Interview de M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration, à TF1 le 5 mai 1996, notamment sur la politique gouvernementale, les économies annoncées sur le budget de l'État, la politique urbaine et les objectifs du Pacte de relance pour la Ville.

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Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

Mme Sinclair : Bonsoir à tous.

Bonsoir, Éric Raoult. Vous êtes l'un des jeunes ministres du Gouvernement Juppé et vous avez inauguré, il y un an, vos fonctions de ministre-délégué à la Ville et à l'Intégration.

Je recevrai aussi Régine qui nous parlera de sa mésaventure pour cause de cigarette et d'avion sur une ligne américaine. Mais on ne parlera pas que de ça, ce n'est pas pour ça qu'elle est venue, puisque TF1 va diffuser un téléfilm inspiré de sa vie et de son livre. On se retrouvera tout à l'heure. Une vie riche en passion et en émotion.

Éric Raoult, cette année, au Gouvernement, c'était l'idylle ou le bagne ?

M. Raoult : Ce n'était ni l'un, ni l'autre, c'était l'apprentissage. L'idée qu'un gaulliste revenait à l'Elysée, il fallait tout à la fois montrer le chemin et puis garder le cap. Je trouve que Jacques Chirac a montré le chemin parce que, maintenant, on regarde la France et on l'écoute parler.

Mme Sinclair : On va revenir sur Jacques Chirac et le bilan du septennat mais je parle, là, de vous. Vous êtes un homme politique chevronné, vous avez été…

M. Raoult :… Chevronné nouveau.

Mme Sinclair : Nouveau dans la fonction de ministre, mais enfin vous étiez maire. Qu'est-ce que cela vous a apporté de plus que vous ne sachiez d'être ministre ?

M. Raoult : Un enseignement appris par Juppé. Un ministre, ce n'est pas fait pour parler, c'est fait pour agir. Et un ministre, c'est fait pour bien travailler sur le sujet qu'on lui a demandé de suivre. Je trouve que Juppé m'a bluffé parce que, comme Premier des ministres, il montre l'exemple.

Mme Sinclair : Dans la première minute, quand on dit du bien de Chirac et du bien de Juppé, c'est tout de même bien parti, non ?

M. Raoult : Comme on n'est pas très nombreux à le faire et comme les Français oublient qu'on a fait 100 000 emplois pour des chômeurs de longue durée, qu'il y a 60 000 Français qui bénéficient maintenant du prêt à taux zéro, qu'il y a près de 250 000 contrats « initiative emploi », si vous ne dites pas du bien du Gouvernement lorsque vous êtes au Gouvernement, il ne faut pas attendre que Monsieur Jospin en dise.

Mme Sinclair : Bien.

On va parler de l'actualité ensemble. Dans cette vue de Paris que Jérôme Revon, on voit une épaisse fumée noire. C'est celle de l'immeuble du Crédit Lyonnais qui brûle depuis ce matin et dont l'incendie n'est toujours pas maîtrisé. Il y a 32 blessés, les deux tiers des surfaces occupés de l'immeuble qui est près de l'Opéra ont été détruites. Et vous aurez des détails sur cet incendie dans le Journal de 20 heures.

On va parler de l'actualité tout de suite. Dans un instant, on va parler de l'Abbé Pierre, après deux minutes de publicité.

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Mme Sinclair : Éric Raoult, ministre-délégué à la Ville et à l'Intégration est mon invité ce soir.

On va parler de l'actualité, bien sûr. Si on avait pu, on aurait érigé une statue. Or, depuis 15 jours, cette statue a vacillé dangereusement.

Claire Auberger, Joseph Pénisson.

Zoom :

« L'affaire Garaudy fait tomber l'Abbé Pierre de son piédestal. Admiré par tous pour sa bonté et son courage, le fondateur d'Emmaüs se retrouve aujourd'hui cloué au pilotis pour avoir apporté sa caution morale à un livre révisionniste. Son auteur, l'un de ses vieux amis, a été mis en examen pour négation de crime contre l'humanité ».

Mme Sinclair : Éric Raoult, comment avez-vous réagi à cette triste affaire ?

M. Raoult : J'ai été étonné, stupéfait ! Que Garaudy se trompe, cela ne m'étonne pas. Il a été communiste quand il ne fallait pas l'être. Il a été extrémiste, catholique, protestant. C'est maintenant un zélateur de Monsieur Khomeiny et de Monsieur Kadhafi. Mais que l'Abbé Pierre dise ça, c'est stupéfiant !

Lui, il a toujours été celui qui a fait les bons combats, celui que l'on a suivi, celui qui a parfois dérangé. Mais, là, voir deux hommes, même au-delà de toute amitié, se rejoindre là-dessus, c'est vraiment réouvrir un si mauvais débat. Si l'Abbé Pierre voulait véritablement savoir ce qui s'est passé, qu'il vienne, avec toutes les municipalités de France, voir ceux qui ne sont pas revenus de là-bas.

Moi, j'ai appris ce qu'avait été l'holocauste en lisant le livre d'Anne Franck, vraiment, je crois que l'Abbé Pierre a déçu. C'est vrai qu'une vie, c'est une totalité, qu'il faut voir l'homme de l'hiver 1954, mais celui du printemps de 1996 est vraiment décevant.

Mme Sinclair : Les historiens, c'est vrai, ont travaillé depuis 50 ans sur ce sujet, il n'y a pas vraiment besoin de débat. Peut-être faudrait-il, pour ceux qui veulent tout de même s'informer, signaler parmi d'autres les travaux de Léon Poliakoff, de François Bédarida et de tas d'autres. Je voudrais pour mémoire citer peut-être deux livres qui font référence :

L'un du grand historien français qui s'appelle Pierre Vidal-Naquet dont je voudrais qu'on montre le dernier ouvrage qui s'appelle « Réflexion sur le génocide » à La Découverte. Pierre Vidal-Naquet a été analysé l'antisémitisme, le génocide et les négateurs, comme on dit aujourd'hui.

Et puis l'autre ouvrage qui fait référence est celui de l'historien américain qui s'appelle Raül Hilberg et qui s'appelle « La destruction des juifs d'Europe », dans la collection Folio « Histoire », donc une collection de poche. Et lui démontre à la fois les étapes de l'anéantissement et sa quotidienneté routinière. Fermons le ban.

M. Raoult : Il a dit une chose qui est très vraie, c'est que le génocide du peuple juif avait tué non pas parce qu'ils faisaient, mais par ce qu'ils étaient. Je crois que, quand – comme l'Abbé Pierre – on dit qu'il faut lutter contre tous les extrémistes et notamment contre le Front National, il faut s'en souvenir.

Mme Sinclair : On ne va pas quitter complètement le sujet puisqu'on va arriver au 1er mai où on ressort traditionnellement Jeanne d'Arc et ceux qui la célèbrent. Mais, d'abord, le traditionnel 1er mai, ce sont des défilés syndicaux, plus modestes cette fois-ci qu'à l'automne.

Claire Auberger, Joseph Pénisson.

Panoramique

1er mai social : unis en province, divisés à Paris, les syndicats ont défilé en ce 1er mai sans déplacer les foules.

1er mai politique : le 1er mai, c'est aussi jour de sortie pour les troupes du Front National qui viennent célébrer Jeanne d'Arc.

Dans les Côtes d'Armor, Lionel Jospin invite également les socialistes à combattre avec force l'Extrême-Droite.

Budget : Toujours plus de rigueur. Dans son Budget 1997, Alain Juppé demande de faire 60 milliards d'économies.

François Chalais : les actrices, ils savaient leur parler et les faire parler comme personne. Un ton, une voix, François Chalais était la star des stars.

Mme Sinclair : Dans cet hommage à François Chalais, on a vu une première image qui était François Chalais avec Brigitte Bardot. J'aimerais savoir ce que pense le ministre de l'Intégration des propos tenus la semaine dernière par Brigitte Bardot dans Le Figaro ? Des propos racistes, disons-le – c'était à l'occasion de la Fête de l'Aït-El-Khébir, fête musulmane, où les moutons sont abattus rituellement – et elle disait : « Française de souche, je le suis. Voilà que mon pays, la France, ma patrie, ma terre, est de nouveau envahi, avec les bénédictions des gouvernements successifs, par une surpopulation étrangère, notamment musulmane, à laquelle nous faisons allégeance ». Suivaient des propos sur le débordement islamique et sur le fait qu'elle serait obligée bientôt de fuir son pays.

Le ministre de l'Intégration, quand il voit cette Marianne, cette autre grande gloire nationale qui dérape, c'est le moins qu'on puisse dire, que dit-il ?

M. Raoult : Je me suis dit : « Ce n'est pas Brigitte Bardot qui a pu écrire cela ». Je me rappelais, quand j'étais môme, de la Brigitte Bardot et « Dieu créa la femme », celle qui était au bras de Vadim, celle qui avait fait le film, « Une ravissante idiote » et puis je me suis dit : « Elle a pété un plomb, ce n'est pas tout à fait son registre ». Que s'est-il passé cette semaine, L'Abbé Pierre, Brigitte Bardot…

Mme Sinclair :… Ça fait beaucoup.

M. Raoult : Ce sont vraiment les idoles qui vacillent. Je crois que Brigitte Bardot doit se souvenir que la Fête de l'Aït-El-Khébir est une fête des musulmans. C'est une fête que nous essayons de mieux organiser dans notre pays, mais c'est aussi dans l'inspiration des musulmans le fait que, comme on n'avait pas voulu tuer un enfant, on a tué un mouton.

Mme Sinclair : C'est le sacrifice d'Abraham.

M. Raoult : C'est le sacrifice d'Abraham. À Saint-Tropez, il n'y a peut-être pas énormément de Musulmans, il y a peut-être des milliardaires saoudiens, mais ce n'est pas ceux qui posent le plus de problèmes, tout de même.

Mme Sinclair : Continuons un peu sur le même registre.

Jean-Marie Le Pen appelle les Français, de semaine en semaine, à bouter les parlementaires hors du Parlement par les élections, avant que les Français ne le fassent eux-mêmes dans la rue. Prenez-vous cela pour un langage folklorique ? Où est-ce que vous dites : « C'est très grave » ?

M. Raoult : Moi, je me dis : « Comment croire Monsieur Le Pen aujourd'hui » ? Il dit qu'il n'est pas violent, à chaque fois qu'il y a des drames, ce sont des types du Front National. Il dit qu'il n'est pas raciste, mais, à chaque fois, que Brahim Bouaram, un petit Comorien, ou d'autres incidents peuvent éclater, c'est souvent les crânes rasés, les skinheads, qui sont peut-être plus ou moins proches du Front National, qui agissent.

Moi, je dis que Monsieur Le Pen se trompe d'époque, on n'est pas en 1934. Il vient d'y avoir une élection présidentielle, nous sommes en 1996, les électeurs ont choisi un Président de la République, un nouveau Gouvernement. S'il veut se présenter aux élections, il s'y présentera. Je dirai simplement aujourd'hui que « Le Front National, c'est inefficace et c'est dangereux ».

Mme Sinclair : Mais il attaque la Majorité. Que lui répond la Majorité face aux attaques de Le Pen disant : « On a trahi les électeurs, les chômeurs » ?

M. Raoult : Madame Sinclair, plus ça va mal pour les Français, plus ça ira bien pour Monsieur Le Pen. Quand le Gouvernement essaie de régler un certain nombre de problèmes, eh bien, il fait réduire Monsieur Le Pen. Pourquoi il s'attaque à la politique de la ville, Le Pen ? Tout simplement, parce que dans un quartier, lorsqu'il y a des exclus, lorsqu'il y a des oubliés, eh bien, la politique de la ville essaie de faire en sorte que les gens reparlent ensemble. La meilleure façon de combattre Le Pen, aujourd'hui, ce n'est peut-être pas comme Monsieur Jospin le rappelait récemment, de voter à gauche, c'est peut-être beaucoup plus, aujourd'hui, d'appuyer une politique gouvernementale dont les réponses sont des réponses d'amélioration de la vie quotidienne. C'est peut-être parce qu'on a laissé le terrain à Monsieur Le Pen que, aujourd'hui, il se permet de parler aussi fort.

Mme Sinclair : Le terrain, on va en parler, en tout cas, de la situation économique et sociale. Alain Juppé a annoncé de la rigueur encore. Ne croyez-vous pas que les Français, auxquels on demande cette rigueur depuis 15 ans, un jour vont dire : « Ecoutez, on en a assez, ce n'est pas vraiment pour ça qu'on avait voté » ?

M. Raoult : Madame Sinclair, je crois que vous avez mal écouté Alain Juppé. Il n'a pas parlé de rigueur pour les Français, il a parlé de rigueur pour l'État. Je crois que l'État est trop lourd. Pardonnez-moi, avec mes 100 kilos de parler comme ça, mais aujourd'hui on a besoin de perdre du poids dans l'État et on a besoin de gagner du muscle. Ce qu'il faut, c'est que l'État soit peut-être plus efficace. Ce n'est pas que l'État soit plus présent partout, sur tous les sujets, il faut qu'il y ait mieux d'État et peut-être un peu moins d'État dans un certain nombre de domaines.

Ce qu'Alain Juppé propose, ce n'est pas de se serrer la ceinture, mais c'est peut-être, pour l'État, de mettre un cran de sûreté pour ne pas aller au-delà.

Mme Sinclair : Pratiquement ?

M. Raoult : Ce que nous voulons, c'est ne pas dépasser 60 milliards de déficit supplémentaire. Parce que, quand un État est bien trop lourd, l'État n'avance pas. Et lorsque l'État n'avance pas, la vie des Français ne s'améliore pas.

Mme Sinclair : Plus exactement, c'est 60 milliards d'économies, si j'ai bien compris ?

M. Raoult : C'est 60 milliards de limitation. C'est faire en sorte que le Budget de l'Etat, qui était d'à peu près 1.538 milliards en 1996, ne soit pas de 60 milliards supplémentaires l'an prochain, c'est-à-dire que l'on dépense autant en 1997 que l'on aura dépensé en 1996. Vous le faites dans votre foyer, je le fais dans le mien, et les Français le font aussi. Eh bien, c'est une limitation de dépenses que nous voulons faire au sein du Gouvernement.

Mme Sinclair : Tous les Ministères vont être touchés, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas de secteurs, comme il y en a toujours traditionnellement, protégés : le logement, l'aide à l'emploi ou l'intégration. Où allez-vous couper, vous, par exemple ?

M. Raoult : Je crois que la démarche d'Alain Juppé, souhaitée par le Président de la République, dans son terme de « draconien », c'est que l'on passe tous des efforts ensemble. Je suis ancien député, j'avais l'habitude de dire : « Il faut faire des économies, chez le voisin, mais pas chez moi », au niveau des ministres, c'est un peu la même chose. L'an dernier, quand j'étais responsable de la Ville et de l'Intégration dans Juppé 1, j'étais content que les limitations soient passées à côté et j'avais bien défendu mon Budget.

La démarche d'Alain Juppé, c'est de faire en sorte que l'on soit tous responsables. Que l'on essaie tous de faire des économies, que l'on essaie tous de faire des francs efficaces.

Mme Sinclair : Vous, par exemple, où allez-vous prendre vos économies ?

M. Raoult : Quand on va expliquer, ville par ville, qu'en ce qui concerne ce Pacte de Relance pour la Ville, il faut, avec Jean-Claude Gaudin, travailler tous ensemble pour qu'ils soit plus efficacement mis en place sur le terrain. On pourra, de mois en mois, essayer de répondre plus efficacement à la demande financière. Puis il y a, dans d'autres dossiers, un effort à faire pour que l'on puisse dépenser plus efficacement.

L'important pour un ministre, ce n'est pas de dépenser beaucoup d'argent, c'est de se dire : « Qu'est-ce qui va pouvoir être bon pour l'emploi lorsque j'aurai exécuté mon Budget » ?

Mme Sinclair : En gros, soyons clairs, il y a un tiers du Budget de l'Etat qui est pris par les salaires des fonctionnaires. Est-ce que, demain, après avoir, au fond, gelé leurs salaires cette année, on va leur annoncer qu'il faut réduire leurs nombres et leurs effectifs ?

M. Raoult : Je crois que, tout d'abord, un effort a été fait par les fonctionnaires et je crois que le Gouvernement en tiendra compte pour l'an prochain. Mais je crois aussi que, chaque année, il y a à peu près 65 000 départs en retraite, il peut y avoir un effort qui soit fait, par rapport aux revenus, par rapport à l''efficacité et à la productivité. Donc je crois qu'il y aura des efforts qui seront à mener dans un certain nombre de domaines.

Prenons un exemple : mon collègue, Pierre-André Périssol, a fait un prêt à taux zéro…

Mme Sinclair : … Logement, oui.

M. Raoult : Il a réduit quatre primes qui existaient. Nous, dans notre domaine, avec Jean-Claude Gaudin, nous allons essayer de faire en sorte de rendre plus efficace aussi la politique de la Ville dans les années qui viennent. Il y aura la fin d'un Plan, le XIe Plan. Il y aura l'application du Pacte de Relance pour la Ville. Les 8,8 milliards qui seront dépensés en 1996 et puis les 5 milliards qui sont prévus du Pacte de Relance pour la Ville, nous allons faire en sorte qu'ils aillent plus efficacement sur le terrain. Il doit y avoir des pertes en ligne parfois au niveau des régions et nous pouvons faire aussi que chaque franc dépensé – élément le plus important – soit utile pour l'emploi.

Vraiment, ce que Juppé, ce que Chirac rappelle à chaque fois, c'est que, aujourd'hui, il est important de réduire le chômage. Si nous sommes au Gouvernement, c'est essentiellement pour cela.

Mme Sinclair : Je vous ramène sur le problème des fonctionnaires parce que c'est une grosse partie du Budget de l'Etat. L'idée que vous dites, c'est de ne pas compenser tous les départs à la retraite et, en gros, d'avoir 25 000-30 000 fonctionnaires de moins l'année prochain…

M. Raoult :… Anne Sinclair, je ne suis pas ministre de la Fonction publique, cela ne vous a pas échappé, ce chiffre est peut-être des organismes que l'on n'est pas obligés de pérenniser, il y a véritablement des économies. Mais je vous le rappelle, on veut faire en sorte que l'Etat puisse dépenser mieux en dépensant parfois moins.

Mme Sinclair : Sur la ceinture, justement, qu'est-ce qui nous attend sur le plan fiscal ? On a dit, vous avez dû le voir ici ou là, on l'a lu : « Le Gouvernement demande des économies draconiennes pour qu'il lui reste un petit peu de marge pour pouvoir alléger un petit peu les impôts. Un an avant les législatives, ce n'est pas mauvais ». Est-ce de bonne guerre ? Est-ce vrai ? Peut-on le dire franchement ?

M.  Raoult : J'ai entendu le Président de la République prendre des engagements forts et il a souligné que l'effort qui avait été demandé pour redresser, pour faire en sorte que la France reparte, était un effort exceptionnel. Je suis aussi attentif à tout le débat qui est actuellement lancé dans la Majorité. Certains disent : « Il faut diminuer les impôts, il faut diminuer les charges » eh bien, le souhait, aujourd'hui, du Gouvernement d'Alain Juppé, c'est de faire en sorte d'essayer de mener une démarche, d'abord, en commençant les efforts de limitation des déficits et de limitation des dépenses de l'État et, puis ensuite, parce qu'un effort fiscal supplémentaire n'est pas possible, il faut que la réforme fiscale soit progressive. C'est tout l'enjeu du débat qui va intervenir et de l'effort à mener d'une réforme fiscale progressive.

Le Premier ministre le rappelle souvent : « Un impôt qui est efficace est un impôt qui est simple et c'est aussi un impôt qui a plutôt tendance à donner l'impression qu'on réduit la pression plutôt l'augmente ».

Mme Sinclair : Vous disiez : « les engagements du Président de la République » en effet, dans ses vœux de fin d'année, il avait dit que « fin 1997, les impôts pourraient baisser ». Vous entendez, en effet, des voix dans la Majorité. Édouard Balladur disait : « Les impôts pourraient baisser tout de suite ». Dites-vous : « Ce n'est pas raisonnable » ?

M. Raoult : J'ai écouté Edouard Balladur, j'ai vu ce qui s'était passé de 1993 à 1995, il le sait, il a été Premier ministre. Ce n'est pas facile de diminuer les impôts lorsque nous devons affronter l'exclusion, lorsque nous devons aussi répondre à un certain nombre de choix, de rendez-vous qui n'ont pas été pris dans les années passées. Ce n'est pas facile d'essuyer deux septennats socialistes.

Ce que je crois, c'est que, dans les mois qui viennent, on va devoir, dans la Majorité, chacun s'exprimer sur ce point. Mais je fais plutôt confiance à quelqu'un comme Alain Juppé qui avance et qui réfléchit plutôt qu'à des gens qui n'ont pas toujours montré…

Mme Sinclair :… Qui ne réfléchissent.

M. Raoult : Ah ! non, je n'ai pas dit cela. Mais à des gens qui étaient parfois à des postes de responsabilités où ils auraient pu mettre en pratique les propositions qu'ils ont aujourd'hui.

Mme Sinclair : Pour ceux qui réfléchissent sur la prestation autonomie, que dites-vous ? Qu'elle est définitivement rangée au placard ?

M. Raoult : Non, je ne le crois pas, mais il y a des priorités. Aujourd'hui, la priorité, c'est de lutter contre le chômage, c'est aussi de lutter contre l'exclusion, mais peut-être que, sur quelques mois supplémentaires, ce grand projet de cette grande idée de Jacques Chirac de faire en sorte que l'on puisse aider les personnes âgées à mener une vie digne dans le cadre familial, eh bien, si ce n'est pas 1996-1997, cela pourrait être dans les mois qui suivront.

Mme Sinclair : Le RPR s'est réuni aujourd'hui en grande pompe pour célébrer un an de Présidence de Jacques Chirac. C'est le moment ou jamais d'avoir votre cri d'enthousiasme. J'espère que vous avez fêté dignement cet anniversaire ? Vous êtes un homme heureux ? On commençait l'émission un peu comme ça.

M. Raoult : Il y avait véritablement une ambiance. D'abord, on était contents de retrouver tout le monde. Il y avait au premier rang Nicolas Sarkozy, il y avait devant moi Charles Pasqua. Il manquait quelqu'un, mais celui-là, on l'a donné à tous les Français. On a crié pendant des années : « Chirac, Président », maintenant c'est fait…

Mme Sinclair :… J'ai cru que vous disiez : « Il manquait quelqu'un, c'est Édouard Balladur ». Attendez, je n'ai rien compris…

M. Raoult :… Nous, nous soufflions une bougie. Il était à Chartres avec un cierge. En l'occurrence, ce que vous avons souhaité aujourd'hui, c'est fêter le premier anniversaire. Le premier anniversaire, pour nous, gaullistes, a une signification particulière. Cette signification, c'est de retrouver la famille unie, et puis aussi de se dire que « la politique, ça ne s'arrête pas. Il va falloir donner une nouvelle Majorité pour le Président en 1998 ».

Ce Gouvernement d'Alain Juppé, on peut le dire, se débrouille nettement mieux aujourd'hui, peut-être qu'il pouvait se débrouiller il y a encore quelques mois. Et puis les Français se rendent compte qu'il y a des premiers effets, que la France repart, que, jour après jour, la vie quotidienne de leurs compatriotes s'améliore. C'est ce Juppé du quotidien et ce Président qui, véritablement, marquent l'ensemble de la Nation, parce qu'on sait le voir entouré à Ifax des Grands de ce Monde, mais on le voit aussi dans une pizzeria à Amiens. Eh bien, c'est un peu un nouveau de Gaulle qui serait votre voisin de palier, c'est-à-dire quelqu'un avec qui vous pourriez parler tout en se disant : « C'est vrai, il représente l'ensemble du pays ».

Mme Sinclair : Vous aurez remarqué que certains observateurs disent ceci : « Le capital de sympathie qui est très fort, que suscite Jacques Chirac, c'est ce dont vous parliez notamment à l'instant, avec un jugement plus sévère sur le bilan d'un an de cette politique ». Cela vous semble injuste ?

M. Raoult : Je me souviens de 1981, j'étais jeune militant gaulliste et c'est vrai que, quand j'ai vu François Mitterrand être élu, je n'ai pas eu une poussée d'adrénaline, mais je me suis dit que « le Mitterrand et ses 110 propositions en 1981 », on a été tout de même nettement plus indulgent à son égard qu'à l'égard du Gouvernement d'Alain Juppé et de Jacques Chirac.

En 1981, le chef de l'État a franchi des symboles : la peine de mort, les nationalisations. Mais le Gouvernement d'Alain Juppé a, aujourd'hui, lui, essuyé tous les plâtres des rendez-vous manqués. Il a essuyé aussi un certain nombre de critiques injustes. Aurait-on fait à Pierre Mauroy ce que l'on a fait à Alain Juppé ? Aurait-on traîné le Premier ministre, à l'époque, dans le caniveau comme on l'a fait contre Alain Juppé ? Je crois qu'il faut que, aujourd'hui, on se rende compte très simplement que ce Gouvernement agit dans le sens d'une amélioration de la vie quotidienne. C'est un fait une Droite qui est populaire et qui est progressiste.

Comme le dit Lionel Jospin : « Le Président, Jacques Chirac, a un style plus simple, plus direct, plus familier. Dommage que ce soit un homme de Droite qui l'adopte ». Eh bien, oui, Jacques Chirac est de Droite…

Mme Sinclair :… Lionel Jospin dit d'autres choses dans la critique.

M. Raoult : C'est vrai, mais, là, pour une fois, j'ai trouvé que Lionel Jospin, que l'on n'entend pas toujours, avait des propos tout à fait intéressants.

Mme Sinclair : Je lui demanderai, la semaine prochaine, son avis puisqu'il sera à votre place.

Est-ce qu'avec le recul, vous ne vous dite pas finalement : « On n'aurait peut-être pas dû faire autant de promesses, c'est la loi de la campagne électorale, mais on en a fait beaucoup, et que c'est dur de passer de la fracture sociale à la réduction des déficits ? Vous ne vous dites pas : « Là, la transition est un peu difficile ? ».

M. Raoult : Madame Sinclair, je crois qu'il y a eu la nouvelle France et on la met aujourd'hui en œuvre parce qu'on tourne une page. Il y avait la France pour tous, mais la France pour tous n''était pas promise pour quelques mois. Je le rappelle, on ne peut pas faire un bilan au bout d'un an, on peut fêter un anniversaire. Je crois que, aujourd'hui, ce bilan qui est uniquement d'étape montre qu'il y a les premières réponses qui sont des premières réponses d'amélioration de la sécurité, d'amélioration de la situation de l'emploi.

Mme Sinclair : En somme, vous dites : « il reste six ans ».

M. Raoult : Il reste six ans et il reste aussi, maintenant, deux ans pour faire en sorte que ce bilan de mandature – tout à l'heure, nous avons parlé d'Édouard Balladur – il avait commencé en 1993, nous allons finir en 1998 et on nous jugera sur ce point, sur la Majorité. Pour le chef de l'État, on s'aperçoit qu'il a maintenant franchi une étape supplémentaire et que les Français sont tout de même contents d'avoir un type comme lui à la tête de l'État.

Mme Sinclair : C'était en effet le sens du discours d'Alain Juppé aujourd'hui. C'était de remettre tout cela dans une même perspective et d'associer Édouard Balladur à l'action qui, aujourd'hui, se poursuit.

M. Raoult : La famille gaulliste est réunie.

Mme Sinclair : Le discours est un peu nouveau.

M. Raoult : On aurait tous souhaité, un jour, que Chirac et Balladur soient main dans la main pour l'élection présidentielle. Cela ne s'est pas passé comme ça, il faut l'oublier.

Mme Sinclair : On va voir la suite de l'actualité dans un instant, mais on va d'abord faire une pause de publicité.

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Mme Sinclair : Le reste de la semaine : les grandes surfaces, la Cour d'Assise, la Coupe de France et le Proche Orient, entre diplomatie et deuil. Claire Auberger et Joseph Pénisson.

Panoramique

Proche-Orient : Le Liban pleure ses morts. Le peuple porte à bout de bras les 102 martyrs de Cana.

À Paris, Jacques Chirac récolte, lui aussi, les fruits de son action. Le Président libanais vient le remercier chaleureusement, tout comme Shimon Pérès qui avait pourtant critiqué son intervention. Il juge finalement utile le rôle d'intermédiaire joué par la France auprès des pays arabes.

Justice : Offrir la possibilité de faire appel à tout condamné en Assise.

Justice toujours avec du nouveau dans l'interminable enquête sur la profanation du cimetière juif de Carpentras.

Commerce : « Assez de supermarchés. C'est moche, ça détruit le petit commerce, tue les campagnes et développe en plus la corruption et le chantage ». Ce jugement sans concession et tenu par Jacques Chirac, lui-même, qui prend visiblement ce combat très à cœur.

Peut faire mieux : À l'entrée en sixième, un tiers des écoliers ne sait pas lire où ne sait pas calculer.

Une Coupe de France comme on les aime. Les deux finalistes ont fait vibrer, hier soir, le Parc des Princes jusqu'au dernier coup de sifflet.

Mme Sinclair : On a vu des sujets comme les grandes surfaces, comme l'école, comme la justice, tous, touchent aux villes, à la cité, aujourd'hui. Quand vous êtes arrivé au Ministère, vous avez dit votre volonté de faire un Plan Marshall pour les banlieues. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

M. Raoult : On a essayé de trouver quelqu'un au Ministère qui s'appelait « Marshall » pour lui dire : « Est-ce que tu ne pourrais pas aller présenter le Plan ? ». Et puis on s'est dit, après, avec Alain Juppé : « Que le plan Gaudin-Raoult, au niveau du poids financier, c'était à peu près la même chose ». Je crois qu'en effet il y aura aujourd'hui, un Pacte de Relance pour la Ville. C'est la première fois, véritablement, qu'on a travaillé aussi en amont avec, d'abord, des experts, plutôt que de répondre simplement à des drames, ce qui avait été fait malheureusement par le passé. Il y a un terrible événement dans une banlieue, alors, on annonce un plan.

On a eu une démarche totalement différente. On s'est d'abord entouré d'avis autorisés. On a demandé au Préfet de la Seine-Saint-Denis. Jean-Pierre Duport, et au délégué interministériel à la Ville, Francis Idrac, de réfléchir, pendant suffisamment de temps, à toutes les améliorations qu'il était possible d'apporter à la politique de la Ville. Ensuite, on a réussi à obtenir des moyens. On avait l'appui d'Alain Juppé, on avait aussi un parrain bienveillant en la personne du Président de la République, parce que le chef de l'Etat a été élu aussi dans les banlieues. Et nous avons ensuite proposé à Marseille, avec Jean-Claude Gaudin, un Pacte de Relance pour la Ville qui soit cohérent, qui soit lisible et qui soit réaliste.

Mme Sinclair : Et qui va devenir un projet de loi ?

M. Raoult : Qui va devenir un projet de loi et – ce n'est pas un scoop – il sera présenté au conseil des Ministres le 22 mai. Et nous souhaitons, je l'ai réclamé encore tout à l'heure au ministre, chargé des Relations avec le Parlement, passer avant la fin juin pour mettre en œuvre le plus rapidement possible ce Pacte de Relance pour la Ville. Point important : on l'a déjà largement mis dans d'autres textes de loi, parce qu'on est, avec Jean-Claude Gaudin, attentifs au fait qu'il faut aller vite. Et donc les délinquants, c'est déjà dans un texte Toubon. Les emplois de ville, c'est dans un texte sur l'apprentissage et un certain nombre de dispositions concernant les surloyers ont été adoptées grâce au ministre du Logement.

Mme Sinclair : On va revenir sur un certain nombre de ces points importants. Un sondage qui va vous faire plaisir :

Estimez-vous, demande la SOFRES, que le Gouvernement consacre trop de moyens pour les banlieues au détriment du reste du pays, zones rurales, etc. ? Ou que son effort pour les banlieues est tout à fait justifié ?

Il fait trop d'efforts pour les banlieues : 18 %
Son effort est tout à fait justifié : 70 %
Sans opinion : 12 %

Donc, aucun effort pour les banlieues n'est jugé visiblement superflu. Seul, au Front National, on trouve à 56 % que le Gouvernement fait trop d'efforts, mais c'est vraiment la seule exception.

M. Raoult : Quand ça va mal, eux sont contents. Donc, cela ne m'étonne pas que nos compatriotes se rendent compte qu'il y a, aujourd'hui, une forte volonté d'agir pour les villes. 80 % des gens vivent dans les villes.

Anne Sinclair, je suis allé récemment aux États-Unis avec un groupe de parlementaires, franchement, je ne suis pas revenu libéral et je ne suis pas revenu pro-américain de ce que j'ai vu là-bas. Là-bas, il y a les ghettos…

Mme Sinclair :… C'est-à-dire que vous êtes revenu avec l'idée que l'État doit revenir dans les quartiers.

M. Raoult : Que l'État doit être présent et que la République, aussi, doit donner une signification à ce qu'elle peut représenter.

Mme Sinclair : Prenons un certain nombre de points précis : Les emplois de ville dont vous parliez, qu'est-ce que c'est ? Ce sont les petits boulots ? C'est quoi ?

M. Raoult : Les emplois de ville, d'abord, vont devenir une réalité d'ici trois semaines. Ce sera 25 000 postes de travail, ce sera 25 000 missions-ville, offerts à des jeunes de 18 à 25 ans pour une période qui peut aller d'un an à cinq ans. Ils seront rémunérés sur 30 heures de travail et 10 heures de formation, à peu près à 120 % du SMIC sur un taux plein. C'est-à-dire que ce sera la possibilité pour 25 000 jeunes, dès cette année, de mettre le pied à l'étrier de l'emploi.

Mme Sinclair : Ils seront affectés à quoi ?

M. Raoult : C'est déjà mis en œuvre en partie au Havre ou j'étais il y a quelques jours et où le maire du Havre, Antoine Ruffenach, met déjà dans les transports en commun des agents de médiation sociale, des agents de paix sociale. Donc, ce sera des travaux de médiation. Ce sera être dans une bibliothèque pour donner un certain nombre de cours de rattrapage. Ce seront des travaux d'encadrement. Ce ne sera pas des petits boulots et, je vous le rappelle, ils seront mieux rémunérés que tous les dispositifs que nous avons eus par le passé et qui étaient des utilités sociales, c'est-à-dire des améliorations. Comme beaucoup de parents le reconnaissent, il faut tout, sauf l'inactivité. Parce que l'oisiveté, dans les quartiers comme ailleurs, est la maîtresse de tous les vices.

Mme Sinclair : Il y a un autre aspect important de ce Plan et de ce futur projet de loi qui s'appelle les zones franches. Les zones franches concernent un certain nombre d'exonérations fiscales qui vont toucher des entreprises dans certains quartiers préalablement recensés.

Vous avez entendu la critique d'un certain nombre de gens et notamment au Parti socialiste, qui disent : « C'est toujours la même chose, cela va être encore la dérégulation pour un certain nombre d'entreprises. Encore des cadeaux aux entreprises et ce n'est pas ça qui va régler le problème. C'est toujours comme ça qu'on résout les questions ».

M. Raoult : Alors, là, je suis assez étonné parce que tous les maires, dont certains sont communistes et socialistes, qui sont venus nous donner leur dossier de zones franches n'ont pas indiqué cela dans leurs réponses. Ils ont plutôt dit : « On voudrait un périmètre plus important plutôt qu'un périmètre moins important ».

Ces zones franches urbaines sont une idée du Président de la République. Ce sera d'abord un quartier de développement Chirac. C'est la volonté de donner plus à des quartiers qui ont accumulé tous les maux…

Mme Sinclair :… En fait, vous allez les appelez « quartiers Chirac », ce sera peut-être mieux que zones franches ?

M. Raoult : Non, ce seront des quartiers de développement. « Zones franches », ça fait peu un Tanger, ça fait un peu Lichtenstein, donc, en l'occurrence, le mot, il faudra peut-être le réadapter.

Mme Sinclair : Je vous interromps une seconde. Plus sérieusement, un certain nombre de jeunes qui disent : « C'est aussi une façon – on nous montre déjà du doigt – de nous montrer encore davantage du doigt ».

M. Raoult : Anne Sinclair, je ne le crois pas. Jusqu'à maintenant, le Val Fourré, à Mantes la Jolie, on n'y allait pas. Maintenant, il y a des investisseurs qui commencent à s'y intéresser. Le maire de Mantes la Jolie m'en a parlé. Hier, j'avais le maire de Meaux au téléphone, c'est le maire de la Pierre-Collinet et du quartier de Beauval, eh bien Jean-François Copé me disait : « J'ai déjà des propositions d'investisseurs à l'intérieur de ce quartier ».

Je crois que la proposition que nous faisons avec Jean-Claude Gaudin sur ces sites francs, urbains, c'est d'apporter du commerce supplémentaire, d'apporter des activités, de revitaliser en intéressant les gens qui seront au 7ème étage, c'est-à-dire que le but, ce n'est pas qu'il y ait du business en bas des cages d'escalier et que cela n'intéresse pas la population. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'il y aura exonérations, on demandera qu'il y ait 20 % de préférence locale pour les recrutements d'emplois. Voilà la raison pour laquelle ces sites, qui seront des zones franches urbaines, pourront intéresser.

J'ajouterai un point, vous m'avez parlé du Parti socialiste, c'est normal, le Parti socialiste est dans l'opposition pendant des années ils ont pensé à cela, mais ils ne l'ont jamais fait. Nous, nous avons arrêté d'y penser nous le faisons maintenant. Aujourd'hui, ce qui compte, c'est de faire en sorte qu'on remette de la vie dans les quartiers.

À Amiens, le chef de l'État a dit qu'un quartier, ce n'était pas simplement un urbanisme inhumain et que ce n'était pas simplement des grandes surfaces. Eh bien, nous, nous voulons retrouver la convivialité dans ces quartiers. Des lieux où l'on puisse parler, où il y a l'esprit de village.

Mme Sinclair : Ne vous reproche-t-on pas le plus, c'est finalement de ne pas faire la part la plus belle qui soit à ce qu'on appelait autrefois « la politique de la ville », la politique de prévention ? Est-ce aussi présent ? Ou est-ce surtout, en effet, ou des mesures d'ordre économique, ou des mesures d'ordre répressif ?

M. Raoult : De 1986 à 1988, on a retiré un certain nombre de choses dans cette politique de la Ville. En 1993 et 1995, grâce à l'action d'Édouard Balladur et de Simone Veil, on a simplifié. Eh bien, là, on a donné un coup de d'accélérateur avec ce Pacte de relance pour la Ville. Le chef de l'État, le Premier ministre et l'ensemble des membres du Gouvernement sont conscients qu'il se passe quelque chose dans ces quartiers. Si on ne s'intéresse pas aux quartiers, peut-être qu'un jour ce seront les quartiers qui s'intéresseront à l'actualité. Vous savez, les médias, parfois, ne parlent de ces quartiers qu'au travers des flammes, qu'au travers des violences. Nous, pour la première fois, nous avons réussi à faire un Pacte de Relance pour la Ville qui met tous les acteurs autour d'une même table, et je le rappelle un certain nombre d'acteurs qui sont membres du Parti socialiste. Parce que, comme le maire de Mulhouse l'a dit : « Tout ce qui peut être un plus pour les quartiers de ma ville, je suis d'accord ».

Mme Sinclair : C'est vrai qu'on jugera de l'efficacité aussi et de l'ampleur de ces mesures à l'argent que vous allez mettre sur la table, au paquet qui va justement pouvoir les mettre. Pouvez-vous dire un peu combien ça va coûter à la solidarité nationale ? Combien vous envisagez l'ensemble de ce Pacte comme poids financier ?

M. Raoult : Anne Sinclair, si je vous disais : « tant de milliards dans quelques semaines », les mômes de ces quartiers diraient : « Alors, comme Tapie, il nous avait annoncé des milliards, où sont ces milliards ? ». Non, nous, ce que nous voulons, c'est faire du concret. Vous avez parlé de ces zones franches urbaines, de ces emplois de ville, on pourrait parler aussi de tout ce qui va permettre la mixité de l'habitat, retrouver au sein ces communes un effort qui puisse être fait en matière de logement social.

Je crois qu'en fait ce qui est important à faire passer comme message à l'ensemble de nos compatriotes, c'est qu'il faut qu'il y ait un retour sur investissement. Il faut qu'il puisse y avoir aussi, demain, dans un certain nombre de villes, des quartiers qui disent : « Ça y est, maintenant, nous sommes partis de la galère, nous nous en sortons plutôt bien. Et donc, il n'y a plu 1 300 quartiers difficiles en France, il n'y en a plus que 900 ou il n'y en a plus que 800 ». Il faut que la politique de la Ville, un jour, soit biodégradable. Il faut qu'un jour on puisse dire : « On a, en partie, résolu le problème urbain en France ». C'est, je crois, tout à l'honneur d'un chef de l'État, ce n'est pas une critique pour son prédécesseur, mais sous son prédécesseur, on avait dit : « Le socialisme devra être urbain ou ne pas être ». Eh bien, là, la politique de la Ville est plus modeste, plus pragmatique et plus responsable. Et puis, on a aussi un élément fort qui est Jean-Claude Gaudin. Lui fait des travaux pratiques en rentrant chez lui à Marseille et, moi, en Seine-Saint-Denis, j'en fais aussi le soir quand je rentre.

Mme Sinclair : On ne peut pas parler de toutes les mesures que vous envisagez…

M. Raoult :… On en a 68.

Mme Sinclair : On en mentionne quelques-unes : la mixité de l'habitat, ce qu'on disait tout à l'heure sur les zones franches, sur les emplois de ville. Il y a aussi en ce qui concerne la sécurité et, notamment, une mesure dont vous mentionniez, vous-même, tout à l'heure, qu'elle était déjà passée dans un projet de loi Toubon, qui est une mesure sur la délinquance des mineurs. C'est-à-dire que vous voulez que les mineurs récidivistes soient jugés plus vite pour un acte qu'ils ont commis. Quel lien faites-vous entre le nombre de délinquants et la rapidité de jugement ?

M. Raoult : Nous avons voulu avec Jacques Toubon et Jean-Louis Debré apporter une réponse qui soit réaliste. Nous savons que, dans les quartiers, ce n'est plus « Mémé Guerrini », c'est « moufflet Guerrini », ce sont des petits qui créent la perturbation. Donc, entre la prison et la rue, il fallait des réponses et il fallait aussi éviter que le môme rentre dans son quartier en disant : « T'as vu le juge, je l'ai niqué, il me convoque dans 18 mois ». Eh bien, non, maintenant, ce n'est plus possible, grâce au texte Toubon, on aura, dans un certain nombre de sites, à travers le pays, des unités d'éducabilité à encadrement renforcé et on aura aussi une comparution certaine et rapprochée qui pourra apporter une réponse efficace à la délinquance des mineurs.

On aura aussi un renforcement des effectifs de police. Le ministre de l'Intérieur vient d'écrire déjà à l'ensemble des Préfets, des Présidents de Conseils généraux sous leur dire : « Le Pacte de Relance pour la Ville, appliqué en septembre, c'est-à-dire dans quelques mois, c'est, pour votre département, plusieurs dizaines de policiers supplémentaires ». Il y aura 2 000 policiers supplémentaires qui seront redéployés à travers le pays pour apporter une véritable réponse qui ne soit pas sécuritaire, parce qu'il vaut mieux quelquefois froncer les sourcils que d'envoyer des charges de CRS.

Mme Sinclair : Un dernier mot sur le sujet pour revenir sur ce que vous disiez : Ne peut-on pas sur les mineurs objecter peut-être exactement l'inverse et se dire que le mineur est en évolution : plus il devient adulte, mieux il comprend son acte et plus il y a de temps entre l'acte commis et le jugement, plus cela lui permet d'avoir pris conscience de l'acte. Est-ce aussi net que ce que vous dites ?

M. Raoult : Madame Sinclair, c'est vrai, ça, mais ce n'est pas, malheureusement, toujours le cas, et il faut qu'une Société puisse se protéger. Je vais vous donner un exemple : Au Parlement, il y a eu deux parlementaires de l'Opposition qui se sont exprimés. Une jeune parlementaire, brillante, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, qui a fait une intervention d'opposition tout à fait remarquable.

Mme Sinclair : Cela doit être Frédérique Bredin.

M. Raoult : Ah ! je ne vous ai pas donné le nom.

Mme Sinclair : Ancienne ministre de l'Opposition.

M. Raoult :… Puis, il avait aussi un député de Seine-Saint-Denis, du même Parti, ancienne Secrétaire d'État à la construction, qui a fait une intervention tout à fait remarquable parce que, elle, elle voit à Bondy ce que sont les mineurs délinquants. Et, dans la façon d'approcher les choses, il ne faut pas d'idéologie, il faut apporter une réponse qui soit réaliste et qui soit pragmatique.

Je conclurai : « Le Pacte, si on pouvait le faire aussi entre la Majorité et l'Opposition. Parce que, si on gagne en 1998, on est encore là pour cinq ans et les villes resteront là. Si on ne gagne pas, concrètement, ils auront le torchon à mettre aussi. Donc, c'est la raison pour laquelle le Pacte de Relance pour la Ville, on veut le réussir ensemble ».

Me Sinclair : Éric Raoult, on va accueillir Régine. C'est une femme que tout le monde connaît depuis qu'elle a fait découvrir le twist à la France entière. Elle s'est imposée dans la chanson avec des textes de Gainsbourg, de Sagan, de Dabadie. C'est aussi une femme qui s'est consacrée à la lutte contre la drogue.

TF1 va diffuser, le 17 mai, un téléfilm qui s'appelle « Je m'appelle Régine », qui est inspiré d'un livre qu'elle a écrit déjà il y a quelque temps mais qui est réédité, cette année, qui est chez Rober Laffont et qui s'appelle « Régine, appelle-moi par mon prénom ». C'est un téléfilm de Pierre Aknine, avec Claire Quin, isabelle Otéro, Victor Lanoux. On va y revenir, Régine, mais je voudrais d'abord que vous donniez votre version de cette histoire, abracadabrante, de cigarette, d'avion, de vous, de votre fils et du FBI qui était sur les dents à votre arrivée à Boston.

Interview de Régine.

Mme Sinclair : Un mot, Éric Raoult, quand vous voyez cette passion ?

M. Raoult : C'est une sacrée bonne femme. Je suis admiratif parce que je ne connaissais pas Régine. Moi, en banlieue, je ne suis jamais allé dans ses discothèques dans ses boîtes de nuit, mais j'en avais entendu parler et je l'avais entendu chanter. Puis, je l'ai rencontrée une fois, c'était au spleeping de la rue Poujol dans le 18ème arrondissement. J'ai vu une vedette qui comme Platini, comme un certain nombre d'autres, s'engage pour aider les autres. Eh bien, ça, c'est tout de même mieux que Brigitte Bardot.

Régine : Brigitte Bardot, c'est comme la femme du médecin qui ouvre la porte et qui prend les rendez-vous. Elle a épousé Monsieur Dormale, Front National, eh bien, elle a le langage du Front National.

M. Raoult : Et toc.

Mme Sinclair : Régine, merci beaucoup d'être venue. Votre livre : « Appelle-moi par mon prénom, Régine », le téléfilm qui s'appelle : « Je m'appelle Régine et un disque aussi avec, à la fois, la bande originale du film et vos plus belles chansons : « les petits papiers », « la grande Zoa » et j'en passe.

Merci à vous d'être venue. Merci, Éric Raoult.

Dimanche prochain, je recevrai Lionel Jospin. Je lui demanderai s'il est d'accord avec tous les compliments que vous lui avez mis dans la bouche. Lionel Jospin et Philippe Labro.

Dans un instant, le Journal de 20 heures de Claire Chazal.

Merci à tous. Bonsoir.