Texte intégral
Mme Cotta : Bonjour.
Le Gouvernement rend public son projet de budget pour 1996. Est-il trop timide ou trop sévère ? Est-ce le budget de la routine ou celui du changement ?
Premier ministre, depuis 128 jours exactement, Alain Juppé traverse une phase politique difficile. En fait-il trop ou pas assez ? Va-t-il trop vite ou trop lentement ? Et surtout sera-t-il là en 1998 ?
Peut-on croire, pouvez-vous croire aux images que vous voyez sur vos écrans, petits ou grands ? Surprise, interrogation et peut-être indignation. Dans la dernière partie de cette émission avec Karl Zéro.
La première Polémique de la semaine, c’est le budget. Face à face sur ce plateau, François d’Aubert, le ministre du budget, et son contradicteur, François Hollande, secrétaire national du Parti socialiste chargé des affaires économiques.
Messieurs, bonjour et merci d’avoir accepté de débattre pour cette première émission.
Première question pour lancer le début, elle s’adresse à vous, François d’Aubert, votre budget passe mal chez les fonctionnaires. Il a déplu aux patrons, les marchés financiers ont une certaine tendance à s’affoler. Un budget, c’est toujours très dur, mais tout de même, là, que se passe-t-il ?
M. d’Aubert : Si on mettait tout ce petit monde dans la même pièce, il est probable que ce serait un pugilat formidable, Parce qu’il y en a qui nous reprochent de dépenser trop et d’autres qui nous reprochent de dépenser pas assez. Alors, ce que je voudrais simplement dire, c’est ce que ce budget, c’est un sillon qui est droit, qui est profond, il y a une ligne budgétaire, il y a une vraie politique budgétaire qui est une politique, de réduction des déficits, de tenue à 322 milliards du déficit de 1995, du déficit de 1996 ramené à 290 milliards et d’énormes efforts faits pour réduire la dépense publique.
Mme Cotta : Lorsque votre ami, François Léotard, dit « qu’il n’y a pas une grande lisibilité dans ce budget », que dites-vous ?
M. d'Aubert : La lisibilité est dans la réduction du déficit. Elle est dans une augmentation des dépenses très légère puisqu’elle est inférieure à l’inflation. Elle est aussi dans le poids de la dette, Celui-là, il apparaît, il y en a pour 226 milliards. Cela représente 15 % de la dépense et, effectivement, c’est une contrainte énorme. Mais la lisibilité est aussi dans une baisse de la dépense, Si on met de côté la dette, les fonctionnaires et la priorité en faveur de l’emploi. La lisibilité est très claire, c’est la baisse des déficits et priorité à l’emploi.
Mme Cotta : Est-il à la hauteur de l’impatience ressentie par les Français.
M. Hollande : Si l’objectif de François d’Aubert et du Premier ministre était de mécontenter tous les groupes sociaux, il faut convenir qu’ils ont réussi. Cet objectif est plus qu’ils ne pouvaient l’espéré. Mais pourquoi y a-t-il cette conjugaison des mécontentements ? C’est tout simplement parce que tout le monde avait entendu, tout de même, une certaine musique au cours de l’élection présidentielle et cette musique allait plutôt dans le sens de la baisse des impôts. Les entreprises pouvaient penser que ce n’était pas à elles que c’était adressé. Les particuliers, en tout cas, étaient très sensibles à l’annonce qu’on leur avait faite, peut-être imprudemment à l’époque, de baisse d’impôts sur le revenu. Les consommateurs pouvaient penser qu’ils seraient les grands bénéficiaires. Certains épargnants pouvaient aussi imaginer qu’ils auraient quelques avantages supplémentaires. Et puis, résultat de ce budget, il y a un principe qui a été pris comme acte de gouvernement ; gouverner, c’est taxer, pour le Gouvernement de Juppé. Puisque taxer, il y aura la TVA, c’est déjà fait...
M. d'Aubert : ... C’était déjà décidé au mois d’août...
M. Hollande : ... Donc, c’était déjà décidé au mois d’août…
M. d'Aubert : ... N’en rajoutons pas...
M. Hollande : Cela aura effet en année pleine, l’année prochaine. Ensuite, il y a la taxe sur les gasoils, la taxe sur l’essence, il y aura la taxe professionnelle. La taxe d’habitation va augmenter...
M. d'Aubert : ... Et les impôts locaux ?
M. Hollande : Vous allez supprimer les traitements, donc cela va augmenter. Bref, vous avez toute la somme des taxes possibles et imaginables qui va augmenter. Je crois qu’il y a, là, comme un décalage par rapport aux engagements de la campagne électorale, ce qui explique le mécontentement. Je crois qu’on ne peut pas nier l’exigence de sacrifice et d’effort.
Ce qui est vraiment incompréhensible aujourd’hui, c’est qu’on nous ait dit, pendant la campagne électorale, qu’on pouvait baisser les impôts et aujourd’hui, on augmente tous les impôts.
Mme Cotta : La réponse de François d’Aubert.
M. d'Aubert : II y a eu plusieurs engagements de pris pendant la campagne électorale. Il y a eu celui, et c’était le super engagement, d’agir en faveur de l’emploi et contre le chômage. Il y a 138 milliards, il y a des baisses de charges... alors si Monsieur Gandois ne le comprend pas, ce n’est pas très grave...
Mme Cotta : ...Monsieur Gandois est le patron des patrons.
M d'Aubert : C’est le patron des patrons. Mais ce que je vois, c’est qu’on a 40 milliards de baisse de charges qui sont censés faire redémarrer l’emploi. Et que, dans le budget, cette priorité est partout. Elle est même dans la politique fiscale puisqu’on souhaite que les impôts qui briment l’emploi soient plutôt diminués.
Et puis, François Hollande l’oublie...
Mme Cotta : … C’est de bonne guerre.
M. d’Aubert : C’est un peu junior pour cela. II y a l’héritage...
M. Hollande : ... Vous voulez qu’on en parle ?
M. d'Aubert : L’héritage, nous, on se trimbale une dette...
M. Hollande : ... Vous trimbalez Balladur, ça, c’est sûr. Deux années Balladur, cela vous coûte 1 000 milliards.
M. d'Aubert : Non, c’est l’héritage socialiste. Moi, le seul héritage qui m’intéresse, c’est l’héritage socialiste.
M. Hollande : Ah oui, naturellement.
M. d'Aubert : On a eu entre 1989 et 1993...
M. Hollande : Combien ?
M. d'Aubert : Une augmentation de la dette de la France de 50 %.
M. Hollande : Non, mais combien de milliards ?
M. d'Aubert : Nous avons eu la catastrophe du Crédit Lyonnais. Nous avons eu le comptoir des entrepreneurs. Nous avons eu Air France. Nous avons eu un certain nombre de promesses qui ont été prises. Nous avons eu des augmentations de tous les côtés, même dans le secteur culturel. Nous avons eu l’opéra de la Bastille, etc. Tout cela compte dans le budget. Je connais le budget dans le détail, je sais combien ça coûte à chaque fois. Et le compteur tourne.
Dans cette affaire, nous avons à supporter cet héritage qui est considérable. La dette, 226 milliards, je m’en passerais volontiers. On aimerait bien que cela baisse.
Mme Cotta : François Hollande, vous semble-t-il possible de reprocher à François d’Aubert de ne pas faire un budget social alors que c’est tout de même Pierre Bérégovoy qui a creusé le plus le plus déficit dans les années 1992-1993 ?
M. Hollande : Essayons d’être le plu objectifs possible, cela nous changera. Le déficit budgétaire de l’état, de 1988 à 1992, c’était 100 milliard de francs par an. On peut dire que c’était trop 100 milliards. En 1992, arrive la récession, c’était...
Mme Cotta : … Il y a un glissement, là.
M. Hollande : Je le conçois tout à fait. Cela a été en gros 250 milliards de francs de déficit pour l’année 1992. En 1993. – François d’Aubert peut dire que c’était les socialistes, nous pouvons dire que nous n’y étions plus, à partir de mars, ce n’était plus nous –, le déficit public atteint plus de 350 milliards.
M. d'Aubert : Vous aviez annoncé 160 milliards.
Hollande : En 1994, – là, on n’y est plus du tout –, toujours 350 milliards. Et en 1995, on y est encore moins, c’est toujours 340 milliards. Alors qu’on ne nous fasse pas le coup. Je vous en prie, de l’héritage Bérégovoy quand vous avez, – et le Premier ministre, d’ailleurs, le justifie lui-même, il dit qu’il a hérité d’un héritage calamiteux de Balladur –, donc, de ce point de vue, soyez au moins cohérent avec votre Premier ministre.
Mme Cotta : Une question de Françoise Laborde.
Mme Laborde : J’aimerais, si vous le permettez, qu’on dépasse un peu le poids historique, parce que franchement que ce soit la Droite ou la Gauche ... peut-être peut-on aller plus loin. Simplement, ce que je voudrais savoir, c’est comment fait-on pour être crédible, c’est-à-dire pour avoir des marchés qui font confiance, pour avoir des taux d’intérêt français qui baissent, c’est-à-dire avoir un budget qu’on peut appliquer, quand on est critiqué de toutes parts ? Et, de ce point de vue. Monsieur Hollande, les socialistes vont-ils soutenir l’effort fait pour demander aux fonctionnaires, par exemple, de ne pas réclamer plus de traitement ?
Mme Cotta : Vous répondez sur la première partie : comment fait-on pour faire confiance ? Et vous, sur la deuxième.
M. d'Aubert : La crédibilité est dans l’affichage d’une réduction des déficits pour aboutir aux critères de convergence de Maastricht. Ce qui, en plus, traduit une volonté de revenir à la souveraineté budgétaire. Parce que ce n’est pas possible d’avoir un budget, c’est vrai, où les déficits sont aussi importants, – cela vaut également pour les déficits sociaux –, si on veut avoir des marges de manœuvre politique qui sont des marges de manœuvre pour répondre à des engagements qui ont été pris. Mais, là la ligne est tracée : j’ai parlé d’un sillon droit et profond, c’est vrai, 5 % du déficit par rapport au PIB en 1995, 4 % en 1996, 3 % en 1997...
Mme. Laborde : ... Le poids d’une dette invraisemblable.
M. d'Aubert : Ah oui ! Mais cela veut dire que, comme le poids de la dette est important, on est obligé de se restreindre, de se serrer un peu la ceinture sur certains ministères. C’est pour cela que je comprends mal le reproche qui est fait de ne pas tenir assez la dépense, si on met de côté le problème de la fonction publique, de côté le problème de la dette et qu’on affirme, – cela est légitime, vous ne pouvez pas dire le contraire –, une priorité à l’emploi et à la baisse des charges.
M. Hollande : L’endettement, puisque François d’Aubert en a parlé, est passé de 2 000 milliards, – c’est déjà énorme, me direz-vous –, en mars 93 à 3 300 milliards d’aujourd’hui. Donc, on voit l’importance de la chose. Faut-il réduire le déficit public ? Bien sûr.
Mme Cotta : Donc, vous êtes d’accord avec cela ?
M. d'Aubert : Tout le monde.
M. Hollande : Aucune force politique responsable ne peut imaginer que l’on peut rester sur cette spirale de l’endettement. Doit-on demander aux seuls fonctionnaires de faire l’effort ?... Qu’est-ce qui est choquant dans le budget, c’est donné 40 milliards de francs, François d’Aubert l’a dit, aux chefs d’entreprise pour les aider dans les créations d’emplois, 40 milliards de francs…
Mme Cotta : …Pourtant, cela ne leur suffit pas.
M. Hollande : Et, en plus, on a la plainte de Monsieur Gandois et, en plus, on a les marchés financiers qui réagissent. Alors, c’est bien qu’on a mal ciblé le budget. Je crois qu’il aurait été beaucoup plus facile de demander des efforts aux uns et aux autres si on avait demandé des efforts équitablement répartis, ce qui n’est pas le cas.
Mme Cotta : François d’Aubert, une question ; vous avez taxé les revenus de l’épargne, SICAV et assurance-vie. Vous avez donc taxé, selon la formule célèbre, l’argent qui dort. Avez-vous conscience, ce faisant, d’avoir pénalisé une partie de vos électeurs ? Sur ce plateau, nous avons le Président de la SAFER, qui est l’Association Française pour l’épargne et la retraite, et qui a, au niveau de l’assurance-vie, une question à vous poser.
M. d'Aubert : Juste une seconde ; on n’a pas taxé l’assurance-vie. On a simplement supprimé l’un des avantages fiscaux et on revient à une sorte de vocation initiale de l’assurance-vie qui sera un peu moins placement financier et un peu plus ce qu’elle était, c’est-à-dire une épargne de précaution. Le mot « assurance-vie » n’est pas placement normal, c’est, en cas décès, pour pouvoir y faire face.
En ce qui concerne les droits de succession, il n’y a rien de changé. En ce qui concerne les exonérations d’impôts sur le revenu, sur le rendement de l’assurance-vie. Il n’y a rien de changé. Et le rendement de l’assurance-vie reste toujours aussi intéressant, il est au-delà de 7 %.
Mme Cotta : Ce n’est pas tout à fait ce que pense Gérard Athias.
M. Athias : Monsieur le ministre, je comprends tout à fait les difficultés de la France et nous ne voudrions pas en ajouter.
M. Khan : C’est parfait !
M. Athias : Eh bien, oui.
M. Kahn : On dit toujours ça pour commencer. Quand j’entends cela, je sais comment ça va finir. Allez-y, mais je sais déjà comment ça va finir.
Mme. Cotta : Ne vous laissez pas démonter. Monsieur Athias, posez votre question au ministre.
M. Athias : L’assurance-vie a représenté, l’an passé, plus de 50 % de l’épargne. C’est un produit qui marche. Au cours de la campagne électorale, le Président de la République a écrit ceci…
M. Hollande : ... Le candidat, à l’époque.
M. Athias : Oui, oui, mais il est devenu le Président de la République. Il a donc écrit ceci : « Les épargnants ont besoin de sécurité, de stabilité. Leur confiance sera indispensable au Gouvernement qui aura la charge de redresser leur pays ». Pensez-vous que des mesures prises à l’égard de l’assurance-vie, qui concernent surtout les petits épargnants, sont des messires de nature à rendre cette confiance, quand ce sont des mesures à la fois rétroactives et discriminatoires ?
Mme Cotta : Le ministre vous répond.
M. d'Aubert : La notion de petit épargnant est un petit peu relative. Que cela puisse toucher des épargnants moyens, je le conçois, mais ce qu’il faut tout de même dire, c’est que l’avantage que nous supprimons, c’est-à-dire les 1 000 francs déductibles, cela ne concerne que les gens qui paient l’intérêt sur le revenu, c’est-à-dire la moitié des Français. Encore faut-il qu’ils aient souscrit un contrat d’assurance-vie.
Deuxièmement, vous avez des gros investisseurs qui sont de petits épargnants en assurance-vie. Vous avez des gens qui additionnent des déductions sur les SOFICA, sur la loi PONS, et puis qui mettent un petit peu d’assurance-vie. On arrive, avec ce système de cumul, à ce que des gens qui ont 4 ou 5 millions de revenus arrivent ne pas payer d’impôts
M. Bénichou : On ne vous reproche pas d’avoir taxé les revenus de l’assurance-vie, on vous reproche d’avoir supprimé une exonération d’impôt qui était de 1 000 francs. C’est-à-dire que les gens qui sont attirés vers un placement qui leur apporte 1 000 francs de moins d’impôt ne sont pas des gros, ce sont des petits.
M. d'Aubert : Ce qu’on a supprimé, c’est un argument de vente...
M. Bénichou : ... C’est tout ce que je peux vous dire.
Mme Cotta : Réponse.
M. d'Aubert : Monsieur Benichou, ce qu’on a supprimé, c’est un argument de vente pour ceux qui placent de l’assurance-vie. Parce que, effectivement, pouvoir dire à un particulier : « Voilà, vous allez bénéficier, à l’entrée dans l’assurance-vie, d’une prime fiscale », mais personne ne dit, – ou alors tout le monde a l’air de l’oublier –, qu’on ne touche absolument pas à une défiscalisation complète du revenu de ce qui est placé en place en assurance-vie. Puisque cela arrive à la fin, le revenu est complètement détaxé...
M. Bénichou : ... On ne pénalise pas les gros, on pénalise les petits.
M. d'Aubert : Mais non... Vous pouvez très bien avoir un gros qui investit peu dans l’assurance-vie, et il est riche. Il investit tout de même dans l’assurance-vie.
M. Bénichou : Celui-là se fiche des 1 000 francs.
M. d'Aubert : Je voudrais ajouter aussi, c’est que sur l’assurance-vie, vous avez des commissionnements qui sont très importants. À l’entrée, dans l’assurance-vie, vous avez certaines commissions qui représentent jusqu’à 30 % du placement, pour celui qui place l’assurance-vie. Donc, ce que je souhaite, c’est que l’épargne soit protégée et il n’y aura pas de changement sur la date du 20 septembre, je tiens à le préciser car des choses fausses ont été dites.
M. Hollande : Ce qui est choquant dans cette histoire, c’est d’abord le manquement à la parole donnée, mais cela fait partie de toute la campagne présidentielle qu’il a eue. On nous avait annoncé pour l’assurance-vie...
Mme Cotta : Et toutes les campagnes, non ?
M. Hollande : La stabilité, mais bon ! Vous avez vu, Monsieur Athias, le sort qui a été réservé à la lettre qu’on vous a envoyée. Et puis, deuxièmement...
M. d'Aubert : L’argent qui dort, qu’est-ce qui l’a monté ?
M. Hollande : Deuxièmement, il avait été annonce qu’on baisserait les impôts.
M. d'Aubert : La fiscalité en faveur de l’argent qui dort. Champions, les socialistes !
M. Hollande : Mais la deuxième chose qui est choquante dans l’assurance-vie, c’est que, moi, je suis pour qu’on change l’assurance-vie, et Monsieur Athias le sait, mais je ne suis pas pour qu’on touche spécialement à l’avantage fiscal de 1 000 francs, parce que ce ne sont pas les grosses fortunes qui vont chercher 1 000 francs de déduction d’impôt. En revanche, ce qui est choquant dans l’assurance-vie, et je l’ai toujours dit, c’est le fait qu’on exonère complètement les droits de succession à la sortie d’un contrat d’assurance-vie et que c’est une forme de défiscalisation de gros patrimoines... Là, pour le coup, ce ne sont pas les petits. Autant pour les petits, je pense que la déduction pouvait se comprendre, autant pour certains gros patrimoines qui investissent dans les contrats d’assurance-vie pour obtenir l’exonération complète des droits de succession, cela aurait été un avantage qu’il aurait été judicieux de toucher.
M. d'Aubert : À ce moment-là, Monsieur Athias, à mon avis, n’est plus d’accord.
M. Hollande : Peut-être, mais tant pis ! Je préfère encore mécontenter Monsieur Athias que de laisser un avantage fiscal...
M. d'Aubert : II n’est pas question de supprimer davantage en matière de droits de succession...
Mme Cotta : Dernière question sur ce débat. Elle s’adresse à vous, François d’Aubert : le dollar, ça ne va pas fort. La monnaie unique européenne semble avoir des problèmes. Et quand à la Bourse française, elle a chuté de 4,5 points dans la dernière semaine. Craignez-vous de nouveaux désordres monétaires ?
M. d'Aubert : Une chose est très claire : le Gouvernement français garde tout son sang-froid sur cette affaire. Et nous maintenons une ligne budgétaire qui est une ligne de réduction des déficits, de réduction de la dépense...
Mme Cotta : … Enfin, il y a de nouveaux éléments, là.
M. d'Aubert : Donc, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. En plus, il y a des facteurs très positifs dans l’économie française. Aujourd’hui, la croissance crée davantage d’emplois qu’il y a quelques années. La balance commerciale est en excédent et, même le rapport de l’OCDE dont vous allez probablement me parler, contient un certain nombre d’éléments qui sont très positifs.
Mme Cotta : Non, mais je vais vous parler du dollar. Est-ce que la chute du dollar vous semble inquiétante ? Est-ce le prélude à une nouvelle crise ?
M. d'Aubert : On ne peut jamais savoir en matière de marchés financiers. Je me garderai bien de tout pronostic dans ce domaine.
Mme Cotta : François Hollande.
M. Hollande : Ce n’est pas à moi de jouer en faveur de telle ou telle spéculation qui serait défavorable à notre pays, donc, je souhaite que l’on retrouve le calme sur les marchés financiers. Mais pourquoi y a-t-il le trouble ? Sans doute à cause du dollar. Pas simplement à cause du dollar. Sans doute aussi à cause des incertitudes sur l’union économique et monétaire. Et les réunions qui se succèdent ne sont pas forcément très encourageantes. Et puis la troisième raison, c’est qu’on ne voit pas très bien la politique économique que vous suivez. Cela tient, je crois, à certaines démissions qui se sont produites il y a peu de temps. Cela tient aussi que vous n’arrivez pas à définir la cohérence de votre action.
Mme Cotta : François d'Aubert, vous répondez, puis on s’arrête.
M. d'Aubert : C’est très clair : priorité à l’emploi. Un des moyens privilégiés : réduction des déficits. Ce n’est pas plus compliqué que ça.
Mme Cotta : Merci, Messieurs, d’avoir accepté de débattre. Merci, Monsieur Athias.
Deuxième polémique dans cette émission, Alain Juppé voit sa cote s’effondrer depuis l’été. Ce matin encore, il enregistre une forte baisse dans le baromètre mensuel, IFOP-Journal du Dimanche, Alain Juppé ou la permanente course d’obstacles. Le sujet de Jean-Michel Mercurol.
Reportage
M. Mercurol : Omniprésent, Alain Juppé ; l’image du Premier ministre démultipliée à l’envie depuis un mois. Qu’il s’agisse d’école, de drogue, d’emploi, de réforme de l’État et même de prêt au logement, le chef du Gouvernement est, de toutes les conférences de presse, en première ligne.
Un marathon médiatique aussi : radio, télévision, quotidien. Alain Juppé martèle son message : « Tout n’est pas possible tout de suite, il faut préparer les vraies réformes de demain ».
M. Juppé : Je veux aller à mon rythme, parce que le changement, c’est bien, mais pas dans le désordre et dans l’improvisation. Moi, je veux des réformes dans l’ordre. Je veux des réformes pour durer et pas pour flamber. Je pourrais annoncer des tas de trucs tous les jours qui ne suivraient pas. Je veux des réformes qui soient concertées. Et je veux enfin des réformes qui aient un but. On ne réforme pas pour le plaisir de réformer. Et mon but, c’est l’emploi.
M. Mercurol : Alain Juppé avance et ne fait pas que des heureux. C’est la colère des fonctionnaires après l’annonce du gel de leurs salaires. C’est la grogne du patronat après l’annonce du budget. Pire, c’est le scepticisme de la Majorité invitée à serrer les rangs.
M. Juppé : Je sais que la Majorité est diverse et c’est une richesse. Qu’ici ou là, on s’y pose des questions, et c’est normal ! Je tiens à dire, ici, à tous, que, en tant que chef de la Majorité, je me sens responsable de vous conduire tous à la victoire en 1998.
M. Mercurol : Présent encore et toujours, Alain Juppé, mais à son corps défendant cette fois, avec les nouveaux remous dans l’affaire du logement de son fils. Le marathon d’Alain Juppé ressemble parfois à une course d’obstacles.
Mme Cotta : Un budget critique, la vraie-fausse démission du patron du service de corruption, annonce de grève chez les fonctionnaires, est-ce que vous jugez qu’il n’est pas trop tôt ? Et que cette sévérité à l’égard du Premier ministre n’est pas prématurée ?
Pierre Benichou, vous qui êtes sévère, je le sais.
M. Bénichou : Non, je ne suis pas sévère, mais comment accueillir, dans l’indifférence ou dans l’indulgence, l’action d’un Premier ministre qui est arrivé au pouvoir et dont le Président a été élu, justement, sur un programme de réformes fortes. Or, on s’aperçoit que des réformes, il n’y en a point. La seule chose qu’on voit, c’est qu’on finance les déficits publics par des hausses d’impôts. Ce sont tout de même des choses terribles. On ne finance que par là. On cherche les économies, il n’y en a point.
Mme Cotta : Je vous demande si, au bout de 128 jours, la sévérité s’impose ?
M. Bénichou : Justement, au bout de 128 jours, ce laps de temps est une chose très importante parce que l’on sait tous que les promesses ne sont pas toujours tenues et que, au fil des ans, cela s’étiole un peu. Mais, à, ce sont vraiment les champions du monde du raccourci. Ce sont les champions du monde de vitesses du volte-face. Ils ont promis des choses et ils ont fait pratiquement le contraire.
Mme Cotta : Michel Garibal.
M. Garibal : Il y a un phénomène tout de même qui est inquiétant, c’est petit-être qu’un des outils auquel recourt le Premier ministre, pour l’instant, c’est la peur. On a l’impression qu’il fait peur à tout le monde. Il fait peur aux contribuables, on va augmenter de 100 milliards les impôts, si on ajoute le collectif. Il fait peur aux retraités parce que les rapports sortent, en ce moment, presque tous les jours, pour dire que les retraites sont menacées. Il fait peur aux fonctionnaires. Il fait peur ainsi à tout le monde. Est-ce vraiment comme ça qu’on peut mobiliser l’opinion ?
Mme Cotta : Donc, c’est cela votre interrogation.
M. Garibal : Je trouve que c’est cela qui fait chuter immédiatement la cote de popularité.
Mme Cotta : Vous ne répondez tout de même pas à ma question.
M. Bénichou : C’est la pause avant la réforme. D’habitude, il y a la réforme, puis après il y a la pause. On l’a assez reproché à Delors qui a dit : « Il y a la pause », il a dit : « Mon Dieu, quelle horreur ! ». Eh bien, lui, il fait la pause avant la réforme, c’est tout de même embêtant.
M. Guilbert : Mon interrogation – tu parles de raccourci – est : comment peut-on juger des promesses qui concernent tout un septennat par ce premier acte budgétaire qui doit tenir compte de l’héritage beaucoup plutôt plus qu’un autre et uniquement une focalisation sur ce budget ?
Il y a quoi dans ce budget ? François d’Aubert l’a dit, il y a de la rigueur, évidemment, et il y a de la dépense, comme dans tout budget. On voudrait peut-être qu’il y ait le choix uniquement sur l’un ou sur l’autre, autrement dit privilégier le front de l’emploi, privilégier le front du déficit. C’est évidemment impossible...
M. Bénichou : Je m’en tiens aux déclarations de Monsieur Chirac. Il a dit : « La feuille d’impôt n’est pas l’ennemi de l’emploi ». Maintenant, il dit : « La feuille de paie des fonctionnaires... »
Mme Cotta : ... Vous laissez répondre, Pierre Benichou.
M. Guilbert : Le jugement doit être porté sur les deux premières réformes qui vont avoir lieu et, là, il faut à l’évidence trois ou quatre mois. C’est-à-dire la réforme fiscale qui est déjà contenue, en partie, dans le premier budget, du moins par son indication...
M. Bénichou : … Où ça ?
M. Guilbert : Si... par exemple, la taxation des SICAV ou des produits financiers. Deuxièmement, le financement de la protection sociale. Autrement dit, il va y avoir un effet politique différé. On va voir, dans trois ou quatre mois, de quelle façon le Gouvernement s’attaque aux réformes. Essayer de le juger dès maintenant, moi, je crois que c’est un procès d’intention. On n’a jamais vu le décalage qui est inévitable entre la promesse et le premier acte...
Mme Cotta : … Pourtant il faut bien dire que la presse entière ne s’en prive pas puisque la cote de popularité baisse...
M. Guilbert : … Qu’il y ait peut-être un déficit d’explications ! Moi, je ne vois pas une rupture entre la promesse et les actes... je vois une rupture de ton entre le type d’explications qu’a donné Jacques Chirac en formulant son diagnostic pendant la campagne et le type d’explications qui est donné par le Gouvernement.
M. Bénichou : La seule explication a été donnée par Alain Madelin, il l’a payé de sa place. Cela s’appelle « vendre la mèche ». Madelin avait vendu la mèche.
M. Mazerolle : La baisse de popularité s’explique très bien car, en effet, il y a eu tout de même une musique. Les gens qui ont élu Jacques Chirac ont entendu une musique différente de celle qui est joué aujourd’hui. Car, tout de même, Jacques Chirac, Porte de Versailles, le discours fondateur de Jacques Chirac, le 17 février, disait : « On ne réduira pas les déficits en durcissant la pression fiscale. Il faut réduire les prélèvements obligatoires, je l’ai déjà fait en 86 et 88 », c’est-à-dire exactement le contraire de ce qui se passe aujourd’hui.
Simplement, ce malaise qui est ressenti dans l’opinion, qui voit bien que, pour l’instant, la musique ne correspond pas encore une fois à ce qui était annoncé, est renforcé certainement par le fait que, du côté de la Majorité, on se rappelle bien que c’était le cœur même de la discussion entre Édouard Balladur et Jacques Chirac : qu’est-ce qu’on peut réduire ? Peut-on refaire la même politique qu’entre 86 et 88 ? Balladur disait « non », Jacques Chirac disait « oui ». Ce qui fait que, aujourd’hui, dans la Majorité, vous avez des tas de gens qui dissent : « Mais dans le fond, c’est notre champion qui aurait dû être élu. Ce n’est pas Jacques Chirac qui aurait dû être élu ». Ce qui fait que la politique d’Alain Juppé qui, lui, finalement, constate qu’il y a une réalité... heureusement, d’ailleurs, qu’il observe la réalité, – cela est tout de même la gratitude qu’il faut lui adresser –, eh bien, la politique d’Alain Juppé n’est pas relayée dans l’opinion par une Majorité qui trouve, elle-même, que finalement ce n’est pas ceux qui sont au Gouvernement qui devraient y être.
Mme Cotta : Jean-François Kahn, relais dans la Majorité. Est-ce que cela suffirait pour mettre un terme à cette campagne, au moins un terme momentané ?
J.-F. Kahn : II y a, je ne dis pas que c’est l’élément fondamental, un petit lynchage politico-médiatique aussi. Cela me rappelle quelque chose qui est resté inscrit dans ma mémoire, qui est l’histoire d’Édith Cresson. Tout le monde connait maintenant l’histoire. On sait très bien qu’un certain nombre de journalistes rocardiens trouvaient que, vraiment, on ne pouvait pas leur faire ça, avoir Édith Cresson, quelle honte ! Et ils ont décidé, avant même qu’elle soit là, ils se sont dits : « Celle-là, on va se la farcir ». Quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, le petit milieu avait décidé, « on va se la farcir ».
Tout le monde sait bien qu’un certain nombre de journalistes avaient parlé sur Balladur, ils avaient joué Balladur, ils n’ont pas supporté que ce ne soit pas Balladur et ils ont dit : « Celui-là, on va se le farcir. Il peut dire ce qu’il veut, il peut faire ce qu’il veut, celui-là, on va se le farcir ». Bon, je n’insisterai pas... Mais, bien sûr, qu’il y a cela... arrêtons de raconter des blagues, tout le monde le sait.
Mais je voudrais poser une question à M. Garibal, je vous écoute le matin, on est tout de même dans une hypocrisie formidable. Quand vous faites une réunion publique, vous avez des gens devant vous et vous ne savez pas quoi dire, vous savez que vous êtes sec, alors, moi, je vous conseille un truc. Vous dites : « Ah, c’est la gabegie ». Oui, et vous en faites un succès terrible. Après, vous dites : « Il faut baisser les crédits de l’État » ... Oui, et vous en faites un succès terrible. Mais alors arrêtez-là ne dites pas : « Quoi ? Mais que faut-il baisser comme crédits ? »...
Mme Cotta : Comment feriez-vous ?
M. Kahn : Mais, moi, je le demande à Monsieur Garibal. Je dis : « Très bien, c’est vrai, il faut baisser les crédits ». Alors, Monsieur Garibal, il faut donner moins de subventions aux agriculteurs ? Monsieur Garibal, on va donner de l’argent aux automobilistes pour relancer l’industrie automobile, mais avez-vous le courage de dire qu’il ne faut pas donner de l’argent à l’industrie automobile ?
Mme Cotta : ... Jean-François Kahn, merci pour votre philippique...
M. Kahn : Êtes-vous prêt à dire qu’il faut moins donner à l’agriculture ? Non, mais attendez, Madame Cotta, c’est trop facile !
Mme Cotta : On a compris.
M. Kahn : Il faut arrêter ce discours absurde, il faut dire : quoi ? quoi ? Alors, dites-le ?
M. Garibal : Mendès-France, qu’on ne renie pas, disait : « Il faut faire des choix »
M. Kahn : Où faut-il rogner ? Sur l’armement, je vous dis, il faut faire des économies... Il ne faut pas faire les expériences atomiques.
Mme Cotta : Jean-François Kahn, laissez répondre Michel Garibal que vous avez mis en cause.
M. Garibal : De toute façon, il y a cette dette. Évidemment vous êtes bien obligé de la payer. L’État ne peut pas faire ce qu’il a fait avec le Crédit Lyonnais, c’est-à-dire mettre la dette à part, bien qu’on le dise souvent dans les discours, et puis ensuite considérer que son budget est bon sans la dette.
M. Kahn : Je suis d’accord, mais dites-moi où il faut rogner ? Dites-le-moi !
M. Garibal : On connaît ce qu’il faut faire. Il faut faire un audit des dépenses publiques. On sait que, dans la protection sociale, il y a beaucoup de gaspillage, dans la sécurité sociale, dans les dépenses de l’État. Il faut faire des choix. Il y a des choses qu’il faut abandonner.
M. Kahn : Dites-nous où ? Vous ne dites rien. Vous ne dites pas où il faut faire des économies. Dites-le-moi ! Sinon, c’est trop facile. Moi, je suis désolé, quand je dis : il faut faire des économies, je me sens obligé de dire : où ? Sans quoi on est des irresponsables qui vont vous dire n’importe quoi ! Oui, il faut faire des économies. C’est vrai. Mais dites où ?
Mme Cotta : Je voudrais poser une question – on vient d’entendre Jean-François Kahn – : d’où viennent les coups contre Alain Juppé ? On a l’impression qu’ils viennent essentiellement – il faut bien le dire, pardon François Hollande – du côté de sa propre majorité ? Raymond Barre dit qu’il ne réduit pas assez les déficits. François Léotard dit qu’il n’y a pas de lisibilité. Y a-t-il dans cette espèce d’acharnement contre Juppé aujourd’hui une rémanence, quelque chose qui reste de la campagne électorale « Chirac/Balladur » ?
M. Casanova : Je ne participe pas du complot que dénonçait Kahn, parce que j’étais très favorable à Balladur et je ne suis pas fondamentalement mécontent du budget Juppé.
Mme Cotta : C’est pour cela que je vous pose la question.
M. Casanova : Un budget qui mécontente à la fois le patronat et Force ouvrière, pour des raisons contradictoires, ne doit pas être fondamentalement mauvais.
Ensuite, cc qui est essentiel, dans la ligne, c’est 5, 4, 3, c’est-à-dire, à la fin de 1997, serons-nous à 3 % de déficit ? C’est la seule chose importante parce que c’est la seule condition pour que la France puisse être dans l’Union monétaire...
Mme Cotta : … mais si tous les fonctionnaires sortent dans la rue, c’est embêtant quand même !
M. Casanova : En 1993, les fonctionnaires ont bénéficié, pour des raisons électorales, de hausses qui ont été élevées. On ne peut pas aujourd’hui leur donner les mêmes hausses. On ne supprime pas leurs avantages de carrière. On ne supprime pas leur indexation. Il y a un plafonnement...
M. Bénichou : … on leur donnera en 1998 quand il y aura de nouvelles élections, vous pouvez être sûr ! Je vous fais le pari !
M. Casanova : ... Vous voulez davantage d’impôt pour financer les augmentations...
M. Bénichou : ... de toute façon pour financer le déficit de Monsieur Balladur, un peu plus, un peu moins, allons-y !
M. Casanova : II y a un point du budget que l’on peut critiquer, c’est qu’il n’est peut-être pas assez dur dans les réductions de dépenses. Mais il faut bien voir que les gens qui clament les réductions de dépenses, sont en même temps les gens qui, tout de suite, vont brandir des pancartes...
Mme Cotta : … qui descendent dans la rue à la première occasion.
M. Casanova : … II n’y a qu’à voir pour le problème des fonctionnaires. Il y a une volonté de réduction et tout le monde...
Mme Cotta : La question que je voulais poser au terme de cette discussion : pensez-vous qu’Alain Juppé sera là en 1998 ? Pensez-vous qu’il peut y avoir une dissolution avant cette date pour qu’il y ait une majorité chiraquienne, qui doive tout à Chirac et non pas aussi à Balladur ? Pensez-vous que 1998 est une date ultime et que nous n’aurons, d’ici là, qu’un seul Premier ministre ?
M. Bénichou : C’est une question qui intéresse surtout ses parents, ça, savoir si c’est lui ou un autre ! Je ne vois pas qui pourrait le remplacer maintenant !
M. Guilbert : Ce serait peut-être au Président, tout de même !...
M. Bénichou : Sûrement ! Les Français savent qu’ils auront un Premier ministre de toute façon qui sera là.
Mme Cotta : Les hommes politiques approuvent.
M. Wolton : Je voudrais dire autre chose. Je ne suis ni journaliste, ni homme politique, mais cela va durer deux minutes...
Mme Cotta : Non. Moins que cela.
M. Wolton : Alors, 1 minute. Cela s’appelle la fragilité aujourd’hui des hommes politiques dans les démocraties modernes où vous avez : concurrence de médias, pléthore de médias, beaucoup d’images, beaucoup de radios, beaucoup de sondages et quand on sait que les hommes politiques ont une marge de manœuvre extrêmement faible parce qu’il y a des élections fréquentes, qu’on ne peut pas toucher grand-chose aux sociétés. Quand, en plus, on sait qu’ils sont sous le coup constant des critiques et des remarques, ils sont dans une situation extrêmement fragile.
Donc, je veux dire la chose suivante : il n’y a pas de démocratie sans communication avec la politique. Mais il faut simplement éviter aujourd’hui qu’avec de plus en plus de communication, ce soit la politique qui en pâtisse.
C’est un problème qui est devant nous parce que tout a changé en 20, 30 ans. Nous n’avons pas de distance historique là-dessus. C’est la première fois que nous avons autant de médias, que nous avons autant de sondages, que nous avons autant de communication. Et, pour l’instant, si l’on fait le bilan en un demi-siècle, ce sont plutôt les hommes politiques qui sont non pas bénéficiaires mais victimes. Et je ne le dis pas seulement pour Monsieur Juppé, mais pour Monsieur Bérégovoy ou pour Madame Cresson dont on a parlé tout à l’heure. Et c’est un vrai problème pour l’ensemble de nos démocraties. Et attention à ce que la communication ne tue pas la politique.
Mme Cotta : Dominique Wolton, vous me fournissez la transition pour le dernier sujet de cette émission. Le dernier sujet concerne donc les nouvelles technologies de l’image : peut-on faire dire à l’image n’importe quoi ? Le sujet de Jean-Michel Mercurol.
Reportage
M. Mercurol : Une ville, ses rues, ses passants, ses voitures. Tout est vrai. Tout, sauf ces automobiles. On les voit rouler mais elles n’ont qu’une existence mathématique. Elles sont le fruit du génie informatique qui a su non seulement les insérer dans un environnement réel mais, en plus, les faire évoluer à l’intérieur.
L’illusion est parfaite. Mieux ! Ce qui est vrai pour l’image des objets, l’est devenu aussi pour l’image des titres humains. Aujourd’hui, on peut détourner des images d’archives et faire apparaître par exemple l’acteur de « Forrest Gump » serrant la main du Président Kennedy ou bien se faire décorer par le Président Johnson. Les nouvelles images devraient écrire l’histoire.
La publicité n’est pas en reste. Et pour faire vendre en 1995, elle a su s’emparer des mythes des années 50 ou 60 : comme ici, James Dean qui resurgit dans notre présent ou bien, la, Marylin Monroe que réincarne Carole Bouquet.
Et pourquoi ne pas s’attaquer aux images d’information, c’est ce que fait résolument Karl Zéro de Canal + qui manipule allègrement les scènes de l’actualité politique.
Mme Cotta : Alors, déformation inadmissible de la réalité ou nouvelle recette comique, peu importe ! Vous apportez, Karl Zéro, la preuve qu’on ne peut plus du tout croire à une image. N’avez-vous pas l’impression que c’est un peu un abus de confiance ?
M. Karl Zéro : Non, parce que je vous rappelle que c’est fait à Canal + dans une émission qui s’appelle « Nulle part ailleurs » et où il est clairement indiqué que c’est le moment où l’on va rire. Cela s’appelle « ZERORAMA ».
Évidemment si, un jour, des gens mal intentionnés veulent faire cela dans le Journal télévisé, à ce moment-là... ! Il faut bien vérifier d’où ça vient, parce que je vous rappelle que toutes les télés reçoivent des tas d’images et elles vérifient plus ou moins d’où elles viennent.
Si un jour un dictateur décide de monter un coup d’État... Souvenez-vous de Timisoara, aujourd’hui je peux vous faire Timisoara sans même ressortir des cadavres de la morgue, je vous fais des faux cadavres, etc., sans roumain, sans rien... ou Monsieur d’Aubert, Monsieur Hollande... pas en cadavre... je peux vous faire une cassette où vous êtes à nouveau ministre...
M. Bénichou : … vous pouvez faire un Premier ministre signant lui-même une baisse du loyer pour son fils ? Non, vous ne pouvez pas faire cela !
M. Karl Zéro : … Cela, il n’y a pas besoin, Monsieur Benichou. Ça ne peut pas exister, Monsieur Benichou, vous le savez bien !
M. Bénichou : Cela n’existe pas !
M. Karl Zéro : …mais je peux les mettre nus, si vous voulez, dès demain. Je peux faire n’importe quoi !
Mme Cotta : II y a un sujet que vous avez publié dans lequel on voit, effectivement, un animateur dénuder considérablement Madame Chirac.
M. Karl Zéro : Non, elle a quand même sa combinaison.
Mme Cotta : C’est limite. On n’a pas osé le passer, là. On le passera une autre fois. Vous ne nous avez pas donné les droits, c’est pour cela qu’on ne l’a pas passée.
M. Karl Zéro : Mais vous pouvez faire n’importe quoi aujourd’hui parce que c’était le service public...
Ce qui est important, c’est que, dans ces détournements, on garde une certaine logique et que, quand on provoque, on provoque quelque chose et que cela ne soit pas uniquement n’importe quoi, que l’on veuille dire quelque chose.
M. Maurice : Je voudrais abonder dans le sens de Karl, à savoir que c’est bien que cela ait commencé – au cinéma avec « Forrest Gump » –, mais qu’à la télévision française, cela ait commencé avec Karl Zéro, avec des humoristes, parce que c’est vraiment estampiller l’humour. Quand l’on voit Madame Chirac déshabillée, il n’y a pas faute... Il n’y a pas photo, si j’ose dire ! C’est de l’humour, etc.
En revanche, on peut, lorsque ce sera ou lorsque cela aurait pu être pris par les journaux télévisés ou pour l’information télévisée, là c’est grave.
Mme Cotta : Il faudrait un macaron qui marque : « Attention, ce ne sont pas des informations » !
M. Maurice : D’une certaine manière, on se serait peut-être évité l’affaire « Castro-PPDA » si cela avait existé à l’époque et que l’on n’aurait pas eu un pataquès avec « j’y étais, je n’y étais pas. J’étais devant, j’étais derrière ? J’étais avec lui, j’étais contre lui. Pas du tout ». Il aurait fait l’incrustation et l’on n’aurait pas eu de problème pendant 4 ans.
Mme Cotta : On s’arrête une minute et l’on regarde d’autres sujets de Karl Zéro.
M. Kahn : Ce que l’on vient de dire, c’est qu’il n’y a pas besoin d’aller à Cuba pour faire une interview de Castro.
Mme Cotta : On peut rester dans son bureau.
On regarde une petite minute sur ces sujets, puis je vais poser des questions aux hommes politiques.
REPORTAGE
Chirac : j’ai le plus grand respect naturellement à la fois pour les gouvernements de cette région, que j’aime beaucoup et où j’ai beaucoup d’amis, et bien entendu le plus grand respect pour les églises.
Traducteur fou : I translate. O.K.…O.K. Mister Chirac says...
M. Karl Zéro : Après, il tue tout le monde.
Mme Cotta : Je ne peux pas faire uniquement une émission avec VOS émissions !
M. Karl Zéro : Eh bien, pourquoi pas !
Mme Cotta : Madame Jurgensen, qu’est-ce que cela évoque chez vous cette espèce de détournement qui peut être comique, dans ce cas-là on voit bien qu’il est comique ! Mais qui pourrait aussi ne pas l’être ?
Mme Jurgensen : Je crois qu’il y a beaucoup de choses à dire, je vais essayer de ramasser et de renoncer à certaines.
La première, c’est qu’on ne peut pas s’affliger de la naissance d’une machine extraordinaire qui est le produit de l’inventivité de l’homme et qui va permettre de travailler différemment, de créer des mondes imaginables absolument merveilleux et qui, bien sûr, a eu aussi ses propres écueils. Donc, on se réjouit de cela.
Ensuite, sur le plan simplement de la caricature. Ce n’est pas lié à cette machine. C’est d’une façon générale, je crois que les humoristes devraient laisser tranquille les personnes qui ne sont pas elles-mêmes des hommes ou des femmes politiques, qui ne se sont pas présentées aux élections. Et je pense vraiment qu’à propos de Mme Chirac il y a une faute de goût grave et que, comme souvent dans la caricature et à travers les âges, cet épisode est empreint d’une misogynie effrayante.
Mme Cotta : Vous allez répondre là-dessus Karl Zéro.
Mme Jurgensen : Pour revenir à cette machine, Karl Zéro a raison : tant que l’on sait précisément d’où viennent les images, cela ne pose pas de problème.
Il faut quand même aussi rappeler que de tout temps, et l’on ne va pas remonter jusqu’à Saint Thomas, mais pourquoi pas ! Parce que c’est assez bien raconté, l’homme a de toute façon eu peine à croire en ce qu’il voyait.
Souvenez-vous des images de l’homme marchant sur la lune, qui étaient parfaitement vraies. Il y a 20 millions d’Américains, 10 % de la population, qui, aujourd’hui, n’y croient pas et dans tous les niveaux d’instruction.
Mme Cotta : Karl Zéro, vous êtes misogyne ou pas ? Si. Vous êtes un peu misogyne. Je sens que vous êtes un peu misogyne.
M. Karl Zéro : Pas du tout. Michelle. Vous savez que je vous adore. Je ne demande qu’à mieux connaître Mademoiselle…
Mme Cotta : Ça, c’est vraiment misogyne...
M. Karl Zéro : Ça, c’est du machisme. Cela n’a rien à voir. C’est la première dame de France, quand même !
M. Bénichou : Qui donc ?
M. Karl Zéro : Madame Chirac. Donc, elle joue un rôle important et je trouve que je lui rends hommage, au contraire ! Je la rends populaire en faisant cela.
Mme Cotta : Je ne suis pas sûre qu’elle pense cela, mais enfin !
M. Karl Zéro : Souvenez-vous comment Chirac a été aidé par les Guignols !
M. Bénichou : Il ne faut pas jouer avec les mères et avec Madame Chirac, moi, je crois !
Mme Cotta : De toute façon, vous, vous êtes très réservé là-dessus. Dominique Wolton.
M. Wolton : Je vais prendre un minimum de distance pour dire deux choses.
Mme Cotta : N’en prenez pas trop.
M. Wolton : La distance intellectuelle, s’entend ! Premièrement, techniquement on peut tout faire aujourd’hui, images virtuelles, simulation, etc.
Donc, cela veut dire que pour les téléspectateurs moyens et non pas pour les élites que nous sommes...
(Réactions)
Je peux finir, Monsieur Benichou ?
M. Bénichou : Absolument, mon cher Wolton.
M. Wolton : Cela veut dire que, puisque l’on peut techniquement tout faire et que l’on peut mélanger des images vraies et des images fausses en télévision et que le public n’a pas les moyens de discriminer tout de suite ce qui est vrai, ce qui est reconstruit, ce qui est faux, il faut absolument qu’on lui donne une règle absolue que quand il voit une image, il cache que c’est une image fausse ou une image vraie...
Mme Cotta : Donc, on doit mettre « image vraie ».
M. Wolton : Non. Attendez, je n’ai pas fini. Puisque techniquement on peut tout faire, il va falloir faire des règles. Et l’on dit toujours la chose élémentaire : il n’y a pas de liberté sans réglementation de la liberté. Et puisqu’au niveau des techniques et communication on peut tout faire, il va falloir construire et inventer des règles de communication pour éviter de faire un certain nombre de choses.
Par exemple, c’est vrai, la mise en cause des individus pose un vrai problème, et surtout pour les individus politiques. Cela plaît naturellement à un certain milieu, mais il n’est pas sûr qu’au-delà de ce petit milieu, cela plaise au pays dans son ensemble : respect des personnes, respect de l’image...
Plus il y a de communication, plus il faut de règles pour protéger la communication, sinon la communication va se faire simplement au profit de ceux qui la manipulent.
Mme Laborde : Moi, je pense que, franchement, en matière de manipulation et de truquage, ce n’est pas la machine qui change quelque chose. Il y a des facilités, il y a la machine. Mais ce n’est pas cela. Ce n’est pas parce qu’il y a une machine nouvelle que l’on va arriver à inventer des choses. Ce n’est pas parce qu’elle n’existait pas. Regardez en télévision, on ne sait même pas, parfois, si l’on est en direct on pas en direct.
M. Bénichou : Vous savez, il y a déjà une incroyance, une incrédulité du public. On leur montre une photo : vous voyez bien qu’ils se tiennent la main. Ils disent : « Ils se tiennent la main, ce n’est jamais qu’une photo ! ».
Les gens croient qu’il y a du montage partout, qu’il y a du truquage partout. On se tue à leur dire non. Cette machine est terrible.
Intervenant : … seront impopulaires et quand tout le public sera incrédule, on aura enfin la paix !
M. Kahn : C’est extraordinaire à voir. L’utilisation humoristique de cet instrument est extraordinaire. Simplement on ne peut pas occulter une question : en temps de campagne électorale, par exemple, est-ce que les deux candidats aux présidentielles pourront utiliser cette façon de « ridiculiser » et de mettre l’adversaire dans une situation absolument épouvantable ?
Mme Cotta : Je vous rassure, pour le moment ils n’ont pas le droit.
M. Kahn : Oui ou non. Deuxièmement rappelez-vous l’affaire Marcantoni : c’est une affaire qui a éclaboussé la République parce qu’une photo truquée montrait la femme du Président de la République dans une « partouze ». Imaginez qu’un film le montre, c’est vrai que cela peut donner lieu à des détournements extraordinaires.
Mme Cotta : À propos de Premier ministre, je voudrais que l’on voit le deuxième sujet, toujours préparé par l’équipe de Karl Zéro.
Reportage
Moi, je constate une chose, vous violez la loi sur les HLM depuis une éternité, tout le monde le sait. Mais comme c’est vous, on ne dit rien. Je trouve que c’est inadmissible.
Juppé : Madame, face à des opérations de violation de la loi, on emploie les moyens de faire respecter la loi.
Écoutez, je ne vois pas pourquoi on ne parlerait pas des poubelles aussi ? Chaque année, on en parle à la réunion du syndic...
Juppé : Foutez-nous la paix avec vos histoires de poubelle, maintenant on gouverne.
Mme Cotta : Question que je voudrais vous poser : pensez-vous que, dans votre vie politique, cela va bel et bien changer les choses ? Et que pensez-vous du droit à l’image, après tout ?
M. d'Aubert : Au-delà du côté qui est très divertissant, c’est très amusant ce que fait Karl Zéro et moi je rigole bien. Mais Karl Zéro serait dans un État totalitaire... Je ne sais pas ! Supposons ! Il aurait été chez Staline en 52...
Mme Cotta : … il serait déjà en prison...
M. d'Aubert : … là-bas, il y avait des truquages-photos, etc.
M. Hollande : Il y avait des photos du charnier.
M. d'Aubert : L’art en lui-même n’est pas nouveau. Simplement, aujourd’hui, il est extraordinairement démocratisé parce que tout le monde peut y avoir accès, talent mis à part. En termes de moyens, c’est qu’avec l’image électronique, c’est relativement facile.
J’ai un petit peu peur quand même, si la démocratie n’invente pas quelques moyens de déontologie – je crois que c’est plutôt un problème de déontologie par exemple les enfants, si vous les mettez devant la télévision et qu’ils regardent cela, ils n’arrivent pas à distinguer, même s’ils sont de milieu soi-disant intellectuellement avancé...
M. Karl Zéro : C’est un procédé, justement, qui est au service de la démocratie.
M. d'Aubert : Pour les gosses, c’est embêtant ! Pour les gens moins avertis de la chose politique ou de la chose de télévision, c’est embêtant aussi ! Donc, il faut probablement qu’il y ait une déontologie, mais il faut surtout l’autoriser et y mettre quelques limites.
M. Bénichou : Le flagrant-délit n’existe plus. Vous êtes filmé dans une situation illégale, illicite...
Mme Cotta : À quoi pensez-vous ? Avec une dame ?
M. Bénichou : ... en train de piquer dans un magasin ou en train d’embrasser une femme, et vous dites ce n’est pas moi, c’est Karl Zéro. Il n’y a plus de preuves. Il n’y a plus jamais de preuves.
M. Kahn : Pourquoi il est pour, Benichou ? Pour échapper.
M. Bénichou : Enfin, j’échappe.
M. Hollande : Contrairement à François d’Aubert, je pense que les enfants font très bien la distinction, paradoxalement, c’est-à-dire entre ce qui est totalement faux et ce qui est vrai. Je ne suis pas sûr que les adultes soient aussi conscients de cela.
Ce qui pose un problème, c’est par rapport à ce que disait Wolton dans sa première intervention, c’est-à-dire l’image de l’homme politique. Je pense que l’on est arrivé à un moment où l’on consomme les hommes politiques plus rapidement que les produits. Cela vaut pour ce gouvernement. Cela valait pour les précédents. Cela vaudra pour le futur. Et cela pose une question, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus du tout de crédibilité, d’image, d’autorité – j’entendais Juppé utiliser ce mot : le pays a besoin d’autorité; et la sienne étant déjà mise en cause –, ce qui peut poser un problème, ce ne sont pas les émissions, c’est l’ensemble des images en général, que ce soient des images vraies ou des images fausses, que ce soit la profusion d’image, ce qui peut poser un problème, c’est la rapidité avec laquelle on consomme l’acte démocratique lui-même.
Alors, quand, en plus, les hommes politiques sont eux-mêmes responsable de la précarité de leur temps – et je reviens au début de notre conversation –, comme ils disent souvent des promesses qu’ils ne peuvent pas honorer, il est vrai qu’à ce moment-là les images virtuelles ou non viennent contredire…
M. Karl Zéro : Le problème de ce que vous dites, c’est que : cela voudrait dire qu’aucun homme politique ne ment jamais. Il parlait de régulation. Mais il faudrait qu’on régule aussi le fait que, quand l’homme politique ment, il y ait un détecteur de mensonges...
Cela m’ennuie beaucoup d’entendre cela dans votre bouche, Monsieur Hollande, cela veut dire qu’on ne peut croire qu’en la Terre et ses pétainistes ! La Terre, elle, ne ment pas alors que la télé ment, les hommes politiques mentent... C’est très dangereux.
Monsieur d’Aubert parlait de démocratie et justement, avec cela, je crois que cela aide la démocratie. Parce que, imaginez bien que si Monsieur Le Pen, ça, on arrêterait tout de suite de la faire à la télé. Donc, c’est la preuve d’une démocratie saine de pouvoir faire cela !
M. Mazerolle : Il y a tout de même des choses étonnantes qui sont dites. Dans le temps, il y avait ce que l’on appelait les chansonniers, qui prenaient-ils comme tête de turc prioritaire ? Les hommes politiques. On s’est toujours moqué des hommes politiques.
Aujourd’hui, l’image a peut-être une force de percussion plus importante que celle des chansonniers, mais si les hommes politiques – et François Hollande l’a dit à la fin, heureusement d’ailleurs – eux-mêmes n’offraient pas le terreau qui permet l’humour de se développer, eh bien cet humour serait peut-être moins corrosif ou prendrait peut-être moins facilement, ou la confusion serait peut-être moins aisée à établir.
Tout à l’heure, on a parlé d’images truquées. D’accord. C’est une horreur l’image truquée quand il s’agit, effectivement, d’une campagne qui est marquée du sceau de la vérité, c’est-à-dire on dit : « Voilà, cette image est une image vraie », alors qu’en fait elle est truquée.
Alors, on parle de déontologie, de nouvelle réglementation mais n’y a-t-il pas déjà, dans la loi française, dans le code français, suffisamment de moyens de lutter contre ces trafics ? Arrêtons avec cette compassion permanente qui consiste à dire : « Mais, non, non, surtout ne faisons rien ! ».
M. Wolton : Bien sûr que la critique existe et bien sûr que les chansonniers l’ont faite. La seule différence, elle est énorme : c’est que nous avons aujourd’hui les moyens de communication de masse qui changent tout, c’est-à-dire radio + télévision, cela veut dire réception de l’image à domicile par des millions de gens – et je m’excuse, cela change la nature de la communication –, et cela c’est récent dans l’histoire de la politique et cela n’a même pas 50 ans.
La deuxième chose, c’est que les hommes politiques – je l’ai dit tout à l’heure – sont beaucoup plus fragiles et ce sont les seuls qui condensent l’ensemble des critiques.
Moi, je dis : « Si ces moyens dérisoires, vous les appliquez vous-mêmes à votre propre milieu, ce serait déjà assez drôle à observer ». Mais, comme par hasard, vous les appliquez strictement aux hommes politiques qui sont déjà dans une situation extrêmement fragile et, du coup, vous, au milieu de la communication, on vous apporte une seule critique, vous ne le supportez pas du tout. Donc, l’humour est toujours dans un seul sens.
M. Hollande : Je pense que, de toute façon, on ne contrôlera jamais l’image – dans une certaine mesure, ce sera extrêmement difficile sauf, l’origine de l’image...
M. Karl Zéro : Il suffit de dire avant : « Attention, c’est pour rigoler ». C’est ce que l’on fait.
M. Hollande : Ce que je voulais dire, c’est que cela suppose, compte tenu de cette pression-là et de cette contrainte-là, que les hommes politiques ou les femmes politiques soient de plus en plus exemplaires. C’est toute la contrainte qui est sur eux.
Mme Cotta : Messieurs, je vous remercie. Merci à tous d’avoir regardé cette émission qui était une première et qui, donc, doit avoir un certain nombre d’imperfections.
Pour assister à l’émission qui aura lieu la semaine prochaine, tapez 3615 code France 2.
À 13 heures, le Journal est présenté par Bruno Masure à la semaine prochaine.