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Santé Magazine : Vous, vous êtes engagée pour que plus de la moitié de nos déchets soit recyclée avant 2002. Pourquoi cela ne va-t-il pas plus vite ?
Dominique Voynet : J’ai en effet récemment rappelé aux préfets la nécessité de respecter cet engagement, conformément à la loi de 1992. A terme, la moitié des déchets collectés par les communes doit être valorisée. Chaque département doit maintenant préciser sa contribution à cet objectif.
En 1992, le problème n° 1 était les décharges brutes : on en recensait près de 7 000. Plus de 3 500 ont déjà été fermées, et j’ai réactivé cette démarche. L’incinération a été souvent trop privilégiée, avec les conséquences environnementales, mais aussi financières, que l’on connait. Bien dimensionné et mis aux normes, un incinérateur présente un intérêt. Mais le souci de ne mettre en décharge que les déchets ultimes, et de ne laisser à l’incinération que le strict nécessaire, nous pousse à la réduction du volume de déchets et à la valorisation par le recyclage.
Les orientations du gouvernement touchent tous les leviers d’action : réglementation, fiscalité, aides aux collectivités, implication des citoyens, transparence, communication… Tout Le monde est donc concerné.
Le résultat se jugera à l’échéance de 2002, mais je suis assez optimiste, compte tenu de la volonté politique de réaliser les objectifs fixés en 1992, dans le double souci de protéger l’environnement et de réduire les coûts de traitement, qui sont en forte croissance.
Santé Magazine : Selon notre sondage, les Français ne se sentent pas assez informés sur les structures mises en place pour trier les déchets. Comptez-vous lancer une campagne d’information ?
Dominique Voynet : Une campagne nationale a déjà été lancée, l’été dernier, par le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, l’association des maires de France et les sociétés agréées pour la gestion des déchets, afin d’inciter les consommateurs à modifier leurs comportements quotidiens.
Mais c’est d’abord localement que l’information des citoyens est la plus efficace. La gestion des déchets ménagers relève, en effet, de la compétence des communes et des collectivités locales. J’ai demandé que soit mis en place un observatoire national sur les coûts des différentes filières de gestion des déchets, et je suis très sensible à l’implication des citoyens sur ce sujet, ce qui passe par la transparence et l’information du public. Le souci de réduire les factures et de participer à des opérations de protection de l’environnement, dont le premier geste concerne la collecte sélective, sont des motivations puissantes.
Santé Magazine : Éliminer les déchets coûte de plus en plus cher. Qui va payer la facture ?
Dominique Voynet : Je préfère parler de « traitement » des déchets plutôt que d’« élimination » qui n’est qu’une illusion. Enfouir des ordures non triées ou les réduire en cendres dans une installation hors d’âge, c’est continuer à polluer l’atmosphère, les sols ou les nappes phréatiques par des dioxines et des métaux lourds qui mettent en danger la santé et l’environnement. La mise en place de filières de traitement plus intelligentes, mieux exploitées, coûte plus cher au départ, même si à long terme tout le monde y gagne.
La maîtrise des coûts est au cœur des orientations retenues par le gouvernement. Nous avons, par exemple, décidé la baisse du taux de TVA pour la collecte sélective, le tri et le recyclage. Cela incitera tous les élus à s’impliquer dans ces démarches.
Le surcoût actuel doit être supporté au maximum par les producteurs de déchets (que nous sommes tous), selon le principe du « pollueur-payeur », et non plus exclusivement par le contribuable. C’est aussi l’un des volets de la réforme engagée par le gouvernement sur la fiscalité écologique.
Santé magazine : Prendrez-vous des dispositions pour inviter les fabricants à utiliser des emballages plus recyclables ou à réduire leur quantité ?
Dominique Voynet : Les emballages représentent en moyenne 80 kg par an et par habitant, soit 20 % du total des déchets ménagers. Pour cette raison, de nouveaux tarifs de contribution des producteurs d’emballages vont mieux prendre en compte les critères de poids, de volume et de recyclabilité des emballages. Auparavant, cette contribution était un forfait fixe, représenté par le « point vert » que chaque consommateur trouve sur ses produits.
Le conseil national de l’emballage a également présenté récemment 98 initiatives de réduction à la source du gisement de déchets.
Santé Magazine : De trop nombreux incinérateurs ne respectent toujours pas les normes concernant l’émission des polluants dans les fumées. Que pensez-vous faire pour mettre fin à cette situation inacceptable ?
Dominique Voynet : La réglementation relative aux incinérateurs, datant de 1991, devait être appliquée en décembre 1996, avant mon arrivée au Gouvernement.
Ce n’était pas encore le cas partout, et j’attache une grande importance à ce que tous les incinérateurs soient mis aux normes, le plus vite possible. En avril 1998, j’ai convoqué les préfets des départements concernés par la trentaine d’incinérateurs de forte capacité qui auraient dû être aux normes. J’ai préconisé une action vigoureuse pour mettre sur pied des calendriers précis de mise en conformité (ou de fermeture) et pour mettre en place une approche juridiquement satisfaisante.
Je compte aussi sur la vigilance des citoyens et des associations, qui siègent dans les commissions locales d’information et de surveillance, pour m’aider dans cette tâche. Douze arrêtés de mise en demeure ont été signés et trois arrêtés de consignation ont même déjà été pris. Je m’attache personnellement à « normaliser » la situation pour les cas les plus difficiles, qui se comptent désormais sur les doigts d’une seule main.