Déclaration de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, sur le projet de loi sur l'air, au Sénat le 23 mai 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Présentation du projet de loi sur l’air au Sénat le 23 mai 1996

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les sénateurs,

L’atmosphère est devenue un des enjeux majeurs du XXIe siècle. J’en veux pour preuve la tenue ces seuls quinze derniers jours de plusieurs manifestations internationales de haut niveau consacrées, au moins en partie, à cette question : la réunion de la commission du développement durable à New York, la réunion d’un groupe ad hoc sur le climat à Bruxelles, la conférence ministérielle de Londres sur la pollution par l’ozone, la réunion des ministres de l’environnement du G7 à Cabourg.

Le second rapport d’évaluation du groupe intergouvernemental sur l’évolution des climats (GIEC), qui a été approuvé au cours de sa 11e assemblée à Rome en décembre 1995, a confirmé la réalité des scénarios de changement du climat lié à l’accroissement de l’effet de serre. Il faut s’attendre d’ici 2100 à une augmentation de l’ordre de deux degrés de la température moyenne à la surface du globe.

Ce réchauffement conduira à une hausse de l’ordre de 50 cm du niveau des océans, sous l’effet de la dilatation et de la fonte de glaciers et des calottes glaciaires. Les conséquences locales de ces bouleversements du climat sont encore difficiles à apprécier avec précision, mais on peut d’ores et déjà s’attendre à une désertification dans les zones arides et semi-arides, à l’extension des zones géographiques touchées par les maladies infectieuses, à une recrudescence des événements météorologiques exceptionnels, à une accentuation des problèmes de famine dans les régions les plus pauvres, etc.

Les coûts de ces dommages, que je n’hésite pas à qualifier pour certains d’apocalyptiques, sont encore malaisés à calculer, mais on peut affirmer sans se tromper qu’ils se chiffreront au moins en dizaines de milliards de francs. Certaines estimations avancent l’ordre de grandeur de 1 à 2 % du produit intérieur brut mondial.

D’aucuns affirment que le changement du climat a bel et bien commencé. La température moyenne du globe a augmenté de 0,6 degré depuis la fin du XIXe siècle. Le niveau de la mer s’est élevé d’une vingtaine de centimètres.

Parmi les dix années les plus chaudes de ces siècles, je crois que sept ou huit concernent la décennie qui vient de s’écouler. Le « tableau de bord de la planète » pour 1995, publié samedi dernier aux États-Unis par le WorlWatch Institute, indique que 1995 a été l’année la plus chaude depuis que l’humanité a commencé à mesurer les températures, il y a quelque 130 ans.

Les assureurs s’inquiètent de la multiplication des sinistres majeurs liés à des conditions météorologiques extrêmes, par exemple dans nos départements et territoires d’outre-mer. Le rapport du WorldWatch Institute indique que les paiements pour les sinistres industriels dus aux conditions météorologiques ont atteint 48 milliards de dollars pour les années quatre-vingt-dix, contre 16 milliards pour la totalité des années quatre-vingt. Il indique également que la production mondiale de céréales a été en 1995 la plus faible depuis 1988 et que les réserves mondiales de céréales sont tombées de 61 à 48 jours d’utilisation.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre est une bonne illustration du principe de précaution, adopté lors de la conférence de Rio. Ce principe a été défini clairement par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement : je vous rappelle ce que signifie le principe de précaution : l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées, visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économique acceptable.

Or, si la précaution était déjà de mise ces dernières années, elle doit aujourd’hui de plus en plus céder la place à la prévention. Les experts confirment aujourd’hui la causalité entre l’accroissement de l’effet de serre et l’augmentation de la concentration de certains gaz dans l’atmosphère.

Des engagements ont été pris en vue de limiter les émissions de gaz à effet de serre participant aux changements climatiques. La convention cadre signée à Rio de Janeiro en 1992, à l’occasion de la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, et ratifiée par la France le 25 mars 1994, fixe comme objectif ultime la stabilisation des concentrations dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, notamment de gaz carbonique.

On sait que la mise en œuvre de cet objectif suppose une réduction drastique des émissions, qui devra être précisée dans les protocoles pris pour l’application de la convention. Pour les gaz carboniques, c’est une réduction au moins de l’ordre de 50 à 70 % qu’il faut atteindre, selon les modèles du cycle du carbone. Plus tard l’on décidera d’entreprendre les actions nécessaires, plus grand sera l’effort nécessaire pour atteindre l’objectif ultime.

L’effort le plus important concerne les émissions de gaz carbonique, qui contribuent à la part essentielle de l’accroissement de l’effet de serre. C’est aussi le plus difficile à mettre en œuvre, car il n’est pas possible de dépolluer les émissions de gaz carbonique, directement liées aux consommations d’énergie fossile ou à la déforestation.

À titre d’étape, la convention prévoit que les pays industrialisés signataires, individuellement ou conjointement, réduiront en l’an 2000 leurs émissions de gaz à effet de serre (hormis les gaz qui sont déjà visés par le protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone) au niveau de 1990.

L’Union européenne a souscrit globalement à cet engagement et a prévu en outre une stabilisation de ses émissions de gaz carbonique d’ici l’an 2000 au niveau de 1990. On sait aujourd’hui que cet objectif ne sera certainement pas tenu et que les émissions ne seront pas stabilisées.

Pour sa part, la France s’était fixé dès 1990 l’objectif de stabilisation de ses émissions de gaz carbonique à partir de l’an 2000, à un niveau inférieur à 2 tonnes de carbone par habitant et par an. Selon le programme national de prévention du changement de climat, adopté par le Gouvernement en février 195, les émissions françaises de gaz carbonique devraient augmenter de 7 % d’ici l’an 2000, dans le cadre de l’engagement communautaire de stabilisation, notre pays se trouvant en meilleure position que ses partenaires en raison de ses efforts passés. Or, on sait aujourd’hui que ce chiffre de 7 % sera vraisemblablement dépassé et que nos émissions ne seront pas stabilisées.

L’origine principale de ces dérapages est sans conteste le secteur des transports, le seul en augmentation continue, qui représente aujourd’hui plus du tiers de nos émissions de gaz carbonique ; Ce secteur est encore dépendant à 96 % des énergies fossiles. En outre, le trafic routier ne cesse d’augmenter ; Entre 1985 et 1994, le transport des marchandises par la route a augmenté de 43 %, alors que le transport par rail diminuait de 13 %. Dans cette même période, le trafic des véhicules personnels a augmenté de 33 %, le trafic des bus et cars n’augmentant dans le même temps que de 15 % et tandis que le trafic ferroviaire diminuait de 3 %.

On entrevoit à travers ces quelques chiffres que l’inversion de la tendance ne pourra passer que par des mesures structurelles et des changements radicaux de nos comportements et de nos modes de vie.

Le changement du climat n’est qu’un des phénomènes d’environnement global qui affectent l’ensemble de notre planète. Mais c’est le plus effrayant pour les générations futures. Quant à la couche d’ozone, déjà sérieusement atteinte par les produits organohalogénés tels que les chlorofluorocarbures (CFC), émis depuis des décennies, elle ne devrait commencer à se reconstituer qu’au courant du prochain siècle et ceci malgré les mesures drastiques prises depuis quelques années au titre de la convention de Vienne et du protocole de Montréal.

La diminution de la diversité biologique, l’apparition de nouvelles maladies, comme le Sida ou la récente épidémie de peste Ebola en Afrique, les interrogations sur les encéphalopathies spongiformes provoquées par des modes d’alimentation du bétail contre nature, sont autant de phénomènes inquiétants qui, de nos jours, prennent immédiatement une ampleur planétaire en raison du développement des échanges de produits et des déplacements des individus.

Ces questions de santé me conduisent à affirmer devant vous l’importance que j’attache personnellement aux relations entre environnement et santé ;

Santé et pollution de l’air

Il s’agit là d’une préoccupation sans conteste d’actualité. Ainsi, l’information disponible sur les épisodes de pollution de 1994 et 1995 a mis en évidence les problèmes de santé publique posés par la pollution de l’air extérieur en milieu urbain, qui est essentiellement due à la circulation automobile.

Les liens entre la pollution atmosphérique et la santé ont en effet été démontrés par de très nombreuses études françaises et étrangères, et d’autres études sont en cours, pour quantifier les liens de causalité observés.

L’étude ERPURS publiée en 1994, les conclusions récentes sur la mortalité à Lyon et à Paris auxquelles seront parvenus les experts du Réseau national de santé publique, les nombreuses études américaines sur le sujet sont concordantes. Ainsi, un article récent paru dans la revue Environnemental Health Perspectives, qui analyse plus d’une cinquantaine d’études, précise très clairement que l’addition de 10 µg/m3 de particules en moyenne horaire entraîne une augmentation de la mortalité journalière de 0,5 à 1,5 %.

Une autre étude américaine menée sur 151 villes de 500 000 adultes conclut que le risque relatif de mortalité prématurée augmenté de 15 % dans les villes à fort niveau de pollution par les particules fines, par rapport à celles à faible niveau de pollution, ce qui conduirait à une augmentation de 3 % de la mortalité prématurée.

Même si beaucoup de points restent à l’étude et si les résultats de certains travaux sont encore, d’autres demeurant aléatoire, il n’en reste pas moins que, par application des principes de précaution et de prévention, l’action politique s’avère indispensable pour réduire cette pollution.

Il faut y ajouter le fait que la circulation automobile – dont chacun reconnaît aujourd’hui que, même si elle n’est pas le seul facteur de pollution urbaine atmosphérique, elle joue un rôle majeur dans cette pollution – ne limite pas ses effets sur la santé entendue au sens de la morbidité.

En effet, le bruit, les odeurs, la diminution des espaces offerts aux piétons sont autant de nuisances, de facteurs de mal-être, si ce n’est de maladie pour les citadins. La santé, au sens où l’entend le professeur MATTEI dans son rapport sur les liens entre la santé et l’environnement, est donc bien directement mise en cause par la pollution atmosphérique, notamment automobile.

Le débat social et politique qui s’est ouvert avec l’élaboration de la loi sur la lutte contre la pollution de l’air témoigne très clairement de ce que dans l’esprit de nos concitoyens, des médias, des politiques, c’est bien la santé qui justifie l’intervention du législateur et au-delà, la nécessité de changements de comportements à l’égard de la voiture en ville.

Cette prise de conscience se manifeste désormais par une demande accrue d’information par le public. Elle appelle l’adoption de mesures préventives et curatives. Il apparaît en outre nécessaire de prendre en compte les impératifs de lutte contre la pollution atmosphérique dans la définition des autres politiques publiques, telles que celle de l’urbanisme et des transports, dont elle doit devenir une composante à part entière.

Vous avez pu, à la lecture de la presse de ces derniers jours, noter combien cette prise de conscience était devenue d’actualité. Le problème du danger des émissions de benzène lors du plein des véhicules dans les stations-service a été mis en exergue. Les travailleurs susceptibles de respirer du benzène sur leur lieu de travail devraient-ils être les seuls à bénéficier de normes drastiques, au détriment de la santé des automobilistes ? Notre pays sera-t-il le dernier pays européen à ne pas réglementer la teneur en benzène dans les carburants ?

Par ailleurs, un rapport récent de la banque mondiale vient de mettre en évidence les graves dangers de l’essence plombée pour la santé et notamment pour celle des enfants résidant dans les grandes villes. Combien d’automobilistes français, dont le véhicule est postérieur à 1984, ignorent-ils que ce véhicule peut parfaitement fonctionner à l’essence sans plomb d’indice d’octane 98, de surcroît moins chère que le supercarburant plombé ? Certains pays de l’Union européenne ont d’ores et déjà supprimé la distribution d’essence plombée. Notre pays sera-t-il le dernier pays développé à le faire ?

Vous avez également pu observer ces derniers mois l’inquiétude croissante face aux émissions de particules fines émises par les moteurs diesel. Si l’émission de fumées visibles a été vigoureusement réduite avec le renforcement des normes européennes, les particules fines, qui sont invisibles à l’œil nu et difficiles à mesurer avec les technologies de surveillance actuelles et sur lesquelles sont agglutinées des molécules d’hydrocarbures, dont certaines soupçonnées d’être cancérigènes, jouent leur œuvre pernicieuse en pénétrant au plus profond des alvéoles pulmonaires.

Je terminerai par l’ozone, ce polluant photochimique de la basse atmosphère, dit « le mauvais ozone », par opposition à celui qui est présent dans la stratosphère et sans lequel la vie sur terre serait impossible, car il nous protège des rayonnements ultraviolets du soleil.

L’ozone est un polluant secondaire, formé à partir de la combinaison de précurseurs en présence de rayonnement solaire. Ces précurseurs sont à la fois les oxydes d’azote, émis aux trois quarts par les transports et les composés organiques volatils, ces hydrocarbures non méthaniques émis pour plus de la moitié par les transports.

De plus en plus souvent, nous voyons au moment de l’été se produire des pics de pollution par l’ozone. Le nombre de dépassements horaires du seuil d’information fixé par la directive européenne du 21 septembre 1992 sur la qualité de l’air par l’ozone s’élève maintenant à 10 à 15 dépassements par analyseur et par an. Le bilan pour 1995 montre de plus que ce phénomène est présent sur la quasi-totalité de nos régions.

Je reviens d’une conférence ministérielle qui a eu lieu à Londres au début de cette semaine, à l’invitation de mon homologue anglais. M. John GUMMER. Avec nos collègues des pays du centre nord de l’Europe, touchés par des phénomènes de pollution similaires, nous nous sommes entendus sur un objectif ambitieux, consistant à prendre sans délai les mesures nécessaires pour supprimer ces épisodes de point d’ozone d’ici 2005.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui est le premier texte du droit de l’environnement qui reconnaît que le droit à l’environnement passe par le droit à la santé ; Ainsi, son article premier affirme notamment l’existence d’un lien entre la préservation de la qualité de l’air et la santé publique. Il garantit le droit à chacun de respirer un air pur qui ne nuise pas à la santé/

Il énonce là un droit fondamental du citoyen. Il ne fait que traduire pour la pollution atmosphérique ce que précise le préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé ».

Par ailleurs, l’affirmation de ce droit va dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui, notamment dans l’arrêt Lopez Ostra du 9 septembre 1994 et sur le fondement de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme, a posé le principe selon lequel les atteintes à l’environnement, en tant qu’elles nuisent à la santé, méconnaissent le droit du citoyen au respect de sa vie privée et familiale.

Le coût de la pollution

Bien entendu, ces atteintes à la santé ont, outre leur coût social, sanitaire et moral, un coût économique très important, qui s’ajoute aux coûts des autres dommages provoqués par la pollution.

Toutes les études concordent, qu’ils s’agissent d’estimations de l’Institut de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, sur les coûts des dommages par tonne de polluant émis, des chiffres de la commission des comptes de la Nation, du rapport boiteux du commissariat général au plan en 1994, ou encore de l’extrapolation en France d’études provenant des États-Unis, d’Allemagne ou de Finlande.

Les coûts externes de la pollution de l’air, si l’on excepte ceux qui sont liés aux changements climatiques, se chiffrent en dizaines de milliards de francs. Pour un petit tiers, il s’agit de la dégradation des bâtiments, pour un petit tiers, des effets sur les écosystèmes, la végétation et les forêts, et pour un grand tiers, des effets sur la santé. Les synthèses internationales chiffrent les dommages de 0,36 à 0,4 % du produit intérieur brut soit, pour notre pays, une cinquantaine de milliards de francs.

Dans certains cas, le coût par tonne de polluant des mesures d’abattement de la pollution peut être plusieurs fois moindre que le coût des dommages résultant de l’émission d’une tonne de polluant. Il apparaît donc clairement que le renforcement de l’arsenal législatif de lutte contre la pollution atmosphérique est une impérieuse nécessité économique, répondant à l’intérêt général de la collectivité nationale.

Les éco-industries

J’irai même plus loin. Le renforcement de la lutte contre la pollution atmosphérique ne peut que consolider la position de l’industrie française, et notamment de nos éco-industries.

L’environnement est devenu un secteur économique à part entière. Il représente pour la France un atout considérable. Un récent ouvrage du ministère de l’industrie montre que, sur cent technologies clés pour l’industrie française à l’horizon 2000, onze relèvent directement du secteur de l’environnement et une quarantaine, indirectement. Le marché des éco-industries dans le monde ne cesse de progresser et devrait atteindre, toujours en l’an 2000, 300 milliards de dollars. Pour tous les grands projets, d’aménagement ou industriels, la capacité à intégrer la dimension « environnement » sera de plus en plus souvent un facteur clé de la réussite.

Aujourd’hui, 420 000 personnes sont employées en France dans des secteurs liés à l’environnement, soit 1,9 % de la population active, 275 000 emplois sont directement liés à l’environnement. Les éco-industries représentent pour leur part 1450 000 emplois et un chiffre d’affaires de l’ordre de 130 milliards de francs.

En France à l’heure actuelle, l’activité des éco-industries progresse en volume de l’ordre de 3 à 4 % par an. À plus long terme, la perspective de nouvelles directives européennes ambitieuses, dans le domaine de l’eau en particulier, continuera sans nul doute à dynamiser l’activité éco-industrielle.

Ces perspectives diffèrent selon les secteurs. Le secteur de l’eau, première des éco-industries par son poids, elle connaît actuellement une vive croissance en valeur, liée à l’accroissement des exigences environnementales (alimentation en eau, assainissement, matériaux pour canalisations, instrumentation). La collecte, la récupération et le traitement des déchets connaissent pour leur part une croissance annuelle de l’ordre de 12 %, en raison de l’accélération de la progression des volumes traités et de l’évolution de la réglementation.

L’air est malheureusement le parent pauvre, puisqu’il représente moins de 6 % des emplois et moins de 5 % du chiffre d’affaires des éco-industries. Hormis quelques PME très dynamiques, qui ont su prendre des positions remarquables sur les marchés mondiaux, la France n’a pas d’industrie du traitement de l’air qui soit à la hauteur de son niveau économique et qui puisse résister à la concurrence internationale.

Je suis, plus globalement, convaincues que la prise en compte de l’environnement est aujourd’hui un enjeu tout autant économique qu’écologique. Comme le reconnaissent les derniers programmes d’action européens pour l’environnement, un niveau élevé de protection de l’environnement est une condition indispensable de la réussite économique.

La protection de l’environnement est devenue une « force industrialisante ». Le développement de véhicules plus propres, de systèmes performants de dépollution des fumées, sont autant d’atouts pour l’avenir des industriels qui misent sur l’environnement et qui misent sur des changements de comportements des consommateurs, qui ont déjà commencé à se produire.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter a donc aussi l’ambition de contribuer à créer à grande secteur des éco-industries de l’air en France, autant qu’à favoriser la compétitivité de l’ensemble de nos industries sur le plan international. Les entreprises françaises de la dépollution et des véhicules propres doivent pouvoir bénéficier d’une expérience qui leur permettra de se positionner très favorablement sur les marchés étrangers.

L’enjeu est de taille. Je prendrai quelques exemples, dont les liens avec la pollution de l’air sont volontairement indirects. Le « Tableau de bord de la planète » pour 1995 du WorldWatch Institute indique que la production mondiale de bicyclette a atteint le niveau record de 114 millions d’unités, contre 108 millions en 1993. L’énergie éolienne a pour sa part fait un bon de 33 % par rapport à 1994 et a atteint une capacité de 4 880 mégawatts au niveau mondial, soit l’équivalent de cinq tranches nucléaires.

L’évolution de l’opinion

La lutte contre la pollution de l’air n’est pas seulement un enjeu économique ou sanitaire ; c’est aussi un enjeu pour la qualité de la vie de nos concitoyens. Il y a une forte demande de l’opinion sur ce sujet. Il s’agit non seulement de pouvoir mieux respirer, mais également de rendre la ville au citoyen en agissant sur la place de la voiture dans la ville, c’est-à-dire en adaptant la voiture à la vielle est non plus la ville à la voiture.

À cet égard, je me réjouis de la création en 1994, sous l’égide et avec l’aide de la Commission européenne, d’un club des villes d’Europe « sans voiture », cette expression un peu rapide ne signifiant évidemment pas « sans voitures du tout » ! Quatre villes françaises – Lille, Nantes, Nice et Strasbourg – en font partie. Les 60 villes européennes concernées se sont récemment réunies à Copenhague. J’espère que de nombreuses villes françaises rejoindront cette initiative et y prendront une part active, à l’instar, par exemple, des villes néerlandaises.

Les différents sondages et études d’opinion effectués depuis quelques mois démontrent que la question de la pollution de l’air préoccupe considérablement nos concitoyens. Un récent sondage montre que la qualité de l’air est, à leurs yeux, le problème d’environnement dont il faut s’occuper en priorité, avec 48 % de réponses positives. Ce sujet est immédiatement suivi par un autre sujet ayant des interactions évidentes avec la santé, la pollution de l’eau, avec 37 % de réponses positives. Il faut noter qu’en 1990, la pollution de l’air ne venait qu’en troisième position des préoccupations touchant à l’environnement.

Selon ce même sondage, les Français estiment que la qualité de l’air dans les grandes villes est en général assez mauvaise (35 % des personnes interrogées) ou très mauvaise (42 % des personnes interrogées). Seules 7 % des personnes interrogées estiment que la qualité de l’air s’est améliorée ces dernières années.

Enfin, selon un autre sondage, 92 % des Français estiment que la pollution de l’air a des conséquences très ou assez graves sur la santé, alors qu’un sondage plus récent, paru dans un quotidien médical, souligne la préoccupation des médecins sur ce sujet ; Nos concitoyens font preuve de cohérence, puisqu’ils tirent eux-mêmes les conséquences à envisager en matière de modification de leurs comportements. 88 % d’entre eux mettent la circulation automobile au premier rang des sources de pollution de l’air dans les grandes villes et 50 % seulement mettent en cause les fumées des usines.

Surtout, s’ils n’étaient que 49 % en 1989 à accepter de réduire leur propre usage de la voiture en ville, ils sont aujourd’hui, pour 87 % d’entre eux, prêts à ne pas prendre leur voiture en ville les jours où la pollution atmosphérique atteint des seuils critiques.

En outre, la proportion de Français prêts à renoncer à la voiture individuelle pour les déplacements de tous les jours pour des raisons d’environnement est passée de 39 % en 1990 à 49 % en 1994. 82 % des personnes interrogées se déclarent prêtes à utiliser d’autres modes de transport que la voiture. 77 % se déclarent pour leur part prêtes à utiliser en ville un véhicule électrique ou bi-mode, plutôt qu’un véhicule diesel ou à essence.

Il faut préciser que, d’ores et déjà, 19 % des Français ont renoncé à utiliser leur voiture en ville de façon régulière et 10 % à l’utiliser de temps en temps : un tiers des Français ont ainsi renoncé au moins une fois à leur voiture pour protéger l’environnement.

Les discours des élus, des décideurs économiques et sociaux, des journalistes, se transforment progressivement sur cette question, et j’ai la faiblesse de penser que mes propres prises de position sur la place de la voiture en ville, sujet considéré comme tabou jusqu’à présent, ont ouvert la voie à un grand débat de société, dont on ne peut que se réjouir.

La préparation de la loi

Tel est le contexte qui a prévalu à l’élaboration du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui au nom du Gouvernement. Il m’est apparu indispensable de refondre et de compléter la législation en vigueur, afin de disposer d’un ensemble cohérent permettant de faire face de façon efficace aux nouvelles dimensions de la pollution atmosphérique. C’est la raison pour laquelle le projet de loi traite tout à la fois de la qualité de l’air et de la maîtrise de l’énergie.

C’est le projet de loi anticipe sur la transposition en droit national de la directive du conseil concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant, qui a fait l’objet d’une position commune du Conseil européen sous ma présidence en juin 1995, mais qui n’est pas encore formellement adoptée.

Cette directive demande aux États membres de mesurer et d’évaluer la qualité de l’air ambiant sur leur territoire, pour 13 polluants déterminés, pour lesquels des normes respectives de qualité de l’air seront fixées par des « directives filles ». Elle leur demande également d’améliorer la qualité de l’air ambiant, et tout particulièrement de prendre des mesures dans les zones où ces normes sont dépassées. Des seuils d’alerte pourront en outre servir de base au déclenchement de mesures d’information de la population.

Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui repose également sur l’excellent rapport réalisé, à la demande de mon prédécesseur et du Premier ministre de l’époque, par l’un d’entre vus, le sénateur Philippe RICHERT, auquel je tiens à rendre un hommage appuyé pour l’action qu’il mène depuis de nombreuses années dans le domaine de la qualité de l’air, notamment à la tête de l’association pour la surveillance de la pollution atmosphérique en Alsace. De nombreuses propositions de ce rapport, ayant un caractère technique, pourront d’ailleurs être reprises par les textes réglementaires d’application de la loi.

Pour préparer ce projet de loi, sur la base de la directive européenne et du rapport du sénateur RICHERT, j’ai constitué un groupe de concertation, regroupant l’ensemble des acteurs politiques, sociaux et économiques intéressés, dont des médecins. Je me félicite du climat constructif qui a prévalu tout au long des travaux de ce groupe, et tout particulièrement de l’apport remarquable des parlementaires membres de ce groupe, les députés MERVILLE et JULIA, et les sénateurs RICHERT et HERISSON.

À l’issue des sept réunions de ce groupe de travail, que j’ai toutes personnellement animée, un rapport de synthèse a été réalisé et rendu public, qui indique les positions qui ont fait l’objet d’un consensus et celles qui ont fait l’objet de position divergentes. Le projet de loi a été largement bâti sur un canevas résultant des propositions consensuelles.

C’est pourquoi le texte de ce projet de loi représente pour moi le strict minimum de ce que les pouvoirs publics doivent entreprendre face aux enjeux des phénomènes de pollution de l’atmosphère. Il s’agit d’un minimum, compte tenu des difficultés économiques qui touchent notre pays. Et vous comprendrez donc aisément que, si la loi votée devait être en retrait par rapport à ce minimum, nous ne pourrions répondre de façon satisfaisante aux problèmes posés par la pollution atmosphérique.

Avant de vous rappeler les grandes lignes de ce projet de loi et de conclure mon intervention, je souhaiterais remercier tout particulièrement le rapporteur de la commission des affaires économiques et du plan, le sénateur Philippe FRANÇOIS, pour la richesse du rapport qu’il a produit et pour la qualité des débats qu’il a dirigés. Je souhaite également remercier le rapporteur pour avis de la commission des finances, le sénateur Philippe ADNOT, qui a élaboré un texte d’une rare précision sur les mesures financières et fiscales proposées par le projet de loi.

Équilibre incompressible

Le projet de loi repose sur un équilibre que j’estime incompressible pour parvenir aux objectifs qui ont été rappelés précédemment.

Équilibre, tout d’abord, entre la contrainte et l’incitation. La réduction de la pollution dans nos villes ne pourra s’effectuer qu’avec l’adhésion de la population, qui devra accepter, puis trouver des avantages à la modification de ses comportements.

C’est la raison pour laquelle toute interdiction générale de circulation me paraît devoir être bannie, au bénéfice de nombreuses mesures incitatives. En revanche, trois types de contraintes sont retenues par la loi :
    – l’obligation de respecter des valeurs limites et des objectifs de qualité de l’air ;
    – l’obligation d’engager des plans à moyen et long terme de réduction des pollutions en précisant les moyens pour les atteindre ;
    – l’obligation pour l’État de restreindre la circulation les jours de pic de pollution.

Ces contraintes sont les conditions sine qua non pour que nous ne soyions pas obligés d’aller vers des mesures draconiennes.

Équilibre, ensuite, entre les compétences de l’État et des collectivités locales. Si la surveillance de la qualité de l’air et la lutte contre la pollution atmosphérique ressortissent à la compétence de l’État, les collectivités locales, dans l’exercice de leurs compétences de police, de gestionnaire du domaine et de planificateur, disposent évidemment des moyens permettant de mettre en œuvre ces politiques. La loi vise à bien définir les règles du jeu.

Ces équilibres s’inscrivent également dans la volonté d’associer étroitement le public à la politique de lutte contre la pollution et d’utilisation rationnelle de l’énergie. Il participera, par l’intermédiaire d’associations, aux organismes chargés d’assurer la surveillance et l’information ; les différents plans seront soumis à enquête publique. Cette association concrète du public participe à la fois de la volonté de transparence du Gouvernement et de la nécessité de faire œuvre de pédagogie.

Le projet de loi respecte enfin l’engagement du Gouvernement ne pas créer de taxes ou de prélèvements supplémentaires, tout en réaffirmant le principe pollueur-payeur, tout à fait indispensable en matière d’environnement.

L’architecture du texte

Comme je l’ai indiqué, ce projet de loi est le premier dans le domaine de l’environnement, qui ne vise pas seulement à préserver un milieu physique, l’air, mais, dont la santé est la pierre angulaire. Il reconnaît explicitement à chacun un droit à respirer en air d’une qualité telle qu’il ne nuise pas à sa santé, et étend le champ d’application des études d’impact au domaine de la santé.

Un droit à l’information est également reconnu à chacun. La transparence de cette information sera garantie par la gestion quadripartite du système de surveillance de la qualité de l’air : la mission de surveillance sera confiée par l’État à des associations regroupant des représentants de l’administration, des collectivités locales, du monde industriel et des associations de protection de l’environnement, ainsi que des personnalités qualifiées.

Ce système de surveillance sera progressivement étendu à l’ensemble du territoire d’ici l’an 2000, en commençant par les agglomérations comprenant plus de 250 000 habitants au 1er janvier 1997, puis par celles de plus de 100 000 habitants au 1er janvier 1998. Son financement sera assuré, d’une part par une partie des recettes de la taxe parafiscale perçue sur les émissions atmosphériques des industries polluantes et des grandes installations de combustion, d’autre part par un redéploiement budgétaire du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, à hauteur d’un maximum de 0,4 centime par litre de carburant.

La charge fiscale ne sera donc pas alourdie et il n’y aura pas de création de nouvelles taxes. Ainsi sera appliqué d’une manière particulièrement novatrice le principe pollueur-payeur, qui constitue un des fondements du droit de l’environnement communautaire et national.

Afin de respecter les objectifs et normes de qualité de l’air qui seront fixés, le projet de loi institue la notion de plan régional de qualité de l’air, dans un double objectif de prévention et de concertation.

Des plans de protection de l’atmosphère seront en outre établis dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones où les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées. Soumises à enquête publique et faisant l’objet d’une large concertation, les mesures prévues par ces plans pourront être d’application permanente et couvrir les installations fixes comme les installations mobiles. Les mesures d’exception en cas de pointe de pollution, mises en œuvre par les préfets, devront revêtir un caractère très contraignant, puisqu’elles devront comporter des restrictions de circulation.

Les établissements relevant de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement continueront à être régis par cette seule loi qui a montré qu’elle permettrait de lutter efficacement contre les pollutions industrielles. En outre, dans le double souci d’une simplification administrative conforme aux orientations du plan triennal pour la réforme de l’État et d’un refus d’accroître les contraintes des entreprises, le projet de loi ne crée pas de nouveau dispositif d’autorisation.

Le projet de loi permettra de prendre en large palette de mesures techniques au niveau national, qui seront renforcées localement en tant que de besoin dans le cadre des plans de protection de l’atmosphère. Destinées à réduire les émissions polluantes et les consommations d’énergie, elles concerneront notamment les produits, combustibles et carburants et les véhicules.

Une nouvelle vigueur sera donnée à un dispositif qui existe dans nos textes, mais qui n’a guère été utilisé jusqu’ici : les plans de déplacements urbains. Élaborés et mis en œuvre par les organismes chargés du transport urbain, ils seront obligatoires dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et facultatifs ailleurs. Par une politique globale à l’échelle de l’agglomération, ils permettront aux collectivités locales de procéder à des partages de voiries, de favoriser l’intermodalité des transports et, plus globalement, de concevoir les politiques de développement urbain en intégrant les risques et les données de la pollution de l’air et l’organisation des déplacements.

Par ailleurs, le projet de lui énonce les principes que la fiscalité des combustibles et carburants doit respecter, notamment le principe de neutralité. L’évolution de cette fiscalité donnera lieu à un rapport au Parlement. Ces principes font aujourd’hui l’objet d’un consensus dans les diverses enceintes internationales (OCDE, Union européenne, Nations Unies). Il s’agit là d’une disposition importante, car elle permet d’introduire dans les choix fiscaux la préoccupation environnementale.

Le projet de loi propose également des dispositions fiscales positives, destinées à faire « décoller » le marché des véhicules peu ou moins polluants, tels que les véhicules électriques ou ceux qui fonctionnent au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié. Elles prendront différentes formes : remboursement de la taxe intérieure sur ces carburants pour les transports publics de voyageurs : systèmes d’exonération (taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés, taxe différentielle – « vignette » – et taxe sur les certificats d’immatriculation – « carte grises » – ; extension de l’amortissement exceptionnel sur douze mois, qui ne concernait jusqu’à présent que les seuls véhicules électriques.

Telles sont, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter. J’espère vous avoir convaincus de la nécessité de cette loi.


Audition du ministre devant la commission des affaires économique du Sénat le 23 avril 1996

1-1. La phrase « chacun a droit à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » énonce un droit fondamental du citoyen. Il ne fait que traduire pour la pollution atmosphérique le préambule de la constitution de 1946 qui précise : « La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère aux vieux travailleurs la protection de la santé ».

C’est le premier texte du droit de l’environnement qui reconnaît que le droit à l’environnement passe par le droit à la santé.

Cette disposition n’a de valeur normative qu’en tant qu’elle fonde l’action des pouvoirs publics. Elle n’est pas sanctionnée en tant que telle.

1-2. Le caractère multipartite des organismes de gestion des réseaux de surveillance de la qualité de l’air est justifié, d’une part parce qu’il assure la crédibilité des informations communiquées au public, d’autre part parce qu’il oblige les acteurs locaux de la pollution de l’air à pratiquer la concertation.

Une structure administrative, même juridiquement indépendante de l’État, n’offre pas la garantie d’une crédibilité suffisante des informations diffusées, dans un domaine médiatiquement beaucoup plus sensible que la météorologie. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter aux informations diffusées par un établissement de ce type, le SCPRI (service central de protection contre les rayonnements ionisants), il y a exactement dix ans, à l’occasion de l’accident de Tchernobyl.

1-3. Les documents ci-joints montrent l’état actuel de la couverture du territoire.

9 associations de surveillance ont une couverture régionale. 3 une couverture départementale et 18 une couverture locale.

17 agglomérations de plus de 250 000 habitants sur 21 sont couvertes.

21 agglomérations de plus de 100 000 habitants sur 41 sont couvertes.

En outre, le ministère de l’environnement, assisté de l’ADEME, a mis en place le programme MERA (mesure des retombées atmosphériques), qui comporte dix stations de mesure de la pollution de fond et qui répond aux engagements pris part la France dans le cadre de la convention de Genève sur la pollution de l’air transfrontière (voir 4-3).

1-4. Afin de ne pas introduire des critères complexes pour la détermination des agglomérations de plus de 250 000 habitants, le gouvernement entend en fixer la liste dans les décrets d’application de la loi prévus aux articles 5 (titre 1er consacré à la surveillance de la qualité de l’air) et 13 (titre III consacré aux plans de protection de l’atmosphère).

La liste des agglomérations est la suivante :

Agglomérations couvertes par un réseau de mesure en mars 1996

    Paris : 9 060 000 hab
    Lyon : 1 262 000 hab
    Marseille :  087 000 hab
    Lille : 950 000 hab
    Bordeaux : 685 000 hab
    Toulouse : 608 000 hab
    Nantes : 492 000 hab
    Nice : 476 000 hab
    Grenoble : 400 000 hab
    Strasbourg : 338 000 hab
    Rouen : 380 000 hab
    Lens : 323 000 hab
    Saint-Étienne : 313 000 hab
    Nancy : 311 000 hab
    Béthune : 260 000 hab
    Clermont-Ferrand : 254 000 hab
    Le Havre : 254 000 hab

Agglomérations non couvertes par un réseau de mesures en mars 1996
    Toulouse : 438 000 hab
    Valenciennes : 336 000 hab
    Grasse, Cannes, Antibes : 326 000 hab
    Tours : 272 000 hab

2-2. L’engagement financier de l’État pour le financement de la surveillance de la qualité de l’air a deux origines, détaillées dans l’exposé des motifs :

Ce dispositif est financé par le produit de la fiscalité des énergies fossiles, selon le principe pollueur-payeur :

Une partie du produit de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique perçue sur les émissions polluantes des industries et des installations de combustion est ainsi affectée à la surveillance de la qualité de l’air.

La loi de finances déterminera, en outre, chaque année une fraction, plafonnée à 0,4 centime par litre, du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers perçue sur les carburants identifiés aux indices 11, 11 bis, 12 et 22 du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes, et dont le produit est utilisé pour la surveillance de la qualité de l’air. En 1996, un montant de 200 millions de francs sera redéployé à partir des budgets des ministères chargés de l’industrie et de l’équipement et affecté au ministère de l’environnement pour la surveillance de la qualité de l’air.

Le Gouvernement n’entend pas modifier les règles actuelles de répartition du produit de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique. Elle est instituée, par le décret du 5 mai 1995, jusqu’au 31 décembre 1999 ; Comme le produit de l’année N est perçu l’année N + 1 cette taxe offre des ressources pérennes jusqu’à l’an 2000. Sur un produit total de l’ordre de 275 MF, elle permet de financer le système de surveillance à hauteur de l’ordre de 80 MF, pour moitié environ en provenance directe des industriels (les cotisations et dons versés aux associations de gestion des réseaux sont déductibles de la taxe due), pour moitié dans le cadre de l’affectation de son produit.

La disposition prévue au 2e alinéa de l’article 22 permet d’assurer le principe de la pérennité d’un financement de l’État. La formulation de l’exposé des motifs reprend un engagement politique du Premier ministre et montre que le Gouvernement entend bien garantir la pérennité de son engagement financier.

2-3. Le Gouvernement n’a pas souhaité introduire d’obligations financières à la charge des collectivités locales. Il est proposé que leur participation au financement des réseaux de mesure se poursuive sur la base actuelle : elle résulte de la conjonction de la négociation des différents partenaires locaux pour arriver à un équilibre dans les associations de gestion des réseaux et de la volonté des collectivités locales de s’engager dans la surveillance.

3-1. Encourager les dispositifs de dépollution des moteurs diesel peut paraître séduisant. Néanmoins, les dispositifs proposés aujourd’hui sont très nombreux et très divers. Deux évaluations préalables paraissent indispensables :
    – l’une technique, visant à évaluer l’efficacité du dispositif sur les polluants réglementés, mais aussi non réglementés (cas du cérium pour le dispositif de Rhône-Poulenc), ainsi que sur la consommation, à la fois à court terme, selon des procédures et cycles reconnus au niveau européen, et à long terme (durabilité) au travers d’essais en vraie grandeur à longue durée (6 mois à 1 an) ;
    – l’autre économique visant à établir d’une part le coût de production en série, d’autre part le coût d’exploitation.

Une telle mesure pourrait prendre la forme d’un alinéa supplémentaire de l’article 23, étant entendu qu’un décret d’application devrait permettre de fixer des performances maximales et les taux maximum d’aide :

« À compter du 1er janvier 1997, la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le gazole est remboursée aux exploitants de transports publics de voyageurs équipant leurs véhicules de dispositif d’épuration des gaz d’échappement, dans une limite et des conditions fixées par décret »

NB :
    – une notification à la Commission européenne serait certainement nécessaire ;
    – à l’avenir, ce système pourrait être étendu aux poids lourds « marchandises ».

La reformulation des carburants constitue un moyen de réduire la pollution, par exemple dans certaines zones particulièrement pollués. Le projet de loi permet de réglementer les carburants au niveau national (article 19-1-2°) et de renforcer ces mesures au niveau local (article 10, 1er alinéa).

Il apparaît que le surcoût entraîné par la production de carburants reformulés (y compris l’amortissement des investissements nécessaires) se situe entre 3 et 16 c/l. Ces estimations ont été faites à partir des coûts suscités par le contrôle des aromatiques, des composés oxygénés, des oléfines, du T90 et du soufre. Les coûts de contrôle d’autres paramètres (benzène, tension de vapeur) n’ont pas été estimés.

Il faut sans doute ajouter à ces coûts celui de la légère surconsommation de carburant qui résulte du pouvoir énergétique par unité de volume légèrement réduit du carburant reformulé (entre 3 et 7 c/l).

L’incitation à la reformation des carburants ne pourrait probablement prendre que la forme d’une réduction de leur fiscalité, à l’instar des détaxations pratiquées dans d’autres pays européens (4,5 c/l en Finlande, 20 c/l en Italie avant la mise en place d’un régime obligatoire, 3 c/l en Suède). Pour être incitatif, le carburant reformulé devrait être moins cher que le carburant de référence, ce qui suppose une aide conséquente et donc un coût élevé pour l’État, d’autant plus élevé que, pour être efficace, une telle mesure doit être mise en œuvre sur une zone suffisante (région Île-de-France pour une efficacité sur Paris et la petite couronne).

NB :
    – une notification à la Commission européenne serait certainement nécessaire ;
    – il y a une différence notable avec les biocarburants, qui bénéficient eux aussi d’une détaxation : d’une part ils participent à l’indépendance énergétique et à la réduction des émissions de CO2, d’autre part il y a un intérêt agricole.

3-2. Le nombre de véhicules électriques actuellement en service en France est de l’ordre de 1 000 à 2 000 et le nombre de véhicules fonctionnant au GPL de l’ordre de 30 000. Le nombre de véhicules au gaz est encore limité en l’absence, pour l’instant, de production en série.

L’objectif de l’accord-cadre sur le véhicule électrique signé en 1994 entre l’État, EDF et les constructeurs est d’aboutir à 100 000 véhicules à la fin du siècle. La capacité de production en série des constructeurs français est cette année de l’ordre de 5 à 6 000 véhicules et sera l’an prochain de l’ordre de 10 à 12 000.

Dès lors, le coût de la mesure sur la vignette reste faible (quelques dizaines de MF pour l’ensemble du pays à terme) et celui de celle sur la carte encore plus, car elle ne concerne que les nouvelles immatriculations. Dès lors, ces mesures apparaissent avant tout comme symboliques, ce qui explique que l’État n’envisage pas de compenser le manque à gagner des collectivités locales.

Il faut noter que le conseil général de Charente-Maritime a voté en 1995 une résolution demandant l’exonération de la vignette pour les véhicules électriques et que le maire de Paris a fait une déclaration similaire à l’occasion d’une conférence de presse le 30 novembre 1995.

Pour les véhicules au GPL, le marché potentiel est plus important, si l’on se réfère au parc des pays voisins (500 000 aux Pays-Bas, 1 000 000 en Italie). Le coût de ces mesures est donc plus élevé, mais reste limité (en moyenne de l’ordre de quelques MF par département). Il faut noter en tout état de cause que la pression politique à destination des collectivités sera beaucoup plus faible que pour le véhicule électrique qui, lui, est totalement non polluant.

4-1. En matière de surveillance de la qualité de l’air, le projet de loi prévoit d’aller au-delà de la directive-cadre, à la fois en termes de couverture du territoire et en termes de délais de mise en place des réseaux.

Mise en place depuis les années 70 en France, la surveillance du SO1 apparaît comme relativement conséquente, en termes de nombre de stations par million d’habitants.

En revanche, l’effort porté sur les NOx apparaît similaire à celui fait en Amérique du Nord, mais faible par rapport à l’Allemagne et au Japon. Et il faut indiquer la modicité des moyens accordés jusqu’à présent en France aux mesures de CO et d’ozone (O3). La densité d’analyseurs d’ozone apparaît comme particulièrement faible dans les pays méditerranéens (France, Italie, Espagne), eu égard notamment à l’exposition de leur climat à la pollution photochimique.

Enfin, la surveillance des métaux lourds et des COV témoignent d’un retard dans notre pays.

On peut donc indiquer que le dispositif mis en œuvre par la loi permet à notre pays de rattraper le peloton de tête (Allemagne et Suisse, dans une moindre mesure Pays-Bas).

Les mesures de lutte contre la pollution proposée par le projet de loi vont permettre à la France de disposer d’un « arsenal » réglementaire similaire à celui dont disposent notamment l’Allemagne, la Suisse et les États-Unis (lutte contre le smog).

À l’instar des pays les plus dynamiques en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, la France se dote d’une loi sur ce sujet.

4-2. Des mesures de différents ordres ont été mises en œuvre : –incitations fiscales à l’équipement de dépollution.

En Allemagne par exemple, les incitations fiscales ont largement favorisé l’anticipation de mise sur le marché d’un pot catalytique (avant la fin des année 80 – norme communautaire applicable en 1993), puis de véhicules diesel équipés d’un pot d’oxydation (début des années 90 – norme communautaire applicable en 1998).

NB : le premier constructeur diesel à proposer un véhicule répondant aux performances visées a été PSA.

Des dispositions identiques ont été mises en œuvre dans les pays scandinaves avant leur entrée dans l’Union européenne.

Taxes sur les carburants, et notamment le gazole :

Il est clair que la diésélisation du parc a été largement favorisée par la fiscalité. L’Italie et le Royaume-Uni, plus récemment, ont réussi à maîtriser cette évolution en augmentant a fiscalité du gazole et/ou en créant des taxes spéciales (vignette) sur les véhicules diesel.

Contrôle techniques :

Des fréquences plus importantes, annuelle souvent, sont pratiquées en Allemagne et aux Pays-Bas notamment.

Qualité des carburants :

La Suède et l’Autriche ont introduit depuis plusieurs années un gazole à très basse teneur en soufre (0,005 % et moins) pour les transports collectifs à Stockholm et pour l’ensemble du parc diesel en Autriche.

Il est clair que, dans ces deux cas, les quantités en jeu ne dépassent pas la consommation d’une grande agglomération française.

L’Autriche a également développé un programme biocarburants « ester », mais pour des raisons essentiellement agricoles.

Restrictions de circulation :

Des restrictions de circulation ont été mises en place à Athènes, Milan, Florence…, souvent à l’intérieur d’un périmètre limité du centre-ville.

En Allemagne, la réglementation fédérale relative au contrôle des émissions a été modifiée en juillet 1995 pour lutter contre les points d’ozone. Elle prévoit la restriction de circulation aux seuls véhicules munis d’un pot catalytique ou d’un pot d’oxydation et d’une vignette officielle, ainsi que les véhicules électriques.

La Suède s’apprête à mettre en place des zones vertes à Stockholm où seuls les véhicules peu polluants pourraient accéder.

Promotion des véhicules peu polluants :

70 % des taxis sont des véhicules au GPL à Athènes (100 % à Séoul).

Le programme californien en faveur des véhicules électriques (zéro émission) a été repoussé à 2003, mais non annulé.

4-3. Des actions coordonnées existent d’ores et déjà au niveau européen.

L’Union européenne s’est dotée de nombreuses directives traitant de la pollution de l’air (normes de qualité de l’air, normes d’émission des installations industrielles, normes d’émission des véhicules à l’homologation et contrôle technique périodique, normes de qualité des carburants, combustibles et produits).

Au sein de la Commission européenne des Nations Unies, qui regroupent les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, des actions existent depuis 1979 dans le cadre de la convention de Genève sur la pollution transfrontière à longue distance (travaux de modélisation et de surveillance de la pollution de fond – programme EMEP –, protocole pour la réduction des émissions de SO2, NOx et COV).