Texte intégral
LES ÉCHOS
Quelle appréciation portez-vous sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 ?
Philippe Douste-Blazy
Pendant un an, le gouvernement a délaissé la question de la Sécurité sociale. Il a tenu un discours flou et opportuniste, donnant le sentiment qu'il était possible de relâcher l'effort entrepris depuis 1995. Aujourd'hui, il renforcé la maîtrise économique des dépenses maladie par une approche strictement arithmétique, au détriment de la maîtrise médicalisée. Or faute d'accord avec les professions de santé. tout projet de maîtrise des dépenses maladie est vain.
LES ÉCHOS
Pour la première fois depuis quinze ans, les comptes du régime général doivent revenir à l'équilibre l'année prochaine ; à quoi attribuez-vous ce résultat ?
Philippe Douste-Blazy
La majorité tire un chèque sur les recettes à venir ; elle s'en remet trop facilement à la croissance dont les experts disent qu'elle sera plus faible que prévu. Entre la surévaluation de la croissance et le manque à gagner lié aux 35 heures, la Sécurité sociale risque d'être prise dans un effet de ciseaux très périlleux. Le projet de loi de finance ment de la Sécurité sociale n'a ni ambition ni perspective.
LES ÉCHOS
L'opposition dénonce une « maîtrise comptable » des dépenses maladie : comment la droite peut-elle remettre en cause ce qu'elle a défendu hier avec le plan Juppé ?
Philippe Douste-Blazy
Les mesures de régulation économique que l'on nous présente comme « une clause de sauvegarde » d'ultime recours sont, en réalité des mesures purement comptables, qui s'apparentent à des sanctions collectives. Il s'agit de mesures inacceptables qui rompent totalement avec la logique conventionnelle : puisque l’Etat entre dans le jeu de façon autoritaire. Le mécanisme qui avait été mis en place en 1996 devait s'appliquer, après une année blanche, de manière individualisée. On passe, désormais, à un dispositif fixé par la loi qui prévoit des baisses de tarif en cours d'année, applicables de façon collective, dès 1999 pour les résultats 1998 et qui n'exclut pas un prélèvement en fin d'année.
LES ÉCHOS
L'assurance-maladie doit-elle, selon vous, être ouverte à la concurrence du privé ?
Philippe Douste-Blazy
Ce n'est pas du tout mon souhait. Mais, pour éviter la mise en place d'un système de type privé, il y a urgence à engager la réforme du financement : celle de l'hôpital et à remettre en ordre l'offre de soins avec un objectif plus qualitatif.
LES ÉCHOS
Voyez-vous un terrain d'entente possible sur la question des fonds de pension ?
Philippe Douste-Blazy
Dès lors qu'on étatise, qu'on privatise ou qu'on met en concurrence, on revient sur ce qui fonde notre système de protection sociale. Cependant, l'introduction d'un échelon supplémentaire de retraite par capitalisation ne remettrait nullement en cause ces fondements. Je crois qu'un consensus est possible. A cet égard, les récents propos du commissaire au Plan et ceux de Martine Aubry peuvent laisser penser qu'ils progressent dans la voie que nous proposons. Il est nécessaire de lever les tabous sur la capitalisation, qui ne doit en aucun cas remettre en cause le système par répartition.
LES ÉCHOS
Le fonds de réserves prévu par le gouvernement ne répond-il pas, précisément, à cet objectif ?
Philippe Douste-Blazy
Les retraites ne peuvent se contenter d'un fonds de réserves purement symbolique, alimenté des 2 milliards de francs d'excédent du Fonds de solidarité vieillesse financé par une partie de la CSG et les taxes d'alcool et le tabac. C'est un système en trompe l’œil. Le gouvernement occulte la vraie dimension du problème de financement des retraites. En 2015, ce sont 300 milliards de francs par an qu'il faudra afin d'équilibrer l'assurance vieillesse. Le fonds de réserves devrait comporter 7.000 milliards de francs placés à 4 % : or 7.000 milliards de francs, c'est 95 % du PIB actuel.