Texte intégral
« La Tribune » : Dans le préambule de l'accord sur les 35 heures dans le textile, la branche incite les entreprises à s'engager, avant le 1er janvier 2000, dans les négociations pour appliquer la loi Aubry. Est-ce le signe que le CNPF infléchit sa position ?
Georges Jollès : – Absolument pas. Ce n'est pas la bonne interprétation. La position de l'Union des industries textiles n'est pas une approbation de la loi Aubry. L'accord a pour finalité de limiter les conséquences des 35 heures sur la compétitivité des entreprises. Ce préambule n'a pas vocation à encourager les entreprises à appliquer les 35 heures par anticipation. Nous avons recherché avec les syndicats de salariés un dispositif qui permettrait, malgré la réduction du temps de travail, de poursuivre l'accord de modulation que nous avions signé voici quelques années. Dans cet accord, nous avions accepté de réduire le contingent d'heures supplémentaires à 40 heures par an pour les entreprises mettant en oeuvre cette flexibilité. Avec la réduction du temps de travail à 35 heures, ce contingent devient insuffisant. L'accord élaboré en fin de semaine prévoit donc de le faire passer de 40 à 130 heures pour un grand nombre de nos métiers et de 60 à 150 heures pour les métiers de la teinture, des apprêts et de l'impression. À ce contingent peuvent s'ajouter, hors modulation, 45 heures supplémentaires de plus négociables au niveau de l'entreprise.
« La Tribune » : Contrairement à l'accord de l'UIMM, les propositions du patronat du textile semblent susciter un large consensus puisque les cinq syndicats de la branche pourraient signer l'accord. En quoi votre accord diffère-t-il de celui de la métallurgie ?
– Je ne vois pas de différences fondamentales entre l'accord textile. Ce sont des accords de même nature. Mais les situations de départ étaient différentes. Pour conclure un accord d'annualisation, la métallurgie avait accepté de réduire à 94 heures le contingent d'heures supplémentaires. Pour pouvoir fonctionner avec les 35 heures, la métallurgie avait donc besoin d'abonder ce contingent de 90 heures de plus par an, d'où la norme de 180 heures retenue par l'accord du 28 juillet. Le nombre d'heures supplémentaires ajouté dans l'accord UIMM est donc le même que dans l'accord textile, soit 90 heures, pour permettre la mise en oeuvre de l'accord de modulation.
« La Tribune » :– Il y a tout de même une différence de taille : la branche du textile s'engage, dans l'accord, à maintenir le pouvoir d'achat des salariés…
– Il n'y a pas d'engagement formel de la part de la branche. Celle-ci invite les entreprises à rechercher les meilleures solutions pour l'emploi, pour le développement de la compétitivité des entreprises afin de créer les conditions pour que la réduction de la durée du travail puisse se réaliser sans nuire au pouvoir d'achat des salariés. De toute façon, pour les entreprises employant des salariés payés au Smic, la loi ne permettra pas de baisser les rémunérations. La création du double Smic va reposer le problème de la baisse des charges. Malgré l'accord, les 35 heures vont entraîner un surcoût pour les entreprises auquel s'ajouteront les conséquences du double Smic. Les risques sur l'emploi sont considérables. D'où l'urgence qu'une baisse des charges sur les bas salaires intervienne avant le 1er janvier 2000.
« La Tribune » : Martine Aubry a posé des conditions pour que les accords de branche inspirent sa seconde loi. Notamment que ces accords soient conclus « dans l'esprit de la loi ». Pensez-vous que l'accord textile réponde à ces critères ?
– L'accord textile, comme celui de l'UIMM, entraîne une réduction effective de la durée du travail de même ampleur, environ 100 heures. La première condition est donc remplie. La deuxième condition aussi puisqu'elle impose aux branches de ne pas contredire les clauses publiques d'ordre social que sont les durées maximales du travail et la tarification des heures supplémentaires. Reste la troisième condition : que l'accord soit applicable. Je rappelle à cet égard que le contingent d'heures supplémentaires est d'ordre public, à défaut d'un accord conventionnel étendu aux entreprises de la branche. À partir du moment où un accord est signé, je ne vois pas comment le gouvernement pourrait refuser de le valider.
« La Tribune » : Selon vous, le gouvernement ne peut qu'approuver l'accord textile s'il est signé par les cinq syndicats ?
– Je vois mal comment il pourrait en être autrement. Mais le gouvernement sera en position difficile pour refuser l'accord de la métallurgie, qui est de même philosophie…