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La Tribune
La signature d’un accord européen sur la fiscalité de l’épargne au premier semestre 1999 vous paraît-elle encore d’actualité, compte tenu des réticences, notamment luxembourgeoises ?
Christian Sautter
Nous pensons toujours aboutir pendant la présidence allemande. Il s’agit d’un engagement collectif des pays européens, confirmé en décembre dernier. L’euro arrivant, les capitaux vont devenir beaucoup plus mobiles, et les implantations d’entreprises vont dépendre étroitement de critères fiscaux. Tous les pays ont intérêt à ce que l’harmonisation n’ait pas lieu au niveau zéro. Concernant l’imposition des entreprises, le groupe « code de bonne conduite » a prévu un programme de travail très tendu, afin d’aboutir à un document substantiel, présenté au mois de mai.
La Tribune
Ira-t-on aussi vite en matière de fiscalité de l’épargne ?
Christian Sautter
Il faut introduire un minimum de règles fiscales applicables à l’épargne anonyme, déposée par des résidents d’un pays dans un autre pays de la Communauté. La France est à l’origine d’une distinction entre épargne transparente et épargne anonyme. Dans le premier cas, lorsque le contribuable se fera connaître des autorités fiscales de son Etat, aucune retenue à la source ne sera prélevée. Dans le second cas, nous préconisons une retenue à la source de 25 %. Je ne peux garantir que nous arriverons au but avant Juillet, mais il me semble que tout le monde y a intérêt.
La Tribune
Même le Luxembourg ?
Christian Sautter
C’est sous la présidence luxembourgeoise, en décembre 1997, que les négociations sur la fiscalité de l’épargne ont été relancées. Le Luxembourg participe donc de façon très constructive à nos travaux. Au demeurant, même si les décisions sont prises à l’unanimité, un seul pays peut difficilement s’opposer à une volonté clairement exprimée par les autres.
La Tribune
Pourquoi avancer le chiffre élevé de 25 % ?
Christian Sautter
En France, la retenue à la source pour l’épargne anonyme est d’un taux très supérieur, de 60 %. Nous ne proposons pas cela pour les autres pays, mais souhaitons clairement pénaliser l’épargne anonyme par rapport à l’épargne transparente. D’autres proposent une retenue à la source plus faible. Si la retenue à la source était très faible dans un autre pays, cela reviendrait à accepter l’existence de zones à secret bancaire pouvant attirer notre épargne sans difficulté. Ce n’est pas admissible.
La Tribune
Et les enclaves européennes à statut fiscal spécifique telles que l’île de Man ?
Christian Sautter
Le Luxembourg peut souligner à bon droit qu’elles risquent de fausser le jeu, échappant à l’harmonisation.
La commission européenne a été mandatée pour examiner cette concurrence. Ces investigations ne doivent pas freiner nos travaux. En outre, l’existence de paradis fiscaux a été condamnée par l’OCDE qui, en avril dernier, a publié un rapport proposant une démarche proche de la nôtre.
La Tribune
Concernant l’imposition des bénéfices des sociétés, Bruxelles a identifié 85 cas de « concurrence fiscale dommageable » à travers l’Europe, dont 10 en France. Etes-vous prêt à mettre fin par exemple au régime fiscal spécifique à la Corse ?
Christian Sautter
Je ne confirme pas ces informations. Mais il est clair que les régimes fiscaux de tous les pays sont examinés. Pour aboutir à un démantèlement volontaire des régimes dommageables, chacun doit accepter de discuter de sa propre situation, au lieu de se concentrer sur celle de deux ou trois Etats. Les représentants des Quinze examinent actuellement les différents régimes dérogatoires, afin d’évaluer leur caractère dommageable ou non, sur une base consensuelle. Une fois l’inventaire des pratiques anticoncurrentielles établi, l’étape suivante consistera à proposer leur résorption progressive, de manière volontaire. Il ne s’agira certes que d’un code de bonne conduite, mais il aura une vertu pédagogique et poussera les pays à supprimer certaines pratiques jugées, collectivement, condamnables. Nous verrons plus tard comment aller plus loin dans l’harmonisation de la fiscalité des entreprises. C’est un objectif auquel Dominique Strauss-Kahn et moi-même sommes très attachés.
La Tribune
Un autre sujet européen est sur la table, celui de la TVA. Etes-vous favorable à une baisse ?
Christian Sautter
Nous attendons les propositions de la Commission sur ce point. Nous aurons le temps de les examiner, avant de prendre, éventuellement, des décisions dans le cadre du budget 2000.
La Tribune
Faut-il envisager, à terme, une harmonisation des prélèvements sociaux ?
Christian Sautter
Cela n’est pas à l’ordre du jour. Harmoniser les prélèvements sociaux signifierait harmoniser les régimes sociaux. Or ceux-ci relèvent de la compétence nationale.