Texte intégral
Monsieur le président,
Chers amis,
Je me réjouis d'être parmi vous ce matin pour ce rendez-vous annuel de l'ensemble de renseignement agricole catholique. L'assistance est impressionnante ; vous êtes venus de la France entière et je vous remercie, M. le président, d'avoir rappelé combien le conseil national de l'enseignement agricole privé, le CNEAP, et ses établissements me sont connus, surtout dans ma région, mais aussi ailleurs en France et vous avez souligné ma prochaine visite à Villeneuve-sur-Lot.
Avant cela, je me rendrai, dès samedi à l'institut d'Anchin, à Pecquencourt, dont les représentants doivent se trouver parmi nous dans cette salle. Je les salue. Je suis très attaché à ces visites, car c'est sur le terrain, dans les établissements, que l'on se rend compte de la valeur de l'enseignement agricole catholique et de ses équipes.
À vrai dire, je n'en ai jamais douté. D'abord parce que je connais le CNEAP depuis longtemps pour avoir visité de nombreux établissements du Nord-Pas-de-Calais, en tant que député puis en tant que ministre ; ensuite parce que j'ai pu me rendre compte, dès mon arrivée au ministère, de la qualité des instances nationales du CNEAP, autour de votre président, Ivan de la Maisonneuve. Je le dis très sincèrement : vous avez des représentants dignes de vos établissements. Ce sont des professionnels à l'écoute du terrain et très écoutés à Paris connaissant parfaitement les dossiers et négociant sans complaisance avec mon administration, dans un climat toujours positif. Avec Yvon Le Norcy, Fernand Girard, et l'équipe du CNEAP à Paris, vous bénéficiez d'une représentation de très grande qualité et la réussite du CNEAP lui doit beaucoup.
Cette réussite est surtout la vôtre, car c'est dans les régions, dans les établissements que se construit l'enseignement agricole. Avec 217 établissements, le CNEAP scolarise près du tiers de nos élèves, soit près de 50 000 cette année, répartis, sur l'ensemble du territoire.
L'enseignement catholique est une composante essentielle de notre enseignement agricole. Il est aussi à son image : nous avons, et vous savez combien j'y suis attaché, un enseignement original, marqué par un lien étroit avec le monde professionnel, avec l'environnement local, avec les élus ; un enseignement qui participe très concrètement à l'animation de nos campagnes, et je sais la part active que prennent les écoles du CNEAP dans ce domaine.
Mais surtout, nous disposons d'un enseignement qui offre une formation à des jeunes de niveaux et de situations très divers et qui leur permet, dans leur très grande majorité, de s'insérer sur le marché du travail.
Je suis heureux que de nombreux élèves participent à vos travaux ce matin. Cela montre que toute notre action est d'abord tournée vers eux, car ce sont ces élèves qui construiront notre agriculture de demain, qui innoveront dans les industries agroalimentaires, qui animeront et aménageront nos campagnes et nos villes.
Être élève dans un établissement du CNEAP est une chance : la chance de trouver un emploi, et nous savons malheureusement combien cela est précieux aujourd'hui, la chance de participer à l'animation de sa région, la chance de bénéficier d'une formation générale et professionnelle, mais aussi personnelle, car la mission des équipes pédagogiques qui font vivre les établissements ne s'arrête pas, loin sans faut aux seules heures de cours.
Pour toutes ces raisons, vous partagerez, j'en suis sûr, mon souci permanent de voir les spécificités de notre enseignement reconnues.
C'est parce que cet enseignement est rattaché au ministère de l'agriculture que nous avons pu nous développer harmonieusement, conserver nos atouts et faire cohabiter nos diverses familles : enseignement public, CNEAP, maisons familiales, union nationale rurale d'éducation et de promotion. « Cohabiter » n'est d'ailleurs pas le terme le plus adapté car cela va bien au-delà d'une simple coexistence : nos diverses familles se parlent et coopèrent, parfois très activement, sur le terrain. Cela en étonne certains. C'est pourtant une réalité, parfois très concrète, et je rappellerai par exemple qu'un jour, l'institut Saint-Eloi de Bapaume a cédé ses quotas laitiers, dont il n'avait plus l'utilité, au lycée public de Radinghem qui était en cours de création. Cette anecdote illustre bien, je crois, la philosophie de notre enseignement et particulièrement du CNEAP.
Il me paraissait utile de dresser très rapidement cet état des lieux. Il n'est pas question de verser dans l'autosatisfaction mais nous avons la chance de disposer d'un enseignement qui « marche » : il faut parfois le dire haut et fort. N'ayons pas d'état dame ! Je refuse, comme certains ont tendance à le faire, de dire qu'aujourd'hui tout va bien en apparence mais qu'en réalité l'enseignement agricole ne se porte pas bien. Ce n'est pas ma vision des choses et je sais que vous partagez ce point de vue.
Pour autant, il n'est pas question de masquer les problèmes qui se posent et surtout, nous devons dès maintenant penser à notre avenir : à l'avenir de l'enseignement agricole mais aussi plus fondamentalement à l'avenir de notre agriculture et de nos campagnes. Nous devrons, dans les 20 prochaines années, construire une agriculture performante, capable de prendre toute la place dans les marchés mondiaux qui vont s'ouvrir dans les années à venir, mais dans le même temps une agriculture présente sur l'ensemble du territoire et qui permettra d'assurer le renouvellement des générations et l'installation des jeunes.
Ce sera une agriculture à 600 000 exploitants plutôt qu'une agriculture à 200 000 : Une agriculture, enfin, qui participe pleinement à l'animation de nos régions rurales. Tels sont les enjeux. L'enseignement agricole, en renforçant ses liens avec la filière agricole et agroalimentaire, doit être au coeur de cette ambition, et je ne vous cache pas ma satisfaction de voir votre implication en matière d'installation des jeunes.
Cette ambition pour notre enseignement ne pourra se concrétiser que s'il dispose des moyens nécessaires, d'une vision claire de l'avenir et d'une reconnaissance forte : des professionnels, des collectivités et des autres ministères, car si nous devons jalousement conserver nos spécificités, il n'est pas question pour autant d'évoluer isolément, sans lien avec l'appareil national de formation.
Cet avenir se prépare aujourd'hui, très concrètement mais doit aussi être réfléchi et discuté dans le moyen terme. Je prépare, vous le savez, une loi d'orientation agricole pour l'an prochain. Je souhaite ardemment qu'elle comporte un volet « enseignement » que nous préparerons avec vous. Il ne serait pas concevable, en effet, de tracer dans cette loi le cadre de la filière agricole et agroalimentaire du prochain siècle sans tracer celui de l'enseignement agricole, qui en est à l'origine
Mais il faut aussi être capable de répondre aux préoccupations plus immédiates qui se posent à nous et à vous.
Et d'abord, c'est bien naturel, à la question des moyens. Nous sommes engagés, depuis le protocole de l'an passé, dans une mise en application progressive de la loi de 1984. C'est une nécessité et une priorité que j'ai défendue dès mon arrivée, dans le cadre du premier collectif budgétaire de 1995. Je respecterai les engagements de l'État, soyez en sûrs.
Et pour illustrer concrètement cette volonté, je vous annonce la sortie, aujourd'hui même, de l'arrêté fixant les subventions de fonctionnement pour l'année 1996. Les nouveaux taux sont pleinement conformes aux engagements pris : ils atteignent 5 386 F pour un élève externe, 6 763 F pour un demi-pensionnaire et 9 934 F pour un interne. C'est la première fois que cet arrêté est publié aussi tôt dans l'année. Les services de M. Bichat se sont mobilisés sur ce dossier, je les en remercie.
Le dossier budgétaire ne s'arrêtera pas là et nous aurons aussi un débat difficile sur les dotations en enseignants pour 1997.
Vous avez également évoqué divers problèmes qui touchent particulièrement à l'innovation, à la médecine scolaire, aux questions statutaires.
Je ne souhaite pas m'étendre sur ces différents thèmes aujourd'hui. Je suis parfaitement conscient de leur importance pour le CNEAP et pour la vie des établissements. Je souhaite que mes services fassent le maximum pour les faire avancer le plus rapidement possible.
Vous avez, avec la direction générale de l'enseignement et de la recherche, une équipe à votre écoute, capable de répondre rapidement à vos demandes, connaissant parfaitement les affaires et je me réjouis du partenariat très constructif entre le CNEAP et l'équipe de M. Bichat, tant à Paris que sur le terrain, au nous devons également veiller à la qualité du dialogue avec les services régionaux de la formation et du développement, les SRFD.
Je suis pour ma part très attaché à l'implication personnelle des directeurs régionaux de l'agriculture et de la forêt dans les questions d'enseignement. Le sujet le justifie pleinement.
Les enjeux sont importants et cela nécessite que le DRAF y mette parfois sont autorité et sa compétence générale sur les questions régionales.
Vous avez également évoqué la question des bourses pour les BTS en un an que Suivent certains élèves déjà titulaire d'un premier BTS. Nous sommes, vous le savez bien, tributaires, pour les bourses, des textes de l'éducation nationale, qui ne prévoient pas la possibilité de bourse pour les élèves préparant un second BTS. Je le regrette. Nous tenterons de faire avancer ce dossier ; mais cela me conduit à évoquer la question de l'insertion de l'enseignement agricole dans l'ensemble du dispositif de formation national.
Je l'ai dit, je suis farouchement attaché à notre spécificité mais en même temps rien ne serait plus dangereux que d'évoluer isolément.
Nous devons maintenir les passerelles entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale, les autres ministères. C'est pour moi une priorité et le signe de notre crédibilité
Nous avons, certes, un enseignement spécifique, mais il doit être reconnu au-delà de la seule filière agricole, car notre vocation, est bien plus large.
Vous avez évoqué l'accès aux formations de puéricultrice ou d'aide-soignante pour les titulaires de BEPA « services aux personnes ». Il est vrai que nous nous sommes mobilisés collectivement pour retrouver, enfin, une égalité de traitement avec l'éducation nationale que nous n'aurions jamais dû perdre. À mon tour, je vous remercie pour les efforts que vous avez accompli et qui, conjugués aux nôtres, ont permis d'aboutir.
Nous devons tirer les leçons de cette affaire d'abord, c'est notre mobilisation commune qui a permis d'aboutir et c'est un signe encourageant.
Ensuite, nous devons être toujours très vigilants et veiller en permanence, je le disais, à la bonne intégration de notre enseignement agricole. Enfin, soyons positifs : le ministère du travail reconnaît la qualité de nos formations en les plaçant sur le même plan que celles de l'éducation nationale et c'est ainsi que l'a compris M. Barrot lui-même.
Nous sommes sur la bonne voie. À nous de préserver nos atouts et notamment nos classes de 4e et 3e technologiques, qui représentent 20 % des effectifs de notre enseignement agricole. Vous avez exprimé vos craintes quant au devenir de ces classes, du fait de l'organisation nouvelle du collège en 3 cycles, avec en particulier le cycle central de 5e et 4e qui rendra plus difficile le départ vers une 4e technologique en lycée agricole. C'est pour moi un point essentiel. J'ai obtenu, il y a quelques mois, des assurances écrites de mon collègue François Bayrou sur le maintien de la filière technologique dans nos établissements. Cela se traduira, concrètement par la maintien explicite de cette filière dans le décret relatif à l'organisation des collèges, grâce à la mobilisation du ministère de l'agriculture.
Cela ne suffira pas, j'en suis conscient, même si c'est déjà un pas très important. Il faudra ensuite être très vigilant sur le terrain, dans les régions et veiller à la bonne application de ces textes. Mes services régionaux seront mobilisés, mais je compte aussi sur vous, car c'est un sujet très important pour l'avenir de notre enseignement.
C'est en étant plus forts ensemble que nous serons finalement mieux reconnus. Certes nous avons la taille d'un rectorat, mais nous sommes présents dans toutes les régions, nous avons nos propres diplômes, nos méthodes, nos spécificités et beaucoup nous les envient.
Être plus fort, qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire être plus encore au service de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la vie rurale. Cela veut dire être capable d'assurer à l'ensemble de nos jeunes des débouchés correspondant aux besoins des professionnels et aux capacités de nos élèves.
Nous en avons les moyens, aujourd'hui, avec nos 160 000 élèves. Ou en serons-nous demain ? Vous le savez, j'ai exprimé ma priorité pour les filières liées à la production et à la transformation. Que l'on me comprenne bien : il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause les formations de service, qui occupent une place très importante au CNEAP et qui sont essentielles pour le développement et la revitalisation de nos campagnes. Mais il faut être cohérent : nous ne pouvons pas dans le même temps donner la priorité à l'installation, à la valorisation des produits, à la filière agroalimentaire et ne pas se préoccuper des formations correspondantes. Nous devons avoir une démarche volontariste, valoriser les métiers de la production et éviter de céder aux effets de mode qui rendent aujourd'hui très attractifs des filières où les débouchés sont très incertains.
Nous ne pourrons conserver notre capacité à placer nos élèves sur le marché du travail et contenir notre budget si nous laissons les effectifs croître comme au cours des dernières années. Nous sommes victimes de notre succès, mais nous devons veiller à éviter que celui-ci se transforme en échec, le jour où nous ne serons plus capables d'assurer un emploi à chacun de nos élèves. J'ai fixé, vous le savez, un objectif de croissance de 2 % en 1996, contre 5 % l'an passé. Ce n'est pas de gaîté de coeur. Comme vous, je suis triste de laisser parfois à la porte de nos établissements des jeunes qui pourraient certainement y trouver leur place. Mais nous ne pourrons être capables de maintenir la croissance actuelle. Cette politique de croissance limitée doit s'appliquer à tous, à toutes les familles de l'enseignement agricole, publique et privées. J'espère que vous vous attacherez à la mettre en oeuvre, car nous avons besoin de vous. Mais pour être parfaitement honnête, vous n'êtes pas les plus concernés une autre famille, que je rencontrerai en congrès le 26 avril prochain, l'est plus que vous, vous savez à qui je pense...
Cette évolution doit se faire en douceur, sans drame.
Je suis heureux du travail très constructif que nous avons conduit pour préparer la rentrée 1996. Les instances nationales du CNEAP jouent en la matière un rôle décisif, que je voudrais saluer : en établissant des priorités, en défendant chaque dossier, le CNEAP a pu faire des propositions cohérentes avec les projets régionaux et qui ont pu, en tout cas pour les plus prioritaires d'entre elles, être retenues.
La rentrée 96 doit, j'en suis convaincu, vous donner satisfaction dans ce domaine. Certains parmi vous n'ont sans doute pas obtenu l'ouverture de classe qu'ils souhaitaient, mais je les crois peu nombreux et nous ferons tout pour réexaminer l'an prochain les cas difficiles qui n'ont pu être réglés cette année.
Il faut maintenant penser au-delà de la rentrée 96 et réfléchir à l'avenir de notre enseignement agricole, sans état d'âme, avec le souci de valoriser nos atouts, de répondre aux besoins, de conserver nos spécificités et notre capacité d'accueil des jeunes, de rapprocher nos établissements de leur environnement local, de maîtriser notre croissance et notre budget, enfin de « tirer cet enseignement vers le haut » pour répondre à l'évolution des besoins et des techniques.
Vous avez, dans vos établissements, développé des formations allant jusqu'au BTS. Nous devons absolument valoriser les formations de techniciens supérieurs, dont les effectifs stagnent malheureusement. Les BTS constituent l'aboutissement du cursus de l'enseignement technique agricole et les besoins existent dans les exploitations et les entreprises. À nous de trouver ensemble les moyens de les valoriser. L'un d'entre eux est certainement de développer les classes « post-BTS » qu'il s'agisse de classes préparatoires ou de diplômes nationaux à BAC+3, les DNTS, à la mise en place desquels nous travaillons actuellement.
Le CNEAP a naturellement vocation à s'inscrire dans cette évolution et je le souhaite fortement. Mais ne méconnaissons pas les obstacles réglementaires et législatifs : la loi de 1984 limite les formations contractualisables à BAC+2 De plus, la délivrance d'un DNTS, diplôme d'établissement, ne pourra être assurée que par un établissement public auquel vous devrez vous associer. C'est une question constitutionnelle : l'État a en effet le monopole de la collation des grades.
Mais nous trouverons ensemble les solutions qui permettront aux établissements du CNEAP d'évoluer, assurant ainsi une parfaite continuité avec les écoles d'enseignement supérieur de la FESIA, auxquelles je connais tout votre attachement. Vous connaissez aussi le mien. J'ai visité, récemment, l'Institut supérieur d'agriculture de Lille que je connaissais déjà, et celui de Beauvais.
Je dois vous dire que je trouve ces écoles remarquables pour leur dynamisme, leur esprit d'innovation, pour l'enthousiasme de leurs élèves.
Ces écoles doivent être soutenues et la renégociation de leur contrat, en 1997, constituera une étape importante.
Sans attendre, j'ai demandé que soient soutenus en 1996 les projets de recherche présentés par ces écoles l'an dernier, et ce sera chose faite très prochainement,
Nous devons préparer ensemble l'enseignement agricole de l'an 2000. Je souhaite que les établissements du CNEAP s'impliquent très directement dans ces travaux qui débuteront très prochainement avec la préparation du 3e schéma national. Nous avons besoin de propositions, d'idées nouvelles, de la vision du terrain. Mais dans le même temps, je souhaite que ces travaux très importants puissent être pilotés au niveau national et ne soient pas la simple collection des propositions locales.
Je souhaite ardemment que nous puissions réfléchir avec l'ensemble des partenaires, et notamment le CNEAP, à l'avenir de notre enseignement agricole et que nous ayons un schéma national fort, qui exprimera une volonté politique et dira clairement où nous allons, quelles sont les priorités, quels sont les moyens. Il faudra aussi veiller à sa cohérence avec la future loi d'orientation.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les grands enjeux pour les prochains mois et les prochaines années.
Je sais pouvoir compter sur vous, sur les enseignants, le personnel des établissements, les familles, les élèves, les professionnels qui participent à la vie du CNEAP, pour que l'enseignement agricole catholique occupe, demain toute sa place au sein d'un ensemble de formation performant, utile pour notre agriculture et nos campagnes, utile pour notre jeunesse, un enseignement reconnu, capable de former des professionnels, mais aussi des citoyens. Telle doit être notre ambition commune. Ensemble, nous la réaliserons.