Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur les mesures en faveur de la bande dessinée, le regroupement des services centraux du ministère de la culture et le rôle de la commande publique dans la politique en faveur des oeuvres d'art, Angoulême le 26 et Paris le 29 janvier 1996.

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Circonstance : Inauguration du 23ème festival de la bande dessinée à Angoulême le 26 janvier 1996. Présentation du projet de commandes publiques des Bons-Enfants à Paris le 29 janvier 1996

Texte intégral

Allocution à l'occasion de l'inauguration du Festival d'Angoulême, le 26 janvier 1996

Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous à l'occasion de cette 23ème édition du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, qui témoigne une fois de plus de la vitalité du neuvième art.

Chacun le sait, le festival d'Angoulême s'est imposé comme une manifestation culturelle et populaire majeure, tant pour le public avec ses cent cinquante mille visiteurs annuels, que pour les quatre cent auteurs, jeunes et confirmés, ou pour les éditeurs. Je vous rappelle que le festival d'Angoulême, occupe le deuxième rang mondial pour les échanges de droits sur les bandes dessinées, juste derrière Francfort.

L'originalité et la personnalité du festival d'Angoulême – clé de la longévité d'une manifestation – résident, aussi, dans les multiples passerelles qu'il jette entre la bande dessinée et d'autres formes d'art, en particulier avec les nouvelles technologies de l'image.

Je tiens à saluer les auteurs qui participent à ce grand événement. Ils témoignent des aspects les plus novateurs de la création contemporaine en arts graphiques. Leur président, Philippe Vuillemin, illustre à sa manière la vision caustique et satirique de toute une société.

La reprise économique semble être au rendez-vous, pour le secteur de la bande dessinée, avec une progression des ventes confirmée depuis plusieurs mois. Afin d'amplifier ce phénomène, il m'apparaît indispensable que l'État l'accompagne par des mesures nouvelles.

J'ai demandé au département des affaires internationales du ministère de la culture, en concertation avec l'association française d'action artistique du ministère des affaires étrangères, d'aider la venue d'éditeurs étrangers, pour que ceux-ci puissent participer en plus grand nombre au Festival d'Angoulême.

J'ai dans le même esprit décidé d'accroître les moyens accordés, sous forme de bourses, aux jeunes auteurs et scénaristes, par le centre national des arts plastiques et le centre national des lettres.

Je souhaite, également, que la diffusion des expositions thématiques et monographiques produites par le Festival d'Angoulême, le centre national de la bande dessinée et de l'image et les autres institutions, soit aidée par l'ensemble de mes services. Les actions de sensibilisation du jeune public à la bande dessinée seront renforcées par des moyens nouveaux.

Vous le savez, le Centre national de la bande dessinée d'Angoulême possède une collection exceptionnelle et unique de planches originales. Cette dimension patrimoniale du centre doit être affirmée. J'ai demandé au nouveau délégué aux arts plastiques de poursuivre une politique d'acquisition de planches originales, par le biais du fonds national d'art contemporain.

J'espère que cette contribution complémentaire de l'État favorisera le développement des activités culturelles et commerciales liées à la bande dessinée.

Il me reste à remercier tous les partenaires qui ont permis la réalisation de cette manifestation, les collectivités locales, tout particulièrement la ville d'Angoulême, mais aussi les partenaires privés, la Caisse d'Epargne et le groupe Leclerc, dont le mécénat assure le développement du Festival d'Angoulême.


Allocution à l'occasion de la présentation du projet de commandes publiques des Bons-Enfants, le lundi 29 janvier 1996

Comme vous le savez, la plupart des services centraux de mon ministère, aujourd'hui dispersés dans tout Paris, vont être prochainement regroupés sur un même site, dans un ensemble immobilier de trente-deux mille m2, situé à proximité du Palais Royal, dans le quadrilatère formé par les rues Saint-Honoré, Montesquieu, Bons-Enfants et Croix des Petits Champs. Sans conteste, ce regroupement sera un gage d'efficacité et d'harmonie accrue pour le ministère de la Culture, qui y gagnera également en force symbolique et identité.

Le concours d'architecture a été remporté par Francis Soler, assisté de Fréderic Druot pour les aménagements intérieurs. Les travaux, qui débuteront l'an prochain, s'achèveront à la fin de 1998. Plus d'un millier d'agents sont concernés par ce regroupement. Je souligne, à cette occasion, que l'ensemble du personnel a été consulté et écouté pour que la réalité corresponde à ses désirs et besoins en équipements comme en services sociaux, aujourd'hui insuffisants.

Je souhaite, à la fois, souligner l'étape historique que constitue ce rassemblement et qualifier la nouvelle identité du bâtiment et sa destination future aux yeux des passants. C'est pourquoi j'ai lancé un important programme de commandes publiques d'œuvres d'art contemporain éphémères, qui recourt à un mode de communication – l'affichage – fortement lié à l'espace public.

Douze artistes investissent, successivement, chaque mois de l'année en cours, quatre panneaux d'affichage de quatre mètres par trois, situés aux deux angles du bâtiment.

Leurs créations, imprimées, agrandies, puis affichées sur ces espaces usuellement dévolus à la publicité, se succèdent, donnant forme et sens, chacun à sa manière, à ce bâtiment emblématique.

Aujourd'hui, et depuis le premier janvier, les deux premières créations de Georges Rousse sont visibles par tous. Elles seront donc suivies par onze autres créations originales d'autant d'artistes, issus également de la nouvelle génération en France. J'ai voulu par cette commande soutenir de nouveau la création récente en faisant appel à des artistes qui réalisent ici, pour la plupart, et dans ce fort contexte, leur première commande publique.

Avec Georges Rousse, il s'agit de Jean-Jacques Rullier, Martine Aballea, Thierry Urbain, Sophie Calle, Joachim Mogarra, Pierre Joseph, Guy Limone, Claude Closky, Eric Poitevin, Eric Rondepierre et Jean-Luc Moulène.

Loin de toute célébration, leurs affiches témoignent de l'évolution du statut de l'œuvre d'art comme de l'acte artistique, et sont l'occasion pour eux de s'exprimer sur celui de l'espace public. Ces œuvres offrent une relation pleine et effective avec la population, l'incitent à s'interroger ou provoquent l'éveil de sa subjectivité.

Les artistes de nos jours abordent l'espace urbain de manière plus conceptuelle et complexe. La ville est le théâtre de productions éphémères, d'installations provisoires, d'aménagements de site.

Cela créé indiscutablement un nouveau champ des possibles, une nouvelle dynamique à laquelle la commande publique, depuis toujours, a su être attentive.

La commande publique est justement l'un des moyens d'encourager, de favoriser la réalisation de telles œuvres d'art investissant l'espace public hors du domaine muséal. Elle constitue la procédure idéale, qui permet à l'artiste cette confrontation au patrimoine ou à l'urbanisme.

Expression d'une volonté politique d'embellissement des espaces publics et d'enrichissement du patrimoine, elle manifeste aujourd'hui la volonté de l'État de mettre à disposition des créateurs les moyens de concrétiser des projets dont l'ampleur, l'originalité et le caractère parfois utopique ou expérimental ne pourrait se faire sans le soutien des collectivités ou de partenaires mécènes.

C'est le cas ici, et je me félicite du partenariat exemplaire que nous avons mené sur ce projet avec l'entreprise d'affichage Billboard et la Caisse des dépôts et consignations. Si je laisse bien entendu le soin à Philippe Lagayette, son directeur général, de développer les divers axes de sa politique, je tiens à en souligner l'exemplarité autour du souci, que nous partageons, d'aider la jeune création et de favoriser la rencontre, hors des musées, entre l'art et le public. Je profite de l'occasion qui m'est donnée de l'en féliciter chaleureusement.

Je veux rappeler brièvement que de nombreuses œuvres relevant de la procédure de la commande publique s'inscrivent désormais sur l'ensemble du territoire.

La ville constitue l'un des terrains privilégiés sur lesquels se sont développées ces dernières années les recherches et réalisations en matière de commande publique. Comme en témoignent désormais, parmi les plus célèbres, des œuvres comme « Les deux plateaux » de Daniel Buren au Palais Royal, « La tour aux figures » de Jean Dubuffet dans l'Ile Saint-Germain ou encore, et plus récemment, « Ex-Libris » « J.-F. Champollion (Figeac) » de Joseph Kosuth, « Comme deux tours » de Jean-Luc Vilmouth pour l'ancienne manufacture, d'armes de Châtellerault.

Ce peut être aussi, on le voit aujourd'hui, l'éphémère, l'événement et le spectacle, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies, comme tout récemment l'œuvre télé virtuelle de Maurice Benayoun « Le tunnel sous l'atlantique » présentée au Centre Georges Pompidou.

La commande publique participe également au développement des métiers d'art avec le CIRVA à Marseille, le CRAFT à Limoges, les manufactures et ateliers d'Aubusson, les programmes de réfection de vitraux dans les lieux de culte. Je songe à Soulages à Conques, à la cathédrale de Nevers, ou à celle de Dignes.

Elle aborde également le champ, particulièrement riche, de restauration et d'animation de certains monuments historiques. Le château d'Oiron, en Poitou-Charentes, en est un bel exemple. Sans oublier le thème du paysage, des jardins, de l'environnement.

À la diversité des lieux et des temps, elle tente aussi d'ajouter la diversité des disciplines : vidéo, design, audiovisuel, photo, lumière, graphisme, sont quelques-uns des moyens d'expression que l'État a la volonté d'encourager à travers cette procédure.

Notre souci est de contribuer, d'une part, à l'émergence d'œuvres importantes représentatives de l'art de notre temps, d'autre part à l'amélioration, la qualification esthétique des espaces publics. Je crois que le projet des Bons-Enfants en est un bel exemple.