Déclaration de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, sur la distribution et la transformation des produits de la mer et la place de Boulogne-sur-mer dans ce secteur industriel, Boulogne-sur-mer le 21 mai 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Philippe Vasseur - ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation

Circonstance : Inauguration du salon Profish sur la filière des produits de la mer, Boulogne-sur-mer le 21 mai 1996

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Malgré un emploi du temps chargé – j'étais à Bruxelles pour un Conseil Agricole – j'ai tenu à être parmi vous aujourd'hui pour l'inauguration de l'édition 1996 de PROFISH.

Non seulement parce que ce Salon se tient à Boulogne, premier port de pêche de France, mais aussi parce que Boulogne sera au carrefour du marché européen une des plus importantes plates-formes de distribution et de transformation des produits de la mer.

Le Ministre de la Pêche et de l'Alimentation se devait donc d'être présent à ce rendez-vous de la filière.

Boulogne réussit en effet à conjuguer la présence d'un secteur de transformation complet dans la gamme des produits qu'il offre et celle d'un secteur de production, industriel ou artisanal – que je souhaite demain plus performant encore parce que modernisé -. Je n'aurai garde d'omettre les équipements de transport et de commercialisation qui en constituent l'indispensable complément.

Cette situation doit être soulignée parce qu'elle montre clairement qu'il y a en Europe et en France, la possibilité de faire coexister sur un même lieu une industrie de la production et un secteur de la transformation.

Ce Salon est celui de la filière des produits de la mer.

C'est très exactement cette démarche de filière que je souhaite développer dans la Loi d'Orientation de la Pêche que je viens de présenter à l'Assemblée Générale du Comité National des Pêches Maritimes et qui sera examinée en Conseil des Ministres le mois prochain pour être examinée par le Parlement à l'automne.

La pêche vit depuis plusieurs années une crise sans précédent qui a souligné au-delà de ses aspects conjoncturels, les handicaps structurels de notre secteur de production.

Chacun en est maintenant pleinement conscient. Il faut donc d'accompagner cette indispensable mutation.

Tel est l'objectif de cette loi qui par ailleurs montre bien la ferme volonté du Gouvernement de maintenir l'activité de la pêche dans un cadre rénové.

Non seulement parce qu'il s'agit d'un secteur important en terme d'emplois directs ou induits mais encore parce qu'il est déterminant pour l'aménagement de notre littoral.

Je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures contenues dans cette Loi, elles ont fait l'objet d'une très large concertation avec la profession.

Sachez simplement que le projet de loi vise à donner aux entreprises de pêche un nouveau cadre juridique, fiscal et social et à offrir aux producteurs les moyens de mieux gérer la ressource.

Je tiens à souligner ici, les mesures arrêtées en faveur d'une meilleure organisation de la filière.

Le FIOM (Fonds d'Intervention et d'Organisation des Marchés des Produits de la Pêche) sera transformé en un véritable Office Interprofessionnel des Produits de la Mer (OFIMER). Cette mutation illustre parfaitement à mon sens la démarche poursuivie.

Le statut de l'OFIMER sera identique à celui des Offices agricoles. Il privilégiera dans la composition de son Conseil d'Administration comme dans ses modalités d'actions une stratégie de filière qui me paraît indispensable à la rentabilité économique, sinon à la pérennité même de notre activité de pêche. Cela se traduira notamment au travers des Comités Spécialisés par produits ou groupes de produits.

Ce rééquilibrage de l'Office au profit de l'aval de la filière correspond à une leçon que la crise nous a enseigné : la nécessité pour tous de prendre mieux en compte les réalités du marché.

Ce pilotage par le marché a également pour vertu d'améliorer la gestion de la ressource en garantissant par là-même le développement durable de ce secteur.

La création d'un Conseil Supérieur d'Orientation complétera ce dispositif en offrant au sein d'une instance consultative placée auprès du Ministre, de la possibilité pour tout le monde de débattre de la cohérence de l'ensemble des politiques qui seront mises en place.

Ce besoin de cohérence se retrouve également dans les thèmes des différents colloques qui vont se tenir ici sur l'achat du poisson en l'an 2000.

Chacun le sait, les produits de la mer bénéficient d'une excellente image, ce qui se traduit globalement par un accroissement de leur consommation depuis plusieurs années.

À cet égard, je tiens à le rappeler ni la production française ni la production européenne ne sont suffisantes pour satisfaire nos besoins alimentaires et ceux de nos industries de transformation.

C'est la raison des importations en provenance des pays-tiers.

Mais les échanges internationaux doivent se faire dans des conditions de stricte loyauté.

Loyauté des conditions sanitaires tout d'abord car il serait totalement inacceptable que nos concurrents bénéficient d'avantages déterminants en n'ayant pas consacré les investissements nécessaires à la mise en conformité de leurs établissements.

Loyauté des règles d'origine ensuite. Il importe en effet que ces produits importés ne puissent se prévaloir d'une origine erronée et bénéficier par la même de droits de douanes avantageux.

J'ai donc donné sur ces sujets, particulièrement sensibles et importants, des instructions très fermes aux postes d'inspection frontaliers comme j'ai organisé à plusieurs reprises des opérations « coups de poing ».

Ces opérations mettent en oeuvre l'ensemble des administrations concernées par le contrôle des produits de la mer.

Ce dispositif s'est déjà traduit par des résultats conduisant au refoulement de produits ou à la surveillance accrue de plusieurs opérateurs ou de plusieurs pays.

Il a également abouti à des échanges d'informations entre États de l'Union Européenne et se poursuit au niveau national par des vérifications approfondies de comptabilité.

Pour être pleinement mise en oeuvre cette mesure suppose que soit réglée la question particulièrement délicate de la traçabilité des produits sur laquelle je crois que vous allez également débattre.

Mais cette volonté de mieux contrôler à la fois les normes sanitaires et les règles d'origine suppose dans un marché unique que nos partenaires en fassent autant. C'est le sens de mes démarches tant auprès de la Commission qu'à l'occasion des Conseils européens sur la Pêche.

Je ne vous cache pas cependant, qu'il s'agit d'une démarche difficile à laquelle trop peu de nos partenaires adhèrent. Mais, je le répète, légalité des conditions de concurrence en Europe est pour nous une obligation qui doit s'imposer à tous.

Cette même égalité des conditions de concurrence doit bien évidemment exister dans notre pays. J'ai donc souhaité qu'une Commission nationale d'appui technique soit chargée de l'harmonisation des pratiques vétérinaires.

J'ai également indiqué qu'il ne saurait y avoir d'un côté des établissements aux normes, et de l'autre, des établissements n'ayant pas investi bénéficiant par là-même d'un avantage compétitif. Si les bons élèves étaient pénalisés pour avoir trop bien travaillé, ce serait le monde à l'envers. C'est pourquoi les établissements qui n'étaient pas encore aux normes en début d'année, n'ont pu recevoir que des agréments précaires, donnés jusqu'au 30 juin.

Ces agréments conditionnels supposent que soient apportées des garanties techniques avec des engagements de travaux et des actions de formation des personnels mais aussi des garanties financières.

Se pose par ailleurs le problème des établissements comportant un volet collectif – tel que CAPECURE –. Dans ce cas, le dépôt de garantie est effectué auprès du maître d'ouvrage ou de l'organisme gestionnaire, et il est calculé de telle manière que la charge financière des entreprises soit comparable à celle des établissements dont la mise aux normes est effective.

En outre, les possibilités de sanction, tant sur le plan pénal qu'administratif (conduisant à la fermeture de l'établissement), ont été rappelées aux opérateurs. Et des lettres de mise en demeure leur ont été adressées.

Cette action – que je suis personnellement d'une manière très attentive – a abouti d'ores et déjà pour l'ensemble de la France au retrait d'agrément pour 8 % des établissements de mareyage et pour 5 % des établissements de transformation.

Beaucoup d'autres bénéficient encore à ce jour d'un agrément précaire. Mais pour ceux-là, je le dis clairement, il n'y aura pas transformation automatique de cette autorisation conditionnelle en un agrément définitif. Nul ne pourra se prévaloir, à cet égard, d'un manque d'informations.

Mais la qualité sanitaire si elle est importante n'est pas la seule attente du consommateur. Celui-ci souhaite connaître de plus en plus l'origine des produits qu'il consomme et finalement leur qualité.

Outre la trop grande multiplication de signes de qualité qui trouble le consommateur, l'une des difficultés tient à la spécificité des produits de la mer. En effet dans ce secteur, l'origine géographique est beaucoup plus difficile à déterminer qu'ailleurs, ce qui rend les contrôles délicats.

Cela étant il me paraît souhaitable de préciser :

– d'une part, qu'elle est l'origine, communautaire ou non des produis,
– d'autre part, s'il s'agit de produits de pêche ou de produits d'aquaculture.

Cette distinction qui se traduirait par un étiquetage différent contribuerait à une meilleure information du consommateur.

Elle fait partie des propositions que nous étudions actuellement dans le cadre de la Loi d'Orientation sur la Pêche et pour laquelle nous avons consulté la Commission Européenne.

Vous me permettez maintenant de revenir sur la situation de Boulogne et surtout sur son avenir.

Malgré les difficultés actuelles et la crise que l'on connaît depuis 1993, Boulogne a mieux résisté au cours des derniers mois que beaucoup de ports de pêche français.

On peut donc penser qu'avec un cadre juridique et fiscal rénové, les entreprises de pêche, qui sont au coeur du dispositif législatif en préparation, verront leurs perspectives s'améliorer.

Le port de Boulogne dispose d'atouts importants. Je n'en citerai que quatre :

Le premier atout, c'est la polyvalence des métiers (pêche industrielle, artisanale, petits métiers) qui garantit la diversité des apports tant pour le marché du frais que pour le secteur de la transformation.

Le deuxième atout vient de structures interprofessionnelles fortes.

Le troisième atout est lié à la présence d'entreprises de négoce et de traitement des produits de la mer, restructurées et mises aux normes.

Le quatrième atout de Boulogne réside dans son importante logistique d'expédition.

La chance des flottilles industrielles et artisanales boulonnaises est sans doute d'avoir un débouché naturel avec le centre d'échange des produits de la mer. Même si celui-ci voit transiter majoritairement des produits importés, la production boulonnaise se situe à un niveau significatif indispensable à l'identité de cette plate-forme halio-alimentaire, dont elle constitue un point d'appui essentiel.

Depuis 10 ans, les entreprises de pêche et de transformation du poisson, le port lui-même – par ses investissements collectifs – ont développés avec l'aide de l'État et des collectivités, des efforts considérables.

Avec la restructuration de CAPECURE, bien avancée et qui se poursuit, la filière halio-alimentaire possède donc les compétences et le savoir-faire pour accroître encore de manière sensible son niveau de production des produits mareyés et transformés, largement au-delà des 300 000 tonnes actuelles.

La clé de cet essor recherché par tous, c'est la reconnaissance de l'interdépendance des secteurs de la production et de la transformation, c'est aussi la stratégie de valorisation des produits de la pêche industrielle ou artisanale.

Une autre initiative s'inscrit parfaitement dans cette démarche, il s'agit du projet de réalisation d'un Centre du Goût des Produits de la Mer.

Vous le savez, je soutiens ce projet parce qu'il me paraît cohérent avec vos autres initiatives et qu'il contribuera non seulement à la promotion des produits de la mer mais aussi à celle du savoir-faire des industries de transformation et de l'activité pêche en général.

Au terme de mon propos, en saluant toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la tenue de cette 3ème édition de PROFISH, je voudrais rappeler que les produits de la mer représentent à la fois un produit un produit et un service.

Boulogne offre cette possibilité de transformer ce qui est produit par nos pêcheurs – ou par d'autres –. Mais ces produits prennent ici une valeur ajoutée grâce à la transformation qu'ils y subissent et à une logistique moderne.

Toutes ces activités sont complémentaires.

La force de Boulogne et son originalité, qui devraient servir de modèle ailleurs, c'est une synthèse de ses activités nécessaires aujourd'hui et pour l'avenir au bon dynamisme de la filière halio-alimentaire.