Interview de M. Jacques Toubon, ministre de la justice et maire du treizième arrondissement de Paris, dans "Le Parisien" du 2 février 1996, sur le projet d'aménagement de la ZAC Seine Rive Gauche.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : À ce jour, seuls 12 000 des 900 000 m2 de bureaux ont été vendus sur la ZAC Seine-Rive-Gauche. Pourquoi les investisseurs boudent-ils l'Est parisien et se ruent vers l'Ouest ?

Jacques Toubon : La tendance culturelle est favorable à l'Ouest et défavorable à l'Est. Tout doit à être fait pour l'inverser. S'ajoute un phénomène visuel. Entre la gare d'Austerlitz et le périphérique, c'est encore une friche. Nous ne pouvons réussir que si nous réalisons un aménagement public pour offrir une capacité d'accueil aux entreprises. Plus on s'y prend tard, alors que les millions de mètres carrés de bureaux se construisent à l'Ouest, plus c'est difficile.

Le Parisien : À la fin des années quatre-vingt, on parlait déjà de rééquilibrer l'Est, mais rien n'a changé.

Jacques Toubon : Le programme Rive-Gauche est une réponse politique forte à l'anarchie qui s'est installée dans l'Ouest parisien. À Paris, nous avons mené une véritable politique d'urbanisme en privilégiant le logement et les équipements dans les arrondissements de l'Est. Face à cela, dans les Hauts-de-Seine et plus généralement à l'Ouest, pas d'urbanisme, mais une réponse à la demande la plus solvable. La suppression de l'agrément des bureaux en 1985 a conduit à une situation très défavorable : 6,5 millions de mètres carrés de bureaux dans les Hauts-de-Seine en dix ans sur les 10 millions de mètres carrés de bureaux construits en Île-de-France. Résultat, seulement 38 % des bureaux parisiens ont moins de vingt-cinq ans, contre 65 % à l'Ouest.

Le Parisien : Comment rééquilibrer la situation ?

Jacques Toubon : Nous avons besoin de bureaux neufs à Paris. Il faut que nous proposions des capacités d'accueil sur le quartier Seine-Rive-Gauche tout en accélérant la transformation des bureaux anciens en logements. On ne dérogera pas à la politique fondamentale de Paris : privilégier le logement sur le bureau. La ville de Paris a cette volonté. L'État a décidé la semaine dernière de relancer un programme à La Défense et le comité de décentralisation a pris une décision favorable sur 200 000 m2 de bureaux là-bas. Il a cependant reporté une autre tranche identique. C'est la première fois que les propositions de La Défense ne sont pas entièrement approuvées. Pour moi, le comité de décentralisation s'est vraiment posé la question de savoir si, par rapport au rééquilibrage à l'Est, il faut construire ces 400 000 m2 en plus.

Le Parisien : À qui profiterait un échec de Seine-Rive-Gauche ? À l'Ouest de Paris et au puissant département des Hauts-de-Seine ?

Jacques Toubon : Je ne crois pas à une compétition politique. La ZAC Seine-Rive-Gauche est un enjeu historique pour Paris. Une région où on aurait un centre. Paris, déprimé serait une région déprimée. Notre projet Seine-Rive-Gauche, c'est d'avoir une métropole forte, avec un poumon d'emplois et de richesses. Il y a un enjeu régional et national. Je ne crois pas que la France puisse fonctionner avec une capitale en état de dépression économique.

Le Parisien : Si votre pari politique échoue, la facture sera très lourde pour les Parisiens et pour la majorité RPR dans la capitale…

Jacques Toubon : Je vois des difficultés, mais d'échec. En revanche, si nous ne faisons rien aujourd'hui, la majorité à Paris pourrait se faire du souci. Si nous laissons encore partir les entreprises à l'extérieur, la fiscalité deviendra plus lourde. Seine-Rive-Gauche, par son espace exceptionnel, est une chance de prospérité pour les Parisiens.