Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Députés
Je suis particulièrement heureux de me rendre devant vous ce matin, à l'invitation de votre président, Georges Sarre. Je salue son courage. Il est peu fréquent dans notre vie politique manichéenne de voir se rencontrer des hommes politiques de bords différents, dont les intérêts, dont les intérêts électoraux s'opposent, se sont opposés et s'opposeront de nouveau. Cela arrive un peu plus souvent, cependant, entre « républicains de deux rives », ainsi que les appelle Jean-Pierre Chevènement et je me souviens que, la dernière fois, il n'y a pas si longtemps, c'est lui qui me rendait visite au Sénat.
C'est que, ce qui nous réunit, vous et moi, est plus important que ce qui nous sépare. C'est le même attachement viscéral à cette République qui a tellement fini par se confondre avec la France que nous n'imaginons plus que l'on puisse les dissocier sans les faire périr l'une et l'autre. Or c'est bien, après le Traité de Maastricht, ce que celui d'Amsterdam entend parachever.
Je sais bien qu'on nous dit : Amsterdam, c'est une peccadille. Au point qu'on nous annonce déjà un nouveau Traité qui, celui-là, juré, croix de bois croix de fer, corrigera les tares des précédents et établira la politique et la démocratie au cœur de la construction européenne. Taratata.
En attendant, il nous faut consentir à abandonner immédiatement tout un pan de notre souveraineté à la Commission de Bruxelles, dans des matières qui touchent à l'essence même d'une nation, son territoire, ses frontières, sa population, ses libertés publiques : en un mot, l'esprit de nos lois.
Il faut surtout accorder à la Cour de justice de Luxembourg ce qu'elle réclame avec arrogance depuis longtemps, ce à quoi notre Parlement comme notre Conseil constitutionnel s'étaient jusqu'ici refusés, la suprématie de sa jurisprudence sur nos principes constitutionnels.
Bref, il nous faut transférer notre souveraineté juridique après avoir dévolu notre souveraineté monétaire. Ce qui veut dire, Mesdames et Messieurs les députés, regardons les choses en face, qu'il en sera de même de notre Parlement et de la Banque de France. Nous aurons le droit de faire des lois comme elle celui d'imprimer des billets, à la condition qu'ils soient conformes !
La souveraineté que le Traité de Maastricht a aliénée remontait au XIIIe siècle, à Philippe le Bel. Celle qu'abolit le Traité d'Amsterdam, plus sournoisement je vous l'accorde, pour être plus récente n'en n'est pas moins vitale à nos yeux, puisque c'est celle de 1789, toute entière contenue dans l'article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Le Traité de Maastricht écornait déjà ce principe réputé inaliénable, celui d'Amsterdam le rend complètement caduc. A travers ce Traité, nous accordons à une juridiction étrangère à la nation le droit de décider en dernier ressort des garanties mêmes de notre État de droit et du fonctionnement de notre système politique.
Jusqu'ici, la Cour de Luxembourg ne jugeait que d'après le Traité de Rome et l'on voit déjà l'emprise de ses décisions sur l'ensemble de nos droits, judiciaires et administratifs. Demain, elle aura à interpréter souverainement les Traités de Maastricht et d'Amsterdam, c'est-à-dire quasiment l'ensemble du domaine de la loi tel que le définit l'article 34 de notre Constitution.
Et dire que tout cela tient dans un articulet louche, posté aux confins de notre loi fondamentale comme un écorcheur en lisière de la forêt de Bondy.
Alors, qu'on cesse de nous mentir ! Dès Amsterdam ratifié, nous aurons créé de toutes pièces un État en soi, qui bat monnaie à Francfort, fait la loi à Bruxelles, rend la justice à Luxembourg, laissant aux États « subsidiaires » la seule prérogative régalienne de lever l'impôt. Pas folle, la guêpe !
Alors, qu'on cesse de nous mentir et que cesse le ballet des mauvaises consciences.
Mauvaise conscience du Président de la République, qui n'ose pas assumer ce traité qui porte sa signature en le soumettant aux Français !
Mauvaise conscience du Premier ministre, qui n'ose pas rejeter ce Traité dont il nous a dit pendant sa campagne tout le mal qu'il fallait en penser !
Mauvaise conscience des partis, de la majorité comme de l'opposition, recherchant de conserve l'oreiller sous lequel étouffer l'affaire avant que le peuple ne s'en aperçoive !
Mauvaise conscience d'un système dans lequel il n'est pas un parlementaire pour penser du bien de ce Traité, mais qui le ratifiera à la quasi unanimité !
Eh bien, je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés du Mouvement des Citoyens, si un tel coup devait être porté en douce à la souveraineté nationale, sans que le peuple français ne l'ait expressément autorisé, par référendum, ce qui serait la première fois sous la Ve République, alors, ce qui serait sans doute légal ne serait en aucun cas légitime.
Et je ne doute pas qu'une fois alerté et mobilisé par nos soins, nous les républicains de nouveau rassemblés, le peuple français trouvera le moyen de revenir sur cette turpitude. Vous pouvez compter sur moi pour l'appeler à réagir. Et le plus tôt sera le mieux.