Texte intégral
Q - La crise au FN. Libération titrait hier : « Cadeau de Noël pour l'opposition » ?
- « Oh, ce n'est pas mon sentiment. C'est plutôt un cadeau pour la vie politique. Cette crise m'inspire deux remarques : d'abord, lorsqu'un parti politique repose sur l'infaillibilité du chef, lorsque le chef devient de plus en plus autoritaire, eh bien, on voit qu'il y a quelques difficultés. Et puis deuxièmement, je pense que le PS, aujourd'hui, doit être très ennuyé, car voilà depuis plus de quinze ans que le PS joue avec le FN. On connaît l'ambiguïté des rapports en M. Mitterrand et l'extrême droite. Et on a vu aux dernières élections législatives, dans 71 cas, 71 primaires - plus correctement 71 triangulaires imposées par le FN - ces 71 triangulaires ont servi le PS puisqu'il y a eu plus de 50 élus. Bref, tout cela est un problème pour le PS et je n'en veux pour preuve… »
Q - C'est une aubaine pour vous ?
- « Moi ce qui m'intéresse, c'est la vie politique. Et vous savez qu'en ce qui concerne le RPR, ses rapports avec le FN sont très clairs. Mais ce que je peux vous dire, c'est que le PS - qui est très ennuyé de ce problème - a inscrit à l'ordre du jour, ce soir, une résolution sur le service d'ordre - une résolution d'enquête du FN - justement pour continuer à parler du FN. Donc, on voit très clairement… »
Q - Une commission d'enquête sur le service d'ordre du FN ?
- « Oh ! C'est très simple. Parce que vous avez une loi de 36 ; cette loi de 36 dit que s'il y a une milice armée, il faut dissoudre cette milice. Le ministère de l'Intérieur a tous les moyens de savoir si aujourd'hui il y a une milice armée ou pas. S'il y a une milice armée, il n'a qu'à dissoudre. Mais en réalité, le PS est en train, puisqu'il est ennuyé de ce qui se passe avec le FN, et qu'il lui manquera un moyen de faire des triangulaires dans quelques années, il essaye aujourd'hui de faire réapparaître le problème du FN, de discuter pendant six mois, alors qu'il y a des choses plus importantes. »
Q - Mais vous enterrez le FN. Déjà, ça y est, vous dites c'est fini ?
- « Écoutez, je dis qu'il y a peut-être aujourd'hui des choses plus importantes à l'Assemblée nationale que discuter pendant six mois par une commission d'enquête sur le service d'ordre du FN. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire simplement que le PS, et on le voit là très clairement, est l'allié objectif du FN. »
Q - Donc, vous dites : il n'y aura plus de triangulaires. Donc, vous, vous considérez que la crise entre Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen est en train de signifier la mort du FN ?
- « La guerre des chefs au sein du FN ne m'intéresse pas. Moi je préférerais, quand je viens ici, parler des problèmes économiques, des problèmes des Français, du problème de la grève dans les services publics, d'évoquer toutes les idées… »
Q - Mais enfin, le FN, c'est un cauchemar pour vous, quand même ?
- « Non, ce n'est pas un cauchemar. Il n'y a que vous qui en parlez. Notre position est très claire à l'égard du FN : il n'y a aucun compromis, aucune compromission. Ce qui arrive au FN, c'est le problème du FN et à défaut le problème des rapports entre le FN et le PS. Ce qui m'importe, moi, c'est que le RPR… »
Q - Il y a des Français qui ont voté pour le FN.
- « Mais certainement, et je dis à ces Français : regardez ce que fait le RPR, regardez les efforts qui sont les nôtres pour retrouver un discours politique, faire des propositions précises, regardez ce qu'a annoncé le Président de la République à Rennes, sur un certain nombre de réformes et de modernisation de la vie politique. »
Q - Vous ne trouvez pas M. Mégret plus sympathique que M. Le Pen ?
- « Je n'ai pas à vous dire qui est sympathique. Pour moi, derrière les hommes, il y a les idées, et ces idées elles ne me conviennent pas. Moi je préfère me battre pour les idées du RPR. »
Q - Pas plus pour l'un ou pour l'autre ?
- « Pas plus pour l'un que pour l'autre. »
Q - Le discours du Président de la République à Rennes a été considéré unanimement comme le retour total de Jacques Chirac sur la scène de la politique intérieure. Mais pourquoi fait-il maintenant ?
- « Mais il n'avait jamais disparu de la scène politique. »
Q - Mais enfin, c'est un discours que même l'opposition a salué comme étant un discours fondateur. Mais pourquoi le faire maintenant ?
- « Parce que Jacques Chirac a trouvé qu'aujourd'hui il y avait un certain nombre de problèmes qui se posent à la France, et qu'il était de son devoir en tant que Chef de l'État d'indiquer la piste et les orientations. Je crois que ce qu'il a dit sur la modernisation de la vie politique, c'est essentiel. Aujourd'hui, au lieu de se battre comme le font les socialistes à se chipoter avec le FN ou a essayer de faire vivre le FN artificiellement, je crois qu'il serait bien plus intéressant pour l'Assemblée nationale et pour la vie politique de se préoccuper des problèmes des Français, de la modernisation de la vie politique, et peut-être éventuellement de réfléchir au service minimum dans les services publics. »
Q - Je croyais que vous vouliez déposer une proposition de loi là-dessus ?
- « Bref, le Chef de l'État a indiqué une ambition pour la France, et du coup, il ringardise tous ceux qui s'occupent de l'immédiat et qui s'occupent des affaires politiques et politiciennes. Orientons la France vers les vrais problèmes des Français, et arrêtons de chipoter. »
Q - En quoi ce discours est-il un discours fondateur pour l'opposition, dans la mesure où sur la plupart des thèmes que le Président de la République a développés, ils ne font pas problème entre les socialistes et vous. Ce sont des grands principes ?
- « Il n'y a pas des grands principes sur le service minimum dans les services publics. Tout le monde reconnaît effectivement que la grève est un droit ; tout le monde reconnaît aussi que la liberté est un droit. Eh bien, il faut concilier le droit de grève avec la liberté des uns et des autres à utiliser le service public. »
Q - Vous allez déposer un projet de loi ?
- « Nous avons l'intention, oui. Nous réfléchissons. Et nous verrons avec l'ensemble de l'opposition, au mois de janvier, s'il est possible de déposer une proposition de loi et pas un projet de loi. »
Q - Le cumul des mandats : là, c'est plutôt vous qui êtes en désaccord avec le Président de la République. C'est l'opposition qui fait obstacle au projet gouvernemental qui interdirait le cumul parlementaire-maire ?
- « Nous ne faisons aucune obstruction. »
Q - Le Sénat dit non ?
- « Le Sénat, ce n'est pas moi. »
Q - Le Sénat est à majorité RPR-UDF ?
- « Le Sénat peut dire ce qu'il veut. Nous, nous l'avons dit depuis longtemps. Alain Juppé l'a dit, Jacques l'a dit et redit et nous disons : il faut qu'il y ait la possibilité d'un cumul entre la fonction de député et la fonction de maire. »
Q - Ah ! Vous voyez ?
- « Qu'il y ait un cumul entre la fonction de député et la fonction de maire. Mais lorsque ce député devient ministre, je crois qu'il faut éviter ce cumul. Nous l'avons dit depuis longtemps. Sur la modernisation de la vie politique, en permettant aux femmes d'accéder à des mandats politiques, nous sommes désireux d'une évolution de la législation. Bref, nous avons rappelé, et le Président de la République a rappelé, qu'il y avait un certain nombre d'impératifs dans la modernisation de la vie politique et qu'il fallait s'en occuper. »
Q - Sur le Pacs, vous avez chanté victoire le 9 octobre dernier lorsque la majorité était absente. Eh bien, ça y est, c'est voté !
- « Nous n'avons pas chanté victoire. En réalité, vous êtes toujours en train de travestir la vérité ! Nous avons mené un combat contre ce Pacs. Nous sommes l'opposition, et donc la minorité, et le PS est la majorité. Ce que je constate simplement, c'est qu'au fil des débats, eh bien, les Français se sont rendu compte que c'était un mauvais projet ; et au fil des débats, on a été forcé d'imposer et de faire signer aux députés socialistes un engagement de signer pour ce Pacs. Cela montre bien que les uns et les autres considèrent que la proposition socialiste est une mauvaise proposition. Mauvaise proposition pour les familles, mauvaise proposition pour les couples homosexuels eux-mêmes. »