Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur l'aménagement culturel du territoire et la création du Centre national du costume de scène, Moulins le 22 avril 1996.

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Circonstance : Signature de la convention relative au Centre national du costume de scène à Moulins le 22 avril 1996

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Sénateur, 
Messieurs les Députés, 
Messieurs les Maires, 
Messieurs les Préfets, 
Mesdames, Messieurs,

Pour chacun de nous, pour l'État, pour la ville de Moulins et les autres collectivités locales, aujourd'hui est un jour qui marque une fin et un commencement.

La fin, c'est celle d'un long et parfois vif débat, commencé voilà quinze ans autour de ce magnifique quartier Villars, ensemble exceptionnel d'architecture militaire classé monument historique en 1984.

La sauvegarde de ce monument étant assurée, il fallait encore lui trouver une destination, préalable indispensable à sa réhabilitation. C'est aujourd'hui chose faite.

Le commencement, c'est donc celui d'une nouvelle existence pour le quartier Villars, puisque nous sommes ici pour lancer les travaux qui permettent d'y installer le Centre national du costume de scène. Ce Centre ouvrira dès l'achèvement des travaux, c'est-à-dire à la fin de 1999. Voilà pour Moulins une élégante et magnifique façon d'entrer dans le deuxième millénaire.

Ce nouveau commencement pour le quartier Villars est aussi le début d'une entreprise de portée et d'étendue nationales. Avec le Centre national du costume de scène de Moulins, c'est en effet le premier d'une importante série de grands projets en région que nous lançons.

Présentés par mon prédécesseur Jacques Toubon le 20 septembre 1994, au cours du Comité interministériel d'aménagement du territoire de Troyes, les grands projets en région représentent pour moi, aux côtés d'autres initiatives et d'autres instruments, un des aspects importants de la politique que j'entends mener en faveur de l'aménagement culturel du territoire et du rééquilibrage de l'action du ministère en faveur de la Province.

Vous le savez : le budget que j'ai défendu et fait adopter pour 1996 fait clairement de ce rééquilibrage une priorité. Pour la première fois cette année en effet, deux tiers des investissements du ministère se feront hors de Paris et de l’Île-de-France.

L'enjeu de l'aménagement culturel du territoire mérite un tel effort. C'est évidemment un enjeu économique et social, dès lors qu'il s'agit de créer des équipements et de susciter des emplois. C'est aussi, j'y insiste, un enjeu démocratique, puisqu'il s'agit de favoriser l'égal accès de tous, en tout point du territoire, aux biens et aux activités culturelles.

Cette politique implique un véritable « maillage culturel » du territoire, dont les grands projets en région seront quelques-uns des points forts – je dirai des « points d'ancrage » – qu'il s'agisse du centre national du costume de scène de Moulins, du centre de l'imprimerie et de l'écrit de Lamotte-Beuvron, du centre des archives de la Vème République à Reims, ou encore de l'auditorium de Dijon, pour ne citer que ces projets.

Mais au-delà des grands projets en région, je souhaite faire de l'aménagement culturel du territoire une composante constante de la politique du ministère.

L'aménagement culturel du territoire passera certes par les grand projets en région, mais je veux qu'il passe également par le réseau des bibliothèques territoriales associées à la BNF, qui, partie prenante du centre de Moulins, est représentée aujourd'hui et à qui je demande avec insistance d'intensifier son effort en ce domaine.

L'aménagement culturel du territoire passera encore et aussi par les équipements de proximité, qui permettent de desservir les zones rurales, comme les « relais-livres en campagne », dont le nombre sera doublé dans l'année, et par les « cafés-musiques ».

Enfin, il passera naturellement par l'action que mènera, en faveur du patrimoine de proximité, la fondation du patrimoine.

Monsieur le Maire, Monsieur le Ministre et cher Pierre-André Périssol, si j'ai tenu à choisir Moulins, pour cette inauguration des grands projets en région, c'est que la transformation du quartier Villars en un Centre national du costume de scène est exemplaire à bien des égards.

Elle l'est d'abord par l'unanimité que votre force de conviction a suscitée chez toutes les parties concernées, qu'il s'agisse des élus de la région Auvergne, ou des directions et des établissements publics du ministère. Votre efficacité, votre pacifique combativité, cher Pierre-André Périssol, ont joué un rôle considérable dans le déclenchement de cette opération.

Vous avez su mobiliser la ville toute entière autour du projet, mais aussi intéresser le conseil régional et le conseil général, que je tiens à remercier très chaleureusement pour leur engagement.

Ils ont répondu avec promptitude et apporté, directement ou indirectement, une participation égale à celle de Moulins, car ils ont été conscients de ce que l'entreprise peut, par sa qualité et son originalité, apporter à la richesse touristique du Bourbonnais, avec les retombées sur l'emploi et sur l'économie du pays que l'on peut en attendre.

Je voudrais enfin signaler le soutien qu'apportent au projet le Fonds européen de développement des équipements régionaux (FEDER) et le Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNDAT), pour compléter la participation des collectivités, et sans lequel nous n'aurions pu boucler le budget d'investissement de cette magnifique opération, budget auquel le ministère participe pour plus de 57 millions de francs sur un total de 86 millions.

Exemplaire, le centre national du costume de scène l'est aussi par la qualité et l'originalité du projet.

Les collections de costumes de scène de la Bibliothèque nationale de France, de la Comédie-Française et de l'opéra national de Paris, pour être uniques au monde, n'en sont pas moins méconnues, faute d'avoir été mises en valeur jusqu'alors.

Or, l'immense succès remporté par les deux expositions de ces maisons en 1994 et 1995 ont révélé l'intérêt grandissant qu'elles suscitent tant auprès des professionnels que du grand public.

Précieux témoignage de l'histoire de ces théâtres et de leur répertoire depuis le 18ème siècle, ces prestigieuses collections évoquent la beauté de spectacles signés par les plus grands créateurs de leur temps et nous rappellent les acteurs et les chanteurs qui les ont portés. Ces vêtements ne sont pas des reliques mortes ; ils n'abritent plus de corps, mais l'âme d'un Louis Jouvet, d'un Charles Dullin, d'un Jean-Louis Barrault, d'une Madeleine Renault, d'une Maria Callas ou encore d'une Edwige Feuillère les habitent encore et à jamais.

Mais ces collections constituent aussi l'ultime trace du talent des artisans d'art qui, depuis le 18ème siècle, ont fait le prestige et la gloire des institutions où ils ont oeuvré. En bref, voici dix mille costumes exceptionnels, qu'il convenait de réunir et de préserver, en leur assurant toutes les conditions que permettent les techniques les plus modernes.

Le centre de Moulins constituera une réserve unique, et, sur cette réserve, viendra s'appuyer une double formation.

En premier lieu, formation des conservateurs appelés à la responsabilité de ce type de collections. Cette formation sera assurée grâce au concours, entre autres, de créateurs, couturiers-costumiers, et techniciens d'art.

En second lieu, formation aux métiers d'art eux-mêmes qui concourent à la réalisation des costumes et des accessoires, et notamment tailleurs, brodeurs, perruquiers, bottiers, ou encore armuriers.

Le centre national du costume de scène de Moulins apportera ainsi une contribution essentielle à la politique voulue par le Président de la République en faveur des métiers d'art. Le Gouvernement a fait de cette politique une de ses priorités, décidant, malgré la rigueur budgétaire, d'un plan d'orientation accompagné d'une augmentation de son aide financière.

Le conseil des métiers d'art, récemment créé, prépare l'avenir de ce secteur par une série de propositions portant notamment sur l'instruction des jeunes et j'ai moi-même confié aux maîtres d'arts nouvellement nommés le soin de conduire cette pédagogie.

Les grands maîtres-artisans trouveront à Moulins un lieu d'enseignement où ils pourront assurer la transmission de leur savoir-faire.

Le Centre de Moulins sera donc un lieu de mémoire et de savoir, un lieu de restauration, de conservation et de formation. Tout naturellement, il créera de forts liens de partenariat avec les diverses institutions culturelles de la ville, et de la région.

Il se rapprochera de l'Université de Clermont-Ferrand, où l'école d'architecture dispose déjà d'une section de scénographie. Mais il sera également très largement ouvert au grand public : expositions thématiques, animations, rencontres avec les professionnels lui seront en effet proposées en permanence.

Carrefour de l'histoire du théâtre européen, point de rencontre des disciplines et des techniques, des formations et des missions, le centre national du costume de scène apparaît ainsi comme une parfaite illustration de l'ambition des grands projets en région, qui veulent conjuguer mémoire et innovation au service de l'avenir de la culture.

J'y vois une raison supplémentaire pour que Moulins soit bientôt éligible au titre recherché mais exigeant de ville d'art et d'histoire.

J'ai tenu à vous en réserver l'annonce : le principe en est acquis.

La procédure juridique, inévitablement lourde et complexe, est en cours. Ne doutez pas de ma volonté personnelle de la faire aboutir dans les meilleurs délais possibles. A vos côtés, mes services s'y emploient d'ores et déjà.

Mais pour aujourd'hui, Mes chers amis, fêtons ensemble la naissance du Centre national du costume de scène de Moulins et souhaitons-lui une vie longue, heureuse et prospère.