Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
À tout seigneur, tout honneur !
C'est au sein de votre Haute Assemblée que s'est fait jour la première suggestion de la tenue d'un débat d'orientation budgétaire. Il faut vous en savoir gré et vous en rendre hommage.
Je tiens tout particulièrement à saluer ici le précurseur qu'a été, à cet égard, le président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, qui a évoqué la tenue d'un tel débat dès 1988.
Les premiers échanges que nous avons d'ores et déjà pu avoir, à l'Assemblée nationale et avec votre commission des finances, montrent que son intuition était la bonne. Ce débat est en effet essentiel.
Le Gouvernement y attache une très grande importance. Ce débat doit permettre de confirmer en toute clarté, si besoin en était, les bases sur lesquelles repose la politique budgétaire. Ce débat n'avait pas été possible en 1995, chacun le comprend, pour des raisons de calendrier. Nous souhaitons que cette procédure inaugurale ne soit pas, comme en 1990, un feu de paille, mais marque bien le début d'une série qui renouvelle profondément l'approche de la préparation des budgets.
Dès lors que l'on partage la conviction que la sincérité et la transparence sont des conditions essentielles pour la conduite des affaires publiques, il devient indispensable d'appliquer ces règles au débat budgétaire, comme nous souhaitons d'ailleurs les appliquer aux autres domaines de notre action économique et financière. Je veux parler, bien sûr, des entreprises publiques.
J'ai noté avec satisfaction que des voix provenant tant de la majorité que de l'opposition sénatoriale avaient salué les efforts de pédagogie et de clarté du rapport établi par le Gouvernement pour ce débat.
Nous avons, en effet, la conviction que nous devons appréhender la réalité sans fard si l'on veut mettre la France en ordre de bataille.
Le Parlement a conquis ses pouvoirs, dans l'histoire de nos démocraties, autour du consentement à l'impôt. Associer le Parlement dès le moment où les décisions se préparent pour le budget, avant les arbitrages, c'est en quelque sorte un retour aux sources.
Un débat d'orientation, dégagé des contraintes de l'instant, c'est aussi un retour aux sources du Sénat. La Haute Assemblée est, en effet, plus que toute autre sensible à la nécessité des réflexions de long terme et des inflexions structurelles, dont les effets s'apprécient dans la durée.
Ce débat répond bien entendu aussi à la volonté du Président de la République de renforcer le rôle du Parlement, comme à celle du Premier ministre de réformer l'État.
Jusqu'à maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous découvriez le projet de loi de finances lors de son approbation par le conseil des ministres, dans le courant du mois de septembre, et pendant la discussion qui s'engageait alors le projet apparaissait bien souvent comme si subtilement équilibré qu'il en devenait intouchable.
Si le Gouvernement avait pris tel ou tel parti en ce qui concerne la politique des effectifs de la fonction publique, les moyens de la politique de l'emploi ou encore la modification de tel ou tel régime d'interventions, le Parlement avait le plus souvent le sentiment que ses observations arrivaient trop tard.
C'était frustrant pour le Parlement, mais aussi pour la démocratie.
Dans certains cas, le Gouvernement pouvait se montrer trop timoré dans la recherche d’économies dans certains secteurs, trop prudent dans la mise en œuvre des réformes de structures, incertain qu'il était de la réaction du Parlement.
Dans d'autres domaines, en revanche, des désaccords notables avec la majorité sur la politique à conduire survenaient après le dépôt du projet de loi de finances. Je souhaite qu'ils puissent désormais être aussi, réduits que possible, après, bien sûr, que vous aurez fait connaître votre appréciation de la situation des finances publiques.
En un mot, l'inexistence de ce débat conduisait chacun, lors de la discussion du projet de loi de finances, à regretter les occasions manquées de dialogue.
Ce que nous souhaitons, c'est que le Parlement soit bien un acteur essentiel des grands choix budgétaires.
Le débat d'orientation budgétaire lance son association à ces choix quatre mois avant le conseil des ministres qui entérine le projet de loi de finances. Nous espérons que le Parlement pourra jouer pleinement son rôle.
Ce débat doit aussi permettre à tous de faire œuvre de pédagogie en direction des relais d'opinion, de la multitude d'intérêts catégoriels dont vous recevez légitimement les requêtes, et de nos concitoyens.
La pédagogie doit aussi s'exercer à l'égard des autres pouvoirs publics que sont les collectivités territoriales.
Nous devons en effet décrire et expliquer aux Français la situation des comptes de l'État. Il faut leur dire pourquoi on ne peut plus continuer comme avant.
A cet égard, vous pouvez jouer un rôle capital, et vous le savez bien. A ce stade du débat, je veux saluer la qualité du rapport de la commission des finances et remercier son président, M. Christian Poncelet, et son rapporteur général, M. Alain Lambert, du soutien qu'ils apportent à la démarche et aux objectifs du Gouvernement.
Par sa réflexion, les débats d'experts qu'elle a suscités et, avant tout, par son adhésion, la commission des finances a d'ores et déjà donné de précieux encouragements.
J'ai noté que vous ne souhaitiez pas, à l'instar de l'Assemblée nationale, voir modifié l’équilibre institutionnel qui donne à l’exécutif la tâche de préparer le projet de loi de finances.
Je confirme qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de modifier cet équilibre institutionnel.
Le Gouvernement s'attache lui-même à rénover sa propre procédure.
Pour la première fois cette année, des rencontres ont eu lieu dès le mois de février entre les différents ministres et le ministre des finances ainsi que celui du budget pour confronter les analyses sur le projet de budget pour 1997.
M. le Premier ministre a réuni le 2 mai dernier l'ensemble du Gouvernement pour sensibiliser chaque ministre à la rigueur du budget, renforçant ainsi la collégialité de la démarche et des arbitrages.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez compris l'importance que nous attachons à ce débat. L'implication personnelle que M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont manifestée pour souligner la nécessité du redressement en témoigne.
Qu'en attendons-nous ? Trois éléments principaux : une adhésion au diagnostic et à l'objectif ; une prise de conscience de la rigidité des masses budgétaires et de la nécessité de choix systématiques et résolus pour la réduction de la dépense ; enfin, des indications et des avis sur les voies et moyens à privilégier pour réduire la dépense, et la définition de méthodes de travail plus cohérentes et rigoureuses.
Je commencerai par l'adhésion à l'objectif.
Le diagnostic est posé. M. le Président de la République l'a exprimé avec force le 7 mai dernier en affirmant : « Une nation, pas plus qu'une famille, ne peut vivre durablement à crédit. Les dettes d'aujourd'hui sont les impôts que nos enfants supporteront demain, comme nous payons actuellement les facilités excessives que nous nous sommes accordées hier. Tout cela fragilise notre pays et, au bout du compte, nourrit le chômage ».
J'ai noté avec satisfaction qu'un certain consensus se confirmait sur la fin des illusions relatives aux vertus supposées du déficit. Le temps de la glorification de la dépense publique, si prisée entre 1989 et 1992, est révolu.
Ce débat nous permettra-t-il de constater un consensus non seulement sur l'analyse de la situation mais aussi sur la voie à emprunter pour remettre le pays sur de bons rails ?
Nous n'avons jusqu'à présent pas enregistré de contestation majeure de la part des grands groupes politiques sur notre objectif de remise en ordre des finances de la France.
Il faut souhaiter que nous en trouvions aujourd'hui la confirmation au Sénat. Il faut que la réunion des forces soit totale, pour que l'action que nous allons entreprendre soit comprise pour ce qu'elle est. Cette action résulte du choix délibéré d'une cure de régénérescence et de dynamisation de l'économie au service de nos concitoyens et ne constitue en aucune façon un énième plan de rigueur, un énième plan subi.
Il n'y a plus d'alternative à un profond assainissement de nos finances publiques.
En second lieu, il faut que chacun puisse mieux apprécier l'importance et la flexibilité des masses en jeu. Pour que les appréciations et les propositions soient plus réalistes, il faut bien mesurer les marges de manœuvre, se détourner des « fausses fenêtres », dissiper les illusions, éviter la tyrannie du court tenue, mettre l'action en perspective.
Dans son rapport, le Gouvernement a tenu à présenter les différentes composantes du budget de l'État en mettant l'accent sur le volet des dépenses et en regroupant ces dernières par nature, évitant l'éclatement.
L'analyse, convenons-en, finissait par escamoter la synthèse.
Traditionnellement, le Parlement voyait les dépenses au travers du seul prisme des fascicules ministériels. Cette pratique n'est-elle pas excessivement réductrice ?
Il faut d'ailleurs souligner qu'elle ne correspond pas à la lettre de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.
Puis-je vous rappeler, en effet, que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 dispose que le vote du budget doit s'opérer par titre et par ministère ? Mais le Parlement, qui s'est exprimé à l'Assemblée nationale lors de la séance du 12 novembre 1959 par la voix de René Pleven, a expressément demandé que cette procédure ne s'applique pas et que l'on poursuive ce qui se faisait sous la IVe République, c'est-à-dire un examen par ministère, ce qui entraînait un vote par ministère et par titre.
Face à une pression insistante, qui s'accompagnait d'une contestation de toute l'ordonnance organique de 1959, le gouvernement de l'époque a dû céder. Alors que l'ordonnance trouvait sa première application, il a dû « admettre » que l'expression de l'ordonnance organique était « impropre » et qu'on devrait parler de vote par ministère et par titre.
De là vient une pratique qui ne permet pas de donner à la discussion des dépenses l'aspect synthétique qui s'imposait et qui était pourtant bien l'un des objectifs de la réforme de 1959.
Or, il est impératif d'ouvrir une réflexion transversale par thèmes et par grandes natures de dépenses. N'est-ce pas l'une des voies qu'avait suggérée, voilà quelques années, la commission des finances du Sénat, lorsqu'elle s'interrogeait déjà sur la nécessité de réformer les modalités d'examen et de discussion des projets de loi de finances ?
Désormais, j'espère que, chaque année, le débat d'orientation budgétaire permettra cet examen qui, jusqu'à maintenant, faisait défaut. Le moment est venu de refonder le processus d'élaboration budgétaire en posant les vrais problèmes avec courage et lucidité. Peut-être aussi devrons-nous étudier ultérieurement l'organisation du vote de la seconde partie de la loi de finances.
Enfin, grâce à cette vision globale, il devient possible de délibérer utilement sur les grandes enveloppes de dépenses, notamment sur les deux catégories qui représentent à elles seules 90 % des masses hors service de la dette : les dépenses de rémunération et les interventions de l'État avec, au sein de ces dernières, une interrogation sur le devenir des revenus de transferts.
On peut débattre des catégories de dépenses à retenir pour la discussion.
La distinction que vous opérez entre six catégories de dépenses classées par ordre croissant de flexibilité paraît, par exemple, très pertinente, monsieur le rapporteur général. Elle montre que 80 % des dépenses civiles entrent dans trois catégories extraordinairement peu flexibles. Ce sont celles que vous qualifiez de « dépenses imposées » – les rémunérations de la fonction publique et le service de la dette –, de « dépenses de structure » – le fonctionnement de l'État et les subventions aux régimes sociaux – et de « dépenses contractuelles », quasi obligatoires, comme les rémunérations des enseignants du privé ou les aides aux entreprises publiques.
Les dépenses que vous qualifiez de « flexibles » ne s'élèvent, selon vous, qu'à 20 milliards de francs !
Ce sont de telles approches que peut naître le réalisme en matière d'économies de dépenses. C'est grâce à elles que chacun perçoit mieux encore la nécessité et l'urgence des réformes structurelles trop longtemps ajournées.
Le Gouvernement souhaite marquer, dans le choix des moyens de sa politique, une rupture par rapport au passé.
Replaçons ce débat dans le cadre de la politique générale du Gouvernement.
Notre priorité absolue – faut-il le rappeler ? – reste bien sûr l'emploi et la cohésion sociale.
Toute notre action vise à permettre de libérer les initiatives, de réduire et de simplifier les contraintes et les formalités de toutes sortes, de moderniser notre fiscalité. Pour libérer les énergies, il est impératif d'alléger les prélèvements obligatoires. Telle est notre conviction profonde.
Mais encore faut-il s'en donner les moyens en dégageant des marges de manœuvre, c'est-à-dire en maîtrisant les dépenses.
Le gouvernement de M. Édouard Balladur a commencé cette remise en ordre.
Il a fait voter par le Parlement une loi d'orientation quinquennale de maîtrise des finances publiques, et a permis, avec la réforme des retraites, d'amorcer les transformations structurelles dont notre pays a besoin.
Ce gouvernement a remis les pendules à l'heure au printemps 1993.
Un projet de loi de finances qui avait été voté dans l'hypothèse de 170 milliards de francs de déficit a dû être corrigé, la tendance s’établissant, quelques semaines après le vote de la loi de finances – M. Malvy, à l'époque, avait évoqué un « déficit vertueux » – à 360 milliards de francs de déficit.
En effet, la loi de finances rectificative du printemps 1993 a été un rendez-vous avec la vérité.
Alors que, depuis un an, le Président de la République et le Premier ministre sont issus des rangs de la majorité, nous pouvons désormais et nous devons agir sans restriction, avec cohérence et détermination.
En effet, qu'avons-nous connu pendant les quatorze années de présidence socialiste sur le plan économique ?
Nous avons connu une croissance ininterrompue du chômage et une période qui s'est achevée par une succession de sinistres sur le plan des finances publiques.
On peut donner trois illustrations pour résumer le bilan de ces deux septennats : la dette, les déficits non contrôlés et la réhabilitation de la dépense.
En 1980, les intérêts de la dette absorbaient 5 % des recettes fiscales nettes de l'État ; en 1995, ils engloutissent 20 % du produit des impôts mis en recouvrement par l'État.
J'en viens aux déficits non contrôlés.
Il faut évoquer ces lois de finances récentes qui ont donné lieu à des dérapages sans précédent.
Le déficit, qui était estimé à 81 milliards de francs dans la loi de finances initiale de 1991, s'est élevé en réalité à 134 milliards de francs, soit plus 54 milliards de francs.
Estimé à 91 milliards de francs dans la loi de finances initiale de 1992, le déficit s'est finalement élevé à 236 milliards de francs, soit un écart de 145 milliards de francs.
Le déficit, estimé à 183 milliards de francs dans la loi de finances de 1993, s'est monté en définitive à 345 milliards de francs, soit une dérive de 162 milliards de francs.
Ce n’est que depuis le collectif du printemps 1993 que nous avons repris l'habitude, au prix de beaucoup d'efforts, d'exécuter les budgets au niveau voté par le Parlement.
Il faut enfin se souvenir de l'époque de la réhabilitation de la dépense publique.
Il suffit pour cela de relire les interventions du débat d'orientation budgétaire de 1990 au cours duquel le ministre du budget affirmait vouloir prendre le contrepied de « la politique de réduction systématique de la dépense budgétaire » menée entre 1986 et 1988.
Prenons une seule illustration : la fonction publique. Le ministre du budget déclarait ceci, en 1990 : « Il faut revaloriser la fonction publique avec les plans catégoriels, les accords sur les grilles de classifications et des rémunérations, le retour à une politique de distribution régulière raisonnable et programmée du pouvoir d'achat ».
Et ce n'est là qu'un exemple !
Nous payons aujourd'hui le prix de cette prodigalité.
Nul ne doit non plus être tenté de revenir aux anciennes méthodes des budgets virtuels et à la cosmétique comptable.
Je ne m'appesantirai pas, naturellement, sur les déconvenues du Crédit Lyonnais, du Comptoir des Entrepreneurs, de GIAT Industries, parmi d'autres, malheureusement.
Dans tous les domaines de l'action publique, nous avons un devoir de transparence et de sincérité pour respecter les Français qui en viennent à douter de la gestion de l'État.
Or, si l'on doute, on ne risque pas ; si l'on doute, on ne crée pas d'emplois.
Si l'on doute, on n'investit pas.
En dissipant les illusions, en démasquant les faux-semblants, nous affermissons la confiance dans la capacité des pouvoirs publics à rechercher les voies et moyens du redressement de notre pays.
Nous n'avons fait qu'une partie du chemin. Certes, la baisse des taux d'intérêt que nous venons de connaître est sans précédent dans l'histoire économique récente et nous conforte dans la justesse de nos grandes options. Mais le budget de 1997 va marquer une étape capitale. Serons-nous capables, pour la deuxième année consécutive, de baisser le déficit du budget de l'État d'un demi-point du produit intérieur brut ? Nous avons besoin de votre aide pour tenir le cap de la confiance, mesdames, messieurs les sénateurs.
Pour éclairer ce débat, je voudrais préciser les lignes de force de notre stratégie budgétaire.
Le premier principe est qu'il n'est pas de souveraineté dans le déficit chronique et qu'il n'est pas de liberté dans le surendettement.
Le deuxième principe est que trop d'impôt tue l'impôt.
Notre niveau record de prélèvements obligatoires au sein de l'Europe ne nous permet plus son accroissement.
Cette situation, dans une économie ouverte sur le monde, multiplie les risques de délocalisation de l'activité, de l'emploi et des recettes fiscales.
Notre voie est donc toute tracée : maîtriser les dépenses publiques pour faire baisser les prélèvements obligatoires. C'est à cette condition que nous parviendrons à endiguer l'étouffement progressif de notre économie.
Pour mieux appréhender le déséquilibre des finances de l'État, nous avons voulu recourir à une présentation plus familière du budget : celle qu'utilisent les collectivités locales, qui distinguent les recettes et les dépenses de fonctionnement, d'une part, et les recettes et les dépenses d'investissement, d'autre part.
À partir de l'exemple de la loi de finances pour 1996, on peut retenir au moins trois enseignements.
Le premier, c'est que la section de fonctionnement se solde par un déséquilibre de 109 milliards de francs. Autrement dit, l'État doit emprunter 109 milliards de francs pour payer les salaires, les charges sociales, les frais de fonctionnement, la charge de la dette. Au surplus, ce déficit n'intègre pas la charge du prélèvement qui s'impose aux collectivités locales pour assurer le remboursement des emprunts contractés antérieurement.
Le deuxième enseignement est qu'il faut emprunter non seulement pour couvrir le déficit de fonctionnement, pour financer les investissements – c'est somme toute orthodoxe – mais aussi pour amortir les emprunts antérieurs.
C'est ainsi que, en 1996, on doit emprunter 529 milliards de francs : 109 milliards de francs pour financer le déficit de fonctionnement, 179 milliards de francs pour financer les investissements, mais 241 milliards de francs pour rembourser les emprunts antérieurs qui viennent à échéance.
Le troisième enseignement, c'est que l'investissement est réduit à la portion congrue. Il est plus facile, en effet, de renoncer à un investissement que de remettre en cause un certain nombre de dépenses de fonctionnement.
Les dépenses des titres V et VI seront de 173 milliards de francs en 1996, alors qu'elles étaient de 196 milliards de francs en 1991.
Face à ce constat, nous avons pris le parti d'alléger les dépenses, toutes les dépenses.
Les chiffres sont éloquents. Les dérives automatiques de la charge de la dette et des dépenses de personnel sont considérables. À elles seules, avant même toute augmentation du point fonction publique en 1997, elles conduiront à près de 30 milliards de francs de dépenses supplémentaires par rapport à 1996.
La correction à opérer, vous l'imaginez, est telle qu'aucun secteur ne peut être épargné par les économies budgétaires. Dans tous les domaines, on devra s'interroger sur la pertinence et sur l'efficacité de la dépense publique.
A-t-on tiré toutes les conséquences de la décentralisation sur les structures territoriales de l'État ? N'a-t-on pas maintenu, çà et là, des duplications ? J'ai la conviction que vous avez déjà identifié un certain nombre de confusions et de duplications.
Est-on sûr que les investissements informatiques ont généré les retours de gains de productivité que l'on était en droit d'attendre et qui justifieraient peut-être une modification des effectifs ?
Seul le secteur de la défense bénéficiera d'un traitement autonome. Il faut en effet adopter une approche particulière qui assure le succès de la professionnalisation des armées, souhaitée par le Président de la République.
Concernant la fonction publique, constater la dérive, incontestable, des dépenses depuis 1990, sous l'effet d'une succession de plans catégoriels et d'accords salariaux généreux, ce n'est pas mettre en cause les fonctionnaires. Ce doit être parfaitement clair : nous avons un profond respect pour les fonctionnaires.
Si nous avons appelé l’attention sur cette catégorie de dépenses, c'est à cause de leur poids, et de leur dynamique. Seule une réflexion collective permettra de programmer des économies, qui ne peuvent être obtenues que sur longue période, concernant les effectifs.
Nous ne pourrons, en tout état de cause, atteindre notre objectif de maîtrise de la dépense sans une réforme de l'État menée de façon volontariste et méthodique. Le ministère des finances compte, à cet égard, être exemplaire. N'est-ce pas ainsi que l'on suscite l'adhésion ?
A titre d'exemple, et de gage, je tiens à vous faire connaître ma décision d'annuler le projet de construction de l'immeuble Bercy III à Noisy-le-Grand.
Ce projet, lancé en 1992, était inscrit dans la décision du comité interministériel d'aménagement du territoire du 20 septembre 1994, au titre des délocalisations publiques. Le coût total de l'opération était de 618 millions de francs pour 35 000 mètres carrés, mais seulement 18 000 mètres carrés de surface utile, et l'accueil de 1 700 personnes.
Lorsque j'ai découvert cette opération, il y a quelques semaines, aucun appel d'offres n'avait été lancé. Les seules dépenses engagées étaient celles des études et de l'achat du terrain, pour environ 100 millions de francs.
Si l'on manque d'espace, on trouvera bien quelques bureaux dans les structures de défaisance du Crédit Lyonnais ou du Comptoir des Entrepreneurs !
Certains d'entre vous se sont inquiétés, en commission des finances, du sort qui serait réservé aux collectivités locales.
Bien entendu, il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de passer par pertes et profits l'accord important qui a été conclu avec le pacte de stabilité.
Mais je crois que nous devons être responsables et que les collectivités locales ne peuvent se désintéresser ni se désolidariser de l'exercice sans précédent qui est mené par l'État.
S'il est incontestable que les dépenses des collectivités locales croissent tendanciellement fortement, sous l'effet des mêmes facteurs, principalement, que pour l'État, c'est-à-dire les salaires et les interventions à caractère social ou économique, leurs recettes sont beaucoup plus dynamiques que celles de l'État.
Si l'État, entre 1993 et 1995, avait augmenté ses impôts au même rythme que les collectivités locales ont augmenté, en moyenne, leurs taux, c'est-à-dire de 8 %, il aurait perçu un supplément de 100 milliards de francs de recettes fiscales.
Les collectivités locales ne peuvent être exclues de la réflexion globale, jusques et y compris dans la recherche de la maîtrise des prélèvements obligatoires.
Enfin, sans préjuger du débat qui devra s'instaurer sur la loi d'orientation fiscale, sur la base, notamment, du rapport La Martinière, je souhaite vous dire un mot des recettes.
Votre commission des finances a souligné, dans son rapport, le faible dynamisme des recettes fiscales en 1995. Elle a eu raison. En effet, ces recettes n'ont progressé, l'année dernière, que de 1,4 % à législation constante, soit une élasticité des recettes fiscales par rapport à la croissance de 0,35.
Malgré les hausses d'impôt décidées lors du collectif du printemps 1995, hausses qui ont permis de financer les allégements de charges sociales, les recettes nettes de l'État n'auront crû, au total, que de 3,8 % en 1995, contre 3,7 % en 1994. Le taux de la pression fiscale d'État est ainsi encore en baisse par rapport à 1994.
Ces résultats décevants s'expliquent principalement par le fait que la croissance est tirée par les exportations et par l'investissement, lesquels vous le savez, sont peu productifs de recettes fiscales, notamment de TVA.
Pour 1997, nous souhaitons avoir une approche prudente. Même si, comme nous le pensons, la croissance doit revenir aux alentours de 2,5 à 3 % en volume, il ne faut s'attendre à aucun miracle du côté des recettes.
Quelle est l'approche du Gouvernement sur les recettes ? Elle n'a pas varié et tient en trois propositions.
D'abord, l'objectif du Gouvernement est d'alléger les impôts : notre système de prélèvements obligatoires doit être révisé dans un souci d'équité, d'efficacité économique et de création d'emplois.
Ensuite, une baisse des impôts sans réduction parallèle des déficits serait illusoire. L'endettement qui en résulterait devrait être remboursé par les impôts de demain.
Le Gouvernement souscrit sans réserve à l'observation de votre rapporteur général, qui relève avec justesse dans son rapport que l'évolution des recettes doit « rester compatible avec le niveau des dépenses afin de réduire le déficit budgétaire dans les proportions souhaitées ».
Enfin, nous devons dessiner l'horizon, donner aux Français une lisibilité sur les principes que nous souhaitons mettre en œuvre en matière fiscale, et sur notre vision de la fiscalité de demain. Ce sera l'objet de la loi d'orientation fiscale sur cinq ans déposée à l'automne et discutée par le Parlement. Chaque loi de finances, dès lors, devra nous permettre de nous rapprocher de cet objectif. Le chemin sera jalonné.
Depuis un an, le Gouvernement a été actif. Ont été ainsi décidées, et pour la plupart déjà votées par la Haute Assemblée, des mesures représentant 15 milliards de francs d'allégements fiscaux pour 1997.
Outre les mesures votées dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, essentiellement la majoration d'un point des coefficients d'amortissement dégressif – mais nous attendons le passage à l'acte, par les entreprises, de l'investissement productif –, des mesures en faveur des prêts à la consommation, des dotations et du logement ont été prises.
Il faut encore rendre hommage au Sénat d'avoir permis de trouver cette bonne réponse au problème des transmissions d'entreprise, et plus globalement des donations-partages, pour réactiver en quelque sorte le patrimoine national.
Il faut également rappeler les allégements fiscaux prévus pour les zones franches, ainsi que l'engagement du Gouvernement de réduire le taux de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réinvestis par les petites et moyennes entreprises.
Ces allégements seront, naturellement, tous traduits dans le projet de loi de finances pour 1997.
Par ce débat, nous souhaitons non pas affoler, bien au contraire, mais instaurer un débat serein sur des bases enfin clarifiées.
Nombre d'économistes qui voyaient il y a peu encore des vertus à l'a stimulation de la croissance par la dépense admettent aujourd'hui publiquement que le rétablissement des finances publiques obtenu par la réduction de la dépense, sans majoration des recettes, et la confiance manifestée par le contribuable permettent d'éviter la constitution d'une épargne de précaution et soutiennent ainsi la consommation, et donc la croissance.
C'est la base du pari de la remise en ordre des finances publiques que nous avons engagée depuis un an.
Comment peut-on avoir confiance dans l'économie d'un pays dont la dette publique n'est pas sous contrôle ?
Or, la confiance est la clé de la croissance, et la croissance, c'est l'emploi et la cohésion sociale.
L'enjeu est exaltant : il s'agit de réussir la révolution des mentalités et des attitudes. Chacun devra chercher à dépenser moins et mieux l'argent public, afin de libérer ces ressources pour l'investissement et la consommation privés.
J'espère qu'avec le débat qui s'ouvre aujourd'hui nous aurons confirmation que le diagnostic est partagé et que vous souscrivez à l'objectif que nous nous sommes donnés pour la loi de finances pour 1997, c'est-à-dire reconduire en francs courants notre niveau de dépenses, à savoir 1 552 milliards de francs.
Vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, très proches du terrain dans ce qu'il a de plus vivant : les relais d'opinion, les organisations professionnelles, les élus locaux.
À ce titre, le Gouvernement attend beaucoup de vous. Il attend non seulement un soutien et des contributions constructives dans le débat qui va s'ouvrir, mais également que vous portiez dans l'ensemble du pays le message du Gouvernement.
Notre action ne peut être soutenue par l'opinion que si celle-ci mesure l'urgence de la remise en ordre, que si elle est dûment alertée des menaces qui pèsent sur notre souveraineté nationale en raison des déséquilibres de nos finances publiques.
Il s'agit d'une action de longue haleine, d'autant plus qu'elle vient après trop d'années de pratiques budgétaires au jour le jour, agrémentées trop souvent de budgets virtuels.
Les budgets étaient si tendus, lorsqu'ils étaient votés, que, dès le lendemain de la promulgation de la loi de finances, il fallait procéder à des régulations budgétaires !
Tout cela, nous devons l'expliquer. Les Français ne nous pardonneraient pas de les avoir trompés.
Nous devons élever l'exigence de sincérité budgétaire et comptable au rang des grands principes constitutionnels.
La démocratie, la participation des citoyens aux affaires publiques, le pacte républicain se fortifient dans la transparence. Nous devons rompre avec l'opacité.
Ainsi éclairés, les Français seront acteurs de leur propre destin, et nous ferons la preuve de notre capacité à rendre compatibles la préservation de la cohésion sociale nationale et l'ouverture au monde de notre économie.
Nous tenons le cap que nous a fixé le Président de la République pour la croissance et pour l'emploi.