Interview de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, à RTL le 17 novembre 1998 et Europe 1 le 3 décembre, sur la proposition soutenue par Les Verts de régularisation des sans-papiers, le choix de la procédure de ratification du traité d'Amsterdam, la préparation des élections européennes et les relations du Mouvement des citoyens au sein de la gauche plurielle.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - RTL

Texte intégral

RTL le mardi 17 novembre 1998

Olivier Mazerolle : En demandant, dans un communiqué à D. Voynet, de tirer les conséquences de ses propos, vous demander sa démission ?

Georges Sarre : « J’ai tout simplement observé une situation qui est inédite dans la République française. Un Gouvernement a une ligne. Il fait voter des propositions de lois, des projets de loi. Cela a été fait. Et, le ministre, Madame Voynet considère que c’est autre chose qu’il convient de faire. Il y a donc deux lignes au sein du Gouvernement. Et il faut trancher, naturellement. »

Olivier Mazerolle : Et alors ?

Georges Sarre : « Alors, la réponse est toute simple. Il va sans dire que c’est la loi qui a été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat qui va s’appliquer et qui s’applique. »

Olivier Mazerolle : Donc, D. Voynet doit partir ?

Georges Sarre : « C’est à elle d’en décider. »

Olivier Mazerolle : Jean-Pierre Chevènement, par exemple, disait : un ministre, cela ferme sa gueule ou ça s’en va ! »

Georges Sarre : « Je trouve que c’est un principe qui est tout à fait sain. Ou bien on parle, ou bien on se tait. »

Olivier Mazerolle : Vous lui demandez de se taire ou de partir, en l’occurrence ?

Georges Sarre : « Je viens de vous répondre. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ? »

Olivier Mazerolle : Ce que vous pensez !

Georges Sarre : « Ah non, ce que vous attendez ! Mais je n’en dirai pas plus. »

Olivier Mazerolle : Quand même, on ne peut pas…

Georges Sarre : « Si vous permettez, passons au fond ! »

Olivier Mazerolle : Non, non, attendez…

Georges Sarre : « Non, non, passons au fond, parlons de l’immigration ! »

Olivier Mazerolle : Oui, oui. On va parler de l’immigration. Mais quand même, on ne peut pas s’arrêter là. Madame Voynet, qu’est-ce qu’elle doit faire, selon vous ?

Georges Sarre : « Vous avez rappelé une forte maxime de J.-P. Chevènement, que je fais mienne. Elle peut voir ce qui lui plaît dans cette maxime. »

Olivier Mazerolle : Dites-moi, Jean-Pierre Chevènement, lui aussi, il prend des positions contraires à celle du Gouvernement. Sur l’Europe, par exemple. Il ne se gêne pas à la télévision pour dire…

Georges Sarre : « Là, vous commettez une erreur. Car, quand nous sommes arrivés dans la majorité plurielle, cela s’est fait sur une base tout à fait claire. Et, sur la question européenne – nos positions, qui sont connues grosso modo depuis les années 1965, je parle de J-P. Chevènement, de moi-même et de quelques autres, eh bien, elles évoluent avec le temps – nous l’avons apportée dans la corbeille de mariage. Et, si vous m’interrogez sur Amsterdam, je vous répondrais de façon tout à fait tranquille, et cela ne pose aucun problème à la majorité. »

Olivier Mazerolle : Est-ce que Jean-Pierre Chevènement, qui est président du Mouvement des citoyens – il est empêché, en ce moment, par son état de santé, d’être très actif…

Georges Sarre : « Mais, il va bien, il va bien… »

Olivier Mazerolle : Est-ce qu’il a été consulté avant la publication de votre communiqué ?

Georges Sarre : « Pas le moins du monde ! Pensez-vous que j’ai besoin de consulter Jean-Pierre Chevènement pour faire un communiqué ? »

Olivier Mazerolle : C’est pour savoir s’il y a été associé ou pas ?

Georges Sarre : « Il n’a pas été associé à ce communiqué. Mais, connaissant ses idées sur la question, pour en avoir débattu souvent, très souvent avec lui, je peux vous dire que nous sommes en phase. »

Olivier Mazerolle : L’immigration est une question qui traverse la gauche depuis le début. Chacun a sa sensibilité. Il reste, grosso modo, 60 000 dossiers à régler, de personnes qui demandent leur régularisation, et qui vont être refusées. Qu’est-ce qu’on en fait ?

Georges Sarre : « La réponse à cette question est simple. La politique de l’immigration développée par le gouvernement de L. Jospin est une politique réfléchie, qui a été pensée. Que disons-nous ? Un, que l’immigration est un phénomène mondial. Que, quand on procède à une régularisation à l’italienne, c’est un appel d’air inouï, formidable. Regardez ce qui se passe en ce moment dans tous les consulats italiens ! À chaque frontière italienne, c’est l’arrivée massive d’étrangers, qui viennent de partout, d’Europe ou d’ailleurs, pour obtenir la possibilité de séjourner, de travailler en Italie. Naturellement, ils n’obtiendront pas satisfaction. Ils vont tourner comme cela. Je crois que quand on aborde ces questions, il faut le faire de façon responsable. Depuis que le Gouvernement actuel est en place, qu’a-t-il été fait ? Une régularisation importante, la plus importante depuis 1982. »

Olivier Mazerolle : 80 000 personnes à peu près !

Georges Sarre : « 80 000 personnes, en effet, ont été régularisées – et quelques autres : il y a des recours qui sont faits, qui le seront encore. C’est donc quelque chose de très important. Mieux que cela ! Les étrangers qui vivent en France, ceux qui viennent d’être régularisés, comme les autres, vont, pour la première fois dans l’histoire de la République française, bénéficier des mêmes droits sociaux que les Français. N’est-ce pas une avancée ? Troisièmement, J.-P. Chevènement a travaillé à ce projet avec Madame Aubry – Madame Aubry l’a présenté en Conseil des ministres – qui met enfin en place une politique durable de co-développement avec les pays qui connaissent une forte émigration, qui nous envoient des immigrés. C’est-à-dire faire en sorte que sur la base de protocoles passés entre la France et ces pays – pour le moment, il y en a quatre – les intéressés repartent dans leur pays. Et, vous me disiez : que va-t-on faire de ces 60 000 ? Eh bien, ou ils seront reconduits à la frontière – il en repart tous les jours –, ou bien alors, dans le cadre de ces accords, de ces protocoles, ils pourront retourner dans leur pays natal, leur pays d’origine, de façon à pouvoir travailler, créer des entreprises, agir chez eux avec les moyens et la formation professionnelle pour y parvenir ; et avec la faculté – écoutez bien ! – de revenir dans notre pays tous les six mois, par exemple, s’ils le souhaitent, et repartir après qu’ils aurons réglé un certain nombre d’affaires. N’est-ce pas cela une politique d’avenir ? Et quand on dit – parce qu’il n’y a pas que les Verts – qu’il faut revoir les dossiers, il faut penser à plusieurs choses. Est-ce que certains, en excitant, en incitant les immigrés à aller dans les églises, à faire des grèves de la faim, est-ce qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils vont, un jour ou l’autre, avoir un drame ? Quelqu’un risque de mourir dans ce genre d’aventure ! Non, ce qu’il faut, c’est, quand on est républicain, faire que la loi républicaine soit appliquée, surtout quand elle est juste et qu’elle est progressiste. »

Olivier Mazerolle : Le Gouvernement est souvent désarmé devant ces grèves de la faim. Finalement, il est obligé de prendre des dispositions…

Georges Sarre : « Il n’est pas désarmé, mais il est en position délicate, pour la simple raison que, tout un tas de gens, qui veulent se donner le beau rôle, les incitent à aller dans cette direction ! »

Olivier Mazerolle : Le Parti communiste, certains socialistes, les Verts, c’est cela !

Georges Sarre : « Bien entendu ! Je dis que tous ceux qui participent, de près ou de loin, à ces actions ne rendent pas service aux étrangers. Ils desservent la loi républicaine, car c’est quand même prendre un champ inouï par rapport à des textes débattus démocratiquement, votés. Quand je vois que des députés incitent les immigrés à aller dans cette direction, mais pourquoi ont-ils voté la loi ?! Je n’ai jamais fait quelque chose qui était contraire à ma pensée profonde. »

Olivier Mazerolle : Vous parliez de l’Italie tout à l’heure. Ceci montre bien qu’il y a un problème de l’immigration au niveau du continent européen.

Georges Sarre : « Bien sûr. »

Olivier Mazerolle : Or, le traité d’Amsterdam…

Georges Sarre : « C’est vrai en Europe, c’est vrai également en Amérique du Nord. C’est vrai partout. »

Olivier Mazerolle : En Europe, le traité d’Amsterdam propose une politique commune européenne sur l’immigration. Et vous, vous ne voulez pas du traité d’Amsterdam !

Georges Sarre : « Non, non. Il ne propose pas une politique commune. Il fait en sorte que ce soit communautarisé, sans qu’il y ait eu le moindre débat. Le traité d’Amsterdam a été négocié par le Gouvernement Juppé de façon scandaleuse. C’est un traité… »

Olivier Mazerolle : Il faut bien une politique européenne sur l’immigration ! Sinon, on ne s’en sortira pas !

Georges Sarre : « J’y viens… Cela, c’est la fuite en avant. C’est la pierre philosophale. Il y a une difficulté en France, en Allemagne ou ailleurs, et tout de suite on dit : l’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! Il y aura naturellement une solution européenne. Eh bien, moi, je vais vous donner quelques éléments d’information. »

Olivier Mazerolle : Rapidement !

Georges Sarre : « Les Allemands, aujourd’hui, sont pour une politique de l’immigration sur la base des quotas, en disant : tant d’étrangers venant de Turquie, tant de Turcs, de Kurdes, d’Algériens, etc. C’est absurde, mais totalement absurde parce qu’en Allemagne, ce sont les Turcs ou les Kurdes qui y vont, parce qu’il y a beaucoup de Kurdes et de Turcs. En France, ce sont plutôt les Maghrébins. Donc, si les quotas sont fixés, comme cela, de façon arbitraire, naturellement, cela ne marchera pas. Et je peux dire à Monsieur Cohn-Bendit, et à quelques autres : si cela se passe au niveau européen, cela sera mieux ? Bien entendu que non ! C’est le contraire. Et ce sera beaucoup moins, je veux dire, libéral, et moins social que cela ne l’est aujourd’hui avec la loi française. »

Europe 1 le 30 octobre 1998

Karl Zéro : Bon lundi, bon appétit, Europe Zéro, en compagnie de Georges Sarre, qui a autant de cheveux que moi. Vice-président délégué du Mouvement des citoyens, député de Paris et ami personnel du miraculé républicain, celui qui ne veut pas régulariser les sans-papiers. Allez c’est parti. Georges Sarre, bonjour.

Georges Sarre : Bonjour.

Karl Zéro : Est-ce que je peux te tutoyer ?

Georges Sarre : Salut et fraternité, bien sûr ! Mais moi je vouvoies.

Karl Zéro : Ben non, ben non. Tu es le Mouvement des citoyens donc normalement tu tutoies.

Georges Sarre : Ah oui, mais moi le tutoiement on le pratique entre camarade.

Karl Zéro : Mais je suis presque un camarade quand même !

Georges Sarre : Mais vous n’êtes pas encore un citoyen conscient et organisé.

Karl Zéro : Citoyen au-dessus de tout soupçon. D’abord une question d’actualité. Avec la nouvelle jurisprudence Pinochet, est-ce que tu es aussi pour que l’on juge les dictateurs en activité comme Kabila, par exemple ?

Georges Sarre : Moi je suis pour que tous les massacreurs soient effectivement jugés.

Karl Zéro : Pas seulement ceux qui sont en retraite ?

Georges Sarre : Pas seulement ceux qui sont en retraite ou ceux qui sont morts.

Karl Zéro : Parce que là, il y a un vrai changement quand même, c’est jamais arrivé.

Georges Sarre : Je considère que la décision prise par la Chambre des Lords est un événement considérable. C’est une vraie révolution parce que quand on connaît la mentalité, la tradition anglaise, moi je disais « le curseur, s’il bouge dans cette direction, ça sera formidable ». Évidemment Pinochet n’est pas encore jugé, mais je pense que c’est déjà une victoire et c’est Isabelle Allendé qui a dit ça : « c’est déjà une victoire des démocrates » et ça c’est profondément juste.

Karl Zéro : Bon, moi je voudrais des nouvelles fraîches de ton chef, Chevènement.

Georges Sarre : Il va bien.

Karl Zéro : Le miracle continu. « Il a refait son beafteack », je le cite. Il a même fait du ski de fond. Ne me dis pas que sur sa lancée, il va faire du trekking dans l’Himalaya.

Georges Sarre : Il se repose. À l’heure actuelle il est à Paris et ça se passe très bien.

Karl Zéro : Mais quand il est passé sur l’autre rive, est-ce qu’il a vu Dieu ?

Georges Sarre : Il ne l’a pas rencontré, mais il m’a dit que je pouvais être tranquille pour la suite.

Karl Zéro : C’est à dire ?

Georges Sarre : Eh bien qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter puisque manifestement il a eu une conversation avec tous les gens qu’il pouvait rencontrer et ils l’ont fait revenir.

Karl Zéro : Et il n’a pas eu peur quand il est passé de l’autre côté ?

Georges Sarre : Non, mais je crois qu’il est revenu, bizarrement, avec beaucoup de souvenirs.

Karl Zéro : Ah oui, donc il peut dire précisément ce qu’il a vu de l’autre côté ?

Georges Sarre : Précisément, peut-être pas, mais…

Karl Zéro : Ce qu’il a ressenti quoi ?

Georges Sarre : Ce qu’il a ressenti.

Karl Zéro : Et du coup, de l’autre côté, il y en a pas un qui lui a dit : les sans papiers faudrait faire quelque chose, non ?

Georges Sarre : Non, sur les sans papiers ils ont été très bien. Ils comprennent que ces gens seront mieux dans leurs pays et notamment à travers la politique que Chevènement et Martine Aubry ont fait adopter par le Gouvernement. Parce que la question des sans papiers, si on a la politique de co-développement pensée par Saminaïr, si on a des conventions passées avec les pays en question, ce sont les rapports Nord-Sud qui changent. Or, la question de l’immigration, si on veut la traiter de fond, c’est par le changement profond des relations entre les pays riches et les pays pauvres.

Karl Zéro : Mais qu’est-ce qui nous prouve que les pays pauvres suivront ?

Georges Sarre : Parce que c’est l’intérêt de tous ! En général les gens veulent vivre et travailler au pays. À partir du moment où dans les pays d’Afrique, ou d’Asie, ou d’Amérique Latine on a du travail, ben on reste sur place.

Karl Zéro : Tu as organisé la semaine dernière à l’Assemblée Nationale une réunion rassemblant les Républicains des deux rives si on peut dire. Avec notamment Pasqua contre le traité d’Amsterdam. Mais apparemment aucune action commune n’est envisagée malgré une convergence totale des points de vue. Est-ce que c’était vraiment la peine de réunir tout ce monde pour prendre le thé entre souverainistes.

Georges Sarre : Eh bien, nous sommes en effet pour la souveraineté du peuple et ça vaux le coup d’en débattre parce qu’il est rare qu’un peuple veuille abandonner sa souveraineté et l’indépendance de son pays. Voilà. Alors pour le moment on ne fait rien en commun, évidemment puisque nous ne sommes pas du même camp. Mais dans une situation radicalement nouvelle, il ne faut jamais insulter l’avenir.

Karl Zéro : Oui, oui, mais si Amsterdam est si dangereux qu’il le prétend, c’est un peu léger comme riposte, non ? Regarde, pour rester dans l’imagerie Républicaine…

Georges Sarre : Mais je sais compter ! Je sais compter.

Karl Zéro : Oui.

Georges Sarre : Quand il y a grosso modo le groupe communiste, le Mouvement des citoyens, quelques députés socialistes, quelques députés RPR et deux ou trois UDF, sur 577 mettons 50 en tout, et je suis optimiste, qu’on s’entende avant, pendant, nos voix se retrouveront de toute façon quand le résultat sera affiché.

Karl Zéro : Pour rester dans l’imagerie républicaine, quand la patrie était en danger à Valmy, Danton et Robespierre, ils se sont pas contentés de faire un colloque !

Georges Sarre : Robespierre avait déjà voté contre la guerre. C’est le seul, car Louis XVI et les Girondins, pour des raisons différentes, sont pour la guerre. Et Robespierre était contre parce qu’il avait compris que les idées, et en particulier les idées Républicaines la démocratie ne s’exporte pas à la pointe des baïonnettes. En 1792, c’est le peuple qui a fait Valmy puisque les sans-culottes ont crié sus à l’Autrichien. Et bien se sera la même chose, c’est le peuple Français, ou le peuple Italien, ou le peuple Allemand qui diront, mais attendez, on veut à nouveau être indépendant et souverain. Ce qui n’empêche pas une bonne coopération entre les nations.

Karl Zéro : Mais dans ce cas-là, si tu es logique et si vous êtes logique avec nous…

Georges Sarre : Nous sommes cohérents et logiques en général.

Karl Zéro : Bon alors il faut faire une liste commune avec Pasqua et puis basta.

Georges Sarre : Nous n’avons pris de décision mais ce n’est pas la direction que nous prenons.

Karl Zéro : Est-ce que le vrai problème c’est pas la présence de Chevènement au sein du Gouvernement qui est pour Amsterdam ?

Georges Sarre : Non, non, Jean-Pierre Chevènement s’est exprimé parfaitement et sur l’euro et sur Maastricht et sur Amsterdam et nous sommes en phase, en harmonie totale.

Karl Zéro : Oui, mais ce coup-ci, il a choisi de fermer sa gueule plutôt que de démissionner.

Georges Sarre : Mais parce que sur cette question nous avons apporté nos positions en passant alliance avec le parti socialiste et les autres formations de la gauche plurielle.

Karl Zéro : Alors j’en déduis que pour Chevènement, la disparition de la France c’est moins grave que la guerre du Golfe ou l’inflexion de la politique de Mauroy en 83 ?

George Sarre : Nous ne sommes pas encore à la disparition de la France, nous en sommes à un effacement progressif de la France, mais nous nous sommes battus contre cette orientation et si nous sommes dans le Gouvernement c’est pour permettre que la construction européenne soit réorientée.

Karl Zéro : Georges, est-ce que tu es plus Chavènementiste que Chevènement ?

Georges Sarre : Non. On ne peut pas être plus royaliste que le roi.

Karl Zéro : Au Mouvement des citoyens, vous êtes des gens de principes. J’imagine qu’il est totalement exclu que vous fassiez liste commune avec les ultras Maastrichiens du PS quand même ?

Georges Sarre : Nous avons des groupes de travail avec le parti communiste et le parti socialiste. Et nous ne tricherons pas et j’espère eux non plus. En effet, je ne vois pas pourquoi, comment nous pourrions faire une liste commune, par exemple, avec Jacques Delors.

Karl Zéro : Oh oui, se serait… Je ne peux pas t’imaginer, toi, ni Jean-Pierre Chevènement faire liste commune avec le PS. Se serait se foutre du monde. Vous pensez exactement deux choses différentes !

Georges Sarre : Mais nous n’avons pas dit que nous ferions liste commune…

Karl Zéro : Tu n’as pas dit que tu ne le ferais pas non plus.

Georges Sarre : Non, parce que l’intérêt de tout le monde, de la gauche en particulier, mais des Français, c’est de voir si le parti socialiste, en ce moment, a un rôle éminent, qui est je dirais l’axe de la majorité, au moins numériquement, est-ce que le parti socialiste va changer de cap pour permettre que la construction européenne ne fasse pas disparaître les nations et surtout assure la croissance et le plein emploi. Parce que si nous sommes sur ces positions, ce n’est pas par je dirais chauvinisme ou conception ridicule et vaine et dépassée, voire dangereuse. Nous considérons que l’emploi doit être la vraie priorité, la seule priorité.`

Karl Zéro : Moi j’ai plutôt l’impression, plutôt que ce soit le PS qui change d’avis, que c’est toi qui cède du terrain, parce qu’il y a un an, je reprends tes déclarations, tu exigeais un référendum sur le traité d’Amsterdam.

Georges Sarre : Je l’exige toujours. Je l’ai demandé à l’Assemblée nationale.

Karl Zéro : Alors, ils t’ont écouté ?

Georges Sarre : Ah, ils ont considéré que l’Assemblée nationale et le Sénat, réunit en congrès, sont capables de voter la réforme de la Constitution parfaitement juste, mais ce que nous souhaitons, c’est que le Président de la République fasse le référendum. Car le traité est parfaitement anticonstitutionnel.

Karl Zéro : Qu’est-ce qui me dit que dans six mois tu vas pas chanter les louanges de l’euro avec Bayrou et Cohn-Bendit.

Georges Sarre : Ah là, alors c’est une chorale qui ne verra pas le jour.

Karl Zéro : A la limite, tant qu’à faire liste commune, ça serait pas plus logique de la faire avec le PC ?

Georges Sarre : Ce serait plus logique. Ce serait plus cohérent.

Karl Zéro : Dans son combat de titan contre Cohn-Bendit, Robert Hue serait content d’avoir votre pourcentage en plus !

Georges Sarre : Oui, mais c’est une hypothèse. Il y en a d’autres. Il peut y avoir les socialistes et les communistes, le MDC ensemble. Il peut y avoir le MDC tout seul. Il peut y avoir le MDC avec le parti communiste. On peut même imaginer une liste PS-PC et à ce moment-là pour nous les choses changent.

Karl Zéro : C’est pas gagner.

Georges Sarre : Oh c’est loin d’être gagné, c’est même un pari risqué.

Karl Zéro : Au fait, le Mouvement des citoyens réclame toujours la tête de Voynet au bout d’une pique ?

Georges Sarre : Nous n’avons jamais demandé la tête de Dominique Voynet. Nous avons considéré au contraire, qu’elle s’est mis une sacrée dose de poils à gratter en faisant venir Cohn-Bendit ou acceptant que Daniel Cohn-Bendit soit le numéro 1 de la liste. D’ailleurs, j’ai noté qu’elle l’a mis en garde, en disant « c’est long six mois, on va s’user ».

Karl Zéro : Tu veux dire qu’elle est bien emmerdée de l’avoir pris.

Georges Sarre : Oh, elle est plus qu’emmerdée, oui !

Karl Zéro : Qu’elle est en train de se faire bouffer petit à petit, notamment sur le problème des sans-papiers.

Georges Sarre : En tout cas, elle a une concurrence directe. Et comme nous sommes en plein système libéral, la concurrence ça fait mal.

Karl Zéro : En te cabrant sur cette affaire des sans-papiers, Georges, est-ce que…

Georges Sarre : Oh je ne me suis pas du tout cabré.

Karl Zéro : Oh un peu, un peu parce que vous voulez pas du tout les régulariser, pourtant ça serait humain, ça serait généreux.

Georges Sarre : Je suis plus humain que tous ceux qui souhaitent la régularisation de tous.

Karl Zéro : Est-ce que tu ne risques pas de gâcher…

Georges Sarre : Non, non, deux secondes.

Karl Zéro : Ouais.

Georges Sarre : La loi du Gouvernement qui a été voté par le Parlement est une loi juste et humaine. Je rappelle que c’est la plus grande régularisation d’étrangers depuis 1982. Deux, que pour la première fois dans l’histoire de la République les étrangers en situation régulière et les Français auront les mêmes droits sociaux, pas les mêmes droits civiques puisqu’ils ne sont pas des nationaux. Troisièmement, Séminaïr et le Gouvernement ont accepté une politique de co-développement. C’est-à-dire que nous voulons que les pays du Tiers-Monde en voie d’émergence, eh bien puissent faire travailler les gens chez eux. Ce que nous refusons, c’est que en France, il y ait des gens exploités dans des conditions scandaleuses. Il faut mener énergiquement le combat contre les marchands de sommeil, contre ceux qui les font travailler dans les ateliers clandestins. Mais si on régularisait les 62 000 qui ne le sont pas encore, eh bien c’est ouvrir véritablement la boîte de Pandore puisqu’on ne sait pas combien aujourd’hui en France il y a d’étrangers en situation irrégulière. Et si j’ai dit finalement, Daniel Cohn-Bendit et Madelin sur le fond c’est la même chose, eh bien c’est que si on ouvre les frontières alors là il y a plus un salaire qui tient. Le SMIC volera en éclat. Vous voyez bien dans quelle direction on ira.

Karl Zéro : Mais justement est-ce que vous risquez pas en tenant des propos comme ça, qui sont quand même des propos de fermeté, même s’ils sont teintés d’humanité…

Georges Sarre : Non, non, ils ne sont pas teintés… Ça c’est vraiment être républicain.

Karl Zéro : Est-ce que vous risquez pas de vous gâcher le capital de sympathie que vous avez engrangé auprès des jeunes et des intellectuels avec vos positions sur le refus du libéralisme, justement sur Madelin, sur Maastricht ou sur le PACS ? C’est un peu dangereux ce que vous faites.

Georges Sarre : Sur le PACS, c’est nous qui avons lancé…

Karl Zéro : Justement, vous avez engrangé un capital sympathie.

Georges Sarre : Nous l’avons, nous l’avons. À l’heure actuelle la question de l’immigration est une affaire qui évolue positivement car ce que nous avons aussi cherché, c’est qu’il n’y ait pas l’immigré qui soit au milieu du débat politicard, politicien, l’étranger servant de balle de ping-pong entre la gauche et la droite. Si je prends les élections partielles, eh bien je me suis procuré tout le matériel diffusé, professions de foi, tracts, affichettes, que sais-je… journaux. Eh bien pas une fois le mot sans papier, le mot immigration, le mot étranger ne vient parce que maintenant tout le monde a compris qu’il faut la maîtrise des flux migratoires.
Et la difficulté quand nous crions par exemple après Cohn-Bendit ou Dominique Voynet, c’est qu’ils gênent l’application et l’exécution de la politique du Gouvernement en la matière. Comment voulez-vous que cela marche si en permanence les décisions prises sont remises en question. Ce n’est pas aller de l’avant, c’est régresser.

Karl Zéro : En tant qu’ancien secrétaire d’État au transport, tu laisses une œuvre importante. Le permis à points, les 50 km à l’heure en ville et le contrôle technique obligatoire. Parmi toutes ces mesures, quelle est celle dont tu es le plus fier ?

Georges Sarre : Ça forme un tout car toute mesure sauve des vies et c’est quand même essentiel. Moi, je suis allé 20 fois ou 200 fois, pas 20 fois, 200 fois dans les hôpitaux après des accidents parce que des cars ou des camions ou des voitures individuelles ou des motards… C’est l’horreur absolue. Des pauvres corps déchiquetés, des gamins de 10 ans, 5 ans, des gens de 40, j’ai vu une jeune fille belle et quand je lui ai serré la main, j’ai vu qu’elle ne pouvait pas bouger. Alors le professeur Agarche m’a dit qu’elle a été touchée à la colonne vertébrale et qu’elle ne pourra plus jamais remuer. Donc, toutes les mesures sont bonnes. Celle dont je suis le plus fier, parce que c’était sans doute la mesure la plus courageuse, c’est le permis à points. Mais je suis catastrophé parce qu’il va y avoir une nouvelle loi, présenté par Jean-Claude Gayssot, sur la vitesse. Moi, je considère que l’on a assez de loi, de textes, de règlements. Il faut appliquer. C’est toujours la même chose car si aujourd’hui les chiffres sont partis dans la mauvaise direction, c’est pour une raison simple, c’est qu’il n’y a pas de contrôle.

Karl Zéro : Quelle est pour toi la plus grave infraction que tu aies commise au code de la route ? Soit franc.

Gérard Sarre : Oh, je pense que comme tout le monde j’ai commis des excès de vitesse. J’ai peut-être même grillé un stop parce que on ne va pas vite. Je suis un automobiliste comme tous les autres.

Karl Zéro : Bravo Georges.

Georges Sarre : Susceptible de commettre en permanence une faute.

Karl Zéro : L’an dernier, Jean-Pierre Chevènement a fait de toi le Monsieur Pitbull du Gouvernement. Hein, j’invente pas, alors qu’est-ce que tu comptes faire. Un contrôle technique pour les chiens d’attaque, un permis à points pour leur maître ou mordre Cohn-Bendit peut-être.

Georges Sarre : Se serait plutôt un contrôle technique pour les propriétaires. Je crois qu’il faudrait quand même réviser quelque chose chez eux, parce que, avoir des chiens dont on sait franchement, hein tous sauf sympas, même s’il y a des associations qui les défendent. Ce que nous faisons, c’est tout simplement prendre des mesures pour que ces chiens ne puissent pas nuire et en particulier nous allons vers l’extinction des Pitbulls d’ici à quelques années. Donc, c’est la mesure radicale par excellence.

Karl Zéro : Mais rassure moi, tu aimes les chiens quand même ?

Georges Sarre : Ah, j’adore les chiens. En particulier les chiens de chasse.

Karl Zéro : Merci Georges.