais pour n'importe quel candidat qui est obligé d'en passer par les grands partis pour financer sa campagne, à un club des partis établis, à une sorte de huis clos définitif des ayants droit de la vie politique.
Briser la spirale de la suspicion
Aujourd'hui, tout le monde est soupçonné. Injustement. L'onde de choc des affaires est immense. La réaction du milieu politique alimente le doute : les partis font la tortue romaine.
Que s'est-il donc passé au PS ? Rien. M. Emmanuelli caracole à la tête du PS, pendant qu'il va en correctionnelle.
Que s'est-il passé au PR ? Rien. Sauf un communiqué unanime pour exprimer la solidarité autour de son président.
Les Français ont donc le sentiment d'une solidarité systématique, comme si les partis se comportaient dans un premier temps, face au suffrage, comme des syndicats d'intérêt, dans un deuxième temps, face aux juges, comme des sociétés de protection mutuelle. Pour en finir avec le doute, il faut et il suffit que les hommes politiques acceptent de faire place nette et acceptent finalement d'être traités comme les commerçants, artisans, professions indépendantes.
Ce qui veut dire :
La suppression de tout privilège de juridiction pour les élus.
À l'instar de ce que fait le fisc dans ses contrôles chaque année, le train de vie des élus (ministres, présidents de conseils régionaux, de conseils généraux…) devrait faire l'objet d'un quitus de la Cour des comptes. Le travail de la cour étant de s'assurer que le train de vie (acquisition immobilière…) des élus est bien proportionnel à leur revenu déclaré.
L'interdiction à vie de tout mandat public pour les élus qui auraient été condamnés pour trafic d'influence, corruption, ingérence, pour toutes infractions entrainant un détournement d'argent public.
L'obligation de rembourser les sommes considérées pour tous ceux qui ont triché.
Dans cet esprit, tous les candidats à l'élection présidentielle devraient accepter un audit de contrôle sur leur fortune, depuis leur entrée dans la vie politique – effectué par la Cour des comptes –, afin de garantir par avance leur probité.
Briser la spirale de l'impunité
Les Français ont le sentiment qu'il y a deux justices une justice pour les citoyens, une justice pour les puissants ; que les affaires ne vont jamais jusqu'à leur terme.
Il est donc de salut public d'effacer ce sentiment.
Il faut que les affaires aillent à leur terme. Toutes les affaires.
Y compris celles qui concernent :
– la Société Générale ;
– Bernard Tapie ;
– le François Mitterrand du livre de Jean Montaldo et de "l'Enquête impossible", d'Antoine Gaudino.
Il ne faut pas donner le sentiment qu'un pouvoir cherche à se protéger ou à protéger ses proches.
En d'autres termes, je pense qu'une "loi Carignon" serait une erreur.
Je fais là allusion à la proposition récente du Premier ministre de limiter la détention provisoire aux récidivistes, aux crimes de sang, au trafic de stupéfiants.
La détention provisoire, justement et singulièrement dans les affaires complexes de corruption, est un élément indispensable à la bonne fin des enquêtes. Elle empêche que les preuves ne disparaissent, que les complices ne se concertent. Sa suppression constituerait un nouvel obstacle pour la vérité.
M. Berlusconi en Italie, alors que son frère allait être incarcéré, avait tenté de la supprimer. Une telle mesure en France, sorte de loi Carignon, apparaitrait comme une nouvelle auto-amnistie de la classe politique.
Il est urgent de rendre à la politique sa dignité et de le faire, dès l'école, dès la plus tendre enfance.
L'instruction civique doit aujourd'hui mettre l'accent, dans toutes les classes du primaire et du secondaire, sur le sens de l'intérêt général, le goût du "bien commun".
Il faut faire découvrir aux plus jeunes enfants les valeurs de notre civilisation, le sens des autres, la valeur du dépouillement personnel au service de la communauté, l'honneur et l'abnégation du citoyen, l'amour de la France.
Il faut retrouver le sens de la fameuse "Lettre à Monsieur l'instituteur", rédigée de la main de maitre, en 1883, par Jules Ferry, le fondateur de l'école publique.
Nous pensons, avec Bernard Seillier, qu'il conviendra de créer une véritable "Académie de l'Éducation".
Pour terminer, en vous donnant rendez-vous, à la mi-janvier, pour le congrès constitutif après ces assises de lancement, je voudrais anticiper trois inquiétudes.
Première inquiétude
"Pensez-vous qu'il soit encore possible de soulever le corset de fer, la chape d'habitude de la société française, on devrait dire parfois de la dissociété française ?"
Oui, c'est possible. Par le recours à la souveraineté populaire directe.
Comment faire toutes ces réformes ? Par la loi ? C'est difficile. La loi laisse la porte ouverte à la manif. Et elle appelle aussi le contrôle du Conseil constitutionnel qui la démantèle ou la démembre, l'épisode de la loi Falloux est dans toutes les mémoires.
Il faut donc revenir à la démocratie participative, la souveraineté populaire directe.
Pour cela il est nécessaire de réformer d'entrée la Constitution de la Ve République, dans l'esprit du Générale de Gaulle, afin d'élargir le champ d'application de la procédure référendaire – actuellement réduit au fonctionnement des pouvoirs publics – et aussi d'introduire, dans un certain nombre de domaines, le référendum d'initiative populaire.
Toutes les grandes questions touchant à la souveraineté, à la sécurité, à l'école, à l'éthique doivent pouvoir être soumises au référendum.
Seul le référendum permettra aux Français d'échapper à la dictature molle de l'ordre expert, de l'eurocratie bruxelloise, de la technocratie parisienne, de la société de connivence des sondologues qui fabriquent l'opinion et substituent au jugement personnel un jugement mimétique concocté dans les officines des grandes organisations politiques.
Deuxième inquiétude
"Pensez-vous qu'on peut encore battre Jacques Delors ?"
Oui, c'est possible. C'est probable. À condition, – et c'est la lettre de mission que je remets à chacun d'entre vous – que tous les militants et sympathisants du "Mouvement Pour la France" se fassent les champions des idées anti-Delors.
Qu'est-ce que le delorisme. C'est la dernière idéologie du siècle. Il y eu le nationalisme qui a éventré l'Europe. Il y a eu le national-socialisme, le fascisme qui l'on défiguré. Il y a aujourd'hui le socialisme libre-échangiste, qui l'épuise et lui inflige comme un ultime traumatisme séculaire.
C'est M. Delors qui incarne cette idéologie, parfaitement illustrée, au Parlement européen, par la codirection du PPE (démocrate-chrétien) et du PSE (socialiste).
C'est le libre-échangisme intégral, avec tous ses dégâts, et ensuite l'appel à l'État – RMI, aides aux chômeurs, prélèvements supplémentaires –, pour les réparer.
On ouvre les frontières sans précaution et on charge en prélèvements supplémentaires.
Naturellement, on fait supporter le coût des ajustements au seul secteur privé.
Enfin, troisième inquiétude
"Est-ce qu'on peut encore retourner la courbe de l'histoire, renverser le cours des choses ?" Il y a tant de plaies béantes, tant de cicatrices mal refermées, tant de fractures ouvertes.
Oui, tout est encore possible. Car il y a un mystère de la France.
Il y a, dans le tréfonds de la France, un lot de valeurs inépuisable, une recharge de volonté qui ont toujours donné à notre peuple les cordes de rappel et l'énergie du sursaut.
La création, chez nous, est une seconde nature, l'amour du pays, le sens du service public, la solidarité dans l'épreuve…
Tout ceci est là, dans notre jeunesse, bien enfoui, prêt au déploiement.
Les deux pays, au monde, où les vivants ont le plus de morts sous leurs pieds sont Israël et la France.
Terres de l'énigme et du sacré. Ce mystère monte vers nous et nous enveloppe. Ce mystère est en nous.
Nous avons, lorsque nous foulons le sol de France, cinq milliards d'hommes sous nos pas. L'équivalent d'une planète.
Ils ont façonné nos paysages. Ils ont érigé nos aide-mémoires. Ils sont l'âme de la France. Ils nous invitent à poursuivre ce que le monde entier reconnait comme un vrai chef-d'œuvre de compagnonnage.
Notre mission, aujourd'hui pour demain, est de faire de la France, un grand pays créateur et chaleureux.
Le monde ne veut pas d'une France assoupie.
Le monde a besoin d'une France de la grandeur.
Philippe de Villiers