Texte intégral
LE FIGARO.– Vous semble-t-il normal qu'un député puisse défendre une motion de procédure pendant plus de cinq heures ?
Alain BOCQUET.– Que les choses soient claires : au groupe communiste, nous sommes pour la liberté d'expression et le droit d'amendement. Il n'est donc pas question de limiter le temps de parole d'un parlementaire. De tout temps, les motions de procédure ont servi à faire de l'obstruction. L'intervention de Mme Boulin était de bonne guerre. L'ennui, c'est que c'est le système lui-même qui incite l'opposition à tirer sur les ficelles de la procédure. Tout conduit à faire oublier le fond au détriment de la forme.
LE FIGARO.– Finalement, le système mis en place par la session unique est-il satisfaisant ?
– Théoriquement, la session unique de neuf mois, qui a succédé à un système comportant deux sessions de trois mois, devait amener les députés à ne légiférer que les mardis, mercredis et jeudis – le reste de la semaine devant permettre aux parlementaires de retourner dans leurs circonscriptions afin de rester à l'écoute de leurs concitoyens. Dans la pratique, force est de constater que la réforme Séguin n'a pas été suivie d'effets. Ces dernières semaines, nous avons été obligés de siéger du lundi au dimanche, les séances de nuit ont été rétablies et l'absentéisme n'a pas été jugulé.
Ce détournement de l'esprit de la session unique est inacceptable. Il faut absolument stopper cette dérive qui a commencé sous l'ancienne majorité et qui se poursuit malheureusement avec la majorité à laquelle j'appartiens. Il en va de l'intérêt de la démocratie. Pourquoi sommes-nous sortis des clous ? Parce que nous travaillons trop. Les députés qui ont voté la loi sur les 35 heures devraient être les premiers à se l'appliquer.
LE FIGARO.– Que suggérez-vous ?
– Les causes du dysfonctionnement ne sont pas seulement techniques. Les réponses à apporter non plus. On médiatise à dessein l'absentéisme ou, à l'inverse, le trop-plein, avec les excès inacceptables qu'on a connus.
Tout cela contribue à discréditer les députés, le Parlement et, in fine, la démocratie. En vérité, la réponse à apporter est politique. L'Assemblée est trop souvent présentée comme une vitrine – brouillée – de la démocratie alors qu'elle devrait en être le moteur. Au lieu de songer à limiter les pouvoirs de l'Assemblée en invoquant des détournements de procédure, il faudrait les renforcer. Ce serait tout à l'honneur de la majorité que de redonner au Parlement et à l'Assemblée la première place dans nos institutions. Si on ne le fait pas, et si l'on continue à discréditer les députés, les forces de l'argent finiront par avoir devant elles une route grande ouverte.