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Le Fig-Eco. – Le patronat milite depuis toujours pour un élargissement du financement de la Sécurité sociale à d'autres revenus que ceux du travail. Pourtant, vous semblez très critique vis-à-vis de la CSG, pourquoi ?
Jean-Louis Giral. – Nous sommes effectivement favorable à un élargissement des sources de financement de la Sécurité sociale. La budgétisation partielle des prestations familiales va également dans le bon sens. Pour l'entreprise, le jeu se fait à somme nulle puisque nos cotisations familiales seront, à due proportion, transférées sur la branche vieillesse. Pour les salariés dont on diminue les cotisations vieillesse, on donne l'impression que les problèmes de retraite sont réglés : c'est une erreur psychologique importante et c'est un premier aspect négatif. Mais le plus grave, et c'est le gros point négatif, c'est que la CSG est devenu en fait un impôt, puisqu'il s'agit d'une contribution non déductible. On mélange deux problèmes : le financement de la Sécurité sociale et la redistribution de revenu. Certains salariés, à partir de 15 000 F, auront une impression immédiate de baisse de charges, mais ils auront une, mauvaise surprise en payant leurs impôts, car cette petite hausse de salaire viendra augmenter leur revenu imposable, et donc leur impôt. Et ce sont toujours les mêmes que l'on met à contribution. Un certain nombre de mesures prises actuellement vont dans le même sens, qu'il s'agisse de la taxe départementale d'habitation ou des déplafonnements de cotisations, les mesures touchent toujours les cadres et les chefs d'entreprise, qui sont quand même les moteurs de l'économie. Certes, le gouvernement semble avoir compris que pour maintenir l'emploi et la croissance il ne fallait plus charger les entreprises. Il n'a cependant pas encore compris qu'il ne faut pas pénaliser ceux qui insufflent du dynamisme aux entreprises, et notamment les cadres. Les déplafonnements successifs qui ont été décidés ces derniers temps ne font qu'encourager l'emploi des salariés peu qualifiés et dont les rémunérations sont moins élevées, plutôt que des salariés très formés et très qualifiés. La CSG conforte cette tendance négative.
Le Fig-Eco. - Vous reprochez également à la CSG d'être un instrument nouveau de financement, sans qu'il soit par ailleurs question de la maîtrise des dépenses. Pourtant, vous êtes cogestionnaire de la Sécurité sociale depuis 23 ans. Que proposez-vous ?
- Finissons-en avec cette hypocrisie qui veut que les partenaires sociaux soient responsables de la gestion de la Sécurité sociale. Ils ne le sont que théoriquement. C'est l'Etat qui est derrière, et si on veut faire avancer les réformes nécessaires, il faut ouvrir les dossiers dans le cadre d'une concertation tripartite. Les réformes ne peuvent être conduites par les conseils d'administration dont la mission est de gérer. Des mesures impopulaires devront être prises : cela nécessite que tout le monde s engage : Etat et partenaires sociaux.
Le Fig-Eco. - A quelles mesures pensez-vous ?
- Le financement de la branche famille ne saurait demeurer du seul ressort des entreprises. Cela devrait relever de la politique nataliste du gouvernement, et donc entrer dans le budget.
Pour la retraite, je crois qu'il faut avoir une réflexion sur les conditions de liquidation des pensions. J'admets que, pour des raisons symboliques, on ne veuille pas toucher à l'âge de la retraite, mais on devrait notamment exiger une durée d'activité plus grande que les 150 trimestres actuels. Quant à l'évolution des pensions, je pense qu'elle doit être fonction de la variation des prix et non de celle des salaires.
Pour la maladie, nous avons tous connaissance de dépenses inconsidérées, qu'il s'agisse des consultations multiples et successives ou des examens répétés. Il faut arriver à organiser un suivi de la personne et puis constituer un dossier du malade. La médecine libérale que nous défendons ne me semble pas exclure la responsabilisation des acteurs et la rationalisation des dépenses. C'est une question de solidarité nationale : elle doit s'exercer à un niveau raisonnable pour assurer le remboursement de ce qui est indispensable, mais pas du superflu ou du confort. Il y a une autre source de dépenses importantes, c'est l'hôpital. On a créé des hôpitaux souvent en fonction de la carte électorale plus que des besoins. On n'arrive pas à en sortir.
Le Fig-Eco. - Pourquoi dans ce cas maintenir la fiction des conseils d'administration ? Pourquoi ne pas laisser la gestion à l'Etat ?
- Il me semble normal que nous participions à la gestion, dès lors qu'il s'agit de nos cotisations et de l'intérêt général. Mais le jour où nous aurons l'impression que nous ne servons à rien ou que nous sommes marginalisés, nous partirons. C'est ce que nous avons fait, en juin, en démissionnant de l'Ucanss, organisme gestionnaire et employeur des personnels de Sécurité sociale. Et nous n'y reviendrons que s'il y a un équilibre entre représentants des employeurs et des salariés. Les syndicats tiennent à notre présence mais à une « présence alibi ». Ils ont tort. Car sur le fond, il est exclu que même avec neuf administrateurs sur dix-huit, nous ne recherchions pas le consensus maximum. Il ne faut pas oublier que nous gérons avec des organisations qui représentent et qui revendiquent pour les personnels de la Sécurité sociale.