Point de presse de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, sur les relations franco-arméniennes, notamment l'accord de protection des investissements, le redémarrage de la centrale nucléaire de Medzamor et le conflit du Haut Karabakh, Paris le 7 novembre 1995.

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Circonstance : Voyage de M. Barnier à Erevan (Arménie) les 3 et 4 novembre 1995-inauguration de l'ambassade de France à Erevan.

Texte intégral

Il y avait plusieurs objectifs à ce voyage. D’abord l’inauguration de l’ambassade de France à Erevan. Je vous rappelle que la France a reconnu la République d’Arménie dès 1991 et que nous avons été l’un des premiers pays à envoyer un ambassadeur en poste à Erevan, dès le mois de mars 1992. Il s’agit d’un ambassadeur dynamique, Mme de Hartingh. Nous avons toujours pensé que la République d’Arménie n’était pas une ancienne république soviétique comme les autres. Il y a entre le peuple arménien et le peuple français des liens qui tiennent à la culture, à l’histoire, au partage de beaucoup de moments en commun. Il y a une influence française assez ancienne dans cette région et il y a une communauté arménienne en France de 400 000 personnes, qui est la seconde dans le monde, je crois, après celle des Etats-Unis. Nous avons une tradition de solidarité avec l’Arménie. L’un des témoignages de cette solidarité a été l’élan, très important après le tremblement de terre de 1988, qui s’est porté, en particulier, sur la reconstruction de l’école francophone de Gumri. J’ai, à l’occasion de cette visite, annoncé un crédit d’un million de francs supplémentaire pour compléter le financement de la reconstruction de cette école et M. Rochebloine, qui est député et président du groupe d’amitié France-Arménie, qui m’a accompagné pendant cette visite, s’est rendu sur place. Il a également confirmé que l’Assemblée nationale apporterait sur ses crédits un million de francs pour cette école.

Je vais vous donner un autre exemple de cette solidarité, qui touche de plus près le président de la République française puisque, en 1994, Jacques Chirac avait souhaité que les bénéfices de la traditionnelle crèche de la mairie de Paris soient offerts à l’Association France-Arménie. C’est un crédit qui a permis d’inaugurer à Vanadzor une maison verte qui va soigner les troubles de la petite enfance.

Au cours de cette visite, j’ai rencontré tous les responsables politiques d’Arménie, pas seulement eux d’ailleurs. J’ai rencontré le président de la République, Monsieur Ter Petrossian, le Premier ministre, Monsieur Bagratian, le ministre des Affaires étrangères, Monsieur Papazian, le ministre des Finances, le ministre des Affaires européennes, Monsieur Shahbazian, le président du Parlement et j’ai rencontré très longuement aussi le Catholicos Caroline Premier, qui m’a reçu pendant plus d’une heure.

C’est un dialogue qui a été très politique et très intéressant. Nous avons abordé trois thèmes, principalement. D’abord, la stabilité dans cette zone, à laquelle la France n’est pas indifférente, ni d’ailleurs l’Union européenne. Nous savons bien que toutes les secousses, les crises, les troubles qui peuvent se produire autour de l’Union européenne concernent l’Union européenne. On le voit dans les Balkans, un peu plus près, et on le sait aussi pour le Caucase. Naturellement, le vrai problème, problème principal pour la stabilité dans cette zone, c’est la question du Haut-Karabakh. Il y a un cessez-le-feu depuis dix-sept mois et c’est une situation positive qui prouve en tout cas que les parties de ce conflit, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Haut-Karabakh, ont envie, au fond, d’une solution. J’ai eu le sentiment que cette solution n’était pas hors de portée en écoutant les uns et les autres. J’ai eu le sentiment d’une volonté de bon voisinage de la part de l’Arménie et le souci de rechercher une solution politique. Alors, nous soutiendrons – je l’ai dit au président de la République et au Premier ministre – toute approche négociée, politique, dès l’instant où il y aurait plusieurs points qui seraient précisés et qui seraient la base de cette négociation politique. C’est d’abord le respect de l’intégrité territoriale des Etats. Deuxièmement, la sécurité pour tous les Arméniens qui se trouvent au Haut-Karabakh. Et puis, une opération de maintien de paix avec une garantie internationale dans le cadre de cette solution négociée.

Il y a plusieurs réunions qui vont se dérouler dans les semaines qui viennent, en novembre, et à Budapest au mois de décembre. Je ferai part au sein de l’Union européenne de ce que j’ai entendu sur place à ce sujet. J’ai aussi entendu que l’Arménie n’avait pas de problèmes, pas d’appréhension particulière vis-à-vis du projet d’union douanière entre l’Union européenne et la Turquie. C’est un des signes de ce souci de bon voisinage de ce petit pays, on le voit bien quand on est sur place, qui au fond occupe une place centrale, entouré au nord par la Géorgie et la Russie, l’Azerbaïdjan à l’est, l’Iran au sud, et la Turquie à l’ouest. On voit bien la place centrale et stratégique de ce pays. Donc, j’ai dit, et j’ai vraiment eu le sentiment que la stabilité de cette zone, c’est avec l’Arménie et autour de l’Arménie qu’elle se trouve. Voilà pourquoi le dialogue avec l’Arménie est un dialogue important et que nous souhaitons relancer. Dans cet esprit, nous avons examiné avec le président de la République et les membres du gouvernement, la question de l’Arménie et du Conseil de l’Europe. Je vous rappelle que l’Arménie disposera d’ici la fin de l’année d’un statut d’invité spécial au Conseil de l’Europe et que nous soutiendrons le processus vers une intégration à part entière de l’Arménie au Conseil de l’Europe.

Il y a aussi les relations avec l’Union européenne. J’ai noté une certaine déception du gouvernement arménien sur le niveau de cette coopération avec l’Union européenne. C’est actuellement un accord de partenariat qui est en cours de négociation. Ce qui déçoit les Arméniens, c’est que cet accord est une peu moins ambitieux dans un premier temps que celui qui est discuté avec la Russie ou avec l’Ukraine. J’ai expliqué au gouvernement et au Premier ministre qu’il fallait réussir cette première étape et préparer les suivantes, qu’à mon sens il fallait bien partir sur une bonne base avec l’Union européenne, qu’il fallait prendre cet accord, le négocier et penser aux étapes suivantes, de manière positive. Nous avons également discuté du problème de la francophonie puisque l’Arménie a présenté une demande pour faire partie de la francophonie. Cette demande pose des problèmes parce que naturellement j’ai dit publiquement que la francophonie ne devait pas être une coquille vide. Il faut donc que ceux qui veulent adhérer à la francophonie fassent des efforts. Nous pensons qu’il y a des efforts à faire en Arménie pour l’enseignement du français. Nous sommes prêts à y participer mais c’est sur la base de ces efforts que la demande présentée par l’Arménie sera à nouveau examinée.

J’ai également dit, sans intervenir dans les affaires intérieures de l’Arménie, l’attention que l’Union européenne portait à l’Etat de droit et à la démocratie dans tous les pays qui veulent dialoguer avec l’Union européenne, qui veulent faire partie du Conseil de l’Europe. Il y a des droits et des devoirs. Donc, l’évolution démocratique de l’Arménie est un sujet auquel l’Union européenne est attentive, et il y a encore des progrès à faire dans ce sens.

En conclusion – je m’efforcerai ensuite de répondre à vos questions – j’ai signé avec le gouvernement deux accords : un accord d’encouragement et de protection réciproque des investissements. Le vrai problème de l’Arménie aujourd’hui, c’est son décollage économique, la diversification de son économie. Il faut donc qu’il y ait des investissements étrangers qui viennent participer à ce décollage et nous avons là signé un premier accord de protection des investissements arméniens en France et français en Arménie. Nous avons également signé un accord de coopération culturelle, scientifique et technique. C’est sur la base de cet accord, notamment, qu’on pourra développer l’enseignement du français.

Enfin, j’ai naturellement évoqué, parce que ça m’intéresse depuis longtemps, vous le savez, le dossier de Medzamor. C’est une centrale dont le principe de redémarrage a été décidé cet été. Elle a redémarré il y a quelques jours. Elle a été connectée au réseau public dimanche. Je crois qu’il faut distinguer deux volets dans le dossier de la centrale de Medzamor. D’abord, celui de la sûreté de l’installation. Nous sommes préoccupés, je l’ai dit d’ailleurs sur place, de l’état de santé de cette centrale. Nous avons pris acte des rapports qui ont été faits, notamment par les experts de la BERD, qui sont moins alarmistes que nous ne le pensions. Il faut expliquer aussi aux pays qui donnent des leçons, qui observent de l’extérieur, l’état énergétique de l’Arménie. On ne peut pas donner des leçons et regarder avec condescendance les pays de l’Est aujourd’hui, en leur disant : « Fermez vos centrales ». En Bulgarie, on sait bien que si Kozloduy est fermé, Sofia n’aura plus d’électricité. C’est une peu comparable au problème de l’Ukraine, que je connais bien pour être allé trois fois à Kiev et à Tchernobyl. Là, on voit aussi que le problème de l’Arménie, c’est le chauffage et l’électricité. On l’a vu, notamment pendant l’hiver 92-93, et même 93-94. Donc, on ne peut pas donner des instructions comme ça à l’Arménie sans l’aider. C’est ce qu’a prévu de faire la BRED. J’ai dit que nous étions prêts à coopérer avec l’Arménie, si elle le souhaite. C’est un état souverain. Sur le plan de la sûreté nucléaire, la France n’a pas de leçons à donner mais elle a une expérience qui est l’expérience la plus longue de tous les pays possédant une énergie civile d’origine nucléaire. Nous avons une Autorité de sûreté nucléaire indépendante et nous sommes prêts à coopérer. D’ailleurs, dès cette semaine, l’ambassadeur d’Arménie en France prendra une série de contacts.

Il y a un deuxième volet sur Medzamor. Au-delà de la sûreté nucléaire, c’est la question du traitement et du stockage des déchets. Il y a un projet assez précis de coopération entre l’Arménie et la France, notamment avec la société Framatome, pour créer un centre de stockage à sec des déchets nucléaires de Medzamor. Ce projet est assez avancé. Nous devrions y participer financièrement au moins pour une quinzaine de millions de francs. Donc, j’ai souhaité que le projet soit très vite précisé du côté arménien pour que nous puissions le mettre en œuvre.

Voilà. Naturellement, j’ai inauguré une très belle ambassade qui se situe dans un lieu symbolique pour les habitants d’Erevan, puisque c’est un ancien centre culturel avec un centre de création théâtrale qui était en ruine et qui a été très bien rénové par la France. Il restera un lieu de culture aussi, puisqu’il y a une bibliothèque qui va être ouverte en permanence aux gens d’Erevan.


Q. : Monsieur le ministre, le France dit que la question de Haut-Karabakh se résoudra à condition que l’intégrité du territoire de l’Azerbaïdjan soit maintenue. N’est-ce pas préjuger les résultats des travaux du groupe de Minsk ?

R. : Nous ne souhaitons pas préjuger des résultats du groupe de Minsk. J’ai dit que c’était ce groupe-là qui devait aboutir à la solution négociée. Mais, si on nous demande notre avis, si on demande l’avis de l’Union européenne – on peut le donner – nous pensons que l’un des éléments de cet accord négocié, c’est l’intégrité territoriale des Etats, l’Arménie, l’Azerbaïdjan. Mais il faut naturellement un statut spécial pour le Haut-Karabakh, et puis il y a aussi la question du couloir d’accès. J’ai vu les choses d’assez près, puisque j’étais sur place. Je ne suis pas allé au Haut-Karabakh, mais je pense vraiment qu’il y a une volonté de bon voisinage.

Tant qu’il y aura ce risque de conflit, il n’y aura pas de décollage économique. On ne peut pas faire oublier économiquement une région s’il y a un risque de trouble de cette nature. C’est comme l’ex-Yougoslavie. Je veux dire que ce n’est pas la peine d’aller parler de redémarrage économique en Bosnie s’il y a toujours le risque de conflit. Donc, il faut pour l’intérêt de l’Arménie, pour l’intérêt de l’Azerbaïdjan, qu’il y ait un accord politique et j’ai l’impression qu’on n’en est pas très loin. Mais il y a des conditions. Il y a surtout la question du couloir. Est-ce que ce sera un couloir qui sera plus large ou par ?

Q. : Comment voyez-vous les relations entre l’Union européenne et l’Arménie ? L’Union a négocié un accord d’union douanière avec la Turquie…

R. : On sait que les pays qui ont vocation à adhérer à l’Union européenne. On les a définis : Chypre, Malte, les trois pays baltes et sept autres pays d’Europe centrale et orientale. Voilà les pays qui ont vocation à adhérer et avec lesquels nous commencerons des négociations d’adhésion après la fin de la conférence intergouvernementale. Les autres pays peuvent avoir dans cette zone des accords de différente nature. C’est ce que nous discutons avec l’Arménie pour un accord de coopération, avec le Maroc pour un accord d’association. Nous discutons d’un accord d’union douanière avec la Turquie. Voilà. Vous voyez bien que l’idée qu’à l’Union européenne, c’est de créer des liens qui renforcent les chances de la stabilité et le progrès des droits de l’homme.

Q. : Que doit apporter la BERD à l’Arménie pour la centrale de Medzamor ?

R. : J’ai entendu dire que la BERD allait apporter, sur la base des expertises qu’elle a faites et qui sont plutôt rassurantes, enfin moins inquiétantes que ce que je craignais, et dont nous en avons pris acte, une contribution.

J’ai ajouté en plus que si l’Arménie le demandait, j’étais prêt à faciliter des contacts avec notre propre Autorité de sûreté nucléaire.

Q. : Est-ce que vous ne pensez pas que pour ces problèmes de sûreté, il aurait fallu aider les Arméniens avant afin que tout soit fait dans de bonnes conditions de sécurité de type occidental ?

R. : Pour coopérer il faut être deux. Il faut qu’il y ait une demande et une réponse. Je suis allé en Arménie. Je suis, je crois, le tout premier ministre de l’Union européenne à me rendre en Arménie, à titre officiel, depuis quelques temps et j’ai rapporté ce que je sais, ce que j’ai vu, non seulement en France en disant que nous sommes prêts à une coopération sur le plan de la sûreté avec notre propre expertise, mais je vais aussi rapporter cela à la commission.

Mais, encore une fois, je veux dire qu’on ne doit pas se contenter de montrer du doigt et d’avoir une attitude condescendante à l’égard de ces peuples. On ne règle pas les problèmes avec de la condescendance ni en Ukraine ni en Bulgarie ni en Arménie. Il faut trouver une solution au problème énergétique de l’Arménie. Peut-être y aura-t-il une autre installation à construire un jour, neuve, pour remplacer celle-là, parce qu’elle n’a pas beaucoup de ressources, à part le lac qu’on ne peut pas non plus continuer à faire baisser ainsi en permanence ?

Q. : Les Arméniens avaient prévu, il y a quelques jours, de faire des essais de leur centrale. Comment expliquez-vous qu’ils aient attendu votre départ d’Erevan pour faire ces essais-là, alors qu’ils étaient censés les faire lors de votre séjour ? Quelle est votre réaction ? Ont-ils attendu, pour des raisons de sécurité, que vous repartiez d’Arménie pour faire ces essais-là ?

R. : Le fait important, ce n’est pas un jour de plus, un jour de moins. C’est le fait qu’ils aient décidé l’été dernier de redémarrer cette centrale et qu’ils l’ont reconnectée au réseau public ce week-end. Maintenant, il y a aussi une préoccupation du côté des autorités arméniennes sur la sûreté de cette installation. Je vais faire un rapport à la Commission européenne, sur ce sujet, sur le problème énergétique de l’Arménie et la nécessité d’aider l’Arménie, si elle le souhaite.

Q. : Au plan énergétique et pour cette centrale nucléaire seulement, ou parlez-vous d’une aide globale à l’Arménie ?

R. : Je vais le faire sur ce point précis, parce que c’est le plus urgent. Sur le reste, nous avons un accord de coopération plus général en discussion avec l’Union européenne.

Q. : Monsieur le ministre, comment jugez-vous l’évolution des relations franco-arméniennes depuis la création de l’ambassade de France à Erevan ? Ne pensez-vous pas que le gouvernement français, dans le cadre précisément des accords signés récemment, devrait envisager l’envoi à l’ambassade de France en Arménie d’un éclaireur économique pour encourager et guider les investisseurs français ?

R. : Je vois que vous êtes bien informé des préoccupations de Mme de Hartingh. Sur ce dernier point, nous allons réfléchir. C’est pour ça aussi que l’avis d’un ministre est utile, quand on ouvre les yeux et les oreilles. Je pense, en effet, qu’il faut dans la petite équipe très volontariste de l’ambassade qu’il y ait quelqu’un qui soit plus précisément chargé des dossiers économiques. Il faut favoriser les investissements. C’est pourquoi j’ai signé un accord de protection et d’encouragement des investissements. Je l’ai signé samedi matin. C’est un accord qui a été négocié par le ministère des Finances et que j’ai signé au nom du gouvernement français. La COFACE pourra intervenir.

Sur le premier point, l’état des relations entre l’Arménie et la France, on part de rien. Alors, on ne peut faire que des progrès. On va donner un coup d’accélérateur, mais ce ne sera pas difficile, si on en a la volonté.

Q. : Je reviens sur le problème du Karabakh. Vous avez dit, et c’est une constante dans la politique française : « pas de changement en matière de frontières ». Or, il y a huit ou dix jours à peine, le Québec, au nom du droit de l’autodétermination des peuples, a voté pour ou contre l’autonomie, ou plus exactement pour l’indépendance par rapport à Ottawa. En découpage géographique. Pourquoi ne l’accepterait-on pas pour le Haut-Karabakh, alors qu’il y a une entité nationale homogène ?

R. : J’ai très bien compris ce que vous dites. Je pense que le plus urgent c’est de stabiliser la paix dans cette région. Si vous partez avec des revendications qui provoquent le blocage immédiat de l’une des parties, vous n’arriverez pas à garantir cette stabilité. Voilà pourquoi la France, qui n’est pas la seule au sein de l’Union, considère qu’il faut dire : intégrité territoriale des Etats, c’est-à-dire aussi de l’Azerbaïdjan, protection de tous les Arméniens – et ils sont une large majorité au Karabakh – statut spécial, couloir. Là, on a les éléments de la stabilité. Après, il faut compter sur l’intelligence des gens, une fois que la stabilité est garantie et la paix rétablie, pour s’attacher à autre chose qu’à se faire la guerre et à notamment développer leur économie.

Je comprends bien ce que vous dites. Mais quand il y a plusieurs parties, on ne règle pas un conflit sans toutes les parties. J’ai parlé aussi de garanties internationales. J’ai compris aussi que l’Arménie souhaitait une garantie. Je crois que les grands Etats qui s’intéressent à cette région – les Américains sont très présents en Azerbaïdjan, comme vous le savez, en ce moment, les Russes ne sont pas loin, l’Union européenne est aussi prête – nous avons intérêt tous ensemble à faire un effort. J’ai compris qu’il y avait une disponibilité du côté de l’Arménie pour participer à cette évolution politique.

Q. : N’avez-vous pas senti une certaine réticence quant à cette intervention internationale en raison de l’intervention de l’OTAN en Bosnie ? Notamment, plusieurs responsables arméniens ont dénoncé cette évolution, en la rapportant à la situation en Arménie et au Karabakh. L’Azerbaïdjan a, à plusieurs reprises, demandé l’intervention de l’OTAN. En vain, bien sûr, mais…

R. : Il y a des risques de secousses au Caucase et il y en a dans les Balkans, on l’a bien vu, mais les situations ne sont pas tout à fait comparables. S’il y a une négociation politique que le Haut-Karabakh accompagnée d’opérations de maintien de la paix, j’ai compris que l’Arménie souhaitait des garanties d’autres grandes puissances et était prête à participer aux opérations de maintien de la paix.

Q. : Et la Turquie ?

R. : La Turquie n’est pas indifférente. Nous avons compris aussi que du côté de la Turquie, il y avait une volonté actuellement, non seulement de voir maintenir le cessez-le-feu, mais aussi de favoriser une solution politique. Cela fait partie du dialogue global qu’a la Turquie actuellement avec l’Union européenne.

Q. : A quand votre prochain voyage en Arménie, monsieur le ministre ?

R. : Ecoutez. J’ai un rythme de visites. Ce n’est pas par hasard – je l’ai dit au président de la République, au Catholicos aussi – que je suis allé en Arménie dans mes tous premiers voyages. Je suis là depuis six mois ; j’ai fait beaucoup de voyages, comme hier à Madrid, la semaine dernière à Bonn. J’ai fait, pour l’instant, deux voyages hors Union européenne. J’ai visité officiellement les trois pays baltes, il y a trois semaines, et l’Arménie cette semaine. La semaine prochaine je vais en Hongrie et en République tchèque. Mon rythme est le suivant. Je visite une à deux fois par mois un pays hors Union, dans la zone européenne. L’Arménie est une peu plus loin, mais elle n’est pas très loin. Je visite deux fois par mois un des pays de l’Union européenne, parfois plus, pour des visites très courtes. Hier, je suis allé passer trois heures à Madrid pour travailler avec mon homologue espagnol sur son rapport pour la conférence intergouvernementale et je fais deux fois par mois, ce qui est nouveau, une visite en France aussi. D’ailleurs, les gens sont étonnés de voir le ministre des Affaires européennes venir leur parler de l’Europe chez eux, en France. J’étais à Dijon la semaine dernière où j’ai dialogué à l’université avec 250 étudiants, la semaine d’avant en Picardie, où j’ai dialogué avec des écoliers. Je fais des visites pour expliquer comment fonctionne l’Europe aux Français et les écouter aussi, parce que Jacques Chirac a dit qu’il faudrait réconcilier les Français avec l’Europe. Ça, ça ne se fait pas à Bruxelles ou à Paris seulement, dans les bureaux du quai d’Orsay. Ça se fait chez les Français, là où ils habitent, là où ils travaillent. Je veux aussi montrer comment l’Europe apporte des crédits pour des opérations utiles à la vie des Français sur le plan de l’agriculture, sur le plan des transports, sur le plan de l’environnement. Donc, deux fois par mois, je vais faire une visite officielle dans un département français.

Je ne sais pas quand je retournerai en Arménie. On a une occasion prochaine d’une grosse manifestation à la Bibliothèque nationale. C’était très émouvant parce qu’on m’a autorisé à aller au deuxième sous-sol voir les manuscrits. Un manuscrit es daté de 870, mais il y en a plusieurs qui datent d’avant du VIe, du VIIe siècles. Toucher un manuscrit du VIIe siècle, c’est très émouvant. Il y aura une belle manifestation. Je pense que le Président de la République va venir. Mon prochain contact avec l’Arménie sera donc cette prochaine exposition.