Texte intégral
Q - Quelle analyse faites-vous du vote des députés sur la révision constitutionnelle liée au traité d'Amsterdam ?
Au total, soixante-six députés ont refusé la révision de la Constitution, cinq se sont abstenus et trente-quatre n'ont pas pris part au vote : c'est loin d'être négligeable. Cela illustre, s'il en était besoin, un trouble profond, d'autant plus qu'on sait bien que, dans les rangs du RPR notamment, beaucoup de députés ont voté pour la révision parce qu'ils ne voulaient pas avoir l'air de se dissocier du président de la République.
Q - Vous aviez dit que les amendements proposés par le RPR pouvaient aboutir à dénaturer les institutions de la Ve République…
– C'est vrai. J'avais ajouté que ceux qui se livraient à ce jeu d'amendements se faisaient des illusions. Tous leurs correctifs ont d'ailleurs été repoussés sans ménagement. Moi, je me bats sur un principe simple : le traité d'Amsterdam – qu'on le lise ! – subordonne toute la législation française, y compris la loi constitutionnelle, à la jurisprudence de la Cour européenne. Cela veut dire qu'à la minute même où ce traité sera ratifié la France, en tant qu'État souverain, n'existera plus, ou les mots n'ont plus de sens.
Q - Comment expliquer que ni le président de la République ni le président du RPR ne vous aient entendu ?
– Pour ce qui concerne le président de la République, il faudrait le lui demander. Quant au président du RPR, il sait très bien à quoi s'en tenir : il considère que, même si le président de la République a commis une erreur, il ne peut pas s'en séparer. C'est son choix. Pour moi, il ne serait y avoir de circonstances atténuantes dès lors qu'un tel coup est porté à l'indépendance nationale.
Q - Ce qui veut dire ?
– J'ai déposé, en mon nom personnel, une exception d'irrecevabilité au Sénat. Je voterai contre la révision constitutionnelle. Ensuite, j'attendrai de voir ce que fera le président de la République : il peut, afin de se laver de son erreur, s'en remettre au peuple français.
Q - Et si le président omettait de « se laver de son erreur » ?
– Cela voudrait dire qu'il convoque le Congrès à Versailles. À ce moment-là, je voterai encore contre. Puis, nous en tirerions les conséquences. Puisque les Français n'auraient pas été consultés, il faudrait bien qu'ils soient informés de ce qui va leur arriver. Il faudra le leur dire à l'occasion des élections européennes. C'est ce que je ferais.
Q - Annoncez-vous « une liste Pasqua » aux élections européennes ?
– Non, parce que, pour le moment, je ne sais pas comment cela va se passer. Chaque chose en son temps.
Q - Qui envisagez-vous de rassembler ?
– L'important est que, dans toutes les formations politiques, de droite comme de gauche, les gens s'interrogent et prennent conscience de ce qu'Amsterdam est plus lourd de conséquences que ce qu'on leur en a dit.
Q - Ce rassemblement peut-il inclure le Front national ?
– L'émergence du Front national, au début des années 80, notamment lors des européennes de 1984, a été le fruit de l'abandon par nous-mêmes du terrain des idées patriotiques et, dans une moindre mesure, de la participation du Parti communiste au gouvernement. Au moins en ce qui concerne la première de ces deux causes, il me semble que nous pouvons effectivement remettre l'ouvrage sur le métier.
Q - Les élections européennes sont aussi des élections nationales. Il n'est pas facile, dans ces conditions, de casser le clivage droite-gauche.
– Cette fois, je crois que l'enjeu européen l'emportera. Mais si les élections européennes devaient se transformer en pré-législatives, ce serait probablement un échec pour l'actuelle opposition.
Q - Est-ce là une forme de désaveu pour l'action conduite par le président du RPR ?
– Lorsque Philippe Séguin est devenu président du RPR, c'était dans un but précis : d'abord, pour réconcilier les membres du RPR entre eux, et pour redéfinir un projet gaulliste. J'ai décidé de l'aider. Il y a à peine seize mois que les législatives ont été perdues à la suite d'une initiative jugée intempestive. Il fallait donc le temps nécessaire au mouvement pour retrouver ses origines et s'affirmer. Ce temps aura manqué. Nous voilà aussitôt embarqués dans un système qui réunit le RPR, l'« UDF maintenue » et Démocraties libérale, c'est-à-dire à peu près la même chose qu'avant. Philippe Séguin est loin d'être le seul responsable de cet état de fait.
Q - Quelle conclusion tirez-vous de cette divergence ?
– Cette divergence est secondaire. Mon désaccord porte sur la révision de la Constitution et sur le traité d'Amsterdam. J'ai décidé d'en tirer les conséquences en quittant la direction nationale du RPR. Je l'ai annoncé à Philippe Séguin. Je ne peux pas rester conseiller politique du RPR et désapprouver dans le même temps ses choix dans un domaine fondamental. Il faut être conséquent.
Q - Vingt-deux ans, jour pour jour, après la fondation du RPR, ce retrait marque-t-il une rupture ?
– Je reste membre du Rassemblement. Je suis gaulliste. Je l'ai toujours été. Je le suis depuis la guerre, je n'ai jamais changé, et je ne changerai jamais.