Interviews de Mme Michèle André, secrétaire d'État chargée des droits des femmes, dans "La Vie" le 15 février 1990 et à Europe 1 le 17 mai 1990, sur la campagne d'information sur les violences conjugales et le projet de loi contre le harcèlement sexuel.

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Média : La Vie - Europe 1

Texte intégral

La Vie : 15 février 1990

La campagne a prouvé que nous avions touché une réalité sensible dans le pays. Ce n'était pas une lubie de femmes… Depuis le 5 novembre, quelques 6 000 personnes ont appelé notre standard pour des informations.

Parallèlement ont été mises en place dans chaque département des commissions chargées de photographier la situation au niveau local, pour évaluer les besoins, en centres d'accueil surtout. D'importantes dispositions réglementaires vont être prises cette année. Les femmes victimes de violences seront bientôt prioritaires dans l'attribution de logements HLM. Celles qui vivent en concubinage, dans une situation actuellement plus fragile que les femmes mariées, arriveront prochainement à obtenir en procédure civile la garde du domicile. L'idée prioritaire à faire passer est simple : ce n'est pas à la femme victime de faire ses bagages.

Reste le code pénal, en cours de réforme, qui prendra désormais en compte les violences conjugales. Les sanctions seront aggravées en cas de coups et blessures portés par le conjoint ou le concubin de la victime.


Europe 1 : 17 mai 1990

Laurence Ferrari : Existe-t-il une définition de ce qu'est le harcèlement sexuel et où commence-t-il ?

C'est dans la définition que réside toute la difficulté, ce n'est pas facile à démontrer ?

Mme André : C'est une des raisons pour lesquelles nous avons du mal à trouver tous les mots qu'il faut pour définir correctement. Il y a des négociations avec les services du Garde des Sceaux et avec des associations, les députés s'y intéressent.

Q. : Je ne savais pas qu'il n'existait pas de loi pour punir le harcèlement sexuel, la communication passe mal ?

Mme André : C'est parce que les femmes travaillent de façon plus massive, parce qu'elles ont des exigences sur le respect de leur vie professionnelle, qu'elles peuvent dire des choses qu'elles ne disaient pas avant.

Q. : Avez-vous eu à connaître des cas scandaleux comme le droit de cuissage de certains patrons ?

Mme André : J'ai eu à en connaître dans le passé. Des femmes qui venaient se plaindre une fois licenciées. Quand elles avaient vécu le maximum et qu'elles avaient perdu leur emploi. C'est le pire de tout, c'est ce qu'il faut éviter. Il faut qu'une femme puisse se dire qu'elle peut aller parler avec quelqu'un.

Il y a du côté du pénal quelque chose à faire. Nous sommes en train de finir d'inscrire. C'est un gros groupe de travail qui a fonctionné là-dessus. Mais il y a aussi à faire du côté du Code du travail. Je voudrais insister car tout ne se gérera pas en pénal. Il faut faire de la prévention.

Q. : Sous quelle forme et comment ?

Mme André : Un chef d'entreprise, un responsable administratif a une responsabilité envers la sécurité physique de son personnel. Je veux faire avancer cette idée de la sécurité morale. C'est un problème de bonne santé, d'équilibre et de bonnes conditions de travail. Il faut arrêter les choses souvent avant la Justice dans le comportement, mais quand les hommes ignorent que c'est quelque chose qui n'est pas admis, ils se comportent comme si c'était permis. Les violences conjugales c'est la même chose.

Q. : La France sera quasiment le premier pays européen à modifier son Code Pénal ?

Mme André : Oui, c'est important. Je voudrais signaler que nous sommes le pays qui a demandé qu'une directive européenne soit prise en compte. Il faut avant tout bien définir la notion et prendre une infinie précaution à prendre.

Q. : Vous espérez allez vite ?

Mme André : Au niveau de la préparation nous sommes à peu près prêts. Ce sera soit au printemps, soit de toutes façons en automne.

Q. : Merci.