Texte intégral
M. Solana : Bonjour à tous. Nous allons commencer cette conférence de presse qui marque le terme du séminaire hispano-français qui s'est ouvert hier après-midi et s'est poursuivi avec la séance de travail de ce matin. À ce séminaire, ont pris part les ministres des Affaires étrangères d'Espagne et de France, les ministres de l'Intérieur, les ministres de l'Éducation et les responsables des Affaires européennes de la France et de l'Espagne.
Avant de brièvement passer en revue les questions que nous avons traitées, je souhaiterais formuler une réflexion de caractère général. De notre point de vue cette réunion a été extrêmement utile, elle s'est déroulée dans une atmosphère d'amitié et de collaboration intenses. J'ai personnellement une expérience déjà longue de réunions et de séminaires de ce type et j'aimerais souligner le climat d'amitié et de franchise qui a présidé nos travaux d'hier et de ce matin. La réunion a été utile pour au moins trois raisons fondamentales : d'abord parce que nous avons passé en revue des relations bilatérales tranquilles, sereines, et nous avons constaté qu'entre la France et l'Espagne il n'y a aucun problème fondamental, et que les mécanismes de prévention de conflits potentiels que nous avons mis en place depuis quelques années, fonctionnent bien. Depuis le début de cette année, les relations ont été sans cesse plus intenses entre les deux pays. Ensuite, des raisons d'ordre personnel. Parfois l'on n'accorde pas suffisamment d'importance à la connaissance mutuelle entre les dirigeants politiques, entre les administrations des deux pays. Je voudrais dire comme je l'ai dit ce matin lors de la réunion plénière de clôture, que si un observateur nous avait entendu parler comme nous le faisions, il aurait pensé que nous nous connaissions et étions amis depuis de très nombreuses années, alors que pour certains ministres c'était la première fois qu'ils se rencontraient, et il semblait pourtant que nous nous connaissions de toute la vie. C'est cela le climat dans lequel nous avons travaillé pendant deux jours. En troisième lieu, une réflexion enfin sur la construction européenne. Aujourd'hui la France nous transmet le témoin d'une présidence bien conduite pour que nous soyons à notre tour capables de poursuivre sur la voie qui doit nous conduire à la fin de 1995. 1995 sera sans aucun doute une année durant laquelle tant la France que l'Espagne auront donné des impulsions très significatives sur les questions concernant l'emploi, la préparation du passage à la troisième phase de l'Union monétaire, la politique extérieure de l'Union européenne. En 1995, préparé par la France et mis en œuvre par l'Espagne, nous aurons peut-être un événement de première importance pour l'Union européenne qui sera la Conférence euro-méditerranéenne une Conférence préparée par deux pays qui se sentent extrêmement méditerranéens, deux pays qui savent que cette dimension méditerranéenne est absolument fondamentale pour une Europe équilibrée, comme le souhaitent la France et l'Espagne. Enfin, je vous dirai que nous avons longuement, et avec franchise, abordé les questions liées à la sécurité sur notre continent. L 'UEO et ses relations avec l'Union européenne ont en effet figuré aussi à l'ordre du jour. Nos deux pays se préoccupent, au sens positif du terme, du rôle que l'UEO doit jouer à l'avenir par rapport aux institutions de l'Union européenne. Nous avons l'occasion au cours de ce second semestre, pendant lequel l'Espagne va présider les deux institutions, de donner un élan, au moins à la réflexion, sur ce que doit être cet avenir commun. Le ministre français me suggérait qu'à la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, le gymnich, qui se tiendra en septembre, ici en Espagne, l'un des thèmes sur lesquels nous pourrions discuter de manière informelle, non seulement à deux, mais à quinze, pourraient peut-être être la poursuite de la discussion sur l'évolution de l'UEO et de ses relations avec l'Union européenne. Un mot pour terminer sur les défis qui se présentent à nous deux d'ici la fin du siècle. Il nous est revenu, tant à la présidence française qu'à la présidence espagnole et à la présidence qui suivra, très concrètement la présidence italienne, elle aussi présidence méditerranéenne, de préparer, et de bien préparer, ce qui doit être l'Europe de la fin du siècle et l'Europe du XXIe siècle. Il nous revient à la suite des accords pris au sommet de Cannes que le groupe de réflexion travaille avec audace, hauteur de vues, ambition, pour que la conférence intergouvernementale de 1996 soit un succès qui nous permette de définir l'Europe de cette fin de siècle et l'Europe du siècle qui approche. Enfin, nous avons traité du terrible conflit en ex-Yougoslavie qui nous tenaille tous, non seulement le cœur, mais aussi l'esprit et la volonté. Sur la Bosnie, nos deux pays partagent beaucoup de choses. Nous avons des troupes déployées sur le terrain, nous coopérons dans toutes les enceintes internationales et nous avons l'engagement mutuel de continuer de coopérer ensemble dans un objectif commun : que la lumière apparaisse enfin dans ce tunnel qui n'a que trop duré. J'aimerais mettre à cet instant, trois idées sur la table : le maintien en premier lieu de la cohésion internationale. S'agissant de la France, en sa qualité de membre permanent du conseil de sécurité, et de l'Espagne en sa qualité de président de l'Union européenne, nous allons nous efforcer de le faire. Deuxièmement, je voudrais souligner l'urgence. Le temps commence à nous filer entre les mains. Les informations qui nous reviennent sur la situation sur le terrain ne sont pas des informations positives. De là l'urgence à mener à bien toutes les initiatives. En troisième lieu, c'est peut-être là le point le plus important qui est sorti du conseil européen de Cannes, nous lançons un appel à toutes les parties pour donner une nouvelle chance à la paix, une chance qui doit être liée à l'initiative diplomatique, à l'initiative politique. Nous avons un nouveau négociateur, qui œuvre au nom de l'Union européenne. Nous pensons que M. Bildt travaille bien et que nous aurons au cours des mois à venir une nouvelle lueur, un nouvel espoir pour que prospère ce dialogue politique en train de s'amorcer. Disant cela, nous ne voulons pas dire que nous sommes optimistes, que nous sommes ingénument optimistes. Nous savons bien que le [illisible] est d'une énorme complexité. Mais les difficultés et la complexité ne doivent pas freiner nos désirs de travailler avec ténacité, ensemble, la France et l'Espagne, afin de trouver, comme je le disais au début, la lumière au bout de ce tunnel.
Pour terminer, je voudrais remercier le ministre français des Affaires étrangères, le ministre de l'Intérieur, le ministre des Affaires européennes et l'ensemble de leurs collaborateurs pour le climat qu'ils ont, avec la délégation espagnole, favorisé. Je suis très heureux du déroulement de ce séminaire. Je suis sûr qu'à l'avenir nous serons capables de continuer à travailler avec la même intensité et avec le même sens de la responsabilité, comme nous venons de le faire ici. Merci monsieur le ministre.
M. de Charrette : Monsieur le ministre merci de ce dernier compliment, mais il n'était vraiment pas légitime car c'est plutôt la délégation française qui doit exprimer au gouvernement espagnol ses remerciements pour les conditions dans lesquelles ce séminaire s'est déroulé. Nous avons été très sensibles au fait que vous nous accueilliez dans ce lieu à la fois historique et grandiose, très propice à notre travail commun. Nous avons tous été très sensibles à la chaleur, à la qualité de l'accueil. Personnellement, je voudrais dire à Javier Solana que j'ai beaucoup de plaisir à me trouver à ses côtés depuis deux jours, comme nous le sommes depuis quelques semaines dans les instances européennes. Je dirai tout à l'heure quelques mots des relations franco-espagnoles dont je souhaite, excellentes comme elles sont, qu'elles s'approfondissent chaque jour davantage. La personnalité du ministre espagnol des Affaires étrangères contribue à cette perspective.
Ce séminaire s'est déroulé avec comme perspective le fait que la France a passé à l'Espagne le flambeau de la présidence de l'Union européenne. C'est une lourde charge. Je l'ai expérimenté pendant quelques semaines et je vois bien que c'est désormais la responsabilité personnelle du ministre espagnol des Affaires étrangères et de l'ensemble de ses collègues. Qu'il s'agisse de l'emploi et de la monnaie unique, puisqu'au sommet de Madrid nous devrons approuver le scénario de passage à la monnaie unique, décision prise à Cannes, décision forte et lourde de conséquences. Ce sera le moment où l'on passera à l'acte. Concrètement, nous avons pris et confirmé des décisions politiques. Maintenant il faut les mettre en œuvre à Madrid. De ce point de vue, ce sommet sera important.
Il y a bien entendu le très important dossier de préparation de la conférence intergouvernementale dont nous avons parlé à la lumière des premiers travaux conduits sous la responsabilité de M. Westendorp et auxquels, pour la France, participe M. Michel Barnier. C'est un groupe de travail extraordinairement important dont les travaux doivent, dans un premier temps, faire l'objet d'un premier rapport à l'automne, puis d'un rapport définitif à la fin de l'année. Ils vont conditionner sans aucune doute la façon dont la conférence intergouvernementale pourra se dérouler et les résultats qu'elle pourra obtenir. Je suis tout à fait désireux, pour ma part, que ce soit, entre nous, Français et Espagnols, un sujet de travail en commun.
Nous avons également évoqué tout ce qui concerne la Méditerranée, l'un des événements forts de la présidence espagnole. Je suis très heureux que la conférence euro-méditerranéenne se réunisse sous la présidence espagnole. La conférence de Barcelone sera sans aucune doute un moment extrêmement fort et novateur dans les relations entre l'Europe et les partenaires du sud de la Méditerranée. Ce sera un moment historique ; le point de départ de quelque chose qui n'existait pas jusqu'alors et qui devra contribuer au développement, au dialogue politique et à la paix en Méditerranée. La France y attache beaucoup d'importance et se réjouit de ce que l'Espagne, dans ses fonctions de président de l'Union européenne, ait la charge de conduire cet important événement.
Il y a aussi car dans la politique européenne le volet international est très important, ce qui concerne dans le cadre des relations entre l'Europe et l'Asie, la préparation de la réunion de Bangkok l'année prochaine, le lien transatlantique auquel vous êtes très attachés, nous aussi, les liens entre l'Europe et l'Amérique latine, autant de sujets que nous avons évoqués et sur lesquels nous fondons des espoirs légitimes, et sur lesquels nous avons des points de vue communs.
En second lieu, je voudrais dire que j'ai été frappé au cours de nos travaux et de nos réflexions sur le volet européen de constater que la France et l'Espagne ont la même idée de l'Europe. Il y a beaucoup d'eurosceptiques à travers le monde et à travers l'Europe ; je crois que nous sommes des euros convaincus. Je crois par conséquent que nous pouvons faire beaucoup ensemble, dans les mois qui viennent, pour que nous puissions préparer ensemble la conférence intergouvernementale.
Enfin, s'agissant des relations franco-espagnoles, elles sont non seulement bonnes mais excellentes. Ce séminaire en est une preuve parmi d'autres, car les ministres de la Défense doivent se voir prochainement aussi que les ministres de l'Agriculture et de la Pêche. Bref, nous avons maintenant une procédure de travail constante entre nos deux pays et nous n'avons pas de sujets de divergence. J'ai proposé à M. Solana que nous ayons à l'esprit de renforcer à tout instant notre travail commun de façon à ce que les relations franco-espagnoles deviennent l'une des bases de la construction européenne. Nous avons d'ores et déjà au moins deux sujets sur lesquels je souhaite que nous travaillions en commun. C'est d'une part tout ce qui concerne la Méditerranée, et la préparation de la conférence intergouvernementale. En dehors des procédures à quinze, j'ai suggéré que nous ayons une réflexion à deux qui nous permette d'approfondir nos idées, de confronter nos vues, voire d'élaborer le cas échéant un point de vue commun qui serait, je crois, très utile à la solution des questions que nous aurons à résoudre.
Nous avons en perspective le sommet franco-espagnol, dans les prochaines semaines, à l'automne, les dates n'en sont pas encore complètement arrêtées. Nous avons en perspective le prochain séminaire franco-espagnol en 1996, qui se tiendra en France. Nous essaierons de l'organiser aussi bien que celui-ci. Et, entre-temps, ce travail d'approfondissement de nos relations, car je souhaite qu'entre la France et l'Espagne, notamment dans le cadre européen, nous organisions, avec un vrai volontarisme, une coopération particulièrement étroite.
M. Belloch, ministre espagnol de la Justice et de l'Intérieur – la déclaration que le ministre français de l'Intérieur, M. Jean-Louis Debré et moi-même avons élaborée, à l'occasion de nos travaux va vous être distribuée. Je me limiterai à en commenter quelques points.
En premier lieu, nous avons constaté que la mise en œuvre effective d'Europol constitue une nécessité pour la sécurité commune de tous les pays de l'Union européenne. Une nécessité tellement évidente que personne ne veut la conditionner à des petits problèmes ou discussions d'ordre technico-juridiques. D'autre part, en ce qui concerne l'espace Schengen. Nous sommes tombés d'accord sur le rôle fondamental de l'accord Schengen comme moteur de l'intégration de l'Union européenne. Toutefois dans le même temps, les deux délégations reconnaissent que pour que Schengen puisse jouer son rôle, il est nécessaire que les choses fonctionnent vraiment bien au sein de l'espace Schengen, sur des questions aussi importantes que les critères en matière d'immigration, les contrôles frontaliers, l'octroi des visas. Nous nous proposons, M. Jean-Louis Debré et moi-même, de faire de la frontière intérieure entre la France et l'Espagne. Un exemple d'efficacité de fonctionnement de l'accord de Schengen.
En troisième lieu je soulignerais, comme manifestation concrète de cette coopération, notre décision de créer cinq nouveaux commissariats conjoints à la frontière. Comme vous le savez, il y avait jusqu'à présent, et avec de très bons résultats, le commissariat conjoint du Perthus-La Jonquera. Nous avons donc décidé d'en créer cinq autres qui seront établis à Irun, Hendaye, Le Pont du Roi, Canfranc-Somport, Dancharia et Arneguy-Valcarlos, qui devront entrer en fonctionnement avant le 1er janvier 1996.
Je souhaiterais souligner l'importance de la question de la lutte contre la drogue, contre le trafic de stupéfiants. Il s'agit de l'une des priorités policières pour l'ensemble de l'Union européenne et, évidemment, d'une priorité pour nos deux pays. Dans ce domaine sont fondamentaux, et c'est comme cela que nous les percevons, les travaux de la conférence d'harmonisation des législations en matière de trafic de drogues. Nous estimons que sans cette intégration, sans cette homogénéisation des législations, tant dans le cadre de Schengen que dans celui plus général de l'Union européenne, la tâche de nos polices, de nos forces de sécurité, serait particulièrement difficile.
Nous avons constaté l'extraordinaire importance et gravité du terrorisme de l'ETA pour les deux pays et la France, dans la ligne de la collaboration qu'elle suit depuis ces dernières années, a en outre pris l'engagement de renforcer les moyens en personnel et matériels dans la lutte contre l'ETA. Nous estimons ainsi fondamental d'unir nos efforts contre les menaces d'un terrorisme d'une importance particulière, les menaces du terrorisme lié à l'intégrisme. Dans ce domaine nous avons décidé d'unir nos efforts pour le prévenir et, le cas échéant, pour le réprimer.
M. Jean-Louis Debré : C'est avec un grand plaisir que j'ai rencontré mon homologue Alberto Belloch et Margarita Robles, secrétaire d'État à l'Intérieur. Deux questions de la plus grande importance pour les deux pays ont été abordées : la nécessité, pour la sécurité de tous nos citoyens, de l'entrée en vigueur de la convention Europol, la volonté commune de mettre : à profit, de chaque côté de la frontière, la coopération bilatérale dans la lutte contre l'immigration illégale, la criminalité, le trafic de stupéfiants. À cette fin ; nous avons décidé d'établir un total de six commissariats conjoints. Surtout, nous avons réaffirmé notre détermination à lutter contre toute forme de terrorisme.
Q. : Une question pour les deux ministres des Affaires étrangères sur la Bosnie, et plus concrètement sur la Force de réaction rapide. Dans quelle mesure cette Force est-elle disposée à faire usage de la force au moment où en Bosnie des populations civiles souffrent tragiquement de l'absence d'approvisionnement, alors que les Casques bleus français subissent les attaques des serbo-bosniaques ? Dans quelle mesure l'Union européenne est-elle prête à faciliter la rapidité de la prise de décision au sein de la chaîne de commandement de cette Force ?
M. de Charrette : Sur cette question toujours difficile, je voudrais essayer d'apporter un peu de clarté. La Force de réaction rapide a été décidée dans son principe par le groupe de contact, il y a maintenant près de six semaines, puis par le Conseil de sécurité. Elle est donc un dispositif placé dans le cadre du dispositif international de l'ONU en Bosnie-Herzégovine, elle est sous commandement français et britannique, elle sera installée comme un moyen de réagir rapidement comme son nom l'indique, dès lors que la FORPRONU se trouverait exposée à des attaques. Elle sera en place prochainement. Les éléments français quant à eux sont pratiquement désormais en place et les éléments britanniques ont un peu de retard. Quant aux éléments néerlandais, leur présence n'est pas encore effective. Lorsqu'elle sera entièrement sur place, elle contribuera à résoudre les problèmes. Et vous avez parlé de Sarajevo. Vous pourriez parler aussi des enclaves où le problème est similaire. Parlons de Sarajevo. La situation actuelle est une situation dans laquelle la FORPRONU est empêchée d'accomplir l'un des volets de sa mission qui est l'aide humanitaire. Il faut livrer aux populations de Sarajevo les moyens de vivre dont elles ont besoin. Ces moyens seront dont livrés. Soit parce que la négociation aura permis dans les jours qui viennent de dégager des accès terrestres à Sarajevo, soit, à défaut, parce que la FORPRONU aura ouvert la piste du Mont lgman et qu'elle y assurera la circulation des convois d'aide humanitaire, le cas échéant en faisant usage de la force de réaction rapide. Je voudrais ajouter que dans la période qui vient, il est tout à fait important que la présidence de l'Union européenne, c'est-à-dire en l'occurrence le ministre espagnol des Affaires étrangères, soit complètement associée aux réflexions et aux décisions que nous conduisons, au titre même de l'Union européenne.
Q. : Je voudrais demander au ministre espagnol de l'Intérieur s'il a évoqué avec son collègue français le report de l'application effective de l'accord de Schengen par la France et son opinion sur cette question ?
M. Belloch : Oui nous en avons parlé. Je l'ai d'ailleurs signalé dans mon propos liminaire et cela figure dans le texte de la déclaration qui va vous être distribuée. Du point de vue de l'Espagne, la position de la France constitue une tentative de garantir à cent pour cent le succès de Schengen. C'est ainsi que nous voyons la position de la France. Bien entendu, l'Espagne va joindre ses efforts à ceux de la France pour garantir le succès de Schengen.
M. Jean-Louis Debré : Je souhaiterais que nous profitions des six mois qui viennent pour faire en sorte que certain dysfonctionnement qui ont pu apparaître soient levés et, pour ce qui concerne le ministère de l'Intérieur français, nous mettons tout en œuvre pour qu'il ne puisse y avoir à notre égard aucun reproche. Mais nous souhaitons aussi que cette position soit partagée par l'ensemble de nos partenaires car il faut absolument que dans les six mois qui viennent, les problèmes qui ont pu, et c'est normal, apparaître, disparaissent.
M. de Charrette : Je voudrais ajouter un mot. Mon collègue a indiqué que c'était la position du ministre de l'Intérieur, c'est non seulement la position du ministre de l'Intérieur, c'est la position du gouvernement français qui souhaite en effet utiliser ces six mois pour rendre aussi parfaits que possible les mécanismes de fonctionnement de Schengen. Mais nous continuerons à considérer que si Schengen marche, Schengen est un progrès dans le domaine du contrôle de nos frontières et de la sécurité de nos populations.
Q. : Je souhaiterais demander à M. Debré qu'il nous explique comment se présentera cet été le passage à la frontière entre la France et l'Espagne affecté par la décision française de retarder l'application de l'accord de Schengen ? À M. Solana, je demande si des Espagnols participeront à la Force de réaction rapide et si des éléments de celle-ci seront déployés à Mostar ?
M. Debré : Je voudrais faire trois remarques. Tout d'abord, la situation actuelle est maintenue pendant six mois. Deuxième remarque, les ministres des Affaires européennes vont, pendant ce délai de six mois, se rencontrer à trois reprises pour faire l'inventaire des problèmes et proposer des solutions. Enfin, je vous l'ai dit tout à l'heure et mon collègue espagnol l'a dit aussi, nous souhaitons que la coopération entre la France et l'Espagne soit exemplaire, non seulement dans six mois mais dès maintenant, et qu'au-delà du passage des frontières qui peut vous poser quelques problèmes, nous fassions en sorte que, par le contact que nous avons déjà eu, que nous avons et que nous aurons, il y ait non seulement ces six commissariats, mais en ce qui concerne l'ensemble de la coopération policière, dans tous les domaines, celle-ci soit exemplaire. Alors rassurez-vous Monsieur, dans six mois vous n'aurez plus à poser cette question.
M. Solana : Depuis le début de la formation de la Force de réaction rapide, nous avons été en contact et nous sommes arrivés à la conclusion que la manière la plus utile de contribuer à cet effort est de maintenir pour un temps, plus long que celui qui était prévu, nos avions F18 à Aviano afin de continuer à assurer le contrôle de l'espace aérien. Cela nous est apparu être la manière la plus efficace de contribuer à l'effort commun et c'est ainsi que nous agissons. D'autre part. s'agissant de savoir s'il faudrait recourir à la force pour ouvrir la route du Mont lgman vers Sarajevo, il reviendra au commandement militaire sur le terrain de procéder à la distribution des forces qu'il jugera la plus opportune à tout moment. Heureusement, dans la ville de Mostar, où se trouve une partie importante du contingent espagnol, la situation, en ce moment, est plus calme que dans d'autres endroits. Espérons qu'il ne soit pas dès lors nécessaire d'utiliser la Force de réaction rapide dans la ville de Mostar où les choses sont actuellement tranquilles.
M. Belloch vient d'annoncer le renforcement par la France des moyens matériels et en personnels de la lutte contre l'ETA. M. Debré, ce renforcement ne démontrerait-il pas, peut-être, que les moyens actuels ne sont pas suffisants ou bien, qu'au contraire, au cours des derniers temps, l'activité de l'ETA aurait augmenté en France, ou que vous craigniez qu'à l'avenir elle pourrait s'accroître en France ?
M. Debré : Il n'y a pas que les journalistes français qui posent des questions perverses ! La coopération entre la France et l'Espagne en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, et en particulier contre le terrorisme de l'ETA, est une bonne coopération et une coopération efficace. Mais dans ce domaine, et vous le savez mieux que quiconque, il convient chaque jour d'être plus efficace et par conséquent nous avons souhaité renforcer cette coopération pour la rendre plus efficace et c'est le sens des efforts que nous faisons. N'y voyez pas de critique de ce qui a été fait, ni une autre interprétation. C'est notre volonté commune de rendre dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, mais aussi dans le domaine de la lutte contre la grande criminalité ou la criminalité organisée, notre coopération plus efficace. Cette coopération plus efficace va se matérialiser par un renforcement des moyens dont dispose la police française dans ce but, et aussi par un échange d'informations plus important et la mise à la disposition de nos services de lutte contre le terrorisme, et en particulier certaines formes de terrorisme, de fonctionnaires en nombre plus important.
Q. : Une question sur la monnaie unique qui s'adresse au ministre espagnol. Selon quelles modalités la présidence espagnole prépare-t-elle le scénario de référence pour le conseil de Madrid, et y a-t-il en particulier, ou est-il prévu, une coordination spécifique entre Paris et Madrid sur ce point ?
M. Solana : Comme vous le savez, à Cannes nous avons approuvé le développement du Livre Vert sur le passage à la troisième phase. Comme vous le savez, le Livre Vert a trois différentes phases : la phase A. la phase B et la phase C. Les problèmes se posent peut-être autour de la phase B. Et sur la phase B, comme vous le savez bien, il y a deux positions, je vous dirais que la position que l'Espagne défend à ce sujet serait plus proche de la position que défend la France que de celle que défendraient d'autres pays. Je ne sais pas si cela suffit à répondre à votre question. Nous sommes très proches de la position française concernant le développement des trois phases.
Q. : Deux questions rapides. La première à M de Charette pour savoir quand, à son avis, la Force d'intervention rapide sera pleinement opérationnelle ? La deuxième question à MM. Debré et Belloch pour savoir ce qui motive concrètement la création de cinq nouveaux commissariats à la frontière franco-espagnole ?
M. de Charrette : Sur la première question, je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une force d'intervention mais d'une force de réaction. L'appellation n'est pas neutre puisqu'elle indique très précisément à quoi sert cette capacité. Elle est pour ce qui concerne le contingent français pratiquement opérationnelle et le ministre de la Défense français a indiqué que pour ce qui nous concernait ce serait fini à la fin de la semaine. Pour les Britanniques, ce n'est pas le cas, je pense que cela devrait l'être d'ici la fin du mois de juillet. Voilà les indications précises que je peux vous donner.
M. Belloch : Ce n'est pas le seul mécanisme, mais un mécanisme qui doit se conjuguer aux mécanismes de contrôles mobiles policier au long de la frontière. Mais finalement, l'ensemble du dispositif vise d'une part à renforcer le respect des droits des migrants en situation régulière et, dans le même temps à renforcer les contrôles et à réprimer les réseaux illégaux d'immigration clandestine, et enfin à garantir que dans le cadre de cette frontière intérieure on atteigne les objectifs de Schengen.
M. Debré : Quatre objectifs, quatre raisons, nous incitent à créer ces cinq commissariats : la première c'est le résultat, positif, de la première expérience. La deuxième c'est notre volonté de mieux organiser la sécurité générale de la France et de l'Espagne et de mettre en commun nos capacités et nos moyens. La troisième c'est de faciliter les réadmissions. Quatrièmement c'est de bien montrer que Schengen ce n'est pas la disparition des contrôles mais c'est une autre organisation des contrôles et nous souhaitons que cette autre organisation des contrôles soit plus efficace que celle qui régissait nos rapports auparavant. Par conséquent, c'est l'aboutissement d'un processus.