Texte intégral
Il y a quelques jours une cérémonie fort instructive – le cinquantenaire du Plan – s’est tenue.
On pouvait s'attendre, à cette occasion, à la remise en selle par les pouvoirs publics, de ce qui fut, en son temps, une ardente obligation. La déception fut grande pour ceux qui considéraient, et nous en sommes, que la planification indicative se justifie pour éclairer les décisions des pouvoirs publics (gouvernement et parlement) pour les cinq années à venir. Avec la frénésie de réformes (ou de contre-réformes) actuelles, on peut même considérer que c'est indispensable pour ne pas se livrer à l'inconnu (dune à l'instabilité).
Il semblerait, selon les libéraux, qu'il soit difficile de prévoir à cinq ans dans une société dont l'économie est livrée à la mondialisation.
Comment alors comprendre que le Premier ministre vienne d'annoncer le coup d'envoi d'une réforme fiscale sur… cinq ans !
Ce qui vaut dans un cas devrait pourtant valoir dans un autre !
Comment alors ne pas penser que cette annonce quelque peu précipitée ait quelque lien avec les échéances électorales à venir !
Cela étant précisé, en demeurant relativement prudent, en ne citant, par exemple, aucun chiffre, le Premier ministre a cependant repris quelques orientations qui figurent dans le rapport qu'il avait commandé à M. de La Martinière.
La première est une baisse programmée sur cinq ans, à compter de 1997, de l'impôt sur le revenu. Pour le Premier ministre, cette baisse suppose au préalable une limitation des dépenses publiques. En quelque sorte il faut que l'État ait besoin de moins d'argent pour que l'impôt diminue. C'est-à-dire qu'on admet que la baisse de l'impôt sur le revenu soit conditionnée par le maintien d'une politique économique restrictive portant atteinte, notamment, aux services publics : moins de dépenses, moins d'État, moins d'impôt, c'est la logique du libéralisme économique de type anglo-saxon. Quand on regarde certaines des pistes évoquées par le rapport précité, on peut en outre avoir quelques inquiétudes. Ne parle-t-on pas par exemple de passer de 56,8 % à 40 % le taux maxima d'imposition pour éviter que les riches placent leur argent à l'étranger. Ne parle-t-on pas également de supprimer l'abattement de 20 % dont bénéficient les salariés, qui serait jugé archaïque ? Or, cet abattement est déjà insuffisant pour compenser les multiples éléments qui conduisent à minorer largement les impôts payés par les non-salariés. Rappelons en particulier que les revenus non-salariaux sont mal connus et bénéficient de multiples avantages fiscaux (par exemple, le prélèvement libératoire pour les revenus du capital). C'est pourquoi FO, dans la situation actuelle, demande que cet abattement soit porté de 20 à 30 %.
Le Premier ministre annonce enfin une baisse de l'impôt sur le revenu (on parle de 10 à 20 milliards) alors qu'en un an les ménages auront été surtaxés de plus de 100 milliards.
Deuxième orientation importante : le remplacement progressif de la cotisation ouvrière maladie par un nouvel impôt qui pourrait s'appeler CMU, de type CSG ou RDS déductible.
À terme, cet impôt remplacerait la quasi-totalité de la cotisation ouvrière maladie. Cela s'inscrit dans le mouvement de fiscalisation de la sécurité sociale, dicté par la volonté du gouvernement de réduire coûte que coûte les déficits au risque notamment, comme on le voit actuellement, de refroidir la croissance économique et l'emploi. On laisse entendre que cela serait financièrement favorable aux salariés, ce qui reste à démontrer car l'assiette est beaucoup plus large et concernerait divers types de revenus dont les allocations familiales. Quant à la déductibilité, elle favorisera ceux qui payent l'impôt sur le revenu. Et nous ne parlons pas de ce que subiront les chômeurs, les retraités, les fonctionnaires et agents du secteur public.
Rappelons-nous la CSG, il a fallu introduire une déduction forfaitaire de 42 francs qui, depuis, a disparu.
Enfin, fondamentalement, cela change la nature de la sécurité sociale, son rôle et prépare l'arrivée plus importante sur le marché de la santé des compagnies d'assurance.
De nouveau l'idée de fusionner la CMU el la CSG fait son chemin. Ce nouvel impôt global, retenu à la source, d'un taux de 7,4 points, rapporterait plus (350 milliards) que l'impôt sur le revenu, ce qui pourrait, dans un deuxième temps, permettre une deuxième fusion.
Dans tout cela les fondements de la démocratie sociale sont oubliés, ainsi que les fondements des valeurs républicaines,
Le principe général inscrit dans la Déclaration des droits de l'Homme, repris dans les différentes moutures constitutionnelles, précise : « la contribution commune aux charges de la Nation doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Lors de son premier congrès, la CGT-FO précisait quant à elle : « les inégalités sociales seront corrigées par une fiscalité équitable et un paiement effectif de l'impôt qui couvrira les besoins des grands services de la Nation ».
Cela signifie qu'une vraie réforme fiscale doit être guidée par le souci d'égalité des citoyens vis-à-vis de l'impôt.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui, compte tenu de la méconnaissance entretenue des revenus non salariaux, de la part importante des impôts indirects (TVA notamment) et de la croissance des impôts locaux.
Pire, alors que la cotisation sociale pour les salariés revêt un caractère égalitaire, son remplacement par l'impôt va engendrer la confusion et les ponctionner davantage.
Car tout cela se situe dans une logique visant à respecter conte que conte les critères européens de convergence. Alain Verhnoles expliquait, dans Le Monde du 5 juin 1996, sous le titre : Maastricht : les normes inaccessibles, le lendemain de l'annonce du Premier ministre :
« Pour réaliser l'union monétaire en 1999 (...) l'effort à accomplir celle année apparait considérable : réduire le déficit budgétaire de 323 milliards en 1995 à 287,8 milliards de francs, celui du régime général de sécurité sociale de 75 à 30 milliards (...) mais le plus difficile serait encore à venir avec, pour 1997, deux exercices relevant plus de la haute voltige que les pratiques gouvernementales habituelles : déficit budgétaire inférieur à 250 milliards, disparition - ou presque - du déficit de la sécurité sociale ».
C'est ce que nous expliquons depuis quelque temps et, tout cela, nous le redirons au Premier ministre quand il consultera les organisations syndicales.