Déclaration de Mme Michèlle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur l'économie du tourisme et l'investissement touristique, son rôle dans l'aménagement du territoire et sur l'emploi, Paris le 21 octobre 1998.

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Circonstance : Rencontres de l'AFIT 1998 à Paris le 21 octobre 1998

Texte intégral

Messieurs les présidents,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,


Vous avez insisté les uns et les autres ce matin sur l'importance qu'a prise l'économie touristique dans notre pays et sur le rôle déterminant qu'elle joue dans l'aménagement du territoire et l'emploi.

Je ne peux que souscrire à ce point de vue que j'affirmais avec conviction depuis mon arrivée à ce poste ministériel.

Le tourisme est en effet, comme vous l'avez rappelé Monsieur GODINO, l'un des plus gros contributeurs à notre commerce extérieur et à notre balance des paiements. Il est aussi l'un des principaux gisements d'emplois du secteur des services.

Je ne reviendrai pas sur les grands chiffres qui caractérisent cette activité aujourd'hui, tant en termes de fréquentation que de chiffre d'affaires. Vous les connaissez tous.

Pourtant, il m’apparaît extrêmement important de rappeler chaque fois que je le peux, que ce secteur ne peut fonctionner tout seul. Il nécessite pour son développement et pour exprimer pleinement ses potentialités en termes de croissance et d'emploi, un soutien régulier dans les domaines de l'ingénierie, de la recherche, de l'investissement, de la promotion et de la mise en marché.

C'est pourquoi je tiens à rappeler ici mon attachement à l'intervention publique de l'État et des collectivités locales en la matière, aux côtés du secteur privé et associatif. Mais j'y reviendrai dans quelques instants.

Il y aurait en effet un risque majeur à ce que la France n'investisse plus assez dans son tourisme, au moment même où la compétition entre les pays européens et du reste du monde est de plus en plus forte, où de nouvelles destinations émergent, favorisées en cela par le développement de l'aérien et ses nouvelles politiques tarifaires.

De surcroît nous avons devant nous un grand nombre d'enjeux à relever. Celui d'un meilleur aménagement de notre territoire pour une meilleure répartition de la fréquentation, des recettes et des emplois touristiques.

Celui également de tirer le meilleur profit de l'augmentation spectaculaire que nous annonce l'Organisation mondiale du tourisme en matière d'échanges touristiques internationaux. Ceux-ci, vous le savez tous, devraient tripler d'ici 2020.

Concernant l'aménagement de notre territoire, une idée commence maintenant à être de plus en plus admise : c'est que le tourisme pourrait bien être une des composantes essentielles, voire une locomotive du développement local.

En effet, ce sont les territoires dont l'image touristique est la plus forte, qui sont aujourd'hui les plus attractifs pour les entreprises et les investissements financiers. Les statistiques de la DATAR en apportent de nombreux témoignages.

De même certains projets phares peuvent entraîner derrière eux tout un développement car ils sont emblématiques de la vocation économique d'une région : voyez Poitiers avec les nouvelles technologies de l'image, ou encore Nausicaa sur le thème de la préservation et de l'exploitation des mers et des océans.

C'est à cette mise en désir des territoires et à la valorisation de leur image, que mon ministère entend contribuer au travers de sa politique de développement local.

Cela implique, chacun le sait, d'adapter en permanence notre économie touristique nationale à l'évolution des attentes des clientèles et de réagir aux initiatives des pays concurrents.

Ceux-ci ont parfois des avantages compétitifs importants (durée de la saison, coûts de la main d'oeuvre, coûts de la construction, fiscalité plus légère). Je pense en particulier aux pays du bassin méditerranéen qui veulent légitimement prendre leur part du développement de l'économie touristique européenne et qui ont fait de nombreux progrès dans le secteur du tourisme.

Aussi, nous faut-il tous ensemble stimuler la capacité d'innovation et d'initiatives des acteurs français sous peine de voir le développement du tourisme tant espéré, se faire hors de nos frontières. Il faut que nos jeunes puissent créer des activités, apporter leur enthousiasme et leur créativité au secteur touristique et y prendre toute leur place.

Durant ces rencontres, de nombreux responsables publics locaux ont évoqué leur volonté de créer des emplois en particulier en direction des jeunes, y compris dans des zones où la rentabilité financière n'est pas toujours suffisamment forte pour attirer les investisseurs.

Ces responsables cherchent donc à créer les conditions qui leur permettront de trouver des partenaires pour investir dans un secteur qu'ils pensent à juste titre facteur de croissance.

Aussi la question du financement de l'investissement touristique, telle que les trois acteurs de ce débat l'ont posée, est donc bien primordiale pour l'avenir du tourisme français.

Les pouvoirs publics sont à ce niveau souvent interpellés soit directement dans le financement des projets, soit pour créer las conditions les plus favorables à l'investissement touristique.

Dès lors, quelle politique financière doit-on mener ?

Faut-il baisser artificiellement les taux d'intérêt et exonérer le tourisme des conditions du marché en ce qui concerne le coût de l'argent ?

L'État ne souhaite plus avoir recours à la politique de bonifications sectorielles du financement de l'investissement.

En revanche, et pour répondre à l'interpellation de Monsieur Godino, le tourisme devrait bénéficier de nouvelles dispositions favorisant l'intervention des collectivités dans son financement.

En effet un projet de loi étendant les capacités d'intervention des collectivités territoriales et locales en matière d'aide économique aux entreprises, y compris du secteur du tourisme, est actuellement à l'étude.

Faut-il apporter des avantages fiscaux aux investisseurs touristiques ?

La défiscalisation est un levier puissant mais dont les effets peuvent être parfois non maîtrisables au niveau des territoires. Elle peut en effet contribuer à saturer des sites déjà très aménagés et générer des abus, voire des dégâts, lorsque son encadrement est insuffisant.

Deux exemples peuvent en constituer une bonne illustration :

- la défiscalisation hôtelière qui a été supprimée à la demande des hôteliers eux-mêmes après avoir conduit au suréquipement de certaines villes ;
- la loi Pons, qui a suscité dans les DOM-TOM des flux d'investissement incontestables, mais aussi des excès qui ont nécessité de fermes encadrements des pouvoirs publics.
- C'est cependant par la défiscalisation que nous venons de trouver des solutions pour la réhabilitation de l'immobilier de loisirs, mais dans des conditions d'encadrement très précises et issues d'une longue concertation avec les acteurs concernés.

J'ai souhaité en effet, apporter une réponse opérationnelle et pérenne au double problème de la réhabilitation et de mise en marché de ces hébergements touristiques dont le parc a terriblement mal vieilli ces dernières années.

C'est ainsi qu'avec les ministères compétents et en concertation étroite avec las professionnels et les associations d'élus concernés, s'est engagée une réflexion qui a abouti à l'élaboration d'un nouveau concept juridique : le Village Résidentiel de Tourisme (VRT).

Celui-ci permettra, sur un territoire déterminé, de mener par le biais d'un opérateur unique, des opérations de réhabilitation de l'immobilier touristique bénéficiant d'une récupération de TVA.

Ce nouveau concept d'incitation à l'investissement, me semble à bien des égards exemplaire de ce que pourrait être la nouvelle approche du financement des équipements ou projets touristiques.

Une approche plus partenariale, plus proche de la réalité des territoires et des attentes de leurs acteurs économiques. Une approche contractuelle où l'effort public va là où l'intérêt public l'exige et où ses effets sur les projets sont cernables et mesurables.

C'est aussi cette approche qui guide désormais l'intervention financière du secrétariat d'État au Tourisme, dans ses trois grands domaines d'intervention.

La première relève de la recherche et du soutien en termes d'ingénierie.

Il est extrêmement important que les projets de développement liés au tourisme fassent l'objet d'une analyse préalable en termes de faisabilité, de rentabilité et pour tenter d'évaluer leur viabilité et leurs retombées potentielles dans l'économie et l'emploi.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité conforter la mission d'observation économique, d'évaluation et de recherche du secrétariat d'État au Tourisme. Cela se traduira dès 1999 par de nouvelles ressources humaines au niveau de la Direction du Tourisme et par un relèvement très significatif du budget de l'AFIT dont nous venons de renouveler la mission pour les six prochaines années.

Le second domaine concerne le soutien à l'investissement et la participation de mon ministère dans le financement des projets.

Le budget du secrétariat d'État au Tourisme, est un formidable outil d'appel des fonds disponibles potentiellement pour l'investissement touristique. Que ce soit au niveau central ou déconcentré, il permet en effet, de mobiliser non seulement les moyens des collectivités territoriales mais aussi ceux des autres ministères qui sont nos partenaires naturels.

Je pense à celui de la Culture et de la Communication avec lequel j'ai signé récemment une convention de partenariat, à celui de I' Agriculture dans le domaine du tourisme vert, ou encore au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire avec en particulier le Fond National d'Aménagement et de Développement du Territoire (F.N.A.O.T.).

Je pense aussi au ministère de la Défense et à celui des Anciens Combattants avec lesquels j'ai engagé une démarche de valorisation du tourisme du Souvenir.

Mais ce budget permet enfin de mobiliser les fonds structurels européens si importants dans le montage financier des projets publics, privés et associatifs.

C'est ce rôle essentiel de levier que je souhaite conforter dans les contrats de plan à venir. Je crois une fois encore, que la voie contractuelle est la mieux adaptée pour soutenir les projets de développement, d'organisation et de valorisation d'une offre touristique qui répondant au plus près à la réalité des territoires, et aux attentes de leurs habitants et de leurs visiteurs.

Le troisième domaine d'intervention est bien évidemment celui de la promotion et de la mise en marché de notre offre touristique nationale. Maison de la France et son réseau en est le principal outil.

J'ai souhaité dans le prochain budget 1999, relever de façon très importante ses moyens d'intervention, qui une fois de plus, permettent de mobiliser les financements des autres collectivités publiques en particulier au travers des Comités régionaux et départementaux de tourisme, et ceux du secteur privé.

J'entends ne pas me limiter à un effort ponctuel dans ce domaine, mais poursuivre cette progression dans les années à venir.

L'expérience de la Coupe du Monde de Football est, en ce sens, extrêmement intéressante à analyser. Alors que beaucoup croyaient qu'à l'image de l'Italie ou de l'Espagne, notre économie touristique allait souffrir en raison de cet événement, nous avons fait la démonstration qu'en mobilisant l’ensemble de la grande famille touristique et des moyens à la hauteur de l'enjeu, nous étions capables non seulement d'atténuer ses effets négatifs, mais aussi de réussir une excellente saison estivale 1998.

Les maîtres mots de ce succès ont été comme dans bien des cas, la qualité et le partenariat.

La qualité, dont ont su faire preuve les collectivités et professionnels de l'hébergement, de la restauration et des loisirs.

Le partenariat, qui nous a uni depuis plus d'un an sur l'ensemble des marchés étrangers concernés et qui nous a permis de réussir notre pari.

Il nous faut capitaliser sur cette nouvelle image touristique d'une France plus conviviale, plus dynamique, plus professionnelle.

Pour ce faire et comme le rappelle opportunément cette manifestation, il importera aussi que le financement du secteur touristique ne soit pas seulement l'affaire de l'État ou des collectivités locales.

Les financiers et les investisseurs, vous l'avez rappelé, ne se sont pas suffisamment Intéressés à notre secteur ces dernières années. Il nous faudra donc les remobiliser en leur démontrant toutes les potentialités et le dynamisme de l'économie touristique française dont je rappelle qu'elle se situe, avec un excédent de la balance des paiements de plus de 66 milliards de francs, devant l'automobile et l'agro-alimentaire.

Nous devrons réapprendre à travailler ensemble. L'expérience montre en effet que c'est en rapprochant la volonté publique et les moyens dont disposent les collectivités locales d'une part et les dynamiques privées d'autre part, que se trouvent les solutions d'investissement les plus réalistes.

Cela pourrait se faire au travers de véritables contrats respectant la transparence et garantissant avec rigueur l'intérêt général des projets ainsi financés.

Les champs essentiels de progrès sont donc ceux de la négociation public-privé et de la qualité des projets.

Nous devrons aussi de plus en plus apprendre à raisonner, comme vous le disiez il y a quelques instants, Monsieur GODINO, sur l'efficacité globale d'un projet en termes de développement. Cela impliquera de distinguer les bénéfices attendus de la collectivité publique qui justifieront son engagement et ceux attendus par le secteur privé au niveau de ses investissement qui ne pourraient exister sans cette intervention.

Vous avez enfin, tous insisté sur la nécessaire qualité des projets.

Vos rencontres, comme celles de 1997, ont montré qu'il y avait encore beaucoup de progrès à faire en la matière. Nous avons certes connu, par le passé, dans le monde du tourisme, des échecs douloureux qui ont engendré la méfiance des banquiers et des investisseurs.

Cette frilosité me semble moins justifiable aujourd'hui. C'est pourquoi je suis prête, avec l'AFIT, Maison de la France et l'ensemble de la direction du Tourisme, à travailler à leurs côtés, comme nous le faisons pour les collectivités territoriales et locales, très en amont des projets pour contribuer à sécuriser leurs investissements, pour répondre à leurs interrogations et assurer la plus grande réussite possible à leurs projets.

Je souhaite que ces rencontres contribuant à faire avancer toutes ces idées, au premier rang desquelles la nécessaire complémentarité entre les différents membres de la grande famille du tourisme et l'indispensable investissement dans la qualité des projets et la qualité des emplois qui y seront créés.

Vous connaissez tous mon attachement à tout ce qui favorise un développement local harmonieux, soucieux de l’environnement, des cultures, des traditions et des hommes.

Je suis convaincue que ces rencontres de I'AFIT y apporteront toute leur contribution.

Elles constitueront une étape importante dans notre réflexion sur le devenir du tourisme français pour qu'il puisse produire tous les effets escomptés, en termes de croissance économique, d'embellissement du territoire, de création d'emploi dans le cadre d'une intervention citoyenne.