Texte intégral
À chaque fois que des grèves touchent le service public, des voix s'élèvent pour demander une loi sur le service minimum.
Des voix s'élèvent toujours du même côté, la droite de cet hémicycle, et tout à fait étonnamment le plus souvent lorsqu'elle est dans l'opposition.
Les propositions de loi sont nombreuses : celle du 1er décembre 1988 sur le service minimum dans les transports déposé par le RPR jusqu'à celle du 11 juin 1998 présentée par le Sénat en passant par celle déposée en 1992 par M. FOURCADE qui entendait fixer une médiation préalable et un service minimum dans les services publics.
Aucune de ces nombreuses propositions n'a abouti et d'ailleurs elles ne sont pas venues en discussion.
Il faut croire que chacun s'accorde à reconnaître que la réponse n'est pas là :
Certes, le législateur est fondé à intervenir s'il le juge nécessaire, puisque le préambule de la constitution de 1946, auquel renvoie celui de la constitution de 1958, dispose que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Il n'a pas pour autant l'obligation d'intervenir à tout propos, et on comprend aisément qu'il l'ait fait avec discernement, quand il s'agissait de concilier l'exercice de ce droit imprescriptible avec d'autres droits ou principes à valeur constitutionnelle.
C'est dans cet esprit par exemple qu'un dispositif particulier a pu être mis en place il y a près de 20 ans par une loi du 25 juillet 1980 dans le domaine nucléaire, où les impératifs de sécurité appellent une garantie absolue de continuité de certaines fonctions.
C'est aussi dans cette perspective que de manière plus générale, pour tous les services publics, la loi du 31 juillet 1963, reprise dans les articles L. 521-3 et L. 521-4 du code du travail, a apporté un certain nombre de garanties dans l'intérêt du service public et de ses usagers : en particulier, seuls les syndicats représentatifs peuvent déposer un préavis, condition de déclenchement et de validité du mouvement ; par ailleurs et surtout, la loi prohibe des pratiques (grèves tournantes, grèves perlées) susceptibles de porter une atteinte excessive à la marche du service public et à la vie de ces usagers.
On voit mal comment la loi pourrait de façon opérationnelle, et donc utile, aller bien au-delà des prescriptions qu'elle contient pour les services publics. Une réglementation générale, qui chercherait par exemple à poser de façon abstraite le principe d'un service minimum, ne pourrait évidemment pas appréhender la spécificité et la diversité des caractéristiques de fonctionnement des services publics, qui sont au surplus en pleine évolution.
En tout état de cause, on voit mal comment le législateur pourrait régler dans le détail les problèmes techniques que posent le fonctionnement du service public : le législateur peut-il fixer par exemple les horaires de trains, la composition des rames, la liste des personnes requises pour assurer la circulation des trains ?
C'est d'ailleurs ce que pense l'opposition actuelle lorsqu'elle est aux affaires.
Ainsi, Philippe SEGUIN qui a estimé que les propos récents du Président étaient de « bon sens », expliquait en février 1988 avec non moins de bon sens pourquoi le Gouvernement CHIRAC n'avait pas imposé de service minimum dans les services publics « toute initiative unilatérale concernant le droit de grève serait inopportune. La réglementation législative qui fait pratiquement défaut ne pourrait être envisagée qu'à la faveur d'un relatif consensus des partenaires sociaux ; or cette condition n'est pas remplie à l'heure actuelle ».
Plus récemment lors du conflit social lourd de l'hiver 95, quand la France était paralysée par la grève, Jacques BARROT, Bernard BOSSON ancien ministre des Transports se disent réservés alors que Anne-Marie IDRAC secrétaire d'État aux Transports, fait retirer un amendement déposé par huit sénateurs instituant un service minimum à la SNCF et la RATP en expliquant que « cette question doit se régler lors d'une négociation à l'intérieur des entreprises concernées et entre les partenaires sociaux ».
D'ailleurs, M. FOURCADE, comme je l'ai rappelé avait déposé une proposition de loi sur le service minimum, a déclaré il y a deux jours qu'il avait évolué sur la question. Selon ses déclarations, instituer par la loi un service minimum – je cite ses propos – « n'était pas la bonne approche du problème » et qu'il ne fallait pas – je cite toujours « agiter la notion de service minimum » et que, enfin, « le service minimum est quelque chose de très difficile en matière de transport ».
C'est en effet bien là que se trouve la solution c'est ce que pensent le Gouvernement et la majorité plurielle. Le droit de grève est un acquis. Il ne peut-être remis en cause dans ces conséquences par la loi. Ainsi, la gauche s'est-elle toujours refusée à un service minimum que soit la majorité ou l'opposition.