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Une première sur le web : un appel au boycott. Derrière cet événement se profilent les conséquences de la libéralisation des marchés et de la remise en cause du monopole d’un service public. Qui assurera l’accès au plus grand nombre d’Internet ?
Après la Hongrie, l’Espagne ou l’Allemagne, la France a connu hier la première grève des internautes consistant à ne pas se connecter pendant 24 heures. Il est difficile d’en mesurer l’impact exact, que seul France Télécom pourrait apprécier. Constatons cependant que ce mouvement fait parler de lui. L’aspect consumériste et le boycott qui n’est guère dans les traditions françaises semblent secondaires, même si l’aspect high-tech surdimensionne son impact médiatique.
Le mouvement lancé par l’Association des internautes mécontents (Adim) et soutenu par plusieurs associations de consommateurs a reçu le soutien du président de l’Assemblée nationale, ainsi que celui du président de Démocratie libérale. Ces deux prises de position donnent la mesure du débat. Laurent Fabius considère que les tarifs ne constituent qu’une partie du problème et qu’il faut aussi parler du coût des équipements, Alain Madelin pense que la pratique concurrentielle abaissera les coûts. Dans les deux cas, selon leurs dires, on aboutirait à développer l’accès au plus grand nombre, c’est-à-dire à une démocratisation.
Les données chiffrées sont les suivantes : actuellement, l’heure de connexion coûte entre 8,72 francs et 16,70 francs, les « grévistes » réclament un forfait mensuel de 200 francs pour une durée de connexion illimitée. Apparemment, le conflit opposerait les internautes à France Télécom. La réalité n’est pas aussi simple. France Télécom, service public, n’a pas la liberté de ses tarifs, ceux-ci devant être avalisés par l’ART (Autorité de régulation des télécoms) qui accorde à la liberté de la concurrence une importance particulière. Aujourd’hui, seuls les tarifs des communications locales ne sont pas libéralisés. Ainsi, Michel Bon rappelle que France Télécom a sollicité un tarif d’inter-connexion plus avantageux pour les appels longs, un abonnement spécial pour une deuxième ligne Internet et un forfait spécial pour les internautes. Le premier a été refusé par l’ART, le second est en attente de décision et le troisième n’est accepté qu’en partie.
Une nécessité démocratique
Le boycott fera-t-il progresser le dossier ? S’il est indispensable que le développement d’Internet s’accélère et que la France rattrape son retard, il est tout aussi nécessaire que tous puissent y avoir accès. On doit ainsi comprendre l’idée d’un tarif préférentiel pour l’école. Mais qui assurera cette évolution ? Ainsi se pose le problème des entreprises contrôlées par l’État qui voient remis en cause leur monopole au nom de la libéralisation des marchés. Assurer le développement du service public est une nécessité démocratique. Visiblement, le contenu service public du service universel n’y répond pas suffisamment. C’est pourtant l’un des défis majeurs pour que le surf sur le Web se démocratise réellement.