Texte intégral
Michèle COTTA –
Alors, question qu'on peut vous poser. Mais monsieur DELARUE peut-être, vous l'avez posé en premier. Pourquoi pas de service minimum ? Ah, pardon, monsieur SARRE, vous voulez répondre à ce qu’a dit Philippe de VILLIERS il y a deux minutes sur le Front national ? Vous avez quelque chose à dire sur le Front national ?
Georges SARRE (président délégué du Mouvement des citoyens) –
Il y a beaucoup de choses à dire sur le Front national. Tout d’abord, j’observe que ce parti pendant des années a essayé de faire croire qu'il était un parti différent des autres. Or, il se divise. Et il se divise d'une façon différente des autres, en pire. Que sommes-nous en train de découvrir ? Que les dirigeants du Front national ont des responsabilités mais qu'ils émargent. Ils gagnent des millions. Et que les Français voient-ils ? Eh bien, tout simplement, un parti qui est dirigé pas une clique d'aventurier dangereux. Alors, il me semble que cela va permettre puisque le FN découvre sa vraie nature eh bien ce qu'il est vraiment, ce qu'il représente car l'histoire a déjà tranché. Tous les partis d’extrême-droite fascistes ont toujours été dirigé par des aventuriers. Et on sait comment ça se termine.
Michèle COTTA –
Bien. Revenons à notre service minimum. monsieur DELARUE, alors le réquisitoire contre les deux syndicalistes qui sont à vos côtés, CGT, CFDT et peut-être Georges SARRE qui lui aussi…
Georges SARRE –
Il faudrait se demander d'abord, de quoi parle-t-on quand on parle du service minimum ? Car si on ne se met pas d'accord sur le vocabulaire, ça sera un vrai débat polémique.
Michèle COTTA –
Alors, monsieur DELARUE, de quoi vous parlez ?
Jean-Claude DELARUE (Association usagers de l’administration) –
Un peu de ce qui a été dit juste avant. Je ne sais pas si Georges SARRE a écouté.
Georges SARRE –
Comment ça ? Je ne suis pas sourd.
Jean-Claude DELARUE –
C'est à dire par exemple en Espagne où il y a 50 à 75 % de trafic normal aux heures de pointe lorsqu'il y a grève, en Italie où effectivement les trains du matin et les trains du soir doivent circuler pour permettre aux personnes d'aller travailler et d’y revenir. Je dois dire que c'est une revendication tout à fait à l'ordre du jour et qui dépasse les clivages politiques. Je ne sais pas si c'est le cas pour Amsterdam mais c'est le cas pour le service minimum. 82 % des Français sont pour le service minimum ce qui veut dire très clairement que la droite et la gauche sont pour le service minimum. Il faudrait donc aller au-delà. Si on cherche un consensus puisque le président de la SNCF disait qu'il n'y en a pas à la SNCF, il n'y en a peut-être pas à la SNCF, il y en a un chez les Français. Donc, je crois qu'il faut le faire. Vous disiez tout à l'heure qu'il y avait eu trois semaines de grève. En fait, il y a eu deux mois et demi de grève à commencer la ligne C du RER, ligne D etc., les lignes de TER et les lignes grandes lignes. C'est vrai que les Français en ont assez. Il faut absolument réconcilier le droit de grève et le droit au service public. Cette réconciliation, ça passe par le service minimum.
Claude DEBONS (Secrétaire national Fédération transports CFDT) –
Je voudrais tempérer le propos de Monsieur DELARUE. Je comprends parfaitement que les perturbations liées à des grèves dans le service public puissent déranger les usagers.
Michèle COTTA –
C'est le moins que l'on puisse dire.
Claude DEBONS –
Je suis moi-même usager des transports en commun et je crois effectivement que c'est un problème. Mais je crois qu'il faut quand même regarder les choses dans leur globalité si on veut trouver des solutions. Premièrement, je crois que nous demeurons fermement attachés au droit de grève parce qu'il est un moyen de défense essentiel dans le cadre d'un rapport salarial qui est un rapport de subordination. Je suis désolé. Le patronat qu'il soit dans le secteur public ou privé a une autorité. Et le droit de grève est un moyen de défense par rapport à cette autorité.
Michèle COTTA –
Mais le service minimum, c'est un moyen de concilier les deux.
Claude DEBONS –
J’espère bien. Et c'est pour ça que je préfère poser d'emblée cette question du droit de grève pour qu'on puisse avoir un débat qui soit cadré de ce point de vue-là. Bon, j'arrive ensuite évidemment à un certain nombre d'actions que nous avons mené. Je voudrais faire observer que, dans les dernières années, nous avons mené des actions sous des formes qui cherchaient à ne pas pénaliser les usagers. Et en ce qui concerne les contrôleurs par exemple, nous avions fait une grève dite « grève de la pince » c'est à dire que les contrôleurs assuraient - oui, j’explique - assuraient leur mission de sécurité, les trains pouvaient circuler mais ils n'effectuaient pas le contrôle. Et donc, les usagers pouvaient voyager gratuitement. Nous avons été sanctionnés pour une raison très simple qui, juridiquement, est d'ailleurs imparable, non-exécution d'une partie des obligations du contrat de travail. Donc, nous avons dû renoncer à une forme de grève moins pénalisante pour les usagers. Deuxième exemple, des grèves de 59 minutes à la prise de service. 1995, une entreprise de transports urbains de Bordeaux porte plainte au tribunal contre ces formes d’action. Le tribunal donne raison aux organisations syndicales sur le caractère licite de grève de 59 minutes à la prise de service qui pénalise beaucoup moins évidemment les usagers qu'une grève totale. La Cour de cassation a cassé cet arrêt de la cour de Bordeaux en estimant qu'il n'était pas possible d'avoir ce type de grève dans les services publics. Donc, nous avons essayé…
Michèle COTTA –
Allez-y, monsieur SARRE, si vous n'êtes pas d’accord.
Georges SARRE –
Je veux simplement dire quand même qu'il faut situer le débat. Un, nous sommes en France dans un pays qui a connu un syndicalisme anarcho-syndicaliste et où il y a un syndicalisme divisé, faible qui conduit naturellement à la surenchère. Ça, c'est le premier point. Deuxièmement, on nous dit 82 % des Français sont pour le service minimum. Évidemment, c'est une solution qui paraît de bon sens. Et moi, je dis à monsieur DELARUE comment se fait-il que cette solution de bon sens n'a pas été mise en œuvre ? On peut se poser la question. Un, monsieur CHIRAC l'a demandé. Beaucoup d'initiatives ont été prises dans ce domaine et cela n'a pas été fait. Il doit y avoir une raison. Monsieur LAMASSOURE prit en son temps une décision, un décret pour faire en sorte que, quand il y avait une heure de grève, la journée de salaire soit retenue. Eh bien, le Conseil d'Etat a cassé cela en particulier pour…
Jean-Claude DELARUE –
Je ne vois pas le rapport.
Georges SARRE –
Eh bien si, c'est-à-dire qu'on n'a pas pu appliquer une décision d'un ministre qui voulait réglementer. Deuxièmement, comment conciliez-vous le droit de grève qui est un droit constitutionnel avec le service minimum ? Si nous étions dans un pays où le dialogue social classique est bien lubrifié, évidemment, et en particulier comme cela existe maintenant à la RATP ou à AIR FRANCE avec les pilotes, eh bien, il pourrait y avoir l'alerte sociale de façon à ce que des mécanismes existent pour que la grève n'ait pas lieu. Car, normalement, les salariés font grève - c'est leur seul recours - quand ils n'ont pas pu véritablement négocier. Alors, j'en arrive maintenant au service minimum…
Michèle COTTA –
Oui, mais vous laissez parler un peu les autres quand même après.
Georges SARRE –
J’ai l'impression que je ne pouvais pas parler, madame COTTA.
Michèle COTTA –
Si, allez-y !
Georges SARRE –
Alors, je voudrais faire court. Je dis, le service minimum, si on y arrive par la discussion mais penser qu'on va le faire par la loi, je crois que c'est une grave erreur car c'est extérieur à l’entreprise. La loi, par nature, est uniforme. Et penser que cela va se faire dans tous les services publics me paraît un contresens. Par contre, ce qui a été dit n'est pas exact. Dans tous les pays d'Europe n'existe pas le service minimum. Vous ne l'avez pas au Royaume-Uni. En Espagne, ça a marché une fois et mal à l'occasion de la grève en novembre, de l’eurogrève. Quant à l’Italie, il faut savoir que ça marche en fonction de certaines périodes et vous avez compris que ça ne durera pas bien longtemps. Alors négocions, négocions et voyons pourquoi les gens font grève. Ils font grève aujourd'hui parce que le service public est menacé dans la construction européenne ultra-libérale.
Christine BEDON (secrétaire Fédération Cheminots CGT) –
Monsieur SARRE demande d'abord de fixer ce que doit être le service minimum. Moi, je pense qu'il faudrait qu'on revienne aussi à ce que doit être le service public parce qu'on ne parle jamais autant des bienfaits du service public que lorsqu'il y a grève. Et curieusement, les plus grands défenseurs du service public au moment où il y a des actions revendicatives fortes sont aussi ceux qui se chargent de faire oublier le service public lorsque la grève est terminée et sont aussi ceux qui, finalement, mettent tout en œuvre pour justement évincer le service public au nom de la concurrence etc. etc. Donc, parlons du service public. Évidemment que lorsqu'il y a grève, les usagers sont gênés et croyez bien que les syndicalistes sont les premiers soucieux de ce phénomène-là.
Jean-Claude DELARUE –
Ça ne se voit pas sur le terrain.
Christine BEDON –
Si, si, ça se voit. Et nous faisons des expressions courantes vis-à-vis des usagers et croyez-moi, nous avons quelquefois, souvent même de bonnes surprises d'usagers qui nous soutiennent. Ce que je veux dire aussi, c'est que, bien évidemment, c'est poser aussi le droit de grève. Et quand on fait référence aux autres pays, il faut savoir que le plus souvent - cas à part peut-être de l’Italie - le service minimum est arrivé pour justement compenser un droit de grève qui n'existait pas. Donc, c'est un plus dans les droits sociaux de ce pays.
Michèle COTTA –
Alors, monsieur de VILLIERS, vous venez de déposer, vous, une proposition de loi pour instituer un service minimum. Qu'est-ce que vous pensez ? Il faut quand même l’assentiment évidemment des différents syndicats. Monsieur DELARUE, faites part aussi de votre indignation coutumière.
Jean-Claude DELARUE –
Je n'y manquerai pas, madame, mais monsieur de VILLIERS d’abord.
Philippe de VILLIERS –
Je reviens à ce qui a été dit par les uns et par les autres. Le service public par définition, ce n'est pas une entreprise privée. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le service public, par rapport à une entreprise privée, il doit assurer un certain nombre de règles notamment la continuité. Sinon, ce n'est plus un service public. En d'autres termes, le droit de grève qui est un droit inscrit dans le préambule de la Constitution, qui est un droit fondamental, vous avez raison de le souligner, doit être concilié avec la liberté d'aller et de venir car, à aucun moment dans un pays civilisé comme la France, on a le droit de prendre en otage quand on n’est pas content son voisin, un concitoyen.
Claude DEBONS –
N’employez pas le mot d’otage monsieur de VILLIERS. Dans les circonstances actuelles, je crois que c'est un peu excessif par rapport à notre compatriote qui vient d'être libéré. Je crois que le terme est un peu excessif.
Philippe de VILLIERS –
C'est une expression, je vous en donne acte, c'est une expression que je n'utilise pas, moi, qu’utilisent les usagers tous les jours lorsqu'ils vont sur leur lieu de travail. Il faut quand même se mettre à leur place. C'est d'ailleurs les plus démunis qui sont à chaque fois frappés et qui sont justement dans une situation… parce que, il y a des services publics qui ne sont pas monopolistiques. Alors moi, je pense qu'il est raisonnable premièrement de proclamer le droit de grève, pas question d'y toucher dans notre pays. Deuxièmement, d'assurer une continuité malgré tout. Alors il faut quand même dire une chose. Les policiers, ils n'ont pas le droit de grève. L'administration pénitentiaire, ils n'ont pas le droit de grève.
Georges SARRE –
C'est quand même assez normal.
Et FRANCE TELEVISION, il y a le service minimum ?
Philippe de VILLIERS. –
C'est tout à fait normal. En fait, la Constitution est bien faite puisqu'elle dit « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qu'il réglemente ». Donc, si vous voulez, il y a une modulation à trouver. Et moi, j'estime que, pour les transports à vocation monopolistique, il faut qu'il y ait - attendez, je termine juste - il faut qu'il y ait un service minimum, c'est-à-dire un minimum de continuité. Alors, je sais que, techniquement, ce n'est pas facile.
Claude DEBONS –
C'est le moins que l'on puisse dire. On en discutera un peu concrètement après…
Philippe de VILLIERS –
Mais si vous voulez, le concret, c'est la vie quotidienne des Français. Un service public, c'est quelque chose de très important. Et le service public doit permettre l'égalité de tous devant le service public, c'est-à-dire que ceux qui ne peuvent pas aller à leur travail parce qu'ils sont bloqués par une grève abusive…
Georges SARRE –
Alors justement, je vous ai entendu il y a quelques minutes parler de la construction européenne. Pourquoi les gens de la SNCF ou d'autres font-ils grève en ce moment ? Enfin, je veux dire, les dernières grèves. Pas pour des revendications catégorielles, pas pour une diminution de la durée du travail mais pour l'amélioration du service public. Pourquoi ? Et vous avez raison dans les définitions que vous avez donné. Pourquoi une amélioration du service public ? Parce que, à cause de Bruxelles, les directives introduisant la concurrence comme cela a été dit, eh bien, il est évident qu'on veut aller par exemple pour la SNCF ou d’autres vers la privatisation, mettre en concurrence. Et s'il y a toutes ces grèves, monsieur DELARUE, c'est tout simplement parce qu'il y a surenchère et que les agences sont inquiets pour leur avenir, l'avenir du service public en France. Donc, moi, ceux qui s'attaquent à ces dossiers devraient quand même réfléchir aux conditions qui permettraient à la France de garder ses services publics. Je prends trois exemples, la SNCF par exemple…
Michèle COTTA –
Attendez, monsieur DELARUE, puisque vous l'avait mis en cause. Monsieur DELARUE.
George SARRE –
Oui, mais, on nous a fait le coup, si vous permettez de dire que si ça se passait autrement, je prends par exemple à travers l'ouverture du ciel à la concurrence, on nous a dit « ça va être formidable pour les usagers ». Alors, c'est vrai que les usagers, les voyageurs paient moins cher. Oui mais, monsieur DELARUE, il doit vous arriver de prendre l'avion. Avant, il y avait beaucoup d'avions en retard. Mais aujourd’hui, à cause de la concurrence, la concurrence des lignes privées étrangères ou autres qui sont venues s’installer, eh bien, il n'y a plus un avion en France qui décolle à l'heure et qui atterrit à l’heure. Monsieur de VILLIERS qui est élu en province doit le constater assez souvent.
Michèle COTTA –
Monsieur DELARUE, vous répondez sur ce point.
Jean-Claude DELARUE –
Oui, je voudrais bien dire avant la fin de l'émission si possible. Non, ce que je voudrais dire simplement, c'est qu’effectivement je préférerais qu’un service minimum soit décidé en commun accord avec la SNCF, le ministre des transports… commence s’appelle le ministre des Transport déjà ? Ah, monsieur GAYSSOT, ah c'est ça, parce qu'on le voit tellement peu pour défendre les usagers.
Georges SARRE –
Oh, ça, c'est malin.
Jean-Claude DELARUE –
Non, non, mais c'est quand même vrai parce qu'il n'a absolument pas défendu les usagers pendant ces semaines-là, ces deux mois et demi. Alors bref… un service minimum décidé par le gouvernement, par la SNCF et par les syndicats, très bien. S'il n'y a pas de service minimum décidé ainsi volontairement, eh bien que la loi s’impose. La loi est là pour tout le monde y compris à la SNCF. En parlant de ça, le 5 octobre dernier, il y a eu une grève illégale déclenchée sur la ligne D du RER…
Georges SARRE –
Et comment ça marche votre service minimum monsieur DELARUE ?
Jean-Claude DELARUE. –
Bon, laissez-moi terminer un tout petit peu. Je ne vous ai pas interrompu tout à l’heure. Ce que je voudrais dire, c'est qu’à l’heure actuelle, il est clair que si, à la SNCF, si on continue à la SNCF à faire ce qui se passe à l’heure actuelle, on aura ceci, si vous voulez, bon, le slogan des syndicats de la SNCF grévistes, c’est « à nous de vous faire »…
Georges SARRE –
… Des pancartes, monsieur DELARUE.
Jean-Claude DELARUE –
Ecoutez, pourquoi pas ? Je crois qu'il y en aura effectivement à partir de janvier « … détester le train ». Et c'est pourquoi à l’heure actuelle, c'est une chose que je n'accepte ça, c'est le fait que 1 Français sur 3 veuille privatiser la SNCF. Alors, je sais bien qu'il il y a des expériences intéressantes comme les Côtes d’Armor. On pourrait peut-être privatiser la ligne C du RER, je ne sais pas, comme c'est le cas pour des lignes de car en banlieue en région parisienne qui font partie du service public. Je dis, 82 % des Français veulent le service minimum à la SNCF, il faut le réaliser.
Georges SARRE –
Mais qu’est-ce que c'est que le service minimum à la SNCF, monsieur DELARUE ? Au cours de cette grève, il y avait des TGV qui fonctionnaient.
Jean-Claude DELARUE –
On a répondu tout à l’heure, c’est-à-dire, des trains qui marchent le matin et le soir pour que les gens puissent travailler.
Georges SARRE –
Mais le matin et le soir, qui le prendra ?
Christine BEDON –
100 % des Français et en tout cas ceux qui utilisent le train souhaitent un service maximum tous les jours. Ça, c'est évident. Non, non, ce n'est pas une formule. 9 000 trains, plus de 9 000 trains retardés en neuf mois, ça, c'est une réalité, ça n’est pas une formule. Des heures supplémentaires par milliers, ça, c'est une réalité, ça n'est pas des formules. Ces actions qui viennent de se développer à la SNCF portaient toutes sur l’emploi.
Georges SARRE –
Et sur l’insécurité.
Christine BEDON –
Et sur l'insécurité et il ne faut pas l'oublier pour ce qui est notamment de la région parisienne. On note qu’à l’issue de ce conflit, on arrive finalement à une revendication qui, à 70:%, est satisfaite au jour d'aujourd'hui en termes d’emplois. Plus de 300 emplois ont été…
Michèle COTTA –
70 % de satisfaits contre 82 % de Français.
Christine BEDON –
Plus de 300 emplois ont été créés et qui vont satisfaire je crois les chômeurs.
(Brouhaha)
Georges SARRE –
… 80.000 emplois en dix ans, il faut quand même se souvenir…
Claude DEBONS –
Et elle assure le même trafic qu’en 1992 avec 25.000 cheminots en moins ce qui veut dire des gains de productivité, d'intensification du travail pour les cheminots et donc des conditions de travail qui parfois deviennent difficiles.
Philippe de VILLIERS –
Il y a quelque chose qui est tout à fait anormal.
Claude DEBONS –
Attendez, laissez-moi terminer monsieur de VILLIERS, je ne vous ai pas interrompu.
Michèle COTTA –
Tout le monde s’interrompt.
Claude DEBONS –
Je voulais en venir sur la question du service minimum. Vous êtes un usager des transports collectifs comme moi d'ailleurs et vous savez bien que, sur un certain nombre de lignes notamment en région parisienne, vous êtes incapable de me définir un service minimum qui assure des conditions de transport en toute sécurité pour les usagers qui ne soit pas le service maximum tel qu’il est aujourd’hui. Le nombre de… circulation qui est aujourd'hui saturé avec des conditions de transport qui sont insupportables quotidiennement en temps normal fait que, si vous instaurez un service minimum, vous allez amener sur les quais des gares, sur les quais des métros le même afflux d’usagers avec moins de trains et vous aurez énormément d’accidents. Moi, je ne prendrai pas ce risque-là. Et plutôt que de traiter des conséquences sur les usagers des conflits sociaux, je préférerais qu’on se penche sur une analyse sérieuse de l'origine de ces conflits, les conditions de travail, les manques d’effectifs. Savez-vous que dans une entreprise comme la SNCF…
Michèle COTTA –
Vous l’avez dit, monsieur de VILLIERS vous répond. C'est la règle du jeu.
Claude DEBONS –
Trois millions d'heures supplémentaires cette année par manque d’effectifs.
Michèle COTTA –
Allez-y monsieur de VILLIERS.
Philippe de VILLIERS –
Moi, ce que je voudrais dire, c'est que le bon sens commande par exemple d'imposer un service minimum dans les hôpitaux, pour l’électricité, pour un certain nombre de choses qui sont essentielles dans la vie courante. Alors, je suis comme monsieur DELARUE, je dis, le service minimum dans les transports, ça doit bien être possible techniquement. Alors ce n'est pas facile mais ça doit être possible techniquement, ça me paraît indispensable. Deuxième chose que je voulais dire très brièvement, c'est qu'en fait - alors là, je vais peut-être vous faire hurler - mais le remboursement des jours de grève, ça, ça me paraît tout à fait anormal.
Claude DEBONS –
Il n'y a pas de remboursement des jours de grève.
Philippe de VILLIERS –
C’était le cas en 95.
Claude DEBONS –
Non, non. 95 a fait l'objet d'une négociation particulière. C'est le seul cas.
Philippe de VILLIERS –
C’est une erreur. Je pense qu'on doit assumer. Sur le plan européen, en fait, on dit souvent « l’exception française ». Là, je rejoins Georges SARRE mais pas avec la même conclusion. Chacun fait comme il veut. Chacun fait avec sa culture etc. Par exemple, en Allemagne, les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève. Et donc, on ne peut pas tout avoir si vous voulez. Dans un service public, on a la garantie de l’emploi. Si on a le droit de grève, il faut l'utiliser à bon escient toujours pas rapport à l’usager. Vous savez, le droit français, il est bien fait.
Claude DEBONS –
J'ai des exemples d'utilisation à bon escient qui ont été condamnés.
Philippe de VILLIERS –
C'est comme de la propriété. On peut user de sa propriété mais pas en abuser parce qu'il y a toujours le voisin d’où la nécessité, on appelle ça avec l’expropriation, la nécessité publique. Chaque règle doit être contrebalancée par une autre grève. Chaque liberté doit être limitée par une autre liberté. Et je pense que, si on veut la bonne image demain de nos services publics auxquels on est tous attaché - madame, c'est vrai, vous avez raison, le service public, c'est une chose importante - il faut respecter la liberté d'aller et de venir et donc respecter l’usager. Il faut que le service public respecte l’usager. C'est son premier client.
Michèle COTTA –
Vous êtes d’accord avec ça, monsieur SARRE, non ?
Philippe de VILLIERS –
Je dis, un, que le service minimum peut apparaître comme une chose intéressante, un objectif. En réalité, c'est une vieille lune qui est ressortie récemment pour des raisons tactiques à l'occasion d’une grève. Deuxièmement, faisons en sorte que les services publics marchent, que ce ne soit pas le service public universel comme veulent l'imposer les directives européennes car, à ce moment-là, plus d'aménagement du territoire, plus de continuité de service public, plus de qualité de service public et des privatisations à tout-va avec ce que cela donne.
Claude DEBONS –
Mais c'est bien ça le fond du problème.
Philippe de VILLIERS –
Monsieur SARRE a raison sur un point très important là, c'est que…
Georges SARRE –
Un seul ?
Philippe de VILLIERS –
Sur un point clé, c'est Bruxelles. C’est, si vous voulez, attention à ce que, demain, il n'y ait pas une désertification du territoire. Et moi, je suis un élu de province. Et attention à ce que, et par l'avion et par le train, on ne soit pas des laissés-pour-compte par exemple. Moi, mon département, la Vendée qui est un grand département touristique avec la ville des Sables-d’Olonne, eh bien, on n'a toujours pas eu l'électrification avec le TGV. Ça, c'est scandaleux ! C'est une injustice très grave. L'Etat doit assurer un bon équilibre du territoire et ce n'est pas à Bruxelles là aussi à nous dicter notre loi. Là, je crois que je vais rejoindre Georges SARRE sur ce point-là.
Claude DEBONS –
Justement, si on veut que dans les services publics le climat social s’améliore, il faut traiter les problèmes au fond.
Michèle COTTA –
Mais vous ne répondez pas aux usagers tout de même.
Claude DEBONS –
Mais si, mais si. La réponse aux usagers, c'est évidemment l'amélioration du service public. Or, les politiques qui sont menées depuis un certain nombre d'années au nom de l'idéologie libérale, c'est de considérer que les services publics sont une charge insupportable pour la collectivité.
Georges SARRE –
Les usagers ont toujours raison mais ils ne font pas que prendre le métro ou le train. Ils sont aussi citoyens. Donc, se battre ensemble pour le service public est vraiment la priorité.
Philippe de VILLIERS –
Monsieur SARRE, est-ce que vous savez ce que la SNCF coûte aux contribuables français chaque année ? 60 milliards de francs. Donc, ce n'est pas bien géré.
Georges SARRE - Ce n’est pas une question de gestion.
Philippe de VILLIERS –
Mais si, ce n’est pas bien géré.
Georges SARRE –
Non, non, c'est une question d’investissement. Vous savez comme moi ce qui s'est passé pendant des années, :c'est à dire que la SNCF a construit les lignes TGV et elles étaient payées par la SNCF.
Jean-Claude DELARUE –
Rendez-vous à la rentrée pour…
Michèle COTTA –
Rendez-vous à la rentrée. C'était effectivement la dernière émission de l’année.
Claude DEBONS –
Reconnaissez, monsieur DELARUE, les usagers et les cheminots ont un intérêt commun, c'est l'amélioration du service public. Essayons de nous entendre là-dessus.
Michèle COTTA –
C'est la dernière émission de l’année 1998. L'équipe de « Polémiques » et moi-même, nous vous souhaitons naturellement d’agréables fêtes de fin d’année. Je vous donne rendez-vous dimanche 10 janvier pour de nouvelles « Polémiques ». Merci beaucoup.