Texte intégral
J.-M. Lefèbvre : Avez-vous un peu le sentiment d'un échec avec la publication des chiffres du chômage de novembre et de décembre ?
J. Barrot : Cette augmentation du chômage est liée à une baisse de la croissance en Europe, aux évènements de décembre. Effectivement, il faut le reconnaître, ce n'est pas une bonne nouvelle. Mais c'est une nouvelle qui ne doit pas nous cacher non plus le bilan de 1995 année au cours de laquelle, il y a eu tout de même un certain nombre de chômeurs qui a retrouvé du travail à savoir plus de 60 000. Le chômage longue durée, notamment, a reculé de 6 %. Cela non pas pour nous satisfaire mais pour nous éviter d'aborder 96 avec un certain découragement en se disant qu'il y a une fatalité. Non ! Nous devons relever le défi de 96 et en particulier en direction des jeunes car nous sentons bien que c'est là la faiblesse française.
J.-M. Lefèbvre : Que pouvez-vous envisager de nouveau ?
J. Barrot : D'abord, il faut se servir des outils que l'on a mis au point depuis deux ou trois mois. Les partenaires sociaux - je leur tire mon chapeau d'ailleurs - ont, avec l'accord UNEDIC qui permet à des salariés qui ont 40 ans de cotisations de laisser leur place à un jeune, permis d'ouvrir les portes des entreprises à près de 15 000 jeunes. Au cours de 96, nous pensons que c'est par des dizaines de milliers que les jeunes pourront ainsi entrer en supplément dans les entreprises. La semaine prochaine, débat sur l'apprentissage pour financer une entrée en apprentissage à une hauteur que l'on n'avait jamais connue puisqu'en 96, il devrait y avoir 200 000 nouveaux apprentis. Et puis, les contrats de qualification aussi qui servent à adapter les jeunes, à la sortie de l'école, à un travail professionnel. Nous allons aussi nous occuper avec les régions des jeunes qui sont les plus en difficultés parce qu'ils n'ont aucun diplôme, parce qu'ils ont fini leurs études dans des conditions qui ne sont pas excellentes.
J.-M. Lefèbvre : L'idée d'un Contrat initiative emploi pour les jeunes, c'est ça ?
J. Barrot : Justement, un prochain décret ouvrira la possibilité pour un employeur de recruter un jeune avec un Contrat initiative emploi sans qu'il y ait l'obligation qui est faite aujourd'hui de faire état d'une année d'attente c'est-à-dire une année de chômage. Cela permettra un accès direct aux jeunes les plus en difficultés dans l'entreprise. Et cela devrait marcher.
J.-M. Lefèbvre : N'y-a-t-il pas des améliorations à apporter sur la politique de la baisse des charges que J. CHIRAC a évoquée la semaine dernière dans les Deux-Sèvres ?
J. Barrot : Le Contrat initiative emploi se traduit quand même dans la plupart des cas par un contrat à durée indéterminé. Alors il faut encore progresser. Il faut ajouter que, désormais, la politique de baisse des charges que nous avons engagée, c'est une baisse durable qui doit normalement encourager des embauches définitives. Mais il faut un peu de patience aussi, les employeurs n'ont toujours pas perçu l'intérêt des mesures que nous avons prises et je suis convaincu qu'en 96 nous allons pouvoir grâce, aux baisses des charges, qui sont durables, avancer sur le taux partiel choisi. Par exemple, là où quatre salariés travaillent à plein temps, on peut imaginer grâce aux baisses des charges leur proposer un temps partiel choisi à trois-quarts de temps et en recruter deux à trois supplémentaires. Tout cela se fera par accord et pas au détriment de la productivité de l'entreprise. Il y a déjà des exemples et je suis sûr que tout le monde s'y met, il y a des possibilités de sortir les jeunes de ce cauchemar du chômage.
J.-M. Lefèbvre : Concernant le plan de relance est-ce que l'effet négatif psychologique n'est pas plus important que les mesures annoncées ?
J. Barrot : Si je regarde l'emploi, je suis obligé de reconnaître qu'il est plus important que l'on facilite la construction de logements HLM que de rémunérer un petit plus une épargne, qui reste préservée s'agissant des plus modestes. Il vaut mieux demander un peu moins de rémunération pour des épargnes relativement importantes et un peu moins de prix pour des HLM qui ainsi pourront se construire plus nombreux, et là c'est de l'emploi et un meilleur logement pour les familles les plus méritantes. Franchement, le procès sur le Livret A est mal venu parce que nous savons qu'à l'effort des uns va correspondre une nette amélioration pour les autres et notamment pour les jeunes. Je suis sûr que le secteur du bâtiment peut très rapidement se mobiliser pour accueillir des jeunes. C'est un des secteurs où l'apprentissage marche le mieux et nous devrions voir des résultats. Et puis il faut cesser de nous prendre la tête dans les mains en se disant que 96 sera une année noire. Ce sera, sans doute, une année difficile mais elle sera moins noire si nous nous battons bien, si nous nous mobilisons. Et nous allons le faire avec les régions, avec les contrats régionaux d'insertion, avec les maires de France tout le mois de février. Nous allons demander à tous les élus de France de faire en sorte qu'il y ait des jeunes qui aillent visiter les entreprises pour voir s'il n'y a pas des contrats à offrir et puis nous essayer de parrainer un certain nombre de jeunes. Il y a tout une série d'actions que nous allons mener, convaincu que la France a tout intérêt à ne pas laisser sa jeunesse en jachère.
J.-M. Lefèbvre : À l'UDF, la candidature d'A. Madelin vous satisfait-elle ?
J. Barrot : Il y aura vraisemblablement d'autres candidatures. Ce qui importe, c'est que l'UDF soit, en effet, un grand mouvement démocratique qui choisisse, le mouvement venu, la meilleure équipe. Vous me permettrez de penser que l'UDF, qui est une confédération, a besoin plus qu'un homme miracle, d'une bonne équipe à la tête.
J.-M. Lefèbvre : Pensez-vous qu'A. MADELIN est trop libéral ?
J. Barrot : Il faut d'abord que nous voyons un peu comment les choses se présentent. Moi-même, j'appartiens à la Force démocrate et je n'ai pas l'habitude en politique d'émettre des avis d'emblée sans avoir débattu avec mes amis de la meilleure méthode et du meilleur choix possible. Mais je crois à l'UDF et à la nécessité d'un bon équilibre à l'intérieur de la majorité. Je pense que ce souci doit dominer tout le reste.